Cours d’agriculture (Rozier)/ASSOUPISSEMENT

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 51-52).


ASSOUPISSEMENT, Médecine Vétérinaire. Le cheval, le bœuf & le mouton, sont quelquefois atteints de ce mal. Nous en distinguons de deux espèces : l’un naturel, qui ne provient d’aucune indisposition interne. Il est occasionné par la fatigue, la grande chaleur, la pesanteur de l’atmosphère & autres causes semblables. Dans celui-ci, l’animal porte la tête basse ; il paroît comme endormi & mange lentement ; l’autre, qui naît de quelque dérangement ou vice de la machine, & que nous attribuons à toutes les causes qui empêchent les esprits de fluer & de refluer librement & en assez grande quantité, de la moelle du cerveau par les nerfs dans les organes des sens ; & des muscles qui obéissent à la volonté de ces organes, à l’origine de ces nerfs dans la moelle du cerveau. Ces causes sont toutes celles qui peuvent produire l’épaississement du sang & la pléthore, tels que le travail excessif, la longue exposition aux ardeurs du soleil, la trop grande quantité d’alimens, leur mauvaise qualité : les vaisseaux de la tête sont alors distendus, les yeux enflammés, la bouche chaude, le pouls plein & fort, l’animal ne se remue qu’avec peine ; quand il est couché, il est impossible de le faire lever ; il refuse de manger : le mouton a beaucoup de peine à se rendre à la bergerie ; à peine y est-il arrivé, qu’il se couche, se met en peloton, & ne fait aucun mouvement.

Les chevaux qui ont une tête grasse & une grosse ganache, sont plus sujets à cette maladie que les autres. Le bœuf y est encore plus exposé que le cheval. Le sang de cet animal se raréfie beaucoup en été, sur-tout lorsqu’il travaille. Il étend les vaisseaux déjà tendus par eux-mêmes ; tout son corps résiste à cet effort, excepté le cerveau & le cervelet, où toute l’action est employée à le comprimer ; d’où il s’enfuit l’assoupissement, & quelquefois l’apoplexie. Dans ce dernier cas, le bœuf perd toute connoissance ; il est privé de mouvement & de sentiment, tombe tout à coup, & passe pour ainsi dire, en un clin d’œil, de la plus grande vigueur au plus grand dépérissement, & de la vie à la mort, sans qu’il soit possible de le secourir.

L’assoupissement de la première espèce cède à l’usage des breuvages tempérans nitrés, aux lavemens émolliens & au repos. Il n’en est pas de même du second, qui, outre ces remèdes, exige des saignées répétées, sur-tout à l’arrière-main, en observant, quant au mouton, de la proportionner à ses forces & à son âge. Trois onces suffisent à cet animal chaque fois. On traite de même l’assoupissement qui reconnoît pour cause un coup violent donné sur la tête ; mais dans celui qui est l’effet d’une tumeur placée sur le sommet de cette partie, il est essentiel de débrider la plaie pour donner issue à la matière, sans quoi, comme nous l’avons observé, elle gagneroit la moelle de l’épine, & le cheval seroit en danger de mourir subitement. M. T.