Cours d’agriculture (Rozier)/RONCE

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Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 618-620).


RONCE. Tournefort la place dans la seconde section de la vingt-unième classe, destinée aux arbres à fleurs en rose, dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs bayes, & il l’appelle Rubus vulgaris sive rubus fructu nigro. Von-Linné la classe dans l’icosandrie polygamie, & la nomme Rubus fruticofus,

Fleur, en rose, composée de cinq pétales, obronds, ouverts, insérés au calice, ainsi que les étamines qui sont en grand nombre. Le calice est d’une seule pièce divisée en cinq folioles, en forme de lance, ouvertes, de la longeur à peu près des pétales.

Fruit, ressemblant à celui du mûrier, composé comme lui de petites baies rassemblées en têtes arrondies, sur un réceptacle conique, renfermant chacune une semence oblongue.

Feuilles, portées par un pétiole ; découpées en trois ou en cinq folioles, dentelées à leurs bords ; les pétioles sont hérissés d’aiguillons crochus.

Racine, ligneuse, serpentante.

Port, arbrisseau dont les tiges sont foibles, pliantes, s’élevant dans les haies, rampantes à terre, y prenant facilement racine ; les branches, les pédoncules, les pétioles couverts d’aiguillons crochus. Les fleurs disposées en grappes à l’extrémité des tiges ; les fruits rouges avant leur maturité, noirs quand ils sont mûrs ; les feuilles placées alternativement sur les tiges.

Lieu, les haies, les buissons, les champs ; fleurit en mai, juin & juillet ; son fruit mûrit en automne.

Propriétés médicinales ; âpre avant sa maturité, acidule quand il en approche, doux & un peu fade au point de sa maturité. Il est nourrissant, rafraîchissant, un peu astringent. Pris en une certaine quantité, il développe beaucoup d’air dans les premières voies, & donne souvent des coliques. Les feuilles & les jeunes tiges sont âpres, astringentes & détersives. On s’en sert en décoction & en gargarisme ; on prépare un sirop avec son fruit, qui n’a pas plus de propriétés que la liqueur extraite du fruit & édulcorée avec du sucre.

Propriétés économiques ; la ronce est fort souvent employée dans les plantations des haies, mêlée avec d’autres arbrisseaux armés d’épines. Il résulte de la végétation inégale de ces arbrisseaux, que le plus fort détruit à la longue le plus foible. Je ne répéterai pas ici ce qui a été dit au mot haie. La ronce & les clématites en sont les destructeurs ; d’ailleurs comme les tiges de la ronce sont rampantes sur terre & prennent racine par tous leurs points de contact, ses progrès sont rapides & s’emparent du terrain. Je ne vois qu’une seule manière de se servir utilement des ronces, c’est lorsqu’on vent défendre une nouvelle haie, par exemple d’aubepin, de la dent des troupeaux ; & encore les troupeaux mangent-ils avec avidité les jeunes pousses des ronces. Il s’agit de faire en avant, à deux ou trois pieds de distance, une haie de ronces que l’on entremêle avec des ronces sèches qui leur servent de soutien & de défense. Pendant que celle-ci croît, l’autre travaille, & quand elle est assez forte on supprime complètement la première. Une haie de ronce sèche vaudroit tout autant, mais elle seroit d’un plus grand entretien, parce qu’il faudroit souvent la renouveler. Dès haies sèches de ronce, quand on peut s’en procurer facilement & sans beaucoup de dépenses, sont excellentes, & lorsqu’elles sont bien faites, on ne les traverse pas impunément sans le secours du fer ou du feu.

La ronce prend facilement de bouture, sur-tout si le sol est naturellement un peu frais & substantiel. Il vaut beaucoup mieux se servir de plants enracinés ; on jouit bien plus vite. Pour s’en procurer, il suffit d’enterrer, de distance en distance, les tiges à mesure qu’elles s’allongent. Il arrive souvent qu’en partageant au milieu des racines la partie qui est enterrée, on obtient deux boutures. Il est bon de les planter avant l’hiver ; & en supposant qu’il reste hors de terre une tige de 15 à 18 pouces, on peut recourber l’extrémité supérieure & la piquer en terre, où elle prendra racine : chaque bouture demande à être plantée à huit ou dix pouces de distance l’une de l’autre, & le bout couché établira un fourré imperméable, même à une poule.

Le grand désagrément des haies de ronces vient de ce que les racines sont très-nombreuses dans le commencement ainsi que leurs tiges, & que s’affamant ensuite les unes les autres, des clairières s’établissent ensuite de tous les côtés. Il faut encor» observer que lorsqu’une tige a vécu deux ou trois années, elle périt, & de nouvelles sortent de terre, mais elles sont foibles. Sans le secours du travail de l’homme & même des engrais, les arbrisseaux ne se régénèrent plus que par les semences ; leur végétation est médiocre parce que la terre est épuisée ; enfin on finit par n’avoir plus de haie. Je regarde donc la haie comme un secours très-médiocre pour les clôtures, & comme un secours momentané & destructeur, lorsqu’en en plantant on unit la ronce avec les autres arbrisseaux de défense. Je ne vois qu’un seul cas où elle soit utile jusqu’à un certain point, c’est sur des tertres & sur des endroits escarpés, qu’il convient cependant de clorre. Dans ces cas il faut semer la graine si le terrain est naturellement sec, ou planter des boutures enracinées si on trouve des scissures dans les rochers. La nature restera chargée des soins de l’éducation.

À force de travail & d’engrais, les amateurs sont parvenus à se procurer la ronce à fleur double ; & aujourd’hui cet arbuste entre dans les bosquets & les massifs de printemps. Si on n’a pas une attention extrême de soutenir les tiges à mesure qu’elles poussent, & de les attacher contre des piquets élevés, on est assuré que ces mêmes tiges rampant sur terre & y prenant racine pour peu que le sol soit frais & le climat humide, s’empareront bientôt de tout le pays, & on ne pourra plus les détruire. On cultive également la ronce à fleur double & à feuilles panachées.