Cours d’agriculture (Rozier)/DESSÈCHEMENT

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 662-669).


DESSÈCHEMENT, signifie dissiper l’humidité superflue & rendre sec. Tout terrein à dessécher est ou horizontal, ou a une pente quelconque. Dans le premier cas, l’opération est très-difficile & très-coûteuse ; dans le second, rien n’est plus aisé, quoique dispendieux dans beaucoup de circonstances.


CHAPITRE PREMIER.

Causes du Nivellement des terreins aquatiques.


Les terreins de niveau sont communément formés ;

1°. Par la mer qui s’en est retirée ensuite en accroissant chaque jour les dunes sur les bords. Une grande partie de la Hollande, de la Flandre françoise & autrichienne est dans ce cas, depuis la séparation de l’Angleterre du continent. Pendant sa jonction avec la France, les marées se trouvant retenues entre les côtes de France, de l’Angleterre, & de la partie élevée de l’Allemagne qui avoisine la mer, s’élevoient beaucoup plus alors qu’elles ne s’élèvent aujourd’hui, & retenoient les sables charriés par le Rhin, & les bonnes terres entraînées par la Meuse, qui se sont successivement déposées dans la partie dont nous parlons. Ces marées couvroient jadis une étendue immense ; mais l’ouverture une fois formée entre Douvres & Calais ; elles se sont étendues sur les côtes de Normandie, de Bretagne &c., & une très-grande partie de la Flandre & de la Hollande est alors sortie de l’eau, c’est-à-dire, n’a plus été recouverte par la mer. Comme la séparation est très-petite relativement au volume qui s’y jette avec véhémence, les marées sont plus hautes sur les côtes de Bretagne & de Normandie, qu’elles ne le sont sur celles du golfe de Gascogne. Une marée plus haute que les marées précédentes, ou une grosse mer a voituré des sables qui ont formé & élevé les dunes, & les vents violens poussant les sables mobiles les ont jetés contre les dunes, de manière, qu’en les retenant elles se sont élevées peu à peu. Les dunes une fois formées, les grandes flaquées d’eau ont resté par derrière ; le sol est & reste submergé, si l’industrie de l’homme ne surmonte cet obstacle. Il faut la patience & la sage économie des hollandois pour en venir à bout.

2°. Par les rivières. Les rivières changent de lit. Le plus petit des obstacles dans les commencemens suffit pour opérer dans la suite des révolutions qui étonnent. Un arbre, par exemple, qui se trouve au milieu d’un champ inondé par un débordement, offre une résistance au courant de l’eau ; de chaque côté, le courant acquiert de la force, creuse le sol, forme un petit ravin : celui-ci attire l’eau en plus grande abondance, le ravin s’agrandit & reste tel parce que la rivière se retire ; une seconde inondation survient, l’arbre est emporté, le ravin a triplé sa largeur & sa profondeur, & voilà un bras de rivière tout formé. Si la pente de ce côté est plus forte que dans le lit de la rivière, elle doit nécessairement abandonner ce lit pour couler dans le nouveau ; & tout le terrein qu’elle ne couvre plus, devient un bas-fonds & de niveau. Si on vouloit examiner attentivement, & rechercher les causes de ces bas-fonds, on reconnoîtroit que leur origine dépend en général de semblables causes.

Ces sols submergés une partie de l’année, ou au moins marécageux, sont le principe de cette quantité de maladies qui affligent les malheureux riverains trop attachés à la glèbe pour l’abandonner : les maladies sont moins à redouter dans les provinces du nord de la France que dans celles du midi ; la chaleur y étant moins forte, la putréfaction des débris des végétaux & des animaux y corrompt moins l’air. Dans celles du midi, c’est une véritable peste ; le village de Frontignan, si connu par ses vins blancs, sera peut-être désert avant qu’il soit cinquante ans. Quels remèdes à de tels maux ? Des opérations en grand, ou rien du tout, & alors abandonner le pays.

Le terrein est au-dessus du lit actuel de la rivière qui l’a abandonné, ou au-dessous du lit de ses eaux pendant les inondations. Dans le premier cas un large fossé, coupé par mille fossés secondaires, écoulera les eaux dans la rivière. Dans le second, le même fossé, revêtu d’une écluse & de fortes portes, & même d’une levée le long de la rivière, empêchera les eaux des inondations de s’étendre sur le sol, & lorsque la rivière sera rentrée dans son lit, les portes s’ouvriront & l’eau s’écoulera.

Si c’est une flaquée d’eau de mer de très-peu de profondeur, je ne vois d’autre moyen, que d’employer le pouldre des Hollandois, voyez le mot Moulin, (si le vent le permet) ou d’élever les bords, afin que les plus hautes eaux ne fassent point de relaissées, & ne s’étendent pas sur ces mêmes bords ; c’est-à-dire, qu’il faut rétrécir autant qu’on le peut la largeur de la flaquée, afin qu’elle ait plus de profondeur ; alors il s’exhalera très-peu de mauvais air ou air fixe. J’ai plus en vue dans ce que je dis la conservation de la santé des habitans, que la nouvelle acquisition du sol pour l’agriculture. Il est de fait & l’expérience a démontré mille fois, que les deux ou trois années qui succèdent aux grands défrichemens, aux grands desséchemens, sont des années meurtrières, & que le nombre des morts décuple, & celui des malades centuple.

Quant à l’avantage de l’agriculture, cherchons l’instruction chez les hollandois, chez les brabançons. La population est considérable, & toujours proportionnelle, & en général l’industrie suit la population, parce qu’elle naît du besoin. Des qu’une partie du terrein dans une saison de l’année cesse d’être sous les eaux, le hollandois dit : Habituellement l’eau s’élève à telle hauteur, j’ai tant de surface, il me faut donc tant de pieds cubes de terre, pour élever le sol au-dessus des plus grandes eaux. Ainsi par exemple, sur cent toises quarrées, je creuserai tout autour un fossé de telle largeur, & je lui donnerai la plus grande profondeur possible ; chaque année, je profiterai des sécheresses pour le creuser encore, & ainsi successivement mon terrein sera élevé. Voilà comme la Hollande est sortie de l’eau en grande partie, ou plutôt comme le terreplein a été élevé aux dépens des fossés.

Quelquefois un pouldre peut suffire à dessécher au moins pendant l’été une très-grande superficie ; mais, alors le concours unanime de tous les habitans de la circonférence est nécessaire ; c’est une opération majeure qui exige de grandes avances, soit pour la construction du pouldre, soit pour celle des canaux, & en France le terrein n’est pas aussi précieux qu’en Hollande ; il faut donc, avant de commencer une telle opération, examiner si le produit couvrira la dépense & donnera du bénéfice. S’il s’agit de la santé des habitans, on doit calculer d’une manière toute opposée. La vie d’un simple paysan est préférable à mille journaux de terrein en culture.


CHAPITRE II.

Du Desséchement des terreins dont les eaux sont susceptibles de suivre une pente.


Cette pente est ou naturelle, ou exige le travail de l’homme pour la procurer.

I. De la pente naturelle. Le seul cultivateur négligent ou trop pauvre, est celui dont les champs sont inondés ou marécageux. En pareil cas, il ne s’agit que de niveler le terrein, creuser un fossé principal & des fossés secondaires afin d’égoutter les eaux. On doit à cette négligence la maigre ressource ou plutôt la coutume de labourer les terres par planche, ou plutôt par billon. (Voyez ce mot) je conviens qu’une grande partie du terrein n’est plus marécageuse ; mais l’autre est inondée presque pendant tout l’hiver, & la semence ne germe pas, ou si elle germe, elle pourrit. Je conseille les fossés grands & petits dans les pays dépourvus de pierres & de cailloux ; dans ceux où l’on peut rassembler de telles pierres à un prix modéré, c’est le cas d’ouvrir un fossé principal qui traverse tout le champ dans la partie la plus basse ; ce fossé sera, par exemple, de six pieds de profondeur sur huit de largeur. Il sera rempli de pierres & de cailloux jettés confusément ensemble jusqu’à la hauteur de quatre pieds, & les deux autres pieds remplis avec la terre retirée du fossé, & mise de niveau avec celle du terrein voisin. À ce fossé principal correspondront tous les fossés collatéraux, en nombre suffisant, & pratiqués de la même manière. Il est impossible, si l’opération est bien faite, que la terre, que le pré, &c. restent submergés ou marécageux, quand même l’eau des sources sourderoit de toute part dans le champ. De quelque nature que soit le grain de terre, même d’argile, le point principal est que le grand fossé ait un écoulement, ce que le niveau indique d’une manière invariable. Il résulte de cette empierrement, 1°. que l’on a de reste les deux tiers de la terre tirée des fossés, & que, voiturée sur les endroits bas, elle les rehausse ; 2°. que l’on purge le champ des cailloux & des pierres inutiles ; enfin, que soit pré, soit champ, il est égoutté dans tous ses points. La moisson, l’herbe n’en seront pas moins abondantes sur le fossé même, puisqu’il reste dix-huit à vingt-quatre pouces de bonne terre ; aucune racine de plante graminée ne s’enfonce plus de six à huit pouces, & la luzerne, qui de toutes les plantes des prairies artificielles pivote le plus profondément, y réussit à merveille, même dans les provinces méridionales du royaume où si souvent la sécheresse est extrême ; parce que si elle gagne l’empierrement, elle y trouve encore une humidité suffisante à sa végétation. Je parle d’après ce que j’ai vu & plus d’une fois.

Ces empierremens sont singulièrement bien imaginés ; en effet, à quoi ressembleroit un champ, une prairie &c. sans cesse coupés & recoupés par des fossés. Pour peu qu’ils fussent en pente, les eaux pluviales agrandiroient les fossés, leurs bords s’abaisseroient, & petit à petit la partie du sol située entre deux fossés, imiteroit la forme du dos d’âne, & la pièce seroit ruinée pour toujours. Les empierremens, au contraire, permettent de niveler le terrein, & sur chaque fossé de tracer les larges sillons, qu’on nomme sangsues, afin de faire égoutter les eaux. La terre qui recouvre ces empierremens a été remuée plusieurs fois, de sorte qu’elle ne forme jamais une masse aussi compacte que la voisine ; ainsi l’eau la pénètre plus facilement, & quand elle est pénétrée autant qu’elle peut l’être, elle fait alors l’office d’un crible ; toute la partie superflue s’égoutte dans l’empierrement.

Mais, dira-t-on, les vides qui existoient dans le temps que l’empierrement a été fait, se rempliront peu à peu de terre, se combleront ; alors le remède deviendra pire que le mal. Que répondre à ce raisonnement ? L’expérience décide le problème ; je connois de semblables empierremens faits depuis trente ans, & dont le service est aussi avantageux aujourd’hui que dans les premières années. Supposons que tous les conduits fussent bouchés. Je demande à mon tour : Les récoltes de trente années, ne dédommagent-elles pas amplement de la dépense, dans la supposition qu’il fallut ouvrir de nouveaux ces mêmes fossés ? La vérité est que l’eau qui filtre à travers un pied & demi ou deux pieds de terre, entraîne très-peu de terre, & que l’eau rassemblée entre ces pierres & ces cailloux, coule avec assez de rapidité pour expulser le peu de terre qui s’y seroit rassemblée. En un mot, le raisonnement est bon dans le cabinet, mais nul contre l’expérience. Je conviens cependant que si le fossé principal n’a pas un dégorgement suffisant, il s’altérera peu à peu, finira par devenir inutile & mettra les autres dans le même cas. Ce ne fera plus la faute des fossés, mais celle de l’agriculteur qui aura mal conçu la direction de son ouvrage en le commençant, ou qui l’aura négligé après son exécution. Toutes les fois que vous verrez un champ couvert d’eau pendant des mois entiers, une prairie chargée de joncs, de mousses &c., dites : Ce terrein appartient à un cultivateur négligent ou très-pauvre.

II. Des pentes qui exigent d’être aidées. Par des effets singuliers de la nature, ils se trouve des fondrières, des terreins dont la pente est dirigée du côté opposé de l’écoulement naturel ; enfin il y a mille positions, impossibles à décrire. Malgré cela, il est très-peu de cas, où l’on ne puisse donner un écoulement aux eaux : trancher dans le vif à force de bras, est le plus expéditif & le plus coûteux ; mais à moins que l’opération du desséchement ne soit majeure & de la plus grande importance, je ne le conseille pas. Les obstacles naissent ordinairement ou de la masse des roches, ou des amas de terre ; la mine seule agit sur les premiers ; la brouette, le tombereau suffisent pour les seconds. Quelle dépense pour peu que l’excavation à faire soit profonde ! quel remuement de pierres & de terres ! Avant de l’entreprendre refléchissez à deux fois : avec le secours du niveau, on pourra en parcourant une bien plus grande surface, procurer l’écoulement. C’est encore le cas de calculer, combien il en coûtera par toise, & d’examiner, 1°. si le prix du déblaiement de ces toises mises bout à bout, l’emporte sur la grande excavation dans l’endroit le plus rapproché ; l’estimation faite, ajoutez à la dépense un grand tiers en sus, afin de ne pas faire de faux calculs, & sur-tout pour ne pas se trouver court en finance. Le chapitre des accidens & des obstacles est immense. Si la valeur de la fondrière équivaut seulement aux frais, il vaut mieux avec cet argent, acheter près de soi des terres de bon rapport.

Les saisons des entreprises de cette espèce, sont l’automne, & le printemps, & quelquefois l’hiver, si la terre est peu imbibée d’eau. Dans le cas contraire, on ne fait pas en trois jours ce qu’on auroit fait en un. Si vous considérez le malheureux journalier comme votre semblable, comme citoyen & sur-tout comme l’individu dont dépend toute la subsistance de sa famille, ne l’appliquez jamais à ce desséchement en été. Il travaillera pendant quinze jours, même un mois ; les deux autres mois, il sera rongé par la fièvre & souvent il en périra. Je ne cherche point à répandre une terreur panique, je parle d’après des faits. Si un besoin urgent oblige de faire travailler ces malheureux pendant l’été, soyez humain, prodiguez-leur le vinaigre, & ne leur laissez jamais boire de l’eau sans la rendre légèrement acidule. De distance en distance, le long des travaux établissez de grands feux malgré la chaleur, obligez-les de se chauffer le soir avant d’aller dormir ; donnez-leur un peu d’eau de vie le matin lorsqu’ils iront au travail, mais étendez-la dans six fois son volume d’eau. Il seroit trop long d’expliquer ici sur quels principes est fondé ce régime ; il suffit d’être assuré que l’expérience a prouvé son efficacité. Que la pente existe déjà, ou qu’elle soit l’effet de l’art, si on trouve, à une certaine profondeur, une couche de graviers, il est inutile alors d’ouvrir de si grands fossés dans toute la longueur & dans les différens sens de la pièce : cependant le même nombre de fossés doit exister ; la largeur seule de l’empierrement doit être diminuée, parce que le gravier, toujours ou presque toujours disposé en couche horizontale, donnera passage aux eaux, & d’elles-mêmes elles iront former des sources, peut-être à deux, quatre ou six lieues de-là. C’est donc la profondeur à laquelle on trouvera le gravier, qui décidera de celle des fossés & de leur largeur, & de l’épaisseur de la couche de terre qui doit recouvrir l’empierrement. Jamais terrein n’est aqueux ou marécageux, lorsqu’il porte sur un banc de gravier, qu’il est élevé au-dessus du lit des rivières, à moins qu’entre le banc de gravier & la superficie du sol, il ne se trouve des couches d’argile. Peu de cas particuliers font exception à cette loi ; par exemple, l’abondance des sources. Si leur eau est superflue ou inutile, il convient, en partant de l’endroit le plus bas de la pièce, d’ouvrir les fossés dont on a parlé, & de les conduire directement vers ces sources, ou vers les endroits les plus aqueux.

Toutes ces opérations sont subordonnées au local, que chacun doit étudier, & que je ne puis décrire ; mais il est constant que les généralités qui viennent d’être décrites, s’appliquent à toutes sortes de terreins.


Dessèchement, Médecine vétérinaire. Les parties des animaux, les plus exposées à cet accident, sont le pied du cheval & du bœuf, & les mamelles des animaux femelles.

Dessèchement du pied. La corne qui environne le pied du cheval, & celle qui entoure les deux dernières phalanges du pied du bœuf, se dessèchent lorsqu’elles sont privées de l’humidité qu’elles reçoivent de la substance cannelée. Il arrive même que l’animal boite quelquefois, relativement à la compression qu’éprouve cette substance, comprise entre la corne & l’os du pied. (Voy. Pied)

Les suites de cet accident sont d’autant plus fâcheuses, que la sécheresse & la sensibilité sont plus considérables.

Traitement Lorsque l’on s’apperçoit que le volume du pied du bœuf & du cheval commence à diminuer, il faut envelopper cette partie d’un cataplasme émollient, fait de feuilles de mauve, de pariétaire, de bouillon blanc, &c. qu’on arrosera de temps en temps avec la décoction de ces mêmes plantes, & qu’on aura soin de renouveler de quatre en quatre heures, jusqu’à ce que la corne paroisse reprendre son ancienne humidité. Les huiles, les onguens, les graisses, que le laboureur a coutume d’employer dans ce cas, ne remplissent jamais l’objet désiré, en ce que ces substances ne peuvent point pénétrer dans les dernières couches de la corne, & qu’elles ne tendent qu’à en lubréfier la surface. Pour être convaincu de ce fait, on n’a qu’à jeter les yeux sur les chevaux qui habitent les terreins bas, humides & marécageux, & on verra qu’ils ont la corne molle, & non desséchée, tandis que, dans ceux qui vivent dans les pays élevés & dans les pays chauds, les pieds sont sujets au desséchement, aux seimes, & à tant d’autres accidens, malgré l’usage fréquent des huiles, des graines & des onguens que l’on emploie pour s’y opposer. Outre les cataplasmes émolliens que nous avons indiqués, l’eau blanche pour boisson, le son mouillé, les plantes fraîches pour nourriture, les lavemens émolliens, sont encore nécessaires pour concourir au ramollissement du pied.

Desséchement des mamelles ou mal sec. Cette maladie vient à la suite des grands froids, des chaleurs excessives, des contusions aux mamelles, des blessures, des mauvaises qualités de lait, du fréquent usage de certaines plantes, de l’inflammation des abcès, des ulcères, & de tous les principes, en un mot, qui, en diminuant le diamètre des vaisseaux lactifères, & les obstruant, s’opposent à la sécrétion du lait, & occasionnent le desséchement des mamelles.

On s’apperçoit de cet accident par le lait, dont la quantité diminue un peu tous les jours, par le défaut de cette humeur, malgré tous les moyens que l’on emploie pour traire, & par le retrécissement des mamelles.

Traitement. Le mal sec, qui arrive à la suite d’un dépôt laiteux, d’un abcès ou d’un ulcère, est, pour l’ordinaire, incurable. Celui qui est dû à un grand froid, ou à la mauvaise qualité du lait, est souvent accompagné de l’obstruction des gros vaisseaux destinés à le charrier. Dans ce cas, il est indispensable, dans le commencement de la maladie, de sonder doucement le conduit de chaque mamelon, avec une broche de bas, à l’extrémité de laquelle on aura pratiqué un petit bourrelet enduit d’huile d’olive ; d’attirer le lait dans les mamelles par de fréquentes frictions, sèches & légères avec la main, & de faire des fumigations avec les baies de génièvre, dans la vue de favoriser la dissipation de la matière qui engorge les vaisseaux lactifères, & d’opérer une sécrétion plus facile & plus abondante de lait dans les mamelles.

Le desséchement qui est produit par les grandes chaleurs, les alimens aromatiques, échauffans & peu abondans en mucilage, exige l’usage des émolliens sur les mamelles, & des alimens mucilagineux & humides. Il faudra donc donner à la vache, à la brebis & à la chèvre, pour nourriture, du son humecté, de l’eau blanchie avec la farine d’orge, des plantes fraîches & tendres ; les tenir chaudement dans l’étable, dont on aura le soin de renouveler l’air deux ou trois fois par jour, exposer les mamelles à la vapeur d’une décoction émolliente plusieurs fois répétée.

Nous observerons, avant de finir cet article, que le desséchement des mamelles ou mal sec est, pour l’ordinaire, contagieux dans les chèvres, & qu’il attaque particulièrement ces animaux pendant les grandes chaleurs de l’été, & lorsqu’ils ont resté longtemps sans boire. On s’en assure en ce que les sources du lait sont taries ; les mamelles se dessèchent, l’animal maigrit à vue d’œil, & succombe enfin en peu de jours.

Lorsque le cultivateur s’apperçoit de la contagion, c’est-à-dire, lorsque le mal commence à se répandre, il faut qu’il fasse conduire promptement les chèvres dans des pâturages gras & humides ; les faire sortir bien matin, afin qu’elles puissent humer la rosée, & leur frotter, deux fois le jour, les mamelles avec du lait bien gras, & ne pas manquer surtout de les mener boire plusieurs fois dans le jour. M. T.