Correspondance inédite de Hector Berlioz/073

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Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 223-224).
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LXXIII.


à m. auguste morel.


Paris, le 14 avril 1855.
Mon cher Morel,

Je ne vous écris que six lignes pour vous prier de m’excuser si je n’ai pas encore répondu à votre dernière lettre. Elle m’arriva au moment où je partais pour Bruxelles et j’ai été depuis lors si éreinté, si absorbé par mille tracas, qu’il m’a été impossible de trouver cinq minutes de liberté. Les musiciens belges m’ont fait souffrir une torture de Huron. Ces braves artistes, si bons, si patients, si accueillants, ne peuvent se décider à prendre la peine de décomposer une mesure et tout ce qui ne frappe pas le premier temps fort leur fait perdre l’équilibre. Le troisième concert seul a bien marché.

Celui de l’Opéra-Comique, samedi dernier, a beaucoup laissé à désirer sous le rapport de l’exécution. L’orchestre seul est resté irréprochable.

Maintenant me voilà plongé dans le Te Deum, et c’est en ce moment que votre absence me semble étrange… J’espère pourtant que tout marchera bien. Voulez-vous être assez bon pour faire reproduire dans les journaux de Marseille la réclame ci-jointe ? Il faut que l’immense église soit pleine, ou nous sommes flambés. Cela coûte sept mille francs.

J’apprends que vous écrivez un nouveau quintette ?… tant mieux ! que ce genre difficile fleurisse donc en France ! Votre ami Baudillon se marie, il épouse une jeune pianiste qui a l’air fort gracieux et tout à fait agréable. Et vous ? ne vous mariez-vous point ? vous auriez pourtant besoin d’un intérieur ; vous manquez de dorloteries, je le crains, sensible et mélancolique comme vous l’êtes.

Je serre la main à Lecourt. Théodore Bennet (Ritter) lui a dédié sa réduction pour le piano de notre adagio de Roméo. Cet enfant est très remarquable et je l’aime sincèrement.