Correspondance inédite de Hector Berlioz/067
LXVII.
À M. HANS DE BULOW.
28 juillet 1854.
C’est une charmante surprise que vous m’avez faite, et votre manuscrit est arrivé d’autant plus à propos que l’éditeur Brandus, qui grave en ce moment Cellini, avait déjà choisi un assez obscur tapoteur de piano pour arranger l’ouverture.
Votre travail est admirable ; c’est d’une clarté et d’une fidélité rares et aussi peu difficile qu’il était possible de le faire sans altérer ma partition. Je vous remercie donc de tout mon cœur. Je vais voir Brandus ce soir, et lui porter votre précieux manuscrit. J’ai beaucoup travaillé depuis mon retour de Dresde ; j’ai fait la première partie de ma trilogie sacrée : le Songe d’Hérode. Cette partition précède l’embryon que vous connaissez sous le nom de Fuite en Égypte, et formera avec l’Arrivée à Saïs un ensemble de seize morceaux, durant en tout une heure et demie avec les entr’actes. C’est peu assommant, comme vous voyez, en comparaison des saints assommoirs qui assomment pendant quatre heures.
J’ai essayé quelques tournures nouvelles : l’air de l’Insomnie d’Hérode est écrit en sol mineur sur cette gamme, déterminée sous je ne sais quel nom grec dans le plain-chant :
notation musicale
Cela amène des harmonies très sombres, et des cadences d’un caractère particulier, qui m’ont paru convenables à la situation. Vous avez été bien taciturne en m’envoyant le paquet de musique ; j’eusse été si heureux de recevoir quelques lignes de votre main !
Mademoiselle votre sœur a passé dernièrement à Paris, mais si vite, que, quand on nous a remis la carte qu’elle a laissée à la maison un matin de bonne heure, elle était déjà partie pour Londres.
Veuillez, je vous prie, saluer de ma part madame votre mère. Ne viendrez-vous pas à Paris ? Je pars dans quelques jours pour Munich, où je resterai trois semaines. Plus tard, vers novembre, je retournerai encore en Allemagne et peut-être vous reverrai-je à Dresde.
Rappelez-moi au souvenir de M. et madame Pohl et serrez la main à cet excellentissisme Lipinski.