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Cours d’agriculture (Rozier)/BOSQUET

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 356-361).


BOSQUET. Petit bois pour servir d’ornement dans les parcs & dans les jardins de propreté. Il diffère du bocage par sa grandeur & par les soins que l’on donne aux arbres & à leur choix. Le bocage doit avoir l’air d’un lieu brut sortant des mains de la nature ; & le bosquet, au contraire, doit être embelli par la nature & par l’art. Cependant si l’on peut cacher cet art & faire paroître la nature seule, le bosquet en sera plus agréable. On a eu la fureur, jusqu’à ce jour, de les tracer symétriquement, d’aligner les allées & jusqu’aux feuilles des arbres ; mais lorsqu’on s’y promène, l’ennui marche à vos côtés : la symétrie est l’ennemie de la belle & simple nature. On revient heureusement de ces formes antiques & de mauvais goût, & l’on cherche aujourd’hui avec raison, à se rapprocher d’un ordre plus simple.

On distingue les bosquets relativement aux saisons ; c’est-à-dire qu’on a soin de planter dans le même espace de terrain les arbres qui fleurissent dans la même saison. De-là est venue la dénomination de bosquets de printems, d’été, d’automne & d’hiver. Ce dernier est composé d’arbres toujours verts. Je crois qu’on pourroit encore les diviser relativement à la hauteur & à la force des arbres, quoique ces deux objets ne soient pas assez connus pour faire des comparaisons géométriques ; mais des approximations suffisent. Il se présente encore une observation, & elle tient au climat que l’on habite. Par exemple, il est aussi impossible de voir réussir le sapin dans les plaines brûlantes de nos provinces méridionales, que de cultiver le laurier en pleine terre dans nos climats élevés seulement comme Langres, sans parler même des montagnes : on ne sauroit forcer la nature. D’après ces observations préliminaires, entrons dans quelques détails.

Ier. Genre. Des bosquets toujours verts, plantés d’arbres, de grandeur & de force presqu’égale. Dans les provinces méridionales, le cèdre du Liban, le pin maritime de Bordeaux, le baumier de Giléad, le laurier tulipier, le grand chêne vert, le chêne-liège, l’olivier, qu’on ne rabaisse point dans cette circonstance ; le laurier franc, dont on a soin de supprimer les rejetons qui poussent des racines ; les cyprès mâles & les cyprès femelles ; tous ces arbres formeront un bel ensemble de différens verts. Dans le nord, on supprimera les oliviers, les lauriers, les cyprès, les chênes verts & les chênes-lièges.

Arbres verts moins élevés. Le pin d’Alep, le pin maritime de Mathiole, le pin-pinier, le torche-pin de Haguenau, le chêne vert, tel qu’il croît sur les bords de la Méditerranée. Les arbres-de-vie ou thuya de Chine & de Canada. On peut les cultiver dans toutes les plaines de France.

Arbres verts, moins élevés que les premiers & les seconds. L’arbousier, l’alaterne, les différentes espèces de genevrier, comme le genevrier oxycèdre, celui à fruit de couleur écarlate, & même celui de Virginie, dans les provinces méridionales seulement, excepté le genevrier commun ; le tamarin de Narbonne également ; celui d’Allemagne convient dans tout le royaume, ainsi que le buis, le phyllirea, le cèdre de Virginie, l’if, le houx, le petit chêne vert rampant, &c.

Arbrisseaux toujours verts. L’arbre de cire, le laurier-cerise, la sabine, le pourpier de mer, le genêt épineux, le laurier-thym, le buisson ardent, le ciste à feuille de laurier, le troëne, &c.

Arbustes toujours verts. L’auronne ou citronelle, le romarin, le ciste, le laurier alexandrin, le petit cyprès, la rue, la lauréole, le houx frélon.

Arbustes grimpans & toujours verts. Le lierre, le smilax, la clématite à feuille de poirier ; le chèvre-feuille toujours vert, celui de Mahon, celui de Virginie.

J’ai vu des bosquets où presque tous les arbres que je viens de nommer étoient rassemblés ; mais comme on les avoit placés indistinctement les uns parmi les autres, les plus forts étouffèrent successivement les plus petits. Ne seroit-il pas plus naturel de placer sur le premier rang extérieur, les arbustes ; sur le second, les arbrisseaux ; sur le troisième, ceux qui s’élèvent plus que les seconds & les premiers, en conservant entre ces rangs la distance que chacun exige, de manière que ce bosquet vu de loin, pyramideroit agréablement, & permettroit de distinguer toutes les espèces d’arbres qui le composent ? Cette manière me paroît la plus agréable. Il ne faut pas croire cependant, que tous ces arbres réussiront dans le même terrain ; ce seroit une erreur de laquelle suivroit nécessairement la destruction, ou du moins des clarières considérables dans ce bosquet, & qu’il est très-important d’éviter. Le laurier-tulipier, par exemple, aime un terrain humide, ainsi que le pin maritime de Mathiole ; les pins de Bordeaux un sol sablonneux, & le pin sauvage un terrain pierreux ; le chêne vert, le gravier, la pierre ; le chêne-liège, un sol qui ait du fonds ; & tout terrain convient au pin-pinier, excepté un fonds trop humide. Les cyprès réussissent dans une couche profonde de terre, mais beaucoup mieux si elle est un peu humectée. Le buis aime l’humidité, ainsi que le genevrier, si on desire qu’il s’élève ; l’arbousier se plait en terre légère, &c. C’est à un jardinier à connoître les différentes espèces, & à les régler sur leurs qualités. Elles seront beaucoup mieux spécifiées, en parlant de chaque arbre en particulier. Ainsi consultez chaque mot, afin d’éviter des répétitions inutiles.

II. Genre. Des bosquets formés par de gros arbres, & à peu près d’égale hauteur. Pour former un bosquet, tous les arbres dont je vais parler ne sont pas nécessaires. Je les indique seulement, afin que l’on soit à même de choisir ceux qui seront le plus analogues au climat. Il faut encore observer, que si on veut beaucoup d’ombrage, on ne doit pas mêler les arbres indistinctement ; un peuplier d’Italie figureroit mal à côté du chêne & du marronnier d’Inde ; mais si on desire un coup d’œil varié, un coup d’œil piquant, ces trois arbres réunis contrasteront très-bien ensemble, soit par rapport à la forme qu’ils affectent, soit à cause de la diversité de couleur de leurs feuilles.

Le maronnier d’Inde, l’acacia, les différentes espèces d’ormeaux, de chênes, de peupliers, de hêtres, de frênes, de platanes, de noyers, de saules ; l’alizier, le cormier, l’érable à sucre, le mélèze du Canada, Ce dernier mêlé avec les précédens, produit un effet pittoresque, ainsi que le saule de Babylone.

III. Genre. Des arbres moins élevés. Le frêne à fleur, & le frêne à feuilles rondes, le tulipier, l’arbre de Judée, le bois de Sainte-Lucie, le catalpa, les merisiers, cerisiers, abricotiers, pruniers, pommiers, poiriers, sorbiers ; l’érable sycomore, l’érable plane à écorce marbrée de Montpellier, le commun, l’aune noir, l’aune blanc & à feuilles découpées, l’olivier de Bohême, le frêne de Caroline à écorce de noyer, l’orme de Virginie, le charme, le bouleau, les mûriers, le caroubier, &c.

Des petits arbres. Le lilas commun, le citise des Alpes, l’azérolier, le grenadier, l’arbre de neige, le néflier, le cornouiller, les épines, le micocoulier du Levant, le jujubier, le figuier, le pistachier, le maronnier d’Inde à fleurs rouges, l’arbre de Judée, du Canada, les sureaux, le paliure, le sumach de Virginie, le térébinthe, le nerprun, le saule marceau, le nez coupé ou faux pistachier, le mélèze de Sibérie à fruit noir.

IVe. Genre. Des arbrisseaux. Toutes les espèces de rosiers, le lilas de Perse, le genêt d’Espagne, le syringa, les baguenaudiers, les viornes, l’acacia rose, l’amandier d’argent, le citise des jardiniers, les spiræa, l’emerus, l’althea frutex, les jasmins, les sumach du Canada, de Pensilvanie & à feuilles d’orme, le fustet, les osiers, &c.

Arbrisseaux grimpans. Outre les arbrisseaux verts dont on a parlé, la clématite du Canada, la clématite commune, & celle du Levant, ainsi que celle à fleur violette double ou simple, le chèvre-feuille, le jasmin commun, le bourreau des arbres, le lierre du Canada, la vigne vierge.

Des arbustes. L’agnus castus, l’amandier nain à fleur simple & à fleur double ; le spiræa à feuilles de saule, le genêt des teinturiers, le xylosteon des Pyrénées, le framboisier du Canada, l’amélanchier, l’alizier de Virginie, le bouleau nain de Sibérie, les groseilliers, le framboisier, le syringa nain, &c.

Arbustes rampans & toujours verts. L’asperge toujours verte, la ronce à fleur simple & à fleur double, la germandrée de Crête, & celle à feuille de petit chêne, le thym, la corbeille d’or, les pervenches, la bousserole, le taraspic, le genêt à feuilles de mille-pertuis, &c.

Arbustes rampans qui perdent leurs feuilles. La thymelée des Alpes, le jasmin de Chine à feuilles étroites, la vigne de Judée, le raisin de mer, le saule de S. Léger, &c.

Voilà, sans contredit, la liste d’une masse énorme de matériaux qu’on peut employer de mille & de mille manières dans la formation des bosquets, suivant la situation du local, la nature du terrain. Il faut convenir qu’il est très-possible d’augmenter la liste que je viens de donner ; mais la multiplicité la plus indéfinie des arbres, des arbrisseaux & des arbustes, ne formera pas à elle seule la beauté & les charmes d’un bosquet. Celui qui le dessinera doit être peintre, faire agréablement contraster un arbre avec un autre, ménager des points de vue piquans, & surtout relativement au site, employer les arbres qui lui sont analogues. Certainement dans un lieu sauvage, où les rochers seroient accumulés les uns sur les autres ; un ormeau, un tilleul, &c. dont la tête imiteroit par la taille celle d’un oranger, y figureroit aussi mal que si son tronc étoit tortueux, rabougri, & hors de rang au milieu d’un quinconce d’ailleurs bien régulier. Examinons actuellement un certain nombre d’espèces différentes d’arbres qui fleurissent en même tems, afin d’avoir des bosquets pour toutes les saisons. Il s’agit ici de fleurs apparentes & agréables à la vue ; certainement celles des chênes, des peupliers, &c. ne méritent pas qu’on en parle, ni de celles des pins, & en général des arbres toujours verts. Les époques de fleuraison que je vais indiquer, varient suivant les climats, & la plus grande différence est un mois plutôt ou un mois plus tard. J’ai conservé l’ordre déjà établi, c’est-à-dire que les arbres qui s’élèvent le plus haut sont indiqués les premiers, suivant chaque mois, & les plus petits, ou rampans, sont ceux qui terminent la liste ; après eux viennent les arbustes grimpans & rampans. Les mêmes individus seront cités quelquefois dans différens mois ; c’est qu’ils fleurissent à plusieurs reprises, ou bien qu’ils donnent une continuité de fleurs pendant ces mois.

Janvier, fournit le taraspic toujours vert.

Février, le micocoulier mâle, le mesereon ou bois gentil, la clématite à feuille de poirier & les pervenches, &c.

Mars, l’abricotier, l’amandier, l’abricotier épineux à fruit noir, le pêcher, l’amandier nain, l’amélanchier commun, le mesereon ou bois gentil, la corbeille d’or, &c.

Avril, Les poiriers, le cormier, l’alizier, l’arbre de Judée, le mérisier, les pruniers, les guigniers & bigarreautiers, le cerisier, l’acacia de Sibérie, le laurier-thym, les rosiers, l’amélanchier du Canada, le prunelier, le spiræa, le jasmin jaune commun, le caragana à quatre feuilles, l’amélanchier-cotonaster, la corbeille d’or.

Mai, le maronnier d’Inde, l’acacia, le frêne à fleur, les pommiers, le bois de Sainte-Lucie, le mérisier à grappes, le mérisier à fleur double, le lilas commun, violet & blanc, le citise des Alpes, l’obier à fleur simple & double, les azeroliers, l’épine luisante, le grenadier, le néflier, le coignassier, le pavia ou maronnier d’Inde à fleur rouge, l’arbre de Judée, du Canada, le lilas de Perse, l’aubépine, le syringa, le baguenaudier commun, le spiræa à feuille d’obier, la viorne du Canada, la viorne ou marsienne, l’acacia rose, le pommier paradis, le ciste des jardiniers ; l’emerus ou séné bâtard, le chamæ-cerisier commun, le jasmin jaune d’Italie, le baguenaudier du Levant, le cerisier nain du Canada, l’amandier nain à fleur double, le spiræa à feuille de saule, la quinte-feuille, l’arrête-bœuf, le xylosteon des Pyrénées, l’alizier de Virginie, les rosiers nains, le syringa nain, le chèvre-feuille de Virginie & le commun, la ronce, la germandrée de Crête, le thym, le taraspic vert, le jasmin de Chine à feuilles étroites, &c.

Juin, le laurier-tulipier, le tulipier, le catalpa, le styrax à feuille de coignassier, l’indigo bâtard, l’arbre de neige, l’épine à feuille d’érable, le sureau commun & à feuilles découpées, le ciste à feuille de laurier, le rosier, le rosier sauvage, le genêt d’Espagne, l’agnus castus, le cornouiller sanguin, le genêt-balai, le troëne, le ciste, le ciste velu, le calmia, l’hyssope, la lavande, le phlomis, les sauges, la santoline blanche, le framboisier du Canada, les sureaux nains, les rosiers nains, le chèvre-feuille toujours vert, le chèvre-feuille de Mahon, la clématite commune, celle du Levant, & celle à fleur violette double & simple, le jasmin commun, l’apocin ou faux bourreau des arbres, la ronce, la germandrée de Crête, le thym, les pervenches, le genêt à feuille de mille-pertuis, le jasmin de Chine à feuilles étroites.

Juillet, le laurier tulipier, le styrax à feuilles de coignassier, l’althea frutex, la bruyère, les sauges, la santoline à feuilles blanches, le jasmin de Chine à larges feuilles, le genêt des teinturiers, le mille-pertuis en arbre, la clématite du Canada, &c.

Août, framboisier du Canada, la clématite d’Espagne, celle du Canada, la commune, &c.

Septembre, l’acacia rose, l’althea frutex, la lavande, la bruyère, l’agnus castus, la clématite du Levant, celle à fleur violette double ou simple, la ronce à fleur double.

Octobre, le rosier musqué.

Novembre, la clématite de Mahon.

Décembre, le laurier-thym, la clématite à feuille de poirier.

Je ne me flatte pas d’offrir une liste complète dans aucun genre ; mais voilà, pour la majeure partie, les arbres, arbrisseaux, & arbustes qu’on peut élever en pleine terre, & c’est actuellement à celui qui trace un bosquet à faire le choix qui convient. Je lui indique les matériaux, c’est à lui à les mettre en place.

Il seroit facile de dessiner ici des plans de bosquets, de figurer des allées en patte d’oye, des portiques en charmille, & le tout orné de statues, de pièces d’eau, de cascades, d’eaux jaillissantes ; mais à quoi serviroient ces dessins ? À rien du tout, puisque la beauté du bosquet est relative à son site & à ses points de vue ; c’est donc l’un & l’autre qui doivent être la base de l’entreprise. Accumuler des arbres, multiplier des allées, des ronds, des quarrés, &c. ce n’est point former un bosquet ; il faut, pour qu’il soit pittoresque, qu’il peigne quelque chose, que son ensemble & ses détails soient analogues. Si le site est agreste, s’il est sauvage, le recherché & le symétrique lui sont opposés ; si le bosquet termine un jardin, c’est le cas d’employer toute la coquetterie de la nature, de donner l’essor à l’art, d’unir même l’architecture à la verdure, & la verdure aux fleurs. Aux mots Jardin, Parc, nous entrerons dans les plus grands détails, & ferons connoître toutes les parties qui le concernent.