Cours d’agriculture (Rozier)/ÉPILEPSIE

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 249-259).


ÉPILEPSIE, Médecine rurale. L’épilepsie est une maladie convulsive, qui saisit tout à coup, & fait tomber ceux qui y sont sujets, ou qu’elle attaque pour la première ois, avec privation de tous leurs sens & des mouvemens volontaires.

Cette maladie a été désignée sous différens noms, relativement aux symptômes qui l’accompagnent dans le paroxysme, & que ceux qui en sont frappés, éprouvent dans ce même instant. Les uns l’ont appelée mal caduc, haut mal, parce que ceux qui en sont atteints, ne peuvent s’empêcher de tomber de leur haut, surtout s’ils sont debout : les autres, mal sacré, parce qu’ils la regardoient comme une vengeance céleste ; les romains lui avoient consacré celui de maladie des comices, parce qu’ils rompoient leurs assemblées lorsque quelques-uns d’entr’eux en étoient attaqués, & ils ne les y admettoient plus. Hippocrate l’appeloit maladie puérile, parce qu’il avoir, observé qu’elle étoit très-familière aux enfans.

L’épilepsie peut être essentielle, tout comme symptomatique. Elle peut être aussi héréditaire, à raison des différens accidens qu’elle produit, de leur durée, de leur période ; & des différens sièges de sa cause ; elle peut être idiopathique, c’est-à-dire, que la cause est dans le cerveau ; ou sympathique, dont la cause est dans toute autre partie que le cerveau, & ne l’affecte que par communication.

D’après cela, il se présente ici une infinité de causes qui peuvent produire l’épilepsie idiopathique, telles qu’une commotion & un ébranlement dans le cerveau, une inflammation générale de ce viscère, un ulcère dans fa substance, un enfoncement des os du crâne sur la dure & pie-mère, & les méninges, un épanchement de sang à la suite de quelque coup porté à la tête, un contre-coup, un amas de pus, &c.

Il seroit très-difficile de pouvoir rassembler ici toutes les causes capables d’exciter l’épilepsie sympathique ; nous indiquerons celles qu’on observe le plus communément. Souvent elle dépend chez les personnes du sexe, de la suppression de leurs mois, ou de leurs lochies, ou de quelque perte imprudemment arrêtée. Elle survient aussi aux hommes sujets à une évacuation salutaire ; mais tout à coup supprimée, comme les hémorroïdes, la gale répercutée, des dartres rentrée, par l’application de quelque topique.

La matrice, par son organisation, prête beaucoup au développement de cette maladie. La trop grande tension de ses nerfs, jointe à l’irritation de ses membranes, & à l’âcreté dés sucs qui les arrosent, ajoutez à cela la finesse de ses fibres, toutes ces choses, dis-je, peuvent la déterminer.

Elle dépend souvent d’un amas de vers contenus dans l’estomac & le reste du tube intestinal ; d’une abondance d’humeurs putrides, bilieuses, très-âcres & très-exaltées ; de l’usage de liqueurs spiritueuses, d’une trop grande abstinence, de l’excès dans l’usage du vin & du coït, des méditations profondes, d’une imagination trop vive & trop affectée, des exercices immodérés, d’un coup de soleil. Elle peut être aussi l’effet des poisons pris intérieurement.

Les signes avant-coureurs de l’épilepsie, sont des douleurs à la tête, des pesanteurs, des éblouissemens, le vertige, un trouble général dans l’économie animale, le tremblement de quelque partie du corps, des grandes lassitudes, l’engourdissement des membres, un sommeil entrecoupé de songes fatigans, un tintement d’oreilles, des mouvemens désordonnés de la bouche, une trop fréquente sternutation. On ne doit pas oublier la crainte & la tristesse, la peur, la facilité à verser des larmes, & à entrer dans des mouvemens de colère, le gonflement des yeux, celui des paupières. Quelquefois le malade sent monter une espèce de boule des extrémités inférieures à la tête. Mais tous ces signes précurseurs varient selon la cause qui les produit, & ce ne sera qu’en y donnant l’attention la plus réfléchie, que l’on parviendra à la guérir.

Les symptômes qui caractérisent l’accès sont les suivans. Le malade tombe tout à coup sur terre ; il fait un bruit extraordinaire, il se tord les bras, se roidit les mains ; il agite sa tête, ou quel qu’autre partie du corps, ses yeux sortent de l’orbite ; ils sont fixes. Sa respiration est fort gênée & très-laborieuse, sa bouche écume, il se mord quelquefois la langue & les lèvres.

Revenu de son accès, il est tout étonné & abattu. Il ne se souvient plus de ce qui s’est passé, il se plaint alors d’une grande pesanteur de tête, & d’une excessive fatigue.

D’après la description de ces symptômes, on doit conclure que l’épilepsie est une maladie effrayante & très-dangereuse. Celui qui en est attaqué, court le plus grand risque ; il peut se tuer lui-même, en tombant tout à coup, en frappant de la tête sur quelque corps dur, chute qui détermine souvent des contre-coups dans la substance du cerveau ; Hippocrate la regardoit comme mortelle. Cependant on peut dire qu’elle ne l’est pas aussi généralement aujourd’hui, qu’elle pouvoit l’être du temps du père de la médecine. Toutes les maladies convulsives qui affectent le genre nerveux, résistent souvent aux méthodes de traitement les mieux ordonnées ; mais on ne doit pas pour cela les regarder comme incurables ; je suis très-convaincu qu’on peut traiter avec quelque succès les épilepsies sympathiques, sur-tout si l’on s’attache à connoître la cause qui les produit, si l’on emploie les ressources de l’art, & si on se prête aux mouvemens critiques de la nature.

L’épilepsie est quelquefois guérie par la nature, par des pustules, des croûtes laiteuses, des ulcères formés à la tête dans le premier âge de la vie, & par la révolution de la puberté, par les premiers essais des plaisirs amoureux.

Il résulte de ces observations, que lorsque la nature paroît affecter une solution spontanée, il est dangereux de l’arrêter. Il faut, au contraire, rassurer & l’aider dans sa marche. Chaque accès d’épilepsie doit être traité par des moyens doux & faciles, qui tendent à procurer la solution la plus aisée & la plus complète ; il faut secourir le malade le plutôt possible, faire étendre ses membres, afin que les muscles antagonistes soient plus fortifiés ; frictionner ses pieds & ses mains ; mais il est dangereux de secouer le malade. Il convient de le mettre dans une situation horizontale, la tête relevée & tournée de côté, afin qu’il puisse mieux rendre son écume, & que la congestion à la tête ne soit pas considérable ; si le malade se mord la langue ou les lèvres, on lui mettra une pelotte entre les dents, & afin qu’il ne se blesse point, on l’attachera avec un fil, de peur qu’il l’avale. Il est encore avantageux de lui frotter l’épine du dos avec des linimens volatils huileux, comme l’huile de vers & de succin, & de détruire la convulsion qui agite les muscles masseter &c crotaphite, par des frictions douces. On a vu les odeurs fortes faire entrer en convulsion les femmes hystériques ; néanmoins la rue pourroit convenir. Hoffman rapporte l’observation d’une femme qui devint épileptique par la seule odeur du musc ; il ne put la guérir que par l’assa-fœtida. Les ligatures du scrotum ont quelquefois réussi. On peut essayer l’huile de romarin qu’on fait entrer dans les narines.

Il importe beaucoup d’observer toutes les causes qui peuvent occasionner l’épilepsie, ainsi que la nature du premier accès, & les symptômes qui ont précédé. Il faut encore distinguer si les premiers accidens se présentent au creux de l’estomac, à la tête, ou autres organes ; ce qui s’annonce par des sentimens d’anxiété, de lassitude, qu’on ressent dans telle ou telle partie qui est le vrai siège de l’épilepsie. Toutes ces vues mènent à combattre directement l’affection primitive. Boerhaave, veut qu’on ait égard au rapport des retours des accès épileptiques, relativement aux phases de la lune. Cette influence existe, malgré ce qu’en ont dit certains auteurs, & elle doit diriger le médecin jusqu’à un certain point, comme l’ont très-bien vu Hoffman & Mead. Ce qui fait que, si une fois on a observé une analogie bien constante entre le retour des phases de la lune & des accès, il faudroit, quoique la maladie parût d’ailleurs guérie, répéter les remèdes vers le temps où les accès ont coutume de paroître ; il faut, de plus, observer quel rapport a l’altération des choses dites non-naturelles, telles que le régime, les excrétions & les retentions sur la durée & les retours plus ou moins fréquens des accès d’épilepsie, ce qui démontre encore que le régime & l’usage de certains alimens doivent être gouvernés suivant le plus ou le moins de pouvoir qu’ils ont sur les accès.

Quoiqu’on ne puisse pas oublier la diathèze, qui dispose le corps à l’épilepsie, c’est-à-dire, cet état dans la constitution, qui fait qu’une telle circonstance produira sur tel homme une attaque d’épilepsie, tandis qu’elle n’agira pas sensiblement sur cet autre ; on peut cependant espérer de l’affoiblir, en tâchant d’enlever toutes ces causes occasionnelles sensibles, dont le concours peut mettre en jeu cette diathèze. On doit donc s’attacher 1o. aux causes prédisposantes sensibles qu’on découvre dans la constitution du malade ; 2o. aux causes déterminantes qui ont leur siège dans la tête ; 3o. enfin, à la sympathie qui existe entre l’estomac & les autres organes avec la tête.

1o. Les enfans sont toujours plus disposés à l’épilepsie, à raison de leurs constitutions muqueuses & pituiteuses. Hippocrate avoit observé que les enfans chez lesquels cette humeur pituiteuse domine, comme on le voit par les croûtes laiteuses & autres éruptions, auxquelles ils sont sujets, sont très-fréquemment attaques de cette maladie, quand la matière ne peut point s’évacuer par d’autres voies, & que l’épilepsie ne cesse chez eux que quand l’âge chasse cette humeur surabondante. D’après cela, on doit s’attacher á détruire cette quantité d’humeurs surabondantes par des purgatifs assez énergiques, qui déterminent une dérivation utile par les selles, ayant toujours égard aux contre-indications qui se présentent.

Mais un régime fortifiant, desséchant, tonique, propre à prévenir la régénération de ces humeurs, doit venir à l’appui de ces remèdes ; l’exercice sur-tout, les astringens, comme le gui de chêne, l’application des vésicatoires & des cautères, peuvent être aussi utiles pour remédier à cette surabondance d’humeurs. Boerhaave a guéri plusieurs enfans, en leur appliquant, dans la pleine lune, des vésicatoires, qu’il ôtoit après huit ou dix heures de leur action, & qu’il remettoit ensuite. Les cautères n’auroient point la même efficacité ; leur impression est constante & uniforme, & la nature s’y habitue. L’usage du savon & des sudorifiques, tels que le gayac, la squine, la salsepareille, remédient fort bien à cette surabondance d’humeurs muqueuses.

Quand l’épilepsie dépend d’un vice scorbutique, on doit recommander au malade de faire de longs voyages, de changer d’air, de se nourrir des sucs des plantes anti-scorbutiques, de fruits doux & acides, comme les oranges douces, les citrons ; mais il arrive très-souvent que quand les malades reviennent dans leur pays, ils reprennent la maladie. M. Van-Swieten l’a observé.

2o. Quant à l’affection de la tête, il peut se faire qu’il y ait une congestion du sang & des humeurs, qui détermine le retour des accès épileptiques : il est, sans doute, utile de saigner dans ce cas, sur-tout si le malade est pléthorique. Mais il seroit très-dangereux de répéter les saignées à chaque accès : on aggraveroit par cette imprudence la maladie, & on rendroit la cause plus difficile à détruire. Les émétiques & les purgatifs ne trouvent point dans ce cas, leur emploi, à moins que la maladie ne soit entretenue par une abondance de sucs putrides. Les cautères sont en général avantageux ; mais leur meilleure application est à l’occiput ; leur effet est plus analogue aux solutions spontanées, que la nature affecte dans cette maladie. Il faut prendre garde de n’en pas prolonger longtemps l’usage, & de ne pas leur laisser soutirer trop d’humeurs, sur-tout chez les enfans ; ils détruisent & absorbent une trop grande quantité de sucs nourriciers. Il est aussi dangereux d’appliquer des répercussion trop forts, & d’arrêter trop tôt l’écoulement qui se fait par les croûtes teigneuses, qui sont la solution de la maladie.

3°. L’épilepsie peut être causée sympathiquement par l’affection primitive de l’estomac, de la matrice, & autres organes utérins. La plus commune de ces épilepsies est la stomacale. On en connoît deux espèces, une qui dépend de l’irritation de l’estomac, & l’autre, du séjour des humeurs viciées dans les premières voies.

Il paroit important de placer les purgatifs vers le temps de la pleine ou nouvelle lune, selon le rapport qu’on aura observé de l’influence de cet astre avec les accès ; mais aussi on doit encore observer s’il n’y a pas complication des vents & des vers, & alors donner des carminatifs & des anti-helminthiques, & avoir soin de diminuer l’irritation qu’ils peuvent avoir produite en donnant un narcotique.

Quand la cause de l’épilepsie n’est pas connue, & qu’on ne peut pas même en soupçonner le vice, il faut appliquer des cautères & des vésicatoires à l’endroit d’où part l’aura épileptica. Cette aura n’indique pas toujours le vrai siège de l’épilepsie ; puisqu’on l’a vue se reproduire après la destruction même de la partie d’où elle venoit. Il y a eu des gens qui sentant venir cette vapeur épileptique, en ont interrompu le mouvement par le moyen des ligatures, & sont parvenus à intercepter ainsi les accès : une pareille interception peut causer des maux plus graves que l’épilepsie elle-même. M. AM.

Épilepsie, Médecine vétérinaire. On connoît que le cheval est attaqué de cette maladie convulsive, lorsqu’il tombe tout à coup en faisant des contorsions horribles. Le poil perd son éclat, se hérisse ; tous les muscles de la machine animale entrent dans une contraction irrégulière ; ceux de l’encolure portent la tête en tout sens, & la précipitent à coup redoublé contre terre. Ceux des yeux tiennent le globe de cet organe fixe ; il semble qu’ils veuillent le sortir de sa cavité ; ceux de la mâchoire lui sont faire toutes sortes de grimaces & de grincemens de dents ; la langue s’épaissit, paroît quelquefois sans mouvement. La secousse que les glandes salivaires éprouvent, leur fait jeter une écume très-abondante ; dans les animaux ruminans elle est mêlée d’une portion des alimens qui doivent être rapportés dans la bouche pour y subir une nouvelle trituration ; les jambes se tordent, s’agitent, se fléchissent & s’étendent au caprice de la matière morbifique. Le mouvement tumultueux qu’elle communique aux muscles abdominaux, à ceux de l’intestin rectum & à la tunique charnue de la vessie, provoque l’écoulement des urines & la déjection des matières fécales. Quelquefois le bœuf qui en est frappé, mugit d’une manière effrayante, d’autres fois il ne jette aucun cri ; d’ailleurs tous ces signes varient & sont plus ou moins multipliés, suivant que le mouvement convulsif est plus ou moins général, & que l’accès est plus ou moins aigu. Dès qu’il est terminé, l’animal qui a éprouvé cet assaut, est lourd, pesant, & paroît accablé par une très grande lassitude.

Tous ces signes peuvent se rencontrer dans les diverses espèces d’animaux qui sont atteints de l’épilepsie, en observant néanmoins que le cheval ne vomit pas ; de-là l’écume qui flue dans sa bouche, n’est pas mêlée des alimens qui sont contenus dans son estomac ; tandis que la gueule du chien peut être remplie de ce que contient son ventricule, parce qu’il vomit facilement : mais dans la vache, dans la chèvre, dans la brebis & dans tous les animaux ruminans, l’écume qu’ils auront dans la bouche, ne sera chargée que de la partie des alimens qui n’auront pas encore été entièrement ruminés.

La violence de toutes ces contractions & distorsions, tient son origine, ou d’un vice de conformation dans l’intérieur de la boîte osseuse du crâne, ou de la lésion de la dure-mère, ou de quelqu’une des parties qui composent la masse cérébrale, ou elles sont produites par le séjour d’une matière âcre, purulente ou par des vers qui percent les tuniques de l’estomac & des gros intestins, par les sucs des plantes corrosives qui se rencontrent dans les fourrages qu’on donne aux animaux, par la suppression des urines, &c. ou enfin, elles peuvent être occasionnées par l’enfoncement du crâne, par toutes espèces de contusions & de piqûres capables d’exciter un mouvement convulsif dans les méninges, dans la substance du cerveau, dans la moelle alongée, dans la moelle épinière, dans les nerfs, dans les tendons, dans les membranes aponévrotiques & dans les ligamens. De-là l’épilepsie peut être héréditaire, idiopathique & sympathique.

L’épilepsie est héréditaire. Il n’est pas rare de voir, dans l’espèce humaine, un bossu transmettre sa difformité à ses descendans, un phtisique, un goutteux, &c. la phthisie, la goutte à ses enfans ; l’expérience confirme journellement ces faits : de même, si l’on daigne suivre la propagation des individus des différentes espèces d’animaux, on s’assurera que non-seulement ils communiquent à leur postérité, leurs vices de conformations internes & externes, mais encore certaines de leur maladies, du nombre desquelles est l’épilepsie ; de sorte que si l’étalon ou la jument, le taureau ou la vache qu’on destine à la reproduction de l’une ou de l’autre espèce, a eu des attaques d’épilepsie, & qu’elles aient été occasionnées par des excroissances osseuses parsemées dans la concavité de la voûte du crâne, ou par quelque germe de nature á produire l’épilepsie, la maladie fera héréditaire, & celui de ces animaux qui en sera taché, pourra par l’accouplement la transmettre au fœtus & à toute fa postérité. (Voyez Maladie héréditaire)

L’épilepsie est idiopathique, lorsqu’elle ne dépend que du seul vice du cerveau. Cette altération peut avoir lieu, toutes les fois que les fluides qui parcourent les vaisseaux qui se distribuent dans la dure-mère, dans la pie-mère & dans le cerveau, s’extravasent en plus ou moindre quantité, ou stagnent dans leurs tuyaux, soit que l’extravasation qui produit l’épilepsie ait lieu entre la dure & la pie-mère, soit qu’elle se fasse entre la pie-mère & la substance corticale, soit qu’elle inonde toutes les parties du cerveau, de la moelle alongée & de la moelle épinière. Les fluides qui la forment n’étant plus dans le torrent de la circulation, le corrompent ; & à mesure que l’union & la connexion intime de leurs parties se détruisent, il se fait une évaporation volatile &c fétide. Il paroît, dans ce premier cas, que c’est à la durée de cette évaporation qu’on peut attribuer celle de l’acccès, & que son attaque plus ou moins terrible, semble dépendre de la qualité plus ou moins irritante des sels qui s’exhalent, que la partie volatile s’échappe du cerveau ou non. Il peut arriver que le résidu de cette putréfaction soit trop grossier pour qu’il puisse être repompé dans la masse ; d’où il s’en suivra qu’il surchargera ou les méninges, ou les ventricules, où le plexus choroïde, ou les nerfs optiques, ou la glande pinéale, ou le corps calleux ; en un mot, la partie sur laquelle son véhicule l’aura abandonne & qu’il provoque de nouvelles attaques d’épilepsie ; & dans la supposition que ce résidu fut absolument dépouillé de toutes substances capables de provoquer le moindre accès d’épilepsie, le seul effort que sa pesanteur opéreroit sur une des parties citées, l’altéreroit plus ou moins, & donneroit lieu à diverses maladies.

Or, l’extravasation peut survenir toutes les fois que le sang est chargé de matières acres, acides, alcalines ou purulentes, &c ; & lorsqu’elles sont versées dans le cœur avec le sang veineux, elles irritent cet organe musculeux ; il se contracte avec, plus de force & de vitesse que dans l’état naturel, il pousse le sang avec plus de violence, l’oscillation des vaisseaux réagit sur lui avec plus de vigueur ; ce frottement réciproque des solides & des fluides, dissipe la partie aqueuse du sang ; celui-ci, privé de son véhicule, séjourne dans les vaisseaux, s’y accumule, en distend les parois, brise leur texture, & s’extravase dans les interstices des parties molles qui constituent le cerveau. Toutes les courses & les travaux outrés, peuvent pareillement occasionner la rupture des vaisseaux.

On pourra donc connoître que le mulet, ou le bœuf, ou le veau, ou le chien, &c. seront attaqués d’une épilepsie vraie, produite par l’extravasation, lorsque les attaques seront précédées par la célérité & la dureté du pouls, par la respiration courte & laborieuse, & par la grande chaleur qui sera répandue sur-toute l’habitude du corps.

On préviendra l’effet de l’humeur morbifique, en donnant des remèdes propres à ralentir le trop grand mouvement du sang, & les contractions trop fréquentes & trop fortes du cœur.

Les saignées amolliront la dureté du pouls, donneront plus d’étendue à la respiration ; l’administration de l’eau blanchie par le son de froment, & celle des décoctions d’endive, de bourrache, de pourpier, &c. calmeront la raréfaction & l’effervescence des fluides en les délayant, & relâcheront les solides. Les décoctions de feuilles de mauve, de guimauve, & celles de graines de lin, en adouciront l’âcreté.

On donnera des lavemens avec les mêmes décoctions. Les bains de vapeur d’eau bouillante, les fomentations émollientes, les habitations d’une température douce, le repos, l’absence d’une lumière trop vive, &c. contribueront beaucoup à la curation : le régime en fera la base. (Voyez ce mot)

Dans le cas de stagnation, si les fluides n’ont pas entièrement perdu leur mouvement progressif dans les vaisseaux qui se dispersent dans la masse cérébrale & dans ses enveloppes, mais qu’ils y circulent très lentement, soit à cause de leur abondance ou de leur épaississement, soit en conséquence du vice des canaux par lesquels ils doivent passer, leurs parties visqueuses se colleront successivement aux parois internes de ces canaux ; en s’y accumulant, elles les distendront, formeront des varices, des hydatides, des tumeurs molles, des abcès, des callosités ; des concrétions ; & suivant qu’elles seront plus ou moins multiplées, ou qu’elles occuperont plus ou moins d’espace, elles gêneront les fonctions du cerveau, elles l’irriteront par leurs parties âcres, fétides & ochreuses, & produiront l’épilepsie idiopathique par la voie de la stagnation. 1°. Tous ces désordres peuvent dépendre de la foiblesse du tissu des fibres, de la lenteur du mouvement musculaire, de la viscosité glutineuse des humeurs, de la dissipation des parties des fluides, de la rétention des plus épaisses, d’un trop long repos, des habitations humides & obscures. 2°. Si la stagnation des humeurs tient son existence de quelqu’une de ces causes, elle sera indiquée par des pulsations foibles & lentes, par la paresse avec laquelle l’animal exécutera ce qu’on exigera de lui, &c. 3°. Les boissons blanchies par le son de froment, les décoctions de chiendent, de bourrache, de racines de chicorée sauvage, de patience, de chélidoine, & la diète, sont les premiers moyens à mettre en pratique ; lorsque les matières contenues dans les premières voies seront suffisamment délayées on purgera avec le jalap, l’agaric, l’aloès & l’aquila-alba ; on remettra ensuite peu à peu le malade à l’usage des alimens solides, de la meilleure qualité. On le promènera tous les jours, il sera bien pausé, on le logera dans une écurie sèche & bien aérée ; tons ces soins exécutés avec assiduité, pourront augmenter le mouvement des solides & des fluides, par le frottement qu’ils leur feront éprouver. Dès qu’ils auront acquis quelque solidité, on augmentera la nourriture & on poussera l’animal à un exercice plus long, plus pénible ; on le continuera jusqu’à ce que les signes décrits n°. 2. aient disparu.

4o. Il peut arriver que la stagnation provienne d’une trop grande abondance de chyle & de sang, qui s’oppose à l’atténuation, à la dissipation, & à la transpiration. On la reconnoîtra à la plénitude du pouls, au gonflement des veines, spécialement à celui des jugulaires, à la pesanteur de la tête de l’animal, à son assoupissement, au battement des flancs, à l’oppression qu’il éprouvera au moindre mouvement, à la difficulté qu’il aura de se tenir sur ses extrémités, à l’obscurcissement de sa vue, au tournoiement dont il pourra être affecté. Ce dernier symptôme est pour l’ordinaire l’avant-coureur de l’épilepsie.

Pour la prévenir, on mettra pendant plusieurs jours l’animal à une diète rigoureuse, on lui ouvrira la jugulaire & la saphène, on pratiquera tout ce qui est décrit n°. 3, & on lui appliquera les vésicatoires aux deux fesses.

Mais si, malgré toutes ces précautions, l’attaque de l’épilepsie idiopathique a lieu par extravasation ou par stagnation, & qu’elle se termine par des abcès, par des callosités, par des matières âcres, corrosives, &c. Le cerveau s’en trouvera plus ou moins endommagé, soit par les ravages que ces corps étrangers exerceront sur les différentes parties qui le constituent, toit par la multitude des convulsions qu’ils occasionneront ; d’ailleurs, la violence des spasmes qu’ils feront éprouver aux nerfs & aux muscles, donnera lieu à l’inflammation, & principalement à la gangrène des parties sanguinolentes qui sont situées sur les muscles : alors la paralysie & l’apoplexie viennent communément terminer le cours de la vie. Il s’ensuit de là qu’il n’est pas à propos d’attendre que le cheval ou le bœuf ait éprouvé plusieurs attaques de l’épilepsie idiopathique, avant que d’employer les remèdes convenables pour sa guérison : mais ce ne sera point pendant la durée de l’accès, qu’on les mettra en usage ; on se contentera seulement de pourvoir à sa sureté.

On commencera d’abord par les saignées, par l’administration des lavemens purgatifs, & par disposer l’épileptique aux évacuations des matières contenues dans les premières voies. (Voyez Méthode purgative) On remplira cette indication, en ajoutant le nitre & le sel d’epsom à quelques-unes des substances purgatives indiquées n°. 3, pag. 256. L’eau blanchie par le son de froment, les décoctions de feuilles de mauves nitrées, celles de valériane, de gui-de-chêne, & les infusions de quinquina ; ces remèdes internes étant administrés à temps & convenablement, pourront produire de bons effets. Les médicamens externes ne doivent pas être négligés, car on peut tirer de grands avantages de la douche faite à la tête avec les eaux de Bourbonne, de rombières, de Barège, de Balaruc, de S. Amand ; en un mot, de toutes les eaux thermales, des ventouses scarifiées, des sétons, des cautères & des vésicatoires. Enfin, un régime bien observé est souvent plus efficace contre cette maladie que tous les remèdes que l’on pourroit indiquer. (Voyez Régime)

L’ouverture du crâne des animaux qui sont péris de l’épilepsie idiopathique, a constamment montré à celui qui a voulu s’instruire des causes prochaines de cette maladie, ou un épanchement sanguinolent dans les ventricules, ou une humeur gélatineuse, répandue entre la dure & la pie-mère, ou des suppurations, ou des pustules, ou des abcès, ou des varices, ou des hydatides, ou des matières plâtreuses, & tous les différens désordres décrits dans les articles précédens.

L’épilepsie sympathique est une maladie qui tire sa cause primitive d’une autre partie que de celle qui est affligée : elle peut avoir lieu toutes les fois qu’une ou plusieurs des parties qui composent toute la structure de l’animal, hors du crâne, éprouvent des maladies capables d’irriter les nerfs, les tendons, les aponévroses, &c. de manière à exciter un mouvement convulsif, qui, venant à se communiquer au cerveau, fait que le malade tombe tout à coup sans sentiment, & reste pendant le paroxysme en proie aux contorsions les plus frappantes.

On guérit les animaux qui sont atteints-de cette espèce d’épilepsie, avec assez de facilité. J’ai vu un cheval de carrosse, atteint d’un paraphamosis qui lui fit éprouver plusieurs attaques violentes d’épilepsie sympathique ; le membre de cet animal étoit développé dans toute sa longueur, le volume en étoit énorme. Le fourreau s’étoit retiré jusque sous le ventre, où il formoìt un bourrelet très-compacte ; il comprimoit si fortement le membre, que la circulation du sang veineux paroissoit entièrement interceptée, & que l’étranglement que cette compression faisoit éprouver au canal de l’urètre, s’opposoit absolument à l’écoulement des urines. Tant que cet engorgement subsista, le cheval eut plusieurs attaques d’épilepsie sympathique.

Une diète sévère, des saignées, abondantes, des boissons blanchies par le son de froment, des breuvages préparés avec les décoctions des feuilles, tiges & racines d’oseille & de chiendent, les lavemens avec les décoctions de mauve nitrées, l’usage des cataplasmes, émolliens qu’on renouvelois plusieurs fois le jour sur le bourrelet & le long du membre qu’on soutenoit sur le plan d’une ligne horizontale, à l’aide d’un bandage triangulaire, dont deux bandes antérieures, se nouoient sur les reins, & une postérieure passoit entre les cuisses, montoit le long de la croupe, pour être attachées aux deux autres ; tous ces petits soins relâchèrent en peu de jours l’extrémité inférieure du fourreau qui formoit le bourrelet. Les attaques de l’épilepsie sympathique disparurent totalement ; l’écoulement : des urines se rétablit entièrement ; le membre remonta peu-à-peu dans son fourreau ; les contusions & les plaies que le cheval s’étoit faites à la tête, pendant la durée des accès, ne furent guéries que long-temps, après la maladie principale.

Et comme ces secousses horribles peuvent occasionner la perte des yeux, des dents, & peut-être même celle de la vie à l’animal qui est sujet à des attaques d’épilepsie, dès le premier accès, on pourra le préserver de ces funestes accidens, en faisant faire un petit matelas, de quatre à cinq pouces d’épaisseur, qui garnisse le dessus de la tête & la circonférence des oreilles, d’où il descendra en trois bandes ; l’une couvrira le front, les tempes, les salières, l’apophise orbiter, le chanfrein, & se terminera à deux pouces plus bas que l’extrémité inférieure de la mâchoire antérieure : cette bande sera percée de deux ouvertures qui répondront directement à l’orifice de chaque narine. Les deux autres bandes descendront le long des joues & des branches de la mâchoire postérieure ; elles seront unies à la première bande, dès le dessous des yeux jusqu’à la commissure des lèvres, où elles la quitteront pour aller couvrir le menton & se terminer au niveau de la précédente. On mettra ce petit matelas à la tête du cheval, à la manière des licols ; il sera assujetti supérieurement par une bande adhérente à la partie du matelas qui répondra derrière l’oreille, hors du montoir ; elle passera sous la gorge, montera jusqu’aux glandes parotides, pour être arrêtée à une boucle attachée, à cette effet, à la portion du matelas qui descendra derrière l’oreille du montoir ; il sera fixé postérieurement par deux tresses qui passeront au-dessous des tubérosités des branches de la mâchoire postérieure. Lorsqu’on voudra faire boire le cheval, ou qu’on voudra lui donner à manger, on renversera les deux lèvres du matelas, l’antérieure sur le chanfrein, la postérieure sur les branches de cette mâchoire, où l’une & l’autre seront fixées par des tresses. M. BRA.