Cours d’agriculture (Rozier)/ÉMOLLIENT

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 200-201).


ÉMOLLIENT, Médecine rurale. On comprend sous le nom d’émolliens, les médicamens qui ont la vertu & la propriété de ramollir ou de rendre le tissu des solides moins serré ; aussi sont-ils directement opposés à ceux qu’on appelle astringens, qui resserrent davantage le même tissu.

Les solides peuvent être relâchés par des parties aqueuses, mucilagineuses, & huileuses qui, en s’insinuant entre les fibres, & leurs interstices, diminuent leur cohésion, & éloignent le point de contact immédiat. Ainsi les émolliens se réduisent aux émolliens simplement aqueux, aux émolliens mucilagineux, & aux émolliens huileux.

1. L’eau seule qu’on aura fait tiédir, est le meilleur émollient ; il est même impossible d’en trouver un autre qui puisse le surpasser ; la raison en est toute simple ; c’est qu’il est le plus naturel, & que tout le monde peut se le procurer sans faire les moindres frais ; j’ose même assurer qu’il agit avec plus efficacité, quand il est administré seul, que quand on lui associe quelque mucilagineux.

Les émolliens aqueux conviennent dans le cas de sécheresse, d’aridité des solides, par défaut de sérosité dans les humeurs, ce qui arrive dans les tempéramens secs & bilieux, mélancoliques, dans les hystériques & hypocondriaques, après de longues maladies, de grandes sueurs, des exercices immodérés, & dans un épuisement de sang gélatineux.

Ils se donnent, ou seuls, sur-tout extérieurement, sous forme de bain, de fomentation & d’embrocation ; intérieurement, sous forme de tisanne, & alors on y associe d’autres médicamens : dans les maladies inflammatoires, où le sang est épais & âcre, on y peut joindre les capillaires, la racine de chiendent.

2. Les émolliens du second genre peuvent aussi agir par des parties mucilagineuses qui sont plus grossières dans les végétaux, & plus fines dans les animaux. Les parties aqueuses se trouvent enveloppées par le mucilage, & produisent les mêmes effets que les précédens, en éloignant le point de contact, en diminuant le ressort, & en rendant ces parties plus molles. Tous les végétaux mucilagineux peuvent être rangés dans cette classe. La patience, la racine de guimauve, les fleurs & les feuilles de toutes les mauves, le nymphea, les semences farineuses, les semences de courge, de melon, de concombre, de citrouille ; les semences froides, d’endive, de pourpier, de laitue ; le blanc de baleine, les gommes arabiques & adragant, les racines de réglisse, les semence de psyllium, celles de coing ; les fruits mucilagineux, tels sont les jujubes, les raisins secs, les figues sèches, les sebestes, les dattes, les pignons doux, les pistaches, le carouge.

Ces sortes d’émolliens conviennent principalement dans le cas d’une sécheresse de toute la constitution, provenant d’un défaut des parties aqueuses & mucilagineuses du sang. Mais aussi ils nuiroient beaucoup, si on les employoit dans l’épaississement des humeurs, & dans une tendance à se coaguler.

3. On peut ranger sous le troisième genre, l’huile de lin, celle d’amandes douces, & toutes les huiles qu’on peut tirer des fruits. Mais il faut remarquer qu’elles sont sujettes à se rancir, & qu’alors elles sont plutôt astringentes, qu’émollientes. Il faut les donner avec précaution, sur-tout dans les tempéramens bilieux, & on a soin de les faire tirer sans feu ; si elles ne sont point récentes, il vaut mieux leur préférer les émolliens mucilagineux. M. AM.