Cours d’agriculture (Rozier)/ÉPERVIER, pêche

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ÉPERVIER, (Pêche,) filet employé très-communément sur les rivières, et que l’on voit non seulement entre les mains des pêcheurs de profession, mais encore entre celles des amateurs de la pêche, quoique les anciennes ordonnances en défendissent l’usage. Il a la forme d’un entonnoir ou d’une cloche, à la pointe de laquelle est attachée une corde ou ligne ; des balles de plomb, percées à leur milieu, s’enfilent dans la corde qui borde le bas du filet, et s’y assujettissent par des nœuds. Le bord du filet excède d’un pied ou d’un pied et demi la corde plombée ; mais cette partie est retroussée en dedans, et attachée de distance en distance, afin de former des bourses dans lesquelles le poisson, qui cherche à s’échapper par-dessous l’épervier, se trouve engagé.

Les mailles de l’épervier doivent être faites avec du bon fil retors, et moins serrées au haut du filet qu’en bas. On donne, pour l’ordinaire, aux mailles supérieures, deux pouces d’ouverture, au lieu que les inférieures laissent à peine le passage du doigt.

On traîne, ou l’on jette l’épervier. Pour le traîner, deux hommes, placés sur les bords de la rivière, maintiennent l’ouverture du filet dans une position à peu près verticale, par le moyen de deux cordes attachées à deux points de cette ouverture. Un troisième pêcheur tient une troisième corde qui répond à la pointe du filet. Quand ils veulent relever l’épervier, les deux premiers lâchent leurs cordes, de manière que toute la circonférence du filet porte sur le fond ; l’autre, tirant à lui sa corde, se balance, pour que les balles se rapprochent, et, dès qu’il les voit réunies, il tire l’épervier de toute sa force, et le met sur la rive. Si le filet ne peut embrasser la largeur du courant d’eau, des bouleurs, marchant des deux côtés, poussent le poisson dans le filet ; et si la rivière est en même temps large et profonde, les pêcheurs, placés aux deux bouts d’un bâtelet mis en travers du courant, et au bord duquel ils attachent une partie de la corde plombée, traînent le filet, en poussant leur batelet avec des gaffes, et toujours en travers.

Le jet de l’épervier exige de la force, de l’adresse, et des précautions. Il faut d’abord passer la main gauche dans la boucle de la corde attachée à la culasse, et, de la même main, empoigner tout l’épervier à deux pieds environ de la corde plombée. On tient cette portion de filet pendante, de sorte cependant que les plombs portent un peu à terre ; on prend ensuite à peu près le tiers de la circonférence de l’embouchure du filet, et, le renversant en entier, l’on jette cette partie sur l’épaule gauche ; enfin, on empoigne de la main droite environ un autre tiers. Le reste du filet pend devant le pêcheur. Alors on se lève tout droit ; on s’approche de l’endroit où l’on veut jeter l’épervier ; on se campe ferme sur ses pieds ; puis, se tournant à gauche pour prendre un élan, et revenant vivement sur la droite, on jette, le plus fortement que l’on peut, le filet entier à l’eau, en lui faisant faire la roue ; la corde plombée se précipite au fond de l’eau, et enferme tout le poisson qui se trouve dans l’intérieur de la cloche.

Il faut prendre garde, quand on jette l’épervier, de ne point l’accrocher aux boutons ou aux agraffes des habits ; il vaudroit mieux même n’en point avoir ; car si quelque maille venoit à s’y arrêter, on pourroit être entraîné par le mouvement très-vif du filet, et la pesanteur des plombs.

Le fond, sur lequel on déploie l’épervier, doit être net, sans fortes herbes, ni pierres, ni bois, qui pourroient le déchirer. Pour rendre la pêche plus sûre, on amorce aux endroits où l’on se propose de jeter l’épervier ; des appâts fort simples, et fort peu coûteux, se font avec du son, des feuilles de menthe sauvage, du millet et d’autres graines germées. Quand l’épervier est retiré de l’eau, le pêcheur saisit la corde à laquelle les plombs sont attachés, la suit sur tout le contour du filet et vide les bourses ou poches qui sont ordinairement remplies de vase, d’herbes, de coquillages, et de très-petits poissons qu’il doit rejeter, et ne conserver que les gros qu’il met dans un panier ou dans un sachet, et dont le fond est garni d’herbes fraîches ; il tord ensuite fortement le filet, en retenant le bas avec son pied, afin d’en faire sortir l’eau, et il fait de nouvelles dispositions pour le jeter dans un autre endroit. (S.)