Cours d’agriculture (Rozier)/ARBOUSIER

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Hôtel Serpente (Tome premierp. 604-606).
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ARBOUSIER. M. Tournefort le place dans la première section de la vingtième classe, qui comprend les arbres & arbrisseaux à fleur d’une seule pièce, dont le pistil devient un fruit mou, rempli de semences dures ; d’après Bauhin, il le désigne par ces mots : Arbutus folio serrato. M. Von Linné le classe dans la décandrie monogynie, & l’appelle arbutus unedo.

Fleur, imitant un grelot, d’une seule pièce, ovale, aplatie en dessous, découpée en cinq parties par ses bords recourbés en dehors ; son calice petit, également découpé en cinq parties, & il ne tombe qu’avec le fruit. L’intérieur de la fleur renferme dix étamines & un pistil ; elle est blanche, & il y a une variété à fleur rouge.

Fruit, baie ronde, pleine de suc, divisée en cinq loges qui renferment des semences osseuses. La baie est quelquefois alongée sur certains pieds.

Feuilles, simples, entières, lisses, fermes, dentées en manière de scie, ressemblant assez à celles du laurier.

Racine, ligneuse.

Port. Grand arbrisseau dont la tige est droite, l’écorce lisse quand il est jeune, & qui se détache par écailles lorsqu’il est plus avancé. Son bois est dur, mais très-cassant, à cause que ses fibres sont courtes. Les fleurs & les fruits sont disposés en grappes à l’extrémité des rameaux, & chaque fleur a vers sa base une feuille florale : les feuilles sont alternes & toujours vertes.

Lieu. Nos provinces méridionales. On le trouve cependant sur les côtes de Bretagne. Miller dit qu’il croît naturellement en Irlande.

Propriétés. Les feuilles, les fruits & l’écorce sont astringens.

Usage. Nullement usité en médecine. On pourroit employer les feuilles & l’écorce pour tanner le cuir, au défaut d’écorce de chêne ou de feuilles de myrthe. Les corses, les enfans en Provence, en Languedoc mangent son fruit, quoique indigeste. Quelques auteurs ont été jusqu’à dire qu’il causoit l’ivresse, des vertiges, qu’il stupéfioit. L’exemple détruit ces assertions. Les chèvres aiment la feuille de cet arbrisseau.

Culture. Comme cet arbrisseau est toujours verd, on l’a tiré des lieux incultes où il croît naturellement, pour en décorer les bosquets d’hiver de nos jardins d’agrément. Dans les provinces méridionales du royaume, il suffit de transporter avec soin les jeunes plants aussitôt après la maturité & la chûte des fruits des vieux arbousiers. Si on peut les enlever avec leur motte sans endommager les racines, leur reprise est assurée. On tentera presque sans succès de transporter les jeunes pieds des provinces méridionales à celles du nord ; il vaut mieux en faire venir les graines, & les semer de la manière suivante. Dès que la baie sera mûre, séparez les graines de la pulpe qui les environne ; lavez-les ; mettez-les sécher, & ensuite conservez-les dans un sable fin & sec jusqu’en Mars. Ayez à cette époque des pots ou des caisses d’un à deux pieds de longueur sur huit pouces d’épaisseur, & percées dans leur fond de plusieurs trous, que vous recouvrirez avec des coquilles. Ces coquilles empêcheront les courtilières & autres insectes de pénétrer dans ces vases, & de ruiner les semis : des têts de pots ou de tuiles peuvent servir au défaut des coquilles, & les uns & les autres n’empêcheront pas l’écoulement de l’eau surabondante.

Mettez ensuite au fond de la caisse une couche de gravois, puis un mélange, par parties égales, de terre de haie défrichée, mêlée de terreau consommé, & d’un peu de moellon brisé. Ces vases seront enterrés dans une couche chaude, & après six semaines ou deux mois, les jeunes arbousiers paroîtront. Pendant la première & la seconde année, ils resteront dans leurs mêmes caisses, & on les garantira de la rigueur de l’hiver, en les tenant sous des châssis, & leur donnant toutefois autant d’air que le tems pourra le permettre. À la fin de Septembre de la seconde année, chaque arbousier sera planté séparément dans un pot, qu’on mettra l’hiver sous le même abri, & l’été on l’enterrera contre une muraille exposée au levant. Au mois de Septembre de la seconde année de cette transplantation, on les plantera à demeure. Il conviendra alors de mettre de la menue litière autour de leurs pieds, & de les empailler pendant quelques années, depuis le commencement de Janvier jusqu’au dix Avril ; mais en donnant de l’air autant que la saison le permet. Telle est la méthode employée par M. le baron de Tschoudi, qui s’est singuliérement occupé de la culture des arbres toujours verds.

L’arbousier dont on vient de parler a produit plusieurs variétés. Telles sont l’arbousier à fleur double, à fleur rougeâtre, à fleur oblongue, à fruit ovale, &c. Les amateurs cultivent dans leurs jardins d’autres espèces : l’arbousier à feuilles entières, & non découpées ; son écorce est lisse, ses feuilles beaucoup plus larges, & sa tige plus haute que celles du précédent. C’est l’arbutus andrachne du chevalier Von Linné ; il croît naturellement dans la Natolie ; il exige un terrain très-sec, & craint beaucoup le froid. L’arbousier des marais d’Acadie ; ses tiges sont traînantes, ses feuilles ovales, un peu dentelées, & ses fleurs détachées. L’arbousier des Alpes à tiges traînantes, à feuilles rudes & dentelées. Les lapons mangent son fruit. Il n’est pas aisé de le cultiver dans nos jardins. Enfin, l’arbousier raisin d’ours, dont nous parlerons au mot Raisin d’ours.

Ces objets de pure curiosité & d’agrément, ne sont pas les seuls à considérer dans l’arbousier. L’utile doit toujours être le compagnon de l’agréable ; & dans les provinces où l’arbousier est si multiplié qu’il sert au bois de chauffage, on peut en tirer un parti avantageux pour les arts.

M. le chevalier Von Linné rapporte dans les mémoires de l’académie des sciences de Stockholm, qu’on connoît une cochenille d’Europe qui s’attache à la plante nommée knavel ou scleranthus. C’est une espèce de blittum. (il croît aux environs de Paris & dans plusieurs autres endroits de France) La couleur qu’elle donne est aussi belle que celle de la cochenille d’Amérique ; mais elle est petite & rase comme celle qu’on trouve au pied de la piloselle, ou oreille de rat, de souris.

Il y en a une autre espèce qui s’attache à l’arbousier ; elle est une fois aussi grosse que celle du knavel, ou grosse comme un grain de riz. Son corps est de couleur rousse, & lisse au commencement ; il se couvre d’un duvet blanc qui s’entrelace & se détache ensuite, de sorte que l’animal paroît être dans une peau blanche. Il se tient auprès de la racine, à la partie de la tige qui est recouverte de terre ou de mousse, & un peu humide. On pourroit tirer de cet insecte la plus belle couleur. Il faut aussitôt le mettre sécher au four, sans quoi il se métamorphose, & devient inutile.