Cours d’agriculture (Rozier)/CANTHARIDE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 551-552).


CANTHARIDE, meloe vesicatorius. (Voyez la planche du mot Insecte où elle est gravée). L’espèce dont on va parler est nommée vulgairement cantharide des boutiques, pour la distinguer des autres espèces. Voici sa description publiée par M. Geoffroy. Elle varie prodigieusement pour sa grandeur ; tout son corps est d’un beau vert doré, à l’exception de ses antennes qui sont noires. Elles sont placées devant les yeux, un peu au-dessus de la tête ; leur premier anneau seul est vert, & les autres sont noirs. Les mâchoires sont saillantes & couvertes d’une petite lame ; le corselet est inégal, fort étranglé proche de la tête, se dilatant ensuite, & formant une pointe mousse de chaque côté. Les étuis sont d’un beau vert, un peu mous, flexibles, comme chagrinés. On distingue sur chacun deux raies longitudinales apparentes ; les ailes sont brunes, & le dessous de la poitrine a quelques poils. On trouve ces insectes sur les frênes, sur-tout vers le mois de Juin, sur l’ormeau, sur les troënes, quelquefois en une quantité considérable, & ils répandent fort au loin une odeur désagréable.

On rassemble ces insectes sur un tamis de crin, recouvert avec de la toile ou du parchemin, & on expose le crin à la vapeur du vinaigre, qui les fait mourir. Aussitôt après on les fait sécher au soleil avant de les renfermer dans un vaisseau bien bouché ; il convient de les renouveler toutes les années, & de ne les pulvériser que l’instant avant leur application.

L’administration intérieure des mouches cantharides n’est jamais sans danger, à moins qu’elle ne soit pratiquée par un médecin en état de remédier à leurs ravages. Extérieurement elles enflamment les tégumens, y font naître des vessies remplies d’humeurs séreuses. Elles agissent en même tems avec plus ou moins d’activité sur les voies urinaires ; souvent elles causent l’ardeur d’urine, quelquefois la strangurie. Elles se portent encore au cerveau, dont elles troublent les fonctions d’une manière moins sensible que celles des reins & de la vessie. Malgré ces inconvéniens, elles sont indiquées sous forme de cataplasme dans les espèces de maladies où il est essentiel, 1o. de faire promptement dériver vers une partie quelconque du corps, des humeurs nuisibles ; 2o. de ranimer les forces vitales & musculaires, pourvu qu’il n’existe ni violent délire, ni convulsion considérable.

La manière de faire le cataplasme se réduit à ceci. Prenez, suivant le cas & le sujet, depuis une drachme jusqu’à une once de mouches cantharides nouvellement réduites en poudre ; incorporez-les dans quatre onces de levain ou de farine, mêlées avec suffisante quantité de vinaigre, de manière que le mêlange soit exact & d’une consistance molle. Il doit rester pendant 24 heures sur la portion des tégumens où il est appliqué, à moins que les veilles ne se soient formées avant ce tems.

Les animaux auxquels on donne la feuillée pendant l’hiver, (voyez le mot Bois) sont sujets à avaler des mouches cantharides, sur-tout en mangeant les feuilles de frêne, d’ormeau, &c. Les symptômes dont on vient de parler se manifestent du plus au moins. Si leur activité est si grande étant simplement appliquées à l’extérieur, on doit juger de leurs ravages prises intérieurement. L’estomac s’enflamme, bientôt après surviennent la suppression d’urine, le pissement de sang, des tiraillemens, des tensions, sur-tout dans le bas-ventre. Le camphre, (voyez ce mot) est le vrai contrepoison ; mais il ne faut pas négliger les boissons légèrement acidulées, les boissons mucilagineuses faites avec la graine de lin, ou avec les feuilles de mauve, de guimauve, &c. Si l’inflammation, si le pissement de sang sont bien caractérisés, la saignée est indiquée, & même les bains, si toutefois l’eau n’est pas trop froide.

Les maréchaux composent une emplâtre de mouches cantharides, dans laquelle ils incorporent de l’euphorbe, de la poix, de la térébenthine & autres drogues semblables. Est-ce pour diminuer l’effet des cantharides sur les voies urinaires ? ils n’y parviendront pas.