Cours d’agriculture (Rozier)/FROMAGE, espèces de

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 479-481).


FROMAGE. Nous allons décrire la manière de faire trois espèces de fromages inconnus en France, et dont on n’a pas encore donné les procédés.

I. Fromage verd de Hollande. La composition de ce fromage paroitra sans doute bien dégoûtante à quelques personnes : mais si l’on peut surmonter cette espèce de répugnance, on se convaincra que ce fromage est un des meilleurs qui soit connu. Les Hollandois le préfèrent à tous les autres pour la santé : il a la propriété de se conserver très-long-tems. On en consomme très-peu en Europe : mais il s’en fait des envois considérables dans les possessions hollandoises aux Grandes-Indes.

Dans le Texel où se font ces fromages, on attache de petits sacs de toile sous la queue des moutons pour retenir les excrémens de ces animaux. On prend ces excrémens lorsqu’ils sont encore frais ; on les met dans un sac ou dans un linge propre, qu’on plonge dans le lait nouvellement trait ; on presse et on exprime cette matière avec les mains, de manière à teindre fortement le lait en verd. On met ensuite la présure ; et l’on suit pour le reste les procédés communément usités pour faire le fromage de Hollande.

J’ai fait aux environs de Paris des fromages en employant la manipulation que je viens d’indiquer ; et il n’est personne de ceux à qui, en ai fait goûter qui ne les ait trouvé très-bons.

Si on se sert de la méthode usitée en Brie pour faire le fromage, après avoir exprimé dans le lait des excrémens de mouton, on obtiendra une espèce de fromage d’un goût particulier, mais très-agréable.

On peut manger ces sortes de fromages au bout d’un ou deux mois, lorsqu’ils sont encore mous, ou les laisser durcir pour les conserver plusieurs années.

II. On fait en Suède un fromage nommé sand-ost ; ce qui signifie fromage de sable. Il a effectivement une contexture friable et se réduit facilement en poudre. Les Suédois en sont grand cas et le préfèrent à tout autre. Il est léger et sain. J’en ai souvent mangé dans le pays ; je lui ai trouvé un fort bon goût qui ne ressemble en rien à celui des autres fromages. Il est très sucré, et a la couleur de café au lait. On le mange quelquefois seulement avec du pain ; mais le plus communément on en saupoudre des tartines de beurre. Les Suédois qui ont coutume de prendre un verre d’eau-de-vie avant le repas, et de manger une bouchée de pain avec du beurre et du fromage, préfèrent alors le sand-ost aux autres espèces.

La manière de faire ce fromage est très-simple. On n’emploie pour cette confection que la partie séreuse du lait : c’est-à-dire qu’après avoir fait du fromage ordinaire, on prend le petit lait qui s’en écoule ; on le met sur le feu dans un vase quelconque ; on le fait bouillir modérément, et évaporer jusqu’à ce qu’il soit parvenu à la consistance d’une bouillie claire. Alors on retire du feu la matière, et on la jette dans un moule. On laisse ainsi ce fromage pendant quelques jours, ayant soin de changer de moule aussi souvent qu’il est nécessaire. On le retire du moule lorsqu’il a assez de solidité ; et on le place sur des claies pour le faire sécher. Il devient solide et dur, et peut se conserver très-long-temps, si on a soin de le garantir des insectes. Quelques personnes le mangent frais et à la sortie du moule ; alors il s’étend sur le pain comme du beurre.

Quoique le fromage, dont nous venons de donner la recette, soit très-délicat, nous ne conseillons pas aux cultivateurs d’en faire habituellement dans une ferme où l’on a des animaux de basse cour ; la petit lait peut-être employé d’une manière plus lucrative.

III. J’ai vu faire eu Norwège un fromage auquel on donne le nom de grammel-ost, ou vieux fromage. Ces fromages, dont on fait des envois en Allemagne, ont communément deux à trois décimètres de diamètre et quinze à vingt centimètres d’épaisseur. Quoiqu’ils soient d’une odeur et d’un goût très forts, il n’en sont pas moins estimés dans le nord de l’Europe.

Ou écrême ordinairement le lait ; on y met de la présure, et on le fait bouillir pendant une demi-heure. On retire ensuite la partie caséeuse qui s’est précipitée au fond du vase, et on la met dans une forme, après l’avoir bien pétrie pour en extraire le petit lait. Lorsque le fromage a resté un ou deux jours dans le moule, on le retire pour le faire sécher, ce qui dure trois ou quatre mois. Lorsque ce temps est écoulé, on le lave avec de l’eau dans laquelle on a fait bouillir de la paille, puis ou l’entoure avec cette même paille qu’on a laissée refroidir. Il reste dans cet état pendant trois mois, au bout desquels on substitue de nouvelle paille bouillie. Quelques mois après on le retire de la paille, et on le recouvre d’un linge qu’on a soin d’humecter de temps à autre. Les gourmets humectent le linge avec du vin. On conserve ces fromages en les plaçant dans des vases de bois ; et afin que les insectes ne viennent pas y déposer leurs œufs, on met ce vase dans un sac de toile serrée. Ils doivent avoir un an pour être à leur degré de perfection. Lasteyrie.