Cours d’agriculture (Rozier)/ŒNOMÈTRE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome septièmep. 160-167).


ŒNOMÈTRE. Instrument dont on se sert rarement. Œnologues ou instrument destiné à donner la hauteur de l’ascension du vin dans la cuve, pendant sa fermentation.

La description que je vais donner de cet instrument, est copiée mot pour mot du Mémoire couronné par la société royale de Montpellier, sur la véritable époque du décuvage du vin, & dont l’auteur, est M. Bertholon, de Lyon, frère de M. l’abbé Bertholon de l’académie des sciences de Montpellier, & de la congrégation de St. Lazare : j’examinerai ensuite de quelle utilité réelle il peut être. L’œnomètre, c’est l’auteur qui parle, est un instrument composé d’un puits & d’une jauge. (Voyez Planche XVII, page 607, Tome III du Cours d’Agriculture.) Le puits, Figure 7, est un cylindre de fer blanc ou d’autre matière, par exemple de terre cuite, terminé, dans sa partie inférieure, par un fond en forme de cône renversé, mais percé de différens trous, afin de laisser passer le vin, sans que le pepin & les pellicules puissent cependant y entrer. Ce puits est armé, près de son extrémité supérieure, d’un crochet pour le fixer au bord de la cuve, sur une douve perpendiculaire ; dans ce puits on placera une espèce de jauge graduée en pouces & lignes, que j’appelle œnomètre de comparaison. Fig. 8. Lorsque le puits est en situation, & que le vin fermentant s’élève dans la cuve, il monte aussi dans le puits à la même hauteur que dans la cuve, alors si on y a mis la jauge ou l’odomètre, celui-ci s’élèvera également.

» Cet œnomètre est formé de deux pièces ; la première est un disque circulaire de liège : la seconde est une espèce de règle divisée en pouces & lignes, & celle-ci est plantée perpendiculairement dans celle-la. Il est bien évident que cet œnomètre, étant très-léger, surnagera sur le vin qui remplit le puits cylindrique, lorsqu’on l’y aura placé, & qu’à mesure que l’élévation de la liqueur aura lieu, celle de l’odomètre ou jauge suivra les mêmes proportions : on verra donc, par le moyen des nombres marqués à côté des graduations, si la liqueur continue à s’élever, si elle est stationnaire ou rétrograde. L’ordre des pouces commençant par le chiffre premier, ensuite deux, & en continuant selon la série de notre système de numération, on ne pourra se tromper, lorsque l’on apercevra un chiffre qu’on n’avoit pas encore vu. On peut regarder cet instrument comme une échelle d’élévation & d’abaissement du vin, propre à comparer la marche, non-seulement de la fermentation d’une espèce de vin, mais encore de toutes les espèces, sur-tout quand la masse & les autres circonstances sont égales. Cet œnomètre comparatif, parlant toujours la même langue, sera relativement au vin, ce que le thermomètre est par rapport à la chaleur des corps : on pourra comparer le vin d’une année avec celui d’une autre ; le vin d’une contrée avec celui d’un pays éloigné, pourvu que toutes les circonstances soient les mêmes.

» Il est inutile de prévenir que le fond intermédiaire de la cuve[1] doit être percé d’un trou suffisant pour y recevoir une partie du puits cylindrique qui sera plus ou moins long, & au moins jusqu’à la moitié de la cuve ; & qu’au fond supérieur de la cuve ou couvercle, Fig. 6, on a dû ménager une petite ouverture correspondante, pour y laisser passer la tige de l’odomètre : de cette façon, on verra les progrès de la liqueur fermentante, sans être obligé de regarder dans la cuve : voilà, si je ne me trompe, le moyen simple, fixe & à la portée des cultivateurs, qui est l’objet direct & essentiel du problème proposé, à en juger par le programme académique, dont je n’ai pas dû m’écarter.

» Je préfère ce moyen qui est très-simple, à un autre qui l’est un peu moins, & que j’ai aussi imaginé. Il consiste à plonger dans le puits un corps cubique, par exemple, suspendu au bras d’une balance, Fig. 9 ; un poids mis dans le bassin opposé fera équilibre au corps suspendu, & le fléau de la balance servira à faire connoître les degrés de l’élévation ou de rabaissement du corps suspendu, en indiquant sur un demi cercle gradué, les divers degrés qui y sont marqués : ce moyen est fondé sur l’hydrostatique, dont les principes sont bien connus. Si l’équilibre a lieu entre les corps suspendus & le poids mis dans la balance, lorsque tout est dans l’air, il est évident que l’équilibre ne subsistera plus, lorsque le corps suspendu sera plongé dans le vin qui est dans le puits cylindrique ; il perdra une partie de son poids, correspondante à la gravité spécifique du vin ; mais le moût étant plus pesant & formant une liqueur douce d’une plus grande densité que le vin, le corps cubique sera plus soutenu, il perdra plus de son poids, & le bassin opposé l’emportera de beaucoup sur l’autre ; d’ailleurs, la quantité respective du poids sera marquée par l’aiguille indicatrice du fléau, placée devant le demi-cercle gradué. Lorsque le moût commencera à devenir vin en fermentant ; lorsque cette liqueur, en s’épurant de ses parties grossières & hétérogènes, deviendra plus limpide & plus claire ; lorsqu’en subissant des degrés successifs de fermentation, elle augmentera progressivement de volume ; le fluide vineux aura une moindre gravité spécifique ; sous un égal volume, il y aura moins de densité, & les corps qui y seront plongés, perdront moins de leur poids ; par conséquent le bassin opposé ne sera pas aussi bas qu’il l’étoit, mais remontera successivement. Cette marche ascendante indiquera l’élévation progressive de la liqueur ; sa station marquera celle du vin, & sa rétrogradation, celle de la liqueur fermentante. Dès que la rétrogradation sera désignée par le mouvement contraire du bassin, on commencera à tirer le vin de la cuve, parce que c’est dans ce moment que la liqueur commence à être stationnaire, & que c’est celui par conséquent où l’expérience prouve que la fermentation tumultueuse est complète relativement à la meilleure qualité du vin.

 » Ce second œnomètre, car c’en est un, peut encore être simplifié par l’addition d’une petite pointe régulatrice au bord du bassin de la balance & en plaçant à côté une échelle latérale & perpendiculaire, sur laquelle seront marqués, en pouces & en lignes, les degrés d’élévation ou d’abaissement. Fig. 10. Il n’est point de cultivateur qui n’ait une balance & qui ne puisse en former très-facilement un œnomètre, après avoir ôté un bassin de la balance, pour y substituer un corps cubique suspendu avec un fil, & placé à l’autre bassin une pointe ou aiguille qui désignera, sur une échelle de carton ou de bois, facile à diviser, les divers degrés d’élévation ou d’abaissement. Comme c’est un inconvénient de veiller continuellement pour observer ce moment précis, on pourra mettre à portée une sonnette fixée à un ressort retenu par une détente que le bassin ou le bras de la balance fera tomber, comme pour certains réveille-matin ; alors on sera averti de l’instant que l’on veut connoître.

» Un troisième œnomètre que je ne fais ici qu’indiquer, a rapport à l’air fixe qui est au-dessus de la cuve, & dont les divers degrés d’élévation, dans un tuyau placé perpendiculairement sur la cuve, seroit connu par le moyen d’une bougie allumée qui s’éteindroit à plusieurs pieds au-dessus de la cuve, & qui, lorsque la fermentation ne seroit pas si forte, ne s’éteindroit plus à cette même hauteur, mais à des élévations successivement moindres… »

Tel est l’exposé fidèle des œnomètres proposes par M. Bertholon. Nous examinerons tout à l’heure de quelle utilité ils sont, ou doivent être.

M. Mourgues, dans les observations placées à la tête des mémoires couronnés, dit, en parlant du mémoire de Dom le Gentil, prieur de Fontenay, ordre de Cîteaux, & auquel l’académie a accordé l’accessit, que ce mémoire a paru un traité complet sur la fermentation des vins, & sur les moyens de les faire de la meilleure qualité. Nous avons vu avec peine, que la vraie question proposée a échappé à l’auteur au moment où il alloit réunir nos suffrages. Il trouve dans la dégustation, dans le sens du goût, le moyen fixe, simple & à portée de tout cultivateur, que l’académie demande. Quelque peu sûr & uniforme que soit le goût, sous quelque point de vue qu’on le regarde, l’académie a cru devoir faire imprimer ce mémoire, comme devant instruire le propriétaire des vignobles, & lui faire connoître des principes trop ignorés sur un art que l’on a cru trop simple. Je recommanderai la lecture fréquente & réfléchie de ce mémoire à tous ceux qui voudront faire de bon vin. Je connois tout ce qui été écrit sur cet objet, par les anciens & par les modernes, & je puis certifier qu’il y a plus à profiter dans le seul mémoire de M. le Gentil, que dans tout le reste. Certainement & très-certainement je suis de l’avis de M. Mourgues, relativement à ce mémoire, & je fais taire avec plaisir mon amour-propre ; quoique en 1766, j’aye donné un traité de la fermentation des vins, relativement à l’eau-de-vie ; & en 1770, un mémoire sur l’instant préfixe du décuvage du vin. Mais je le répète, rien ne peut être comparé à l’ouvrage de Dom le Gentil. Cependant cet auteur parle de divers instrumens gradués dont il s’est servi pour ses expériences, & il les appelle simplement des jauges… J’ai fait mon possible, dit-il, pour m’en servir utilement, comme d’un signe propre à la connoissance des degrés de la fermentation… J’ai suivi long-temps la marche de cet instrument ; enfin, après de longues & mûres observations, je l’ai rejeté comme n’étant bon à rien, & je n’y ai fait nulle attention dans la suite de mes expériences ; je n’ai même pas cru devoir en marquer les résultats, ni en rapporter les variations dans le tableau de mes expériences joint à ce mémoire ».

Deux problèmes se présentent à résoudre sur les premiers œnomètres décrits ci-dessus. Peut-on s’en passer ? Sont-ils utiles ?

Lorsque la cuve, sans addition, sans complication de machines, offre un moyen assuré de juger de l’élévation de la liqueur vineuse, de la masse fermentante, pourquoi recourir à un attirail incommode ? Admettons pour principe démontré que le moment de décuver est celui pendant lequel la masse fermentante reste stationnaire, (voyez le mot Fermentation) après avoir pris son maximum d’élévation, combien de temps dure ce point de station, de permanence ? M. Bertholon auroit dû le déterminer, puisque tout son système porte sur ce point essentiel ; il en a fait un secret. Pour moi qui, depuis l’époque de son mémoire, ai suivi, chaque année, la progression de six cuves, je lui dirai que cet état de permance varie suivant les climats, les espèces de raisins, la manière générale d’être de l’année, sur-tout des époques des vendanges ; que ce moment est par fois instantané, ainsi que cette station est un être équivoque. Les premiers commencemens de l’affaissement le sont moins, & désignent un point fixe & visible aux yeux les moins clairvoyans ; mais il falloit prendre un mezo-terminé, pour ne pas répéter mot pour mot ce que tout le monde connoissoit depuis dix à quinze ans, & ce qui étoit imprimé.

Les parois de la cuve sont le meilleur œnomètre connu. Lorsque le raisin n’a pas été égrainé, égrappé, &c., (voyez ce mot) ; lorsqu’il a été mal foulé, la liqueur vineuse paroît presqu’au sommet, & les douves sont humectées au niveau de la liqueur. Une ligne écumeuse marque ce niveau, lorsque le raisin a été rigoureusement égrainé & foulé : le sommet de la masse fermentante forme ce qu’on nomme le chapeau qui, de lui-même, s’élève plus dans le milieu que sur les bords ; il présente une calotte ronde, consistante, épaisse & solide. Le même signe caractéristique & écumeux a lieu, mais un peu au-dessous de la moitié de l’épaisseur du chapeau ; enfin, lorsque la liqueur baisse, le chapeau baisse. Lorsqu’une rivière déborde, lorsqu’elle traîne une eau trouble & chargée de débris de paille & de bois, &c., a-t-on besoin d’un hydromètre pour juger à quelle hauteur elle parvient sur la rive ? Les débris des végétaux, les écumes n’annoncent-ils pas que dans l’endroit où ils ont été déposés, l’eau de la rivière y est parvenue ? À mesure que la crue diminue, ne juge-t-on pas son affaissement par la distance de sa surface à celle des relaissés ? Il en est de même dans une cuve ; mais si on aime les joujous, on peut s’amuser à graduer une des douves de la cuve par pouces, lignes, & dixième de ligne, cette graduation vaudra autant que tous les œnomètres qui ne sont aucunement nécessaires au cultivateur quand il a des yeux, & sur-tout quand il a un point fixé, celui du commencement de l’affaissement de la masse en fermentation ; on peut donc entièrement se passer de ces machines.

Les œnomètres proposés peuvent-ils devenir utiles à ceux qui n’ont aucune idée de la fermentation, & qui cependant désirent décuver après que la masse a été quelque temps stationnaire ?

Les vignerons qui ont la plus légère teinture des loix de la fermentation, ou qui, sans théorie, agissent d’après l’expérience, savent qu’il est de la dernière importance de retenir le plus qu’il est possible, le gas ou air fixe (voyez ce mot) qui tend sans cesse à se dégager de la masse en fermentation. On voit même plusieurs paysans couvrir leurs cuves avec des couvertures de laine ; & M. Bertholon sentoit bien cette nécessité, puisqu’il a proposé le couvercle décrit au mot cuve. Si cette vérité est géométriquement démontrée, on ne conçoit pas comment l’auteur conseille l’introduction d’un soupirail, Fig. 7., par où nécessairement doit s’échapper une très-grande quantité de cet air fixe, puisqu’il traverse & le couvercle supérieur & l’inférieur, & qu’il pénètre jusque dans l’intérieur de la masse. On foule rigoureusement le raisin, afin d’établir une plus grande masse de fluidité, & sur-tout afin que les pellicules poussées du centre à la superficie, se collent les unes contre les autres, forment un corps solide qui recouvre toute la superficie, & retienne une très-grande quantité d’air ; c’est le chapeau : malgré cela, il s’en échappe encore beaucoup. Que sera-ce donc, lorsqu’on aura établi par art un évaporatoire perpétuel ? L’œnomètre nuit donc essentiellement à la qualité, & à la durée du vin.

Lorsqu’en 1766 & en 1770, j’indiquai pour le moment préfixe du décuvage du vin, le premier signe sensible de l’affaissement de la masse, j’avois demandé pour condition préliminaire & indispensable, que la cuve fût remplie le même jour, & qu’on eût soin d’égaliser, par les moyens indiqués au mot fermentation, l’homogénéité de chaleur dans les raisins cueillis dans la matinée, à midi & vers le soir, pour qu’il y eût, autant que faire se pourroit, une égalité dans la masse : sans ces précautions, la marche de la fermentation est dérangée. Lorsqu’une cuve est remplie à des époques différentes, il est impossible de rien statuer de positif & de régulier, & le maximum de la fermentation n’est plus un signe certain. À coup sûr le vin de la base est trop fait, celui du centre est peut-être à son point, & celui du haut n’y est pas : on en peur juger par le degré différent de la chaleur intérieure, ainsi qu’on le voit dans le tableau, page 479 du Tome IV. Quoique les cuves fussent remplies le même jour, & avec beaucoup de soins ; que sera-ce donc, si on reste quatorze jours à remplir une cuve, ainsi qu’il est dit page 505 du même volume, & dont on voit la série de fermentation dans le tableau imprimé à la même page. Dans la dernière circonstance, à quoi servira l’œnomètre, puisque l’auteur ne fait aucune mention du remplissage de la cuve dans la même journée : ce n’est cependant que dans ce seul cas qu’il pourroit être utile à cause de la simultanéité de la fermentation. Prenons toujours pour modèle l’exemple cité par M. Poitevin, Tom. IV ; & supposé qu’une cuve ait été remplie en douze jours, c’est-à-dire, à trois époques de quatre jours de distance ; supposons, comme cela arrive très-souvent, que les premiers jours aient suffi au complément de la fermentation de la première vendange, & ainsi de suite pour les deux dernières époques ; lorsque l’œnomètre annoncera le maximum de l’élévation, qu’il aura été quelque temps stationnaire, l’indication qu’il donnera sera fautive, puisque c’est d’une multiplicité de combinaisons, d’élévations, que l’élévation totale est composée ; le service rendu par l’œnomètre, est donc dans ce cas un être de raison ; & aucun signe quelconque ne peut déterminer le moment du décuvage. La conséquence à tirer de ce qui vient d’être dit, est que l’œnométre & tout son appareil n’est pas plus nécessaire que l’hydromètre pour mesurer la hauteur du débordement d’une rivière, puisque la partie mouillée & écumeuse des douves indique la plus grande hauteur à laquelle le fluide vineux est parvenu. L’œnomètre est nuisible en ce qu’il établit une sortie libre à l’air fixe qui est le conservateur du vin, & lui donne cet agréable piquant sans lequel le palais n’en apperçoit pas l’aromat. Par exemple, les vins des provinces du midi sont plats, mats, sans saveur, agréables mêlés avec l’eau… Examinons actuellement si l’odomètre est conforme aux loix de la physique, relativement au but que l’auteur se propose.

Chacun connoît la force de pression de la colonne d’air atmosphérique sur les fluides ; le baromètre en est un exemple frappant, ainsi que la pression de la lune sur les vastes eaux de l’océan d’où résultent le flux & le reflux. Les mêmes effets doivent, jusqu’à un certain point, avoir lieu sur une cuvée, & la surface de cette cuvée suivre en général les variations de l’atmosphère. Par exemple, lorsque la vendange, ou plutôt le marc n’est pas encore élevé en forme de croûte sur la cuve, ou dans la cuve, l’air doit peser sur cette cuvée, & faire refluer, à raison de son poids, la liqueur dans le tube Fig. 7. ; mais quand la croûte ou chapeau est bien formé, lorsqu’elle est affermie, lorsqu’elle fait voûte dans son milieu & qu’elle presse fortement par sa base contre les parois de la cuve, cette voûte empêche l’action de l’air sur la liqueur, tandis que l’air porte directement sur la liqueur du tube, & la fait refluer dans la cuvée & dans le marc, toujours à raison de son poids. Ainsi supposons, dans un temps beau & serein, la fermentation à son maximum, alors la croûte est très-ferme, très-solide & très-élevée, & la liqueur est au plus haut point dans le tube… Que dans ce moment il survienne un orage, une tempête, l’air devenu plus léger que dans le temps serein & qu’auparavant, laissera monter la liqueur dans le tube, & plus haut qu’elle n’auroit monté dans le temps serein & pesant. On prendra donc alors, pour l’effet du maximum de la fermentation, ce qui est l’effet de l’air. Le mouvement rétrograde de la liqueur qu’on attend, viendra donc cinq, six, huit, & même dix heures plus tard. Si, au contraire, l’air de l’atmosphère est léger quelque temps avant le maximum, & qu’il devienne ensuite pesant, cette pesanteur contrariera le maximum, & la jauge œnomètre restera au point où elle étoit, ou descendra plus bas, ou ne s’élèvera peut-être que d’une ligne, &c.

La véritable conclusion à tirer de ce qui a été dit, c’est que l’œnomètre n’est pas nécessaire, qu’il est un indicateur infidèle, qu’il nuit essentiellement à la qualité du vin, par la perte immense d’air fixe qu’il occasionne, & qu’il mérite à tous égards d’être placé à côté de la découverte du double fond de la cuve. L’auteur a inventé ces deux instrumens, mais avant de publier leur description, en a t-il fait des essais capables de lui assurer la confiance publique ? Je ne le crois pas. L’un est impraticable dans toute l’étendue du mot, & l’autre, un joujou pour amuser les enfans. Le mémoire auquel l’accessit été donné, est fait de main de maître, & M. Mourgues dit avec raison qu’il n’a encore paru aucun ouvrage supérieur en ce genre. Il est étonnant que MM. les commissaires, qui ont déterminé le jugement de l’académie, n’aient pas reconnu l’impossibilité pratique du double fond, & l’inutilité de l’odomètre, les deux seuls points dans ce mémoire, qui appartiennent en toute propriété à l’auteur.


  1. Voyez sa représentation figure 5, 6 ; de la Planche XVII déjà cité, & ce que l’on pense de cette invention.