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Correspondance et nouvelles 3e trim. 1830

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Correspondance et nouvelles 3e trim. 1830

MADRID.Industrie manufacturière. – Un décret publié par la Gazette de Madrid ordonne que dorénavant les draps qui seront employés pour l’habillement des armées espagnoles ne pourront être produits que par les fabriques du royaume. S’il faut en croire quelques lettres particulières, elles seraient dans un état qui leur permettrait bientôt de rivaliser avec les plus fameux établissemens industriels de l’Europe.


SEVILLE.École de tauromachie. – On a été obligé de supprimer, il y a quelques mois, faute de fonds, la chaire d’agriculture qui avait été établie dans cette ville et dont le maintien paraissait cependant indispensable. Mais le goût prononcé du peuple pour les combats de taureaux l’a emporté sur l’amour de la science. Voici le décret royal qui autorise la création d’une école de tauromachie.

« À l’intendant de Séville je dis sous cette date ce qui suit : J’ai rendu compte au roi notre seigneur du mémoire présenté par le comte de Estrella sur l’établissement d’une école de tauromachie dans votre ville, et du rapport de V. Exc. sur cet objet, et S. M., se conformant à la proposition faite par V. Exc. dans ce rapport, a daigné résoudre : 1o qu’on effectue l’établissement de tauromachie dont V. Exc. est nommée juge et protecteur particulier ; 2o que l’école se compose d’un maître aux appointemens de 12,000 réaux, d’un adjudant à ceux de 8,000, et de dix élèves à 2,000 réaux chacun par an ; 3o qu’on loue pour cet objet une maison immédiate à l’abattoir, où habiteront le maître, l’adjudant et quelque élève qui serait orphelin ; 4o qu’on accorde 6,000 réaux par an pour le loyer de la maison, et 20,000 pour les gratifications et autres dépenses imprévues de toute espèce ; 5o que les capitales des provinces et villes où il existe une maîtrise contribuent aux dépenses de l’école en payant 200 réaux pour chaque course de taureaux, et les autres villes en payant 75 réaux pour chaque course de jeunes taureaux, qui leur sera accordée sous la condition que, pour obtenir cette grâce, le paiement sera fait à l’avance, sous peine, par les infracteurs, de payer une amende du double, qui sera pareillement appliquée à l’école ; 6o que les intendans de provinces soient chargés de la perception de ce droit, et s’entendent directement pour cet objet avec V. Exc., comme juge et protecteur de l’établissement ; 7o que la ville de Séville fournisse aux premières dépenses avec les revenus de l’abattoir et le reliquat de la bourse de quiebras[1], sous condition de remboursement. Par ordre du roi je le communique à V. Exc., etc.

» Madrid, 28 mai 1830.

« Signé Ballesteros. »


BRISTOL.Pont colossal. – On va mettre à exécution un projet gigantesque à Bristol, la construction d’un pont suspendu sur l’Avon, assez vaste pour que les navires de toutes les grandeurs y puissent passer, voiles déployées. Ce pont sera d’une hauteur de 210 pieds anglais au-dessus de l’eau. Il s’appuiera sur des piles ou plutôt des tours gothiques qui s’élèveront de 50 pieds au-dessus du pont, et formeront comme des colonnes colossales de 260 pieds perpendiculaires. La largeur du pont sera d’environ 30 pieds.


GRAND DUCHÉ DE BADE.Fête anniversaire de la confession d’Augsbourg. – Le 25 juin, on a célébré solennellement à Bretten, ville natale du pieux Mélanchthon, l’illustre auteur de la confession d’Augsbourg, le trois-centième anniversaire de la publication de cette profession de foi. Un grand nombre d’ecclésiastiques, de fonctionnaires et d’habitans des environs s’étaient rendus dans cette ville pour prendre fraternellement part à cette mémorable solennité. On s’est d’abord réuni près de la maison où est né Mélanchthon, et qui était ornée de fleurs et de guirlandes ; puis l’on s’est rendu à l’église collégiale, dans laquelle le grand réformateur avait reçu le baptême, et qui était également décorée avec beaucoup de pompe. Plusieurs discours remarquables ont été prononcés devant l’assemblée. Le soir, la maison de Mélanchthon a été illuminée. À l’avenir, cette maison portera une inscription en fer coulé.


ZARA.Découverte de chacal. – On vient de découvrir des chacals (canis aureus) dans la partie méridionale de la Dalmatie. Ces animaux y sont regardés comme des chiens sauvages, et portent le nom de ciaghli ou ciageli. Jusqu’à présent le chacal n’était connu que comme indigène de l’Afrique et de l’Asie. Dans cette dernière partie du monde, on ne le rencontre au nord que jusqu’au 43e degré de latitude, ou jusqu’au versant méridional du Caucase. En Dalmatie il se trouve sous la même latitude.

RUSSIE.Mines de l’Oural. – La dernière caravane de l’Oural vient d’apporter à Saint-Pétersbourg le produit d’or et de platine exploité pendant le dernier semestre de l’année 1829. Les mines de la couronne avaient fourni en or 1,782 livres, et les mines particulières au-delà de 91 pouds ; en platine 1,155 livres, dont à peu près 50 livres des mines de la couronne, et le reste des mines particulières. Les mines les plus riches en or sont celle de Zlatoousk, appartenant à la couronne (elle avait fourni environ 891 livres), et celle de Verkhizetsk, appartenant à M. Jacovlev, qui avait fourni environ 841 livres. La plus riche mine de platine est celle des héritiers du conseiller privé Demidov : on y avait exploité 1,089 livres.


MOSCOU.Condition des débiteurs de l’état. – On avait coutume jusqu’ici de transporter dans un des gouvernemens de la Sibérie les citoyens de Moscou qui se trouvaient, par leur faute, dans l’impossibilité de payer l’impôt personnel à l’état. L’empereur Nicolas vient d’apporter quelques adoucissemens à cette habitude toute despotique. Si un citoyen destiné à être transplanté en Sibérie a des enfans qui ont atteint l’âge de 14 ans, ceux-ci sont libres d’y accompagner leur père ou de rester en Russie. Au-dessous de 14 ans, les enfans des veufs qu’on envoie en Sibérie doivent être retenus et envoyés dans une maison d’orphelins. Les citoyens âgés de plus de 60 ans ne peuvent être transportés en Sibérie. Ceux qui y ont changé de conduite sont relâchés après cinq ans, renvoyés avec des passeports en Russie, et peuvent se fixer où il leur plaît.


ISLANDE.Nouveau volcan. – Un nouveau volcan s’est montré le 13 mars de cette année, dans la mer, à l’ouest, et près des côtes de l’Islande. On n’en a aperçu que la fumée, et on n’a pu s’approcher faute de bâtiment. Dans la dernière moitié du mois de mai, la fumée avait cessé ; on craint que ce volcan n’ait formé une île sous-marine qui peut devenir pernicieuse à la navigation, et qu’il ne soit un avant-coureur d’une éruption de ceux de l’Islande ; car lorsqu’un semblable phénomène s’est montré la dernière fois, il fut suivi bientôt après d’une terrible éruption du Skaftafalls-Ioekelen, qui dévasta une étendue de terrain considérable.

ASIE.

ANDRINOPLE.Causes de l’émigration des Bulgares. – « … Des faits d’une grande importance ont lieu en ce moment dans ces contrées. À l’époque de l’entrée des armées russes en Bulgarie, les habitans chrétiens, n’imaginant pas que la paix dût succéder à l’invasion, se livrèrent vis-à-vis des Turcs à des excès qui furent d’abord considérés avec indifférence, mais ensuite réprimés par les chefs de l’armée russe. Aujourd’hui les Bulgares, malgré l’acte d’amnistie du Sultan et la loyauté avec laquelle il a été exécuté dans toutes ces provinces, ont depuis la paix commencé à émigrer, et la désertion est devenue à peu près générale. Trompés par des individus qui se proclamaient, à tort assurément, autorisés par le gouvernement russe et parcouraient les villes et bourgs, les principaux habitans ont quitté leurs maisons, leurs champs, leurs habitudes, et se sont rendus dans les provinces placées sous la domination ou la protection immédiate de l’empereur, dans l’espoir chimérique d’y être revêtus d’emplois suivant le rang des émigrés, et d’être exempts de tout impôt pour quinze ans. Car telles sont les fables dont on les a bercés, et le peuple suit peu à peu l’exemple que lui donnent ceux qu’il regarde comme ses chefs. Ici, à une autre époque, il a été délivré plus de mille passeports à des Grecs qui ont déclaré vouloir abandonner la ville, flattés par les mêmes hommes et par les mêmes espérances, auxquelles la folie ou la malveillance mêlaient un nom auguste. L’impulsion une fois donnée, chacun, après avoir pris ce qu’il avait de plus précieux, était accouru aux environs de Bourgas, afin de suivre l’armée ; d’autres sont déjà partis pour la Bessarabie, la Moldavie, la Valachie, de sorte que des bourgs et des villages entiers étant abandonnés avec les gros meubles, sont devenus la proie des gens sans aveu, qui, en attendant d’obéir eux-mêmes au mouvement général, se sont livrés au pillage et à tous les excès.

» Dès que la porte n’a pu continuer à voir ces désordres avec indifférence, il paraît qu’elle en a fait part à M. l’ambassadeur de Russie, et les officiers supérieurs de l’armée ont, dès ce moment, employé leur influence à dissuader les Grecs et les Bulgares, en désavouant formellement les promesses faites au peuple par des gens qui n’avaient pour cela aucune mission. L’affaire a paru assez sérieuse pour devenir l’objet de négociations entamées entre des agens des deux puissances. En attendant leur résultat, l’archevêque grec avait été chargé par le visir d’employer tous les moyens de persuasion pour arrêter l’émigration, contre laquelle le maréchal Diébitsch et tous ceux qui l’entourent se prononcent publiquement et avec énergie. Mais, sous prétexte de n’avoir rien pu gagner sur l’esprit de la multitude, et de la nécessité où le mettait ce mauvais succès de songer à sa sûreté, l’archevêque lui-même a émigré, et sa famille a quitté sans empêchement le territoire ottoman. Toutefois, comme résultat de sa mission, ce prélat a fait dire au visir que si la Porte voulait retenir les Bulgares, elle n’avait qu’à leur accorder :

1o Qu’aucun Turc ne pût être domicilié dans leurs bourgs et villages ;

2o Que l’ayan qui serait nommé pour juger leurs différends ne pût rien décider sans le concours de leurs primats ;

3o Et enfin qu’après la capitation et la dîme ils ne pussent être assujettis à aucune taxe, corvée ni imposition, et que ces nouvelles conditions fussent placées sous la garantie de la Russie.

» Pendant que ces scènes déplorables de fuite et de désordre se passaient dans la Bulgarie, les négociations continuaient dans la capitale. Il en est résulté qu’un consul général russe a été nommé à Silimnia, centre de la Bulgarie, pour recevoir les plaintes des Bulgares contre les autorités turques, et faire respecter les nouveaux priviléges qui leur seraient concédés. Ainsi ces priviléges seront donc, en définitive, placés sous la garantie de la Russie. On assure que des agens consulaires de cette puissance doivent être également nommés dans divers autres endroits.

» Quoi que puisse en penser l’opinion publique, il paraît certain que le cabinet russe, qui dans des circonstances récentes a fait preuve d’une grande loyauté, est demeuré étranger à ces mouvemens ; mais, par le fait, leur résultat est tout à son avantage : deux consuls russes sont au milieu des Balcans, investis de la protection des populations bulgares. En cas d’une nouvelle guerre, qu’heureusement on ne saurait prévoir, c’est un grand moyen de force ajouté à celle des armées.

» Le grand-visir revient de Constantinople ; on l’attend incessamment. On dit que l’unique but de son voyage était de faire connaître au sultan la véritable situation de son empire, et de lui soumettre les moyens propres à en empêcher l’entière décadence. Il a employé tout le temps qu’il a déjà passé ici à prendre une connaissance exacte de toutes les parties de l’administration ; il a comparé les livres des communautés avec ceux du Sandouck émini ; il a vu clairement toutes les malversations qui se commettaient, et jugé par lui-même de l’énormité des charges que les employés subalternes faisaient peser sur le peuple et sur les rayas depuis tant de temps ; enfin il s’est convaincu que la plus faible partie de revenus immenses parvenait seule dans les caisses du gouvernement, et après avoir reconnu l’existence de tous ces abus, il a formellement promis aux rayas qu’il allait travailler sans relâche à adoucir leur sort et qu’il espérait y réussir promptement. À présent on assure que le Grand-Seigneur lui a donné de pleins pouvoirs pour opérer une réforme générale : on a tout lieu d’espérer d’heureux résultats de cette mesure, car le grand-visir veut sincèrement le bien, et ses talens et la fermeté de son caractère lui permettent de l’opérer.[2].

Andrinople, 15 mai 1830.
A. B…


CONSTANTINOPLE.Députés grecs, arméniens et juifs. — Deux des principaux négocians de Smyrne, parmi les trois classes de rayas, grecs, arméniens et juifs, viennent d’être appelés à Constantinople d’après l’ordre du sultan. S. H. veut s’entretenir avec eux, et apprendre de leur bouche quels sont les abus dont leurs co-religionnaires peuvent avoir le plus à se plaindre, et qui exigent une prompte réforme. Il est à désirer que ces députés, qui reçoivent aujourd’hui de leur souverain même une mission que, dans d’autres pays, ils doivent à leurs concitoyens, puissent s’exprimer avec franchise, et dévoiler sans craintes à ses yeux toutes les plaies de l’administration. Malheureusement ce sont tous des commerçans, d’une instruction fort médiocre, et qui seront entraînés à ne parler que de ce qui peut entraver plus ou moins leurs petits intérêts particuliers. Ce sont les agriculteurs qu’il serait surtout important de consulter ; c’est parmi eux qu’il faudrait faire descendre les premiers bienfaits des réformes administratives.


SMYRNE. – « … Martyr grec. – Notre ville vient d’être le théâtre d’un événement déplorable produit par un atroce fanatisme.

» Un jeune Grec de Candie, nommé Matteo, autrefois esclave d’un boucher turc, embrassa la religion musulmane à l’âge de douze ans. Deux ans après il s’enfuit de chez son maître, se rendit à Constantinople, et de là en Russie, où il demeura plusieurs années. Dernièrement le désir de revoir sa patrie le fit revenir à Constantinople, où il s’embarqua sur un navire ionien qui faisait voile pour Smyrne, espérant trouver dans cette ville quelque occasion pour Candie. Pendant la traversée, un prêtre grec, son compagnon de voyage, l’entreprit sur le chapitre de la religion. Le malheureux jeune homme lui avoua que dans son enfance il avait abjuré la sienne, mais que depuis il était intérieurement revenu à la foi de ses pères, qu’il n’avait cessé de professer dans son cœur. Le papas, ne trouvant pas cette conversion tacite suffisante, fit au jeune homme un tableau épouvantable des peines de l’enfer, l’assura qu’il ne pourrait obtenir le pardon de Dieu qu’en faisant le sacrifice de sa vie au lieu même témoin de son apostasie ; enfin il lui causa un tel effroi, et lui exalta l’imagination au point qu’il le décida à tout faire pour mériter la palme du martyre.

» Arrivé à Smyrne, le jeune Matteo, après avoir pris plusieurs fortes doses de boissons enivrantes, alla immédiatement chez son ancien maître, et l’ayant trouvé dans sa boutique, il l’accabla d’injures et de menaces. Le Turc, croyant avoir affaire à un fou, écouta d’abord patiemment les propos les plus outrageans ; mais Matteo irrité encore davantage par ce sang-froid, se livra à de nouvelles provocations. Les voisins se réunirent alors devant la porte du boucher, la garde fut appelée et mit fin au désordre en arrêtant le perturbateur.

» Conduit d’abord devant le mollah, il continua à proférer les mêmes invectives et à outrager la religion mahométane. Le mollah le considérant comme un homme privé de son bon sens, en référa au pacha, devant lequel Matteo fut conduit. Le pacha, après avoir entendu toutes les imprécations qu’il vomissait contre lui et contre la religion du prophète, s’apercevant que son exaltation était en partie produite par l’ivresse, le fit mener en prison, et lui donna trois jours, non pas pour déclarer une seconde fois qu’il était mahométan, mais tout simplement pour réfléchir à sa position et apporter plus de modération dans ses discours. Au bout de ce terme, Matteo fut de nouveau traduit en présence du pacha, et son emportement ayant pris une nouvelle fureur qui s’exhalait en termes les plus outrageans, le pacha l’abandonna à son sort, et il fut décapité le 25.

» Le capitaine ionien qui l’avait amené avait cherché à le sauver en le faisant réclamer comme un de ses matelots ; S. Exc. Yussouf pacha accueillait avec empressement ce moyen de le délivrer ; mais les exhortations du prêtre grec avaient fait une impression trop profonde sur cette tête jeune et ignorante, et Matteo s’était refusé obstinément à tout moyen de conserver sa vie.

» Une foule immense de Grecs s’était portée sur le lieu de l’exécution, et se précipita, malgré les efforts de la garde pour la retenir, sur le cadavre de celui que le fanatisme et l’ignorance lui font considérer comme un saint martyr, pour dérober quelques gouttes de sang, ou quelques lambeaux de ses vêtemens dont le peuple grec fait des reliques.

» Smyrne, 28 mai 1830. »
C. …


SMYRNE. École protestante. – Une école protestante, où l’on enseigne le latin et les langues vivantes, vient d’être établie à Smyrne, sous la direction de M. Brewer, par les soins et aux frais d’une société philanthropique des États-Unis d’Amérique.

Chaque élève ne paie que huit piastres fortes d’Espagne par trimestre : cette rétribution est destinée seulement aux menus frais de l’établissement, le directeur et les professeurs recevant leurs honoraires de la société fondatrice : quant aux enfans dont les parens sont hors d’état de rien payer, ils sont reçus gratis, ou même on leur fournit l’habillement.

Aucune espèce de différence religieuse n’existe dans l’école, où l’on admet indistinctement les enfans de toutes les sectes.

Le directeur donne gratuitement des leçons d’anglais au collége grec de la ville ; dernièrement une députation de la communauté est allée le remercier pour cet acte d’une insigne obligeance.

Une classe de petites filles est dirigée avec beaucoup de soins par madame Brewer et une dame américaine.

Plusieurs établissemens du même genre ont été créés en Grèce et dans les îles de l’Archipel, où on bénira bientôt les membres d’une société consacrée à la propagation de l’instruction et au bonheur de l’humanité.


MAGNÉSIE.Cérémonies funèbres des Grecs. – « … Le nombre assez considérable de Grecs qui habitent cette ville, et le manque absolu de ces distractions qui empêchent de fixer long-temps les yeux sur le même objet, me permettent d’observer quelques uns de leurs usages et de signaler ceux que je crois nuisibles. J’ai aujourd’hui à en indiquer un qui intéresse essentiellement leur société, puisqu’il se rattache à l’existence des individus.

» Dans toute secte, les législateurs religieux, en jetant les bases de leurs cultes, ont eu constamment en vue de les établir sur la morale et la conservation de la santé. Si c’est là une vérité qu’on ne peut nier, il en résulte que, quelle que soit la religion, tout ce qui tend à détruire ces sages principes, seul appui du droit social, doit être appelé abus de religion et faux culte de la secte qui lui donne accès. L’extirpation de ces abus ne blessant ni directement ni indirectement les bases religieuses, doit être provoquée par tout homme qui en a une fois reconnu les conséquences funestes. Voici entre autres celui que j’ai remarqué parmi les Grecs de cette ville.

» À peine un Grec paraît-il expiré, qu’on le dépouille de ses vêtemens et qu’on le revêt d’une longue chemise à laquelle on donne le nom de savana. Une croix de bois est placée dans sa bouche qu’on ferme avec une bande qui passe dessous le menton et joint au-dessus de l’occiput, de manière à tenir la bouche hermétiquement fermée, afin que les démons ne puissent y entrer ; et c’est pour cela qu’on regarde comme une faute grave de différer d’un seul moment cette opération qu’on nomme savanisi. Si elle n’avait lieu que sur les morts, cette pratique superstitieuse serait sans inconvénient, et ne mériterait pas d’observations sérieuses ; mais comme il arrive qu’on ferme ainsi la bouche à des individus encore vivans, et qu’avec cette fausse charité on jette dans la tombe des hommes qu’un peu de patience et de secours auraient pu rappeler à la vie, et qui auraient été encore utiles à la société, cette piété, que je ne crains pas d’appeler criminelle, doit disparaître devant les conseils de la raison.

» Les gouvernemens européens défendent, sous des peines sévères, d’ensevelir les personnes que frappe une mort subite, avant que le médecin se soit assuré par des moyens indiqués que la vie a effectivement cessé ; et encore est-il ordonné de laisser écouler un délai raisonnable, après lequel des signes de corruption sont le résultat infaillible de la mort. Combien d’exemples d’individus asphyxiés dont les histoires médicales font mention, et que les secours de l’art ont rendus à la vie ! Il est donc du devoir de la civilisation d’ouvrir les yeux de ces peuples aveugles, et de les amener à renoncer à des pratiques superstitieuses qui portent des coups irréparables à la société.

» Magnésie, 3 juin 1830. »
B…
OCÉANIE

NOUVELLE-HOLLANDE.Situation des colonies anglaises. – Les lettres arrivées de la rivière des Cygnes annoncent que le territoire de cette colonie, à quelque distance de la côte, est excellent, de sorte que toutes les terres disponibles, d’après le premier plan de cet établissement, ont été rapidement distribuées. On y a donc commencé une nouvelle répartition, le 2 novembre dernier, laquelle s’étend jusqu’au 33e degré de latitude méridionale. La colonie était alors dans un état progressif ; une portion considérable de terre avait déjà été mise en culture, et comme on commençait à manquer de bras, plusieurs colons avaient conçu le projet de faire venir des laboureurs chinois de l’île de Java. Les travaux publics étaient également poursuivis avec beaucoup de zèle. Le lieutenant-gouverneur Stirling venait de publier un réglement très-étendu, relatif aux concessions de terrains et sur la division et la subdivision de la colonie en comtés, cantons, juridictions et sections. Chaque section doit contenir 640 acres anglais ; chaque juridiction aura 25 sections ; chaque canton se composera de 4 juridictions, et chaque comté de 400 cantons. Les concessions de terrains seront toutes d’un mille anglais carré. On voit donc qu’en général la colonie se trouve dans un état favorable.

AMÉRIQUE.

ÉTATS-UNIS.Situation des diverses tribus indiennes. – Voici un extrait du rapport du secrétaire de la guerre au congrès national des Indiens des États-Unis.

Les Chikesaws ont des chevaux en abondance, de nombreux troupeaux de bœufs, de cochons, de moutons et de chèvres ; ils cultivent le coton, le maïs, le blé, l’avoine et divers légumes. En 1829, ils ont exporté environ mille ballots de coton, et beaucoup de bœufs et de cochons. Ils ne se servent d’armes à feu que pour leur amusement, et n’en ont plus besoin pour se procurer leur subsistance.

Chaque famille s’occupe plus ou moins de l’agriculture ; ce sont les hommes qui cultivent les champs, et non pas, comme autrefois, les femmes. Les écoles fleurissent parmi eux, et une partie de la jeunesse professe la religion chrétienne. C’est une nation brave et valeureuse ; les femmes sont belles et chastes ; les mœurs y font de grands progrès depuis quelques années. Les lois sont écrites, claires et peu nombreuses ; elles visent principalement à entretenir la paix et l’ordre. Les arts mécaniques font des progrès rapides chez ce peuple, et on y voit partout des charpentiers, des charrons et des forgerons.

Les Choctaws ont fait aussi un grand pas dans la civilisation. Ils ont établi chez eux un gouvernement régulier ; leurs lois sont écrites et précises ; elles sont relatives à tous les cas civils et criminels qui peuvent se présenter chez un peuple de leur espèce. La population des Choctaws était, en 1829, de 5,627 individus. Ils ont beaucoup de bœufs, de chevaux et de moutons ; on compte chez eux cinq écoles. Leurs anciens usages superstitieux sont à peu près abolis.

Le rapport sur l’état des Cherokées n’est pas aussi favorable ; cependant voici ce que dit un Européen qui a vécu pendant quatre ans parmi eux. Ils s’habillent comme les peuples civilisés ; la plupart de leurs femmes savent filer et tisser ; toute la nation s’occupe d’agriculture ; il n’y a plus de chasseurs nomades ; leurs maisons sont en partie en briques ; les jeunes gens lisent et écrivent leur langue maternelle. Il y a parmi eux 180 sectateurs de l’église presbytérienne, 54 frères moraves, 50 anabaptistes, et plus de 800 méthodistes.

Les Creeks n’ont pas fait de progrès dans la civilisation ou du moins leurs progrès ont été très-faibles ; cette nation cruelle croupit dans tous les vices.

Les Indiens du Missouri sont encore dans leur ancienne ignorance, et tout-à-fait sauvages : ils cultivent la terre, mais sans industrie, et ne récoltent que quelques pois et du maïs.

Une partie des Miamis et des Pottowatamis cultivent le maïs, et nourrissent des animaux domestiques ; mais il n’y a pas d’artisans, et la société est encore au dernier degré de la civilisation. L’ivrognerie occasionne une grande mortalité parmi eux.


ÉTATS-UNIS. Société anti-masculine. – Il s’est tenu dernièrement à Mame une assemblée de dames pour délibérer sur la convenance d’établir une association qui s’appellera société anti-masculine. C’est, disent-elles, un fait constant que les hommes, par une combinaison fatale, se sont appliqués à garder entre eux tous les emplois politiques, à l’exclusion des femmes. Celles-ci sont maintenant résolues à détruire cet injuste monopole, et, sinon à exclure entièrement les hommes, du moins à avoir elles-mêmes une part égale dans la répartition des emplois. Cette réunion singulière a fait beaucoup de bruit.


NEW-YORK.Prison d’état d’Auburn. – D’après le rapport des inspecteurs, il paraît que le travail des prisonniers, pendant l’année terminée au 31 octobre 1829, a produit 39,933 dollars, et que les frais d’entretien, durant le même intervalle, ont été de 38,200. On y avait reçu cette année 170 convicts ; 6 y étaient morts, 67 avaient été libérés à l’expiration de leur peine et 27 graciés. Les inspecteurs pensent que l’état de la prison serait susceptible de grandes améliorations ; et ils regrettent de voir des enfans de douze à quinze ans confondus avec des scélérats endurcis dans le crime. L’administration étant dans l’habitude de prendre des notes sur les dispositions de chacun des détenus, a recueilli quelques faits à la fois intéressans pour le législateur, le philanthrope et le chrétien. Un de ces faits montre l’étroite liaison qui existe entre l’intempérance et le crime. Parmi les 94 convicts, libérés en 1829, 63, de leur propre aveu, étaient adonnés à un usage immodéré des liqueurs spiritueuses, et parmi les 391 congédiés pendant les quatre dernières années, 211 avaient été plus ou moins intempérans.

Une école du dimanche, placée sous l’inspection immédiate de l’aumônier de la prison, a déjà produit les résultats les plus satisfaisans. Elle renferme environ 150 écoliers, et est desservie gratuitement par 30 élèves du séminaire théologique.

Le nombre des prisonniers était, au 1er janvier 1830, de 639, savoir : 564 hommes blancs et 10 femmes, et 52 hommes noirs et 13 femmes. Il y en avait 3 de l’âge de 12 à 15 ans ; 72 de 15 à 20 ans ; 301, de 20 à 30 ; 183, de 30 à 40 ; 50, de 40 à 50 ; 26, de 50 à 60 et 4, de 60 à 80.

290 avaient été convaincus de vol, 84 de larcin, 56 de faux-monnayage, 46 de faux, 40 de vol avec effraction, 23 de coups et blessures dans l’intention de commettre un viol ; 18 id. dans l’intention de tuer, 14 d’évasion de prison, 14 de parjure, 10 d’homicide, 9 de bigamie, 6 de rapt, 9 d’incendies, 5 de meurtre, 6 de vol sur les grands chemins, 6 d’escroquerie, 2 d’empoisonnement, 1 de sodomie.

471 prisonniers travaillent à divers arts mécaniques pour le compte de particuliers, et 168 pour celui de la prison.

Il y en avait 405 natifs de New-York, 48 du Connecticut, 47 du Massachusets, 46 d’Irlande, 43 de Vermont, 30 du Canada, 25 d’Angleterre, 19 de Pensylvanie, 14 de New-Hampshire, 12 de Rhode-Island, 11 de N.-Jersey, 8 d’Écosse, 5 de Maryland, 5 de France, 4 de Virginie, 3 de Maine, 3 de Delaware, 3 de Kentucky, 3 d’Allemagne, 2 de Washington, 2 de la Caroline méridionale, 1 d’Espagne. Total 639.

B…


NEW-YORK. Projet d’université. – Il est question d’établir à New-York, au moyen de souscriptions volontaires une université où seront enseignées toutes les sciences, depuis les connaissances les plus nécessaires à la vie ordinaire jusqu’à celles de l’ordre le plus élevé. La rétribution annuelle sera de 54 à 81 fr. pour chaque élève. Les professeurs dépendront uniquement de ces honoraires, ce qui établira une concurrence continuelle. Le capital de l’université divisé en actions ne passera pas 1,355,000 fr. ; chacun des actionnaires aura le droit d’envoyer à l’université un ou deux étudians Chaque canton de l’état de New-York pourra en outre proposer un certain nombre de jeunes gens d’un mérite reconnu, mais sans ressources suffisantes.


CONNECTICUT.Institution des sourds-muets de Hartford. – Cet établissement est dirigé par M. Thomas Gallaudet, qui a sous lui neuf surveillans ou instructeurs. Il y a été admis, depuis sa fondation, 303 élèves, dont 160 avaient quitté l’école, et 143 s’y trouvaient encore au 1er mai 1829. Les directeurs remarquent dans leur rapport que sur 279 élèves qui y avaient reçu leur éducation, 116 étaient sourds-muets de naissance ; 135 avaient perdu l’ouïe dans leur enfance par suite de maladies ou d’accidens, et 28 dont on ne pouvait préciser la cause.

Ces 279 élèves provenaient de 247 familles, dont 47 comptaient plus d’un enfant sourd-muet ; 29 familles en avaient chacune 2 ; 4 familles, 3 ; 7 familles, 4 ; 4 familles 5 ; 2 familles, 6 ; et une famille, 7. Les directeurs disent n’avoir connaissance que de deux exemples où les père et mère fussent affligés de cette infirmité. L’un était un homme qui avait deux enfans sourds-muets et un autre qui avait donné le jour à quatre.

Les dépenses de l’établissement, en 1829, ont été de 22,979 dollars 37 cent., et les recettes de 23,041 dollars, 55 cent. Le prix de la pension est de 150 dollars. En 1828, l’état de Connecticut accorda 1500 dollars à l’institution, et 2000, en 1829. Le Massachussets lui en alloue 6,500 par an, et les états de Maine, New-Hampshire et Vermont viennent aussi à son secours.


TERRE NEUVE.Pêche des phoques. – Trois cents bâtimens, ayant plus de 2,400 hommes à bord, sont sortis, pendant le printemps de cette année, des différens ports de Terre-Neuve pour la pêche des phoques. Dix-sept de ces vaisseaux étaient revenus vers la fin du mois de mars, et ont apporté 38,968 phoques.


PARIS.Académie des sciencesSéance du 6 septembre 1830. – M. Gay-Lussac annonce que M. Braconnot vient de découvrir dans l’écorce du peuplier une substance nommée salicine, et une autre substance qu’il regarde comme nouvelle, et qu’il appelle populine. – M. Geoffroy Saint-Hilaire lit un mémoire sur l’enfant à double train de derrière présenté par madame Eude, sage-femme, et dont il a été question dans la séance précédente. Cet académicien fait connaître dans son mémoire ce qu’il y a de particulier et d’incomplet dans ces membranes surnuméraires. – MM. Cuvier et Duméril font un rapport sur un mémoire relatif à l’organe de l’audition de quelques poissons, par M. Breschet, dont les observations confirment en partie ce qui a été vu le plus récemment par les anatomistes qui l’ont précédé, et offrent en outre plusieurs particularités nouvelles, principalement sur l’alose, l’esturgeon, la carpe et la raie. – MM. Gay-Lussac, Flourens et Navier font un rapport sur le mémoire de M. Charbrier, relatif aux moyens de voyager dans l’air et de s’y diriger, et à une théorie nouvelle des mouvemens des animaux. – M. Morren termine la lecture de son mémoire sur l’influence qu’exerce la lumière dans le développement des êtres attribués à la génération spontanée.

13 septembre. – M. Arago lit une lettre qu’il a reçue de M. Mattenei de Forli, et dans laquelle ce physicien cite des expériences qui prouvent, qu’au moment du contact de deux substances dissemblables, il y a développement d’électricité, même quand ce contact n’est accompagné d’aucune action chimique. – M. Binard présente un mémoire sur l’action que la gelée exerce sur les pierres ; MM. Héricart de Thury et Navier sont chargés d’en faire leur rapport à l’académie. – M. Bicor-Madiana, auteur de la Toxicologie des Antilles, adresse l’histoire des poisons vénéneux de ce pays. — M. Andermas envoie un mémoire sur la construction des routes et la réduction des cartes. – M. Cagniart-Latour lit un mémoire sur l’effet sonore produit par les corps qui tournent très-rapidement ; MM. Prony, Navier et Savart sont chargés d’en rendre compte. – M. Velpeau lit un mémoire sur l’amputation de la jambe dans l’articulation du genou, avec la description d’un nouveau procédé pour cette opération, qu’il prétend être préférable à celle de la cuisse, et dont il fait ressortir les avantages sur cette dernière en ce que, d’abord elle est moins douloureuse et moins dangereuse, et qu’ensuite elle permet au malade de se servir d’une jambe de bois, au lieu qu’il est réduit à porter un cuissart quand il a subi l’amputation de la cuisse.

20 septembre. – M. Arago lit une lettre de M. Le docteur Keil. L’auteur annonce que, par des procédés particuliers, il est parvenu à fabriquer des aimans artificiels dont la force est beaucoup plus grande que celle de tous ceux qu’on a obtenus jusqu’ici. Les aimans les plus puissans qu’on ait livrés au commerce, jusqu’à ce jour, n’ont pas une force d’attraction supérieure à 40 kilogrammes, et sont d’un poids au moins égal à celui qu’ils supportent. La supériorité des aimans fabriqués par M. Keil est telle, qu’il en met un sous les yeux de l’académie qui, ne pesant que 20 kilogrammes, supporte un poids de 150. – M. Jacobi écrit à l’académie pour la remercier du prix qu’elle lui a décerné dans la séance du 26 juillet ; il lui annonce que les recherches qu’elle a couronnées l’ont conduit à un perfectionnement inattendu de la théorie des perturbations. Cette théorie était présentée d’une manière très-imparfaite dans la mécanique céleste. – MM. Latreille et Duméril font un rapport sur la monographie des insectes mélitrophiles de MM. Percheron et Gaury. – M. Frédéric Cuvier lit un essai sur la classification naturelle des vespertilions, et la description de plusieurs espèces de ce genre ; ce sont les animaux qu’on désigne sous le nom de chauve-souris. Il fait sentir la nécessité d’une classification chez ces animaux, et après les avoir divisés d’abord en trois groupes : les noctiloïdes, sérotinoïdes et les matinoïdes, il passe en revue les différentes particularités qui pourraient servir de base à sa classification, et s’arrête aux modifications que présente le sens de l’ouïe, sens qui, chez les chauve-souris, joue évidemment le rôle le plus important.

27 septembre. – MM. Arago, Gay-Lussac et Savart font un rapport sur une lampe hydraulique présentée par la maison Thayot et compagnie, et qui, tout en possédant les avantages de celles de Gérard, n’offre aucun de leurs défauts.

Cette lampe, remarquable par la simplicité de sa construction, par la disposition ingénieuse de ses diverses parties, et par les propriétés dont elle jouit de pouvoir être chargée facilement et transportée d’un lieu dans un autre sans déversement d’huile, n’est susceptible que d’un seul reproche, celui de présenter plusieurs soudures qui demandent à être faites avec beaucoup de soin ; néanmoins, comme elles sont presque toutes situées à l’extérieur, on peut dire que leur vérification étant très-facile, cet inconvénient est en réalité moins grand qu’il ne paraît d’abord. – MM. Henri Cassini et Mirbel font un rapport sur les observations d’anatomie et de physiologie végétale que le docteur Schultz avait présentées à l’académie, et dans lesquelles il démontre qu’il existe dans les végétaux une circulation comparable, à quelques égards, à celle des animaux, et cite à l’appui des preuves remarquables et pleines d’intérêt. La découverte de M. Schultz est précieuse pour l’anatomie et la physiologie végétales ; elle éclaire ces deux branches de la science l’une par l’autre, et démontre entre les végétaux et les animaux des rapports qu’on ne soupçonnait même pas.


TOULOUSE.Académie des sciences. – L’académie des sciences de cette ville a proposé la question suivante pour le prix qui doit être décerné en 1833 :

Indiquer les circonstances dans lesquelles le minerai de fer extrait des mines de Rancié, et traité dans les forges catalanes des Pyrénées, y produit une sorte d’acier naturel, dit fer-cédat ou fer-fort, dans le pays, par opposition au fer doux que l’on retire habituellement des mêmes forges. Déterminer ensuite les conditions qui assurent la production du fer fort, de manière à l’obtenir à volonté.

La solution des deux parties de la question doit être fondée sur des faits observés dans les forges catalanes et constatés d’une manière authentique.

Le prix qui doit être décerné consiste en une médaille d’or de la valeur de 500 francs.

La même académie doit aussi décerner pour l’année 1832 un prix double (médaille d’or de 1000 francs) à une théorie physico-mathématique des pompes aspirantes et foulantes, faisant connaître le rapport qui existe entre la force motrice et la quantité d’eau élevée à une hauteur donnée, en ayant égard aux principaux obstacles que la force doit surmonter.

Les lettres et mémoires doivent être adressés à M. Aubusson-Desvoisins, secrétaire perpétuel de l’académie. Ceux qui seraient présentés passé le 1er février ne seront point admis au concours.

Académie des jeux floraux. – L’Académie des jeux floraux a proposé pour le sujet du discours mis au concours de 1831 la question suivante : Est-ce par l’imitation ou par l’invention que la littérature française a fait le plus de progrès ? Les auteurs devront faire remettre par une personne domiciliée à Toulouse trois copies de chaque ouvrage à M. de Malaret, secrétaire perpétuel, qui en donnera un récépissé.

Société royale d’agriculture du département de la Haute-Garonne. – Le grand prix d’honneur pour l’amélioration des laines sera décerné dans la séance publique du 24 juin 1831. Ce prix consiste en houlettes de vermeil et d’argent.

LONDRES.Revenus et dépenses de la compagnie des Indes. – L’aperçu des revenus et des dépenses annuels de la compagnie des Indes, pour 1825, 1826 et 1827, vient d’être imprimé par ordre de la chambre des communes. On voit par ces documens que, pendant l’année 1825-26, les dépenses dépassaient le revenu de 34,102,429 francs, vu les entreprises guerrières de cette époque. En 1826-27, il y avait un excédant de revenu de 48,758,749 fr. ; en 1827-28, cet excédant était de 21,299,014 fr. On estime qu’en 1828-29, il a été de 86,771,739 fr. ; mais dans ce calcul on ne porte pas en compte l’intérêt des dettes qui montait, en 1825-26, à 39,713,713 fr. Depuis, ces intérêts se sont accrus graduellement, et on les estimait pour 1828-29 à 50,694,235 fr. Les dépenses pour l’île Sainte-Hélène sont également omises dans cet aperçu. Si l’on compte tout cela, on trouve pour résultat, pour 1825-26, un déficit de 76,598,350 fr. ; pour l’année 1826-27, l’excédant peu important de 1,796,835 fr. ; pour l’année 1827-28, un déficit de 30,128,780 fr. : enfin, pour l’année dernière, 1828-29, un excédant de 33,228,543 fr. Les gros revenus sur lesquels ces variations se font remarquer sont :

Pour 1825-26 
 532,435,377 fr.
Pour 1826-27 
 589,264,224 fr.
Pour 1827-28 
 576,002,044 fr.
Pour 1828-29 
 583,352,501 fr.

La totalité de la dette territoriale de l’Inde est portée à 1,197,316,861 fr. Les dépenses annuelles pour ses établissemens de commerce, payées par la compagnie au Bengale, à Madras, à l’île du prince de Galles et à Canton montaient :

Pour 1825-26 
 7,048,238 fr.
Pour 1826-27 
 8,914,539 fr.
Pour 1827-28 
 7,848,817 fr.
Pour 1828-29 
 7,653,920 fr.

Les premiers frais pour les cargaisons achetées dans l’Inde, à l’exception de la Chine, ont été :

Pour 1825-26 
 41,494,068 fr.
Pour 1826-27 
 45,937,684 fr.
Pour 1827-28 
 55,911,416 fr.

LONDRES. Nombre des navires construits en Angleterre en 1829. — Ce nombre n’est point aussi considérables que celui des années précédentes ; il s’élève à 1,185 navires, qui font un tonnage de 128,752 tonneaux. En 1828, on a construit 1,440 navires, jeaugeant 163,750 tonneaux : le nombre des constructions maritimes et la somme de leur jeaugeage s’élevaient plus haut encore pendant les années précédentes. En 1828, le nombre des mousses et matelots a été évalué à 155,000.

GRAND-DUCHÉ DE POSEN.Société pour l’établissement d’un troupeau modèle de la race des mérinos. – Quelques amis de l’agriculture, propriétaires des terres situées dans cette partie de la Pologne, qu’on a nommée en dernier lieu grand-duché de Posen, voulant concourir au développement de la branche aujourd’hui la plus lucrative de l’industrie nationale qui est l’éducation des bêtes à laine, résolurent de former une association spéciale pour l’établissement d’un troupeau modèle de race superfine à laine de carde, non-seulement dans le but de favoriser la propagation de cette race précieuse mais aussi afin de se livrer en commun à la recherche des moyens propres à la porter elle-même au plus haut degré d’amélioration qu’il sera possible d’atteindre, sans altérer son type par le croisement. La société est formée pour vingt ans. Son capital a été fourni par soixante actions qui sont au nom des propriétaires, et ne peuvent être transférées qu’avec l’agrément de la direction qui régit les affaires de la société. Le choix du troupeau mérite les plus grands éloges ; il a été fait en Silésie, dans les bergeries du sieur Lulsnowski, qui possède une espèce dont le lainage jouit, en quelque sorte, d’une réputation européenne. Acquis au printemps de l’année 1830, ce troupeau fut placé, conformément aux statuts, chez un membre de l’association, qui a pu offrir toutes les garanties nécessaires pour le succès de l’entreprise. Chaque année, ou selon l’exigence, il y aura assemblée générale où tout propriétaire d’une action a voix délibérative. Cette assemblée entend le rapport de la direction, vérifie ses comptes, nomme les administrateurs de la société, et déplace le troupeau, s’il le faut, pour le confier à un autre de ses membres. Le droit de voter est personnel ; nul ne peut voter par procuration d’un membre absent. Aucun actionnaire ne peut posséder, sous son nom, plus de dix actions. À l’exception du produit en laine, qui doit indemniser l’éleveur pour les frais d’entretien, les bénéfices seront répartis chaque année de la manière suivante : au jour fixé par la direction, et en présence des actionnaires ou de leurs commettans, le partage des béliers se fera au sort ; quelques béliers d’élite et les brebis de réforme, tant vieilles que jeunes, se vendront au plus offrant parmi les actionnaires : sur l’argent provenant de la vente, la direction prélèvera la somme affectée à l’amélioration du troupeau modèle, ainsi que le montant des frais non compris dans ceux qui sont à la charge de l’éleveur, le reste sera réparti entre les actionnaires. – Tel est en substance le réglement de la société, pour l’établissement d’un troupeau-modèle de la race des mérinos dans le grand duché de Posen. Elle s’est réservé d’ailleurs la faculté de le modifier, et d’y ajouter à l’avenir tout ce qui pourra servir l’objet qu’elle a surtout en vue, celui de donner à la production des laines une direction salutaire. Aujourd’hui son mérite principal est d’avoir commencé, dans l’intérêt de cette branche précieuse de l’industrie agricole, par l’emploi d’un moyen trop souvent négligé et pourtant efficace, qui est de prêcher d’exemple.

C. P.
ASIE.

ÎLE DE CEYLAN.Fête de Shakespeare. – Le Ceylan-Gazette contient un long détail de la fête donnée, le 20 novembre dernier, par le gouverneur de Ceylan et son épouse, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de leur fille. Les lettres adressées aux nombreux invités les engageaient à se présenter avec le costume de l’un des personnages des pièces de Shakespeare. D’après cet avis, ils arrivèrent à l’heure indiquée, en costumes plus ou moins riches, plus ou moins bizarres ; les uns isolément, d’autres par groupes, où figuraient les divers personnages d’une pièce. Aussitôt que tout fut réuni dans un vaste et brillant salon, une porte du fond s’ouvrit, et laissa apercevoir, dans une autre pièce lady Barnes, épouse du gouverneur, assise sur un trône, le sceptre à la main, et portant le costume de la reine Élisabeth. Le gouverneur, vêtu en Leicester, et portant l’ordre de la jarretière, était debout auprès d’elle. Sur l’invitation d’un aide-de-camp, les convives s’approchèrent du trône, et vinrent à tour de rôle présenter leurs hommages à l’aimable souveraine. Le souper, auquel deux cents personnes prirent place, fut suivi d’un bal qui se prolongea jusqu’à sept heures du matin, et après lequel les costumes shakespeariens de quelques invités qui rentraient chez eux à pied furent, de la part des habitans, le sujet d’une foule de conjectures et de longues conversations.


BOMBAY.Service de bateaux à vapeur. – Un service régulier de bateaux à vapeur paraît devoir s’organiser incessamment pour la traversée de l’Inde en Angleterre. M. J. W. Taylor, spéculateur anglais, auteur de ce projet, est arrivé dernièrement à Bombay, et s’occupe avec activité de le mettre en exécution. D’après l’aperçu qu’il en a tracé, les bateaux à vapeur doivent être assez nombreux pour que tous les quinze jours il puisse en partir un en même temps de l’Angleterre et de l’Inde. La route, qui doit s’effectuer en cinquante-cinq jours, doit avoir lieu en traversant la mer Rouge et la Méditerranée, et fournir des moyens de transport et de communication beaucoup plus réguliers, plus fréquens, et surtout moins dispendieux que tout ce qui a été tenté jusqu’à présent. Les fonds nécessaires pour les premiers frais de l’entreprise sont à la disposition de M. Taylor qui, loin de demander aucun secours à son gouvernement, s’engage à faire gratuitement le service de la poste aux lettres dans deux ans, à partir du jour de l’établissement de son projet. Les propriétaires de quelques-uns des plus beaux bâtimens à vapeur construits en Angleterre ont secondé de tous leurs moyens le projet de M. Taylor, convaincus de l’heureuse influence qu’il doit exercer sur les relations commerciales des deux contrées.

INDE. Insurrection des chefs marattes. – Des mouvemens hostiles, et une agitation qui menace d’entraîner des troubles et une longue dissention, se sont manifestés parmi les chefs marattes de la partie septentrionale de l’Inde. La cause ou le prétexte de leur mouvement et de leurs plaintes est l’incorporation de quelques-uns de leurs sujets dans des compagnies commandées cependant par des chefs indiens. Du reste, le gouvernement de la compagnie leur a fait, jusqu’à ce jour, toutes les concessions qui étaient compatibles avec sa dignité, et se montre encore, en cette occasion, disposé à faire tous les sacrifices pour conserver la paix avec les princes.

INDE. Nouveau prophète. – Un Musulman, qui prend le nom de Imaum-Medhi et se donne pour un prophète envoyé de Dieu, a envahi le territoire de Kuppervunj à la tête de quatre ou cinq cents vagabonds, pillant et dévastant tout sur leur passage. Un corps de cipayes et quelques cavaliers ont été envoyés contre cette horde, dont le chef, à ce que disent les disciples, est à l’épreuve du boulet.

SERAMPORE.Violent orage. — À la suite d’un orage terrible qui éclata en avril dernier à Serampore, dans l’Inde, il tomba une grêle tellement épaisse et rapide, que dans tous les environs de la ville il n’y eut pas un seul arbre qui ne fût pas entièrement dépouillé de ses feuilles. Le sol, plusieurs heures encore après l’orage, était couvert d’une épaisse couche de grêlons, aussi remarquables par leur formation que par leur grosseur qui, pour les plus petits, égalait celle d’un œuf de poule. On reconnaissait, en les brisant, qu’ils étaient formés de lames successives et concentriques, semblables aux diverses couches d’un ognon, et dont le noyau était d’un blanc plus écalant que le reste.


ROYAUME D’OUDE.Troubles à Lucknow. – Des lettres écrites de l’Inde anglaise représentent le territoire de Lucknow comme un théâtre de discordes, et des changemens importans et immédiats dans l’administration d’Oude sont envisagés comme indispensables. Les Anglais sont probablement portés, par intérêt, à exagérer un état de troubles et de désordres qui rendra leur intervention nécessaire dans un pays demeuré jusqu’à ce jour étranger à leur influence.


CALCUTTA.Petite vérole dans l’Inde. – la Gazette de Calcutta donne le détail de plusieurs mesures prises par le gouvernement de l’Inde pour propager la vaccine dans quelques parties du territoire où la petite vérole exerce les plus grands ravages. Les habitans de Munnipare, où ce fléau se manifeste de la manière la plus terrible, sont disposés à adopter la vaccine, et, à défaut de ce moyen, l’inoculation. D’après leur demande, un médecin du pays a été instruit par un docteur anglais à recueillir et à propager le vaccin, et lui-même s’est occupé sans délai à former plusieurs élèves, dont les soins et l’activité réussiront sans doute bientôt à faire disparaître, ou du moins à diminuer une calamité qui menaçait de décimer la population.


BHANPORE.Phénomène monstrueux. – Un journal indien rapporte qu’une femme appartenant à la caste des brames, et demeurant à Bhanpore, est accouchée de deux petites filles et d’un serpent. La mère, un des enfans et le serpent, ajoute la même feuille, sont morts quelques instans après ce singulier accouchement, mais l’autre petite fille a survécu, et est dans un parfait état de santé.


OCÉANIE.

ÎLE DE DIEMEN.Prospérité de Hobart-Town. – La ville de Hobart prend depuis peu un accroissement si considérable, que l’étranger qui la visite à des intervalles de quelques mois a de la peine à s’y reconnaître. De nouvelles constructions, à la fois élégantes et commodes, s’élèvent de toutes parts, et le prix des terres a en conséquence augmenté de beaucoup dans les environs. Le lieutenant gouverneur de la colonie a fait insérer dans la Gazette de Hobart, du 11 juillet dernier, l’état suivant des dépenses et des recettes de Van-Diemen pendant les trois années précédentes :

recettes. dépenses.
Liv. sterl. Liv. sterl.
En 1826 
53,394
En 1826 
50,806
En 1827 
53,316
En 1827 
55,057
En 1828 
68,694
En 1828 
66,041

Les fonds affectés aux dépenses du gouvernement civil et au traitement des fonctionnaires publics de Van-Diemen, y compris celui de lieutenant-gouverneur, qui est de 254 liv. ster., s’élevaient à 25,000 liv. sterl. par an.


NEW-YORK.Tableau de la mortalité en 1829. – Le nombre des décès dans cette ville, en 1829, a été de 5,094, savoir : 1,333 hommes, 1,011 femmes, 1,584 garçons et 1,166 filles, ou 2,917 individus du sexe masculin et 2,177 du sexe féminin. Excédant des mâles 740. — Il mourut au mois de janvier 421 individus, en février 410, en mars 420, en avril 356, en mai 383, en juin 337, en juillet 471, en août 597, en septembre 523, en octobre 434, en novembre 361, en décembre 381. Le nombre des décès fut moindre au mois de juin et plus grand en août.

Il était mort de l’âge de un an et au-dessous 1,390 personnes ; de 1 à 2 ans 596 ; de 2 à 5, 465 ; de 5 à 10, 214. ; de 10 à 20, 198 ; de 20 à 30, 604 ; de 30 à 40, 606 ; de 40 à 50, 438 ; de 50 à 60, 278 ; de 60 à 70, 204. ; de 70 à 80, 124 ; de 80 à 90, 57 ; de 90 à 100, 18 ; de 100 et au-dessus, 2.

Les maladies qui ont occasionné ces décès sont : abcès 15 ; anévrisme 3 ; apoplexie 93 ; asphyxie 5 ; asthme 7 ; cancer 16 ; accidens fortuits 43 ; catarrhes 3 ; en couches 26 ; choléra-morbus 14 ; colique 6 ; compression du cerveau 1 ; consomption pulmonaire 880 ; convulsions 342 ; crampes dans l’estomac 11 ; diarrhée 90 ; hydropisie 138 ; hydrothorax 40 ; hydrocéphale 258 : dysenterie 126 : dyspepsie 9 ; épilepsie 11 ; érysipèle 17 ; fièvre 55 ; fièvre bilieuse 25 ; fièvre bilieuse rémittente 18 ; idem étique 1 ; idem inflammatoire 5 ; idem intermittente 20 ; idem puerpérale 5 ; idem putride 2 ; rémittente 19 ; idem scarlatine 188 ; typhus 55 ; dévoiement 119 ; fracture 3 ; de la pierre 2 ; hémorragie 26 ; hœmoptysis 7 ; herpes 2 ; croup 171 ; hystérie 1 ; jaunisse 6 ; inflammation de la vessie 2 ; idem des intestins 152 ; idem du cerveau 83 ; idem de la poitrine 251 ; idem du foie 63 ; idem de l’estomac 9 ; intempérance 60 ; aliénation mentale 15 ; lèpre 1 ; trismus 13 ; marasme 137 ; rougeole 91 ; gangrène 32 ; maladie nerveuse 4 ; paralysie 29 ; peripneumonie 46 ; pleurésie 17 ; typhode pneumonique 2 ; esquinancie 13 ; rhumatisme 9 ; rachite 1 ; hernie 4 ; feu de St-Antoine 1 : ; squirrhe au foie 1 ; scrofule 9 ; scorbut 2 ; petite vérole 16 ; mal de gorge 44 ; spasmes 3 ; sprue 42 ; enfans mort-nés 360 ; dyssuria 2 ; mort subite 66 ; syphilis 7 ; tabes-mesenterica 110 ; dentition 76 ; tumeurs 4 ; vomissemens de sang 1 ; ulcère 9 ; tumeur blanche 4 ; coqueluche 52 ; vers 13. Il était mort de vieillesse 131 individus ; 24 avaient péri par le feu ; 33 s’étaient suicidés ; 60 s’étaient noyés ; 2 avaient été exécutés ; 1 avait été tué ou assassiné ; 2 étaient morts pour avoir bu de l’eau froide dans les chaleurs, et 93 étaient morts de maladies inconnues.


NEW-YORK. Incendies. – En moins d’un an, il y a eu à New-York 131 incendies, qui ont occasionné une perte évaluée à plus de 680,403 dollars. Pour prévenir de pareils désastres, on construit maintenant dans cette ville un réservoir d’où partiront des tuyaux qui passeront dans les principales rues, et dont l’eau pourra être lancée dans tous les quartiers, en raison de l’élévation du réservoir. La dépense de cette entreprise est évaluée à 75,000 dollars environ, somme peu considérable pour un résultat aussi important.

CODE PÉNAL CHINOIS.

Un savant anglais, sir George Staunton, a enrichi la littérature britannique d’une traduction du Digeste chinois, contenant le recueil des lois fondamentales et supplémentaires de l’empire. Cet ouvrage, rédigé d’après l’autorisation du souverain actuel, est aussi complet et aussi exact qu’on puisse le désirer ; mais son étendue même et l’aridité naturelle du sujet, qui le mettent à la portée d’un trop petit nombre de lecteurs, nous engagent à en extraire quelques réflexions d’un intérêt plus général et perdues dans des détails vagues et insignifians.

La première division du code porte le titre de Lois générales, et s’ouvre par une description sommaire des châtimens en usage. Le plus léger est une « correction modérée infligée avec un bambou mince et flexible, et destinée à donner à celui qui a enfreint les lois un regret salutaire sur sa conduite passée, un avertissement utile pour sa conduite à venir. » Les châtimens sont divisés en cinq degrés différenciés par le nombre des coups qui, dans le premier, varient d’après la loi de dix à cinquante, mais qui réellement ne s’élèvent jamais au-dessus de vingt. Dans le second degré, les coups s’élèvent légalement de soixante à cent, et sont frappés avec un bambou beaucoup plus fort. À cette peine, le troisième degré ajoute un bannissement d’un à trois ans, à une distance de cent cinquante milles afin, dit le texte, « de donner au coupable le temps de se repentir et de se corriger. » Un bannissement perpétuel à une distance de six cents à neuf cents milles, avec cent coups de bambou, constituent le quatrième degré de châtiment ; et la peine de mort, le cinquième et dernier. La loi supplémentaire autorise de plus la torture dans les cas de vol et de meurtre « toutes les fois que l’accusé refuse obstinément d’avouer son crime. » Ce moyen atroce, qui souvent n’aboutit qu’à faire condamner l’innocence, consiste à presser entre deux fortes planches les chevilles des pieds du patient, et à comprimer ses doigts entre cinq petits bâtons de bois dur, qu’on serre jusqu’à faire craquer les os.

Il paraît qu’en général l’exécution de la loi est fort douce, comparativement à son texte. Le traducteur fait observer, dans une de ses notes, que la torture n’a presque jamais lieu dans le cours ordinaire de la justice, et que les châtimens corporels ne s’infligent que fort rarement.

La seconde section de la loi fondamentale énumère les crimes, qui sont ordinairement punis avec la plus grande rigueur, souvent par la peine capitale, et qu’elle désigne au nombre de dix. Ce sont : 1o la révolte, effort tendant à déranger l’ordre des choses sur la terre, à troubler la paix de l’univers en conspirant contre le souverain qui est le successeur sacré de ses ancêtres ; 2o la perfidie, ou tentative pour détruire le palais, les tombeaux, les temples impériaux, qui sont sacrés et inviolable ; 3o la désertion, qui consiste à trahir les intérêts de l’empire, à abandonner un poste militaire, ou à exciter le peuple à l’émigration ; 4o le parricide, meurtre du père ou de la mère, d’une tante, d’un oncle, de l’aïeul ou de l’aïeule ; 5o le massacre assassinat de trois ou d’un plus grand nombre de personnes ; 6o le sacrilége, comprenant le vol dans les temples, celui des objets à l’usage immédiat du souverain, la contrefaçon du sceau de l’état et les erreurs ou négligences qui peuvent mettre en danger la personne sacrée de l’empereur ; 7o l’impiété, négligence envers les parens ; 8o la mésintelligence dans la famille, manifestée par des infractions aux liens du mariage, par des blessures ou des mauvais traitemens envers les personnes pour lesquelles on est obligé de porter le deuil après leur mort ; 9o l’insubordination envers un magistrat ; enfin l’inceste, union illégitime avec une personne que les lois ne permettent pas d’épouser.

La section suivante établit et définit les personnes qui sont privilégiées aux yeux de la loi. Elles jouissent de ce privilége en vertu de leur parenté avec la famille impériale ; par des services longs et honorables, par un grand savoir, par des vertus remarquables et notoires, etc. La famille impériale et les nobles sont, au reste, les seules personnes qui soient privilégiées de fait. Leur privilége consiste à ce que leur jugement soit revisé par l’empereur.

Il est à remarquer que les individus qui sont ennoblis (seulement à vie) transmettent leur qualité à leurs ascendans. Une femme perd par le divorce le rang que lui conférait son mari, tandis qu’elle conserve celui que lui transmet un de ses enfans. Les femmes des bannis sont tenues de les accompagner. Leurs pères et mères, leurs enfans ou petits-enfans ont la faculté de les accompagner s’ils le désirent, mais n’y sont pas contraints.

Une disposition toute paternelle se fait remarquer dans la série des cas prévus par le législateur. « Lorsqu’un coupable, y est-il dit, aura encouru la peine de mort pour quelqu’un des crimes qui ne sont pas exclus du droit de pardon, s’il a son père ou sa mère, son aïeul ou son aïeule qui soient malades, infirmes, âgés de plus soixante et dix ans, et privés d’autres soutiens que le condamné, le jugement de celui-ci, et les circonstances précitées, seront soumis à l’investigation et à la sagesse de Sa Majesté impériale. » Presque toujours, dans un cas semblable, la sentence est adoucie et la peine de mort commuée en un châtiment corporel. La même faveur s’étend aux membres des sociétés d’astronomie et de mathématiques établies à Pékin.

L’aveu volontaire d’un délit ou d’un crime entraîne presque toujours le pardon. Lorsqu’un accusé avoue, dans le cours des débats, un délit plus grave que celui qui lui est imputé, il n’est puni que de la peine applicable à celui pour lequel il est poursuivi. Il en est de même lorsque la torture fait découvrir un crime plus grand que celui qui est l’objet de l’accusation. Lorsqu’un voleur restitue l’objet ou la valeur de l’objet volé, lorsqu’un officier public remet le montant des amendes qu’il aurait frauduleusement exigées d’un de ses administrés, il n’est ordinairement exercé aucune poursuite contre eux.

La section qui a rapport aux délits commis par des étrangers est faite pour attirer particulièrement l’attention des Européens et surtout des voyageurs. Nous voyons, à cet égard, dans une note de sir Staunton : « Les lois et réglemens qui concernent les étrangers n’ont jamais été exercés qu’avec la plus grande modération. D’ailleurs il y a des restrictions qui font qu’un étranger peut difficilement transgresser les lois sans le concours d’un habitant du pays, et alors toute leur rigueur tombe naturellement sur ce dernier.

La traduction de Staunton se termine par quelques pièces judiciaires, parmi lesquelles est un jugement propre à confirmer ce qu’on vient de lire sur la douceur avec laquelle sont traités les étrangers. À la suite d’une rixe élevée à Canton entre des marins anglais et quelques habitans, un de ces derniers fut tué. Un matelot anglais, condamné à mort pour ce fait, fut sauvé par le subterfuge suivant. On statua, dans le rapport présenté à l’empereur, que le Chinois était mort par le choc d’un bâton, que l’accusé avait, par mégarde, lancé par une fenêtre pendant que l’autre passait dans la rue. Le souverain déclara que c’était un homicide auquel la volonté de l’accusé n’avait eu aucune participation, et que, par conséquent, il avait été commis dans des circonstances qui en annulaient la gravité. Par suite de cette décision, le matelot fut acquitté, et renvoyé, pour être puni d’une peine de discipline, à la juridiction de ses compatriotes.

EXÉCUTION DES CRIMINELS EN CHINE.

Tous les journaux ont rapporté, il y a plusieurs mois, les horribles détails de l’assassinat de l’équipage du navire le Navigateur, et la prompte justice qui a été faite des meurtriers à Canton. Cette déplorable affaire, en attirant l’attention de tous les Européens qui se trouvaient sur les lieux, leur a fourni l’occasion de remarquer dans la législation criminelle des Chinois, quelques usages qui peuvent paraître singuliers, sinon bizarres.

Au moment où les coupables vont être décapités, on les fait mettre à genoux, la figure tournée du côté où se trouve le trône impérial ; et cette position indique qu’ils reconnaissent l’équité de leur condamnation. Ils ont grand soin de s’habiller avec le plus de luxe et propreté possible, persuadés qu’ils arriveront avec ce costume dans un autre monde, ce qui n’empêche pas, cependant, que leur cadavre soit entièrement dépouillé peu de temps après l’exécution.

Les exécuteurs à Canton sont des soldats chinois, qui reçoivent pour ces fonctions une solde annuelle et une demi-piastre pour chaque individu décapité. Lorsqu’un condamné doit avoir les membres coupés, cette somme augmente en proportion ; mais, en général, les employés chargés de la payer en retiennent une partie. Un des exécuteurs, établi depuis trente ans à Canton, disait avoir mis à mort, dans cet espace de temps, environ dix mille condamnés. Pendant que les pirates infestaient ces parages, il en a décapité plus de mille dans le courant d’une année.

Avant d’être conduits au lieu d’exécution, les criminels reçoivent, à la porte de la prison, un morceau de viande de cochon, quatre gâteaux et deux verres d’eau-de-vie. Ces mets sont considérés comme une espèce de sacrifice que la plupart des condamnés mangent avec beaucoup de sang-froid et de tranquillité.

On fait ordinairement grâce de la vie au condamné qui n’a ni enfans ni frères qui puissent perpétuer sa famille. Dans l’affaire du Navigateur, il fut sursis à l’exécution d’un jeune homme, pour établir par une enquête qu’il était fils unique, et que depuis trois générations sa famille n’avait été perpétuée que par un seul mâle ; la grâce du condamné fut le résultat immédiat de cette particularité, constatée par quelques témoins.


VOYAGE SCIENTIFIQUE AU MONT ARARAT.

Cette montagne, dont la tradition a rendu le nom à jamais célèbre, et qui fut jusqu’à présent inaccessible, vient d’être dernièrement explorée par le docteur Parrot, parti de Dorpat avec quatre étudians de l’université de cette ville. Un courrier impérial fut attaché à l’expédition par ordre du gouvernement, et le général Paskewitch, à Erivan, reçut ordre de lui procurer tous les secours et toutes les facilités qui dépendraient de lui.

Les voyageurs, partis de Dorpat vers le milieu de mars 1829, quittèrent Tiflis le 1er septembre pour se rendre au monastère d’Echmiatzin, où ils furent accueillis avec bienveillance par le vénérable patriarche arménien, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, et par les évêques et archimandrites. Un jeune diacre voulut se joindre à l’expédition qui, dans la nuit du 11, logea au couvent de Saint-Grégoire, situé au pied de la montagne.

On essaya d’abord de gravir du côté de l’est ; mais après s’être élevé à une hauteur de 2166 toises, on se trouva dans l’impossibilité de continuer, par suite de l’escarpement perpendiculaire de la glace. M. Parrot se détermina peu de jours après, à tenter le côté du nord-ouest, accompagné par deux de ses étudians, par le jeune diacre, un paysan et cinq soldats. Le premier jour, ils arrivèrent à la limite des neiges continuelles, et y passèrent la nuit au bivouac. Le lendemain matin, ils partirent au point du jour, se flattant d’atteindre le sommet vers midi ; mais un orage terrible et des ravins impraticables, les forcèrent bientôt à rétrograder, après avoir posé au point le plus élevé où ils étaient parvenus, une grande croix de bois avec une inscription latine. « Le mont Ararat, dit M. Parrot, dans une lettre écrite immédiatement après cette seconde tentative, n’est qu’une énorme masse de laves. Dans nos deux voyages, dans nos différentes incursions, à droite et à gauche, nous n’avons pas vu autre chose. Cependant je n’ai remarqué aucune trace de cratère, à moins qu’on ne considère comme tel un grand marais qui est au nord ouest. Il n’y a pas un seul arbre sur toute la montagne. Quelques buissons à fruits, faibles et rabougris entourent seulement le couvent. Nous ne vîmes non plus aucune trace des innombrables serpens et des bêtes féroces dont on nous avait menacés. »

Enfin le 25 septembre, M. Parrot fit une troisième tentative que le succès couronna, puisque le 27, à trois heures de l’après-midi, l’expédition atteignit le sommet de la montagne. « Ce ne fut pas, dit-il, sans des difficultés nombreuses et presque insurmontables que nous obtînmes ce résultat. À partir du point où nous trouvâmes la neige glacée, nous fûmes obligés de tailler à coups de hache, et à chaque pas, des degrés pour poser les pieds. Nous passâmes la nuit sur la montagne, au milieu d’une atmosphère d’une telle sérénité et si calme que je ressentis à peine le froid, dont l’intensité était cependant extrême. »

Le sommet de la montagne est à 2,700 toises au-dessus du niveau de la mer, et la limite des neiges continuelles à 2,000 toises, hauteur extraordinaire, dont M. Parrot attribue la cause à l’isolement du mont Ararat, dont la température n’est point abaissée par le voisinage d’autres élévations.



  1. Espèce de droit municipal.
  2. Des nouvelles postérieures nous apprennent que l’émigration a totalement cessé, et déjà un assez grand nombre de familles qui avaient poussé jusqu’en Valachie, sont rentrées dans leurs foyers dont elles ont repris tranquillement possession. L’harmonie rétablie entre les habitans chrétiens et musulmans, et l’ordre qu’ont fait renaître les mesures prescrites par le sultan, présagent à ces provinces un avenir plus heureux. Le firman d’amnistie s’exécute partout et avec facilité.