Cours d’agriculture (Rozier)/ANIS

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome premierp. 561-562).
◄  ANIL


ANIS. (Voyez Planche 17, p. 548) M. Tournefort le place dans la première section de la septième classe, qui comprend les herbes à fleurs rosacées, en ombelle, soutenues par des rayons, dont le calice devient un fruit composé de deux petites semences cannelées ; & il le désigne par cette phrase : Apium anisum dietum, semine suave olente majori. M. Von Linné le classe dans la pentandrie digynie, & l’appelle pimpinella anisum.

Fleur C, composée de cinq pétales B ovales, recourbés, égaux ; de cinq étamines alternativement placées entre les pétales ; d’un pistil D divisé en deux parties cylindriques : le calice est une pellicule mince, découpée en cinq parties. Plusieurs rayons inégaux en grandeur composent l’ombelle générale, & chaque rayon porte une ombelle particulière ou partielle ; il n’y a point d’enveloppe générale ni partielle.

Fruit E, oblong, ovale ; il se divise en deux semences F convexes, & cannelées du côté extérieur, plus renflé que l’intérieur.

Feuilles, de deux sortes ; celles qui sont proches de la racine sont arrondies, découpées & divisées en trois ; celles du sommet sont découpées en plus de parties, & plus finement découpées : elles sont toutes ailées.

Racine A, en forme de fuseau, blanche & fibreuse.

Port. La tige s’élève à la hauteur d’un pied ; elle est branchue, cannelée, creuse : les fleurs naissent au sommet ; les feuilles sont alternes, & embrassent la tige par leur base.

Lieu. Originaire d’Égypte. On le cultive dans nos jardins, où il est annuel ; il y fleurit en Juin & en Juillet.

Propriétés. L’anis est placé au nombre des quatre semences chaudes, majeures ; les trois autres sont celles de carvi, de cumin & de fenouil. La semence seule est employée en médecine ; elle est réputée carminative, stomachique & apéritive : par conséquent, elle échauffe un peu, réveille foiblement les forces vitales, favorise la digestion lorsque l’estomac est foible ; facilite chez les enfans la digestion du lait, l’expectoration des matières muqueuses dans l’asthme humide, dans la toux catarrhale ancienne : souvent l’usage de ces semences dégage l’air surabondant contenu dans les premières voies ; elles augmentent sensiblement la quantité du lait chez les nourrices & dans les femelles des animaux. On les conseille dans l’ophtalmie érysipélateuse rebelle, dans la cataracte commençante. Sous forme de cataplasme, elles contribuent quelquefois à la résolution des tumeurs inflammatoires. On fait un grand usage de ces semences pour chasser les vents, & cet usage est très-pernicieux, si ces vents occasionnent une tendance à l’inflammation, & sur-tout si l’inflammation est déjà établie. Il vaut beaucoup mieux employer les boissons délayantes, &c.

Usages. On prescrit les semences réduites en poudre depuis cinq grains jusqu’à une drachme, incorporées avec un sirop, ou délayées dans cinq onces d’eau ou de vin. Si on les fait macérer au bain-marie dans huit onces d’eau, leur dose est depuis quinze grains jusqu’à demi-once. Il est assez inutile de faire de l’eau d’anis distillée ; une légère infusion des semences a la même propriété. L’huile qu’on retire par expression a les mêmes propriétés que l’huile d’olive, & rien de plus : mais l’huile essentielle qu’on en retire, échauffe & enflamme ; on peut très-bien s’en passer. Son odeur est douce, sa saveur est âcre ; elle se fige à un froid médiocre : sa dose est depuis un jusqu’à dix grains, sur demi-once de sucre.

Pour les animaux, la dose des semences en poudre est d’une once ; infusée dans l’eau-de-vie, à la dose d’une once sur demi-livre de liqueur.

Culture. Elle réussit assez bien dans nos provinces méridionales. Sa culture en grand a lieu en Espagne, & sur-tout aux Échelles du Levant. L’anis de Malte est fort estimé. Il demande une terre légère, sablonneuse, & malgré cela bien amendée ; enfin, une exposition très-chaude. Au printems, lorsqu’on ne craint plus les gelées tardives, ou les pluies froides, on sème la graine, qui germe facilement ; & si on veut hâter sa germination, il suffit de la mettre tremper dans l’eau pendant quelques heures. Les graines fraîches valent beaucoup mieux pour semer ; & en général, on ne peut faire aucun usage de celles qui ont plus de trois ans.

Lorsque la jeune plante sera sortie de terre, il faut absolument arracher les plantes surnuméraires, & espacer celles qui restent, à six pouces l’une de l’autre. On aura grand soin de les délivrer de la voracité des mauvaises herbes, & de piocheter la terre de tems en tems. Ces petits labours sont très-profitables pour les plantes. Il est inutile d’attendre la complète maturité des graines destinées au commerce ; ce seroit une perte pour le cultivateur. Lorsque la graine commence à être dure, c’est l’époque à laquelle il convient de couper la plante à un pouce près de terre ; elle repousse de nouveau au printems suivant, & elle est plus forte & plus nourrie. Si on ne coupoit pas la tige, la plante ne subsisteroit qu’un an, parce qu’elle s’épuiseroit pour faire acquérir à la semence une maturité complète : cette opération rend la plante bienne. Les tiges nouvellement coupées sont exposées pendant quelques jours au soleil, ensuite battues, & la graine conservée dans un lieu sec. On peut observer que toutes les plantes ombellifères qui croissent naturellement dans des lieux bas, humides ou marécageux, sont des poisons. Telles sont la grande & la petite ciguë, le céleri, & même le persil, &c. Au contraire, toutes les ombellifères qui végètent d’elles-mêmes dans les terrains-secs, arides, sablonneux, sont très-aromatiques. Cette loi générale, établie par la nature, souffre bien peu d’exceptions.