Cours d’agriculture (Rozier)/CAISSE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 533-534).
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CAISSE. Machine faite en bois, composée de quatre pieds droits, sur lesquels ou dans lesquels on assujettit par des mortaises, ou par des clous, ou par des équerres en fer, les planches qui doivent former les quatre côtés & le fond ; la partie supérieure reste découverte. La caisse doit être proportionnée au volume de la terre, & à la force de la plante ou de l’arbre qu’elle doit contenir, sans quoi le moindre coup de vent renverseroit le tout.

C’est mal entendre ses intérêts que de lésiner sur leur construction, soit relativement à la nature du bois, soit à la force des ferrures ; on doit rechercher au contraire tout ce qui contribue à sa solidité & à sa durée. Je conviens qu’elle sera plus pesante, plus difficile à manier ; mais comme on les manie deux fois l’année seulement pour les sortir ou pour les renfermer dans l’orangerie, la petite peine de plus qui résulte de leur poids, ne peut être mise en parallèle avec la diminution de sa durée, ou avec les raccommodages perpétuels qu’elle exigera.

On peint communément les caisses à l’extérieur, dans l’intention de garantir les bois de l’impression de l’air & de l’action du soleil. On a eu plus en vue l’agrément du coup d’œil que l’utilité, puisqu’on ne passe aucune couleur dans l’intérieur. Si on veut assurer leur durée, il faut que chaque pièce soit séparément passée à l’huile, même les feuillures & les languettes, avant d’être mises en place ; que l’intérieur & l’extérieur soient également & avec le même nombre de couches, passés à la couleur, & surtout que toutes les jointures le soient exactement. Voici la préparation dont je me suis servi le plus avantageusement.

Sur dix pintes d’huile de noix ou de lin, ou de navette, ou de colsat, ou de caméline, cuite à petit feu pendant deux heures, & dans laquelle on aura suspendu une poupée remplie de litarge, jetez quatre livres de poix-résine que vous ferez fondre à très-petit feu, sans quoi elle se boursouffleroit & courroit le risque de tomber dans le feu. Pour cela, le vaisseau ne doit être plein qu’aux deux tiers au plus. Remuez toujours, jusqu’à ce que la poix-résine soit entièrement fondue. Jetez alors dans ce vaisseau une à deux livres de cendres bien tamisées ; remuez de nouveau, afin que les molécules des cendres soient bien distribuées dans l’huile ; ajoutez ensuite la matière colorante dont vous desirez vous servir. Pour le vert, qui est la couleur la plus employée, prenez du vert-de-gris réduit en pâte la plus fine en la broyant avec la première huile sur le marbre, faites-en un petit monceau. Avec la même huile, broyez le décuple au moins de blanc de céruse, & non pas de la craie qu’on appelle blanc de Troye, blanc d’Espagne, &c. ; ensuite reprenez cette pâte de céruse ; rebroyez la masse, en y ajoutant peu à peu de celle du vert-de-gris, jusqu’à ce que le tout soit d’un vert très-clair. Si la couleur verte étoit foncée, elle deviendroit presque noire à la suite du tems.

Lorsque l’on donne la peinture de ces caisses à prix fait, l’ouvrier emploie la craie & non le blanc de céruse, parce que celui-ci est beaucoup plus cher ; c’est toujours par la craie que la couleur se détériore. Pour se servir du mélange que je viens d’indiquer, il faut, 1o. que le bois soit parfaitement sec, avant que l’ouvrier commence à le dégrossir, sans quoi il sera sujet à se jeter, & la couleur tiendra peu. Tout aubier ou bois imparfait sera scrupuleusement séparé ; c’est par lui que commence la pourriture. 2o. Avant de passer la couleur, laisser le bois exposé à la grosse ardeur du soleil, ou approché d’un feu clair, il prend mieux la couleur. 3o. Tenir la composition sur le feu, & l’employer chaude le plus que faire se pourra. 4o. Chaque fois que l’ouvrier trempe son pinceau, il doit remuer toute la matière.

Si chaque partie qui compose la caisse étoit ainsi préparée avant d’être mise en place, excepté les languettes & les feuillures qui doivent être passées à l’huile simple, il est constant que la durée de ces caisses seroit du double de celle des caisses ordinaires.

La couleur dans l’intérieur de la caisse, est bien plus essentielle que sur l’extérieur, puisque la terre qu’elle contient est sans cesse humectée. En effet, une caisse paroît souvent bien saine à l’œil, tandis qu’elle est toute pourrie en dedans. Je le répète, toute lésinerie va contre les intérêts du propriétaire ; & c’est à lui à bien voir, bien examiner, s’il ne veut pas être trompé par l’ouvrier.