Cours d’agriculture (Rozier)/EXCAVATION

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 416-417).


EXCAVATION. Je copie cet article intéressant, de la Théorie du jardinage de M. Roger Schabol. « Ce mot vient du verbe caver, il signifie dans le sens propre, une fouille de terre en forme de cave ; c’est l’action de creuser la terre en fond ; mais pris dans un sens d’application, il veut dire miner, ronger, carier. Voilà ce qui arrive précisément aux plantes quelconques, dont les parties internes incisées sont à découvert, quand mal-à-propos ou par accident on leur fait des plaies graves ou toutes autres qu’on n’a pas soin de panser avec l’appareil d’onguent de St. Fiacre ; il arrive alors les mêmes accidens qu’en pareil cas aux animaux raisonnables & irraisonnables, quand le sang putréfié ou une humeur âcre & mordante, ronge, cave & carie ses chairs & les os. »

» L’excavation dont on parle & dont on va donner quelques exemples, est, dans les arbres, ce qu’est en chirurgie, la gangrène dans les chairs, & l’exfoliation dans les eaux, quant à l’occasion d’une humeur purulente, les chairs sont minées & les os cariés. Examinez ce qui se passe journellement sur vos arbres, & que sans le remarquer ou sans y remédier, les jardiniers voient à tout instant dans leurs jardins. »

» Tous les arbres qu’on appelle gommeux, tels que les arbres à fruits à noyaux lorsque la gomme qui n’est autre qu’une sève extravasée, découle le long d’une branche, sont minés, cavés au point d’y causer un chancre corrodant, qui pénètre jusqu’à la moelle, qui trop souvent fait mourir la branche & quelquefois tout l’arbre ; si donc le jardinier sitant ses arbres, avoit l’attention d’enlever cette gomme, ce qui est la plus petite chose du monde, ces arbres en santé, donneroient des fruits & prospèreroient ».

» On fait des plaies énormes aux arbres quelconques sans y mettre d’appareil ; qu’arrive-t-il alors ? La sève fort de son cours, s’extravase ; cette sève comme le sang hors de nos veines, qui, frappé par l’air, se corrompt, se putréfie, se convertit en une humeur sanieuse, qui coule le long des branches & de la tige, & qui mine de dedans en dehors. Voyez une foule d’arbres ainsi traités, parmi ceux de vos jardins, qu’on recèpe qu’on ébotte & qu’on étronçonne quand ils sont d’une certaine grosseur, le bois tombe en canelle, ou comme du liège, ou enfin se pourrit. »

» Voyez tous les arbres des boulevarts de Paris, ceux des grands chemins qu’on taille de la sorte, & vous y remarquerez cet écoulement de la sève dont il vient d’être parlé : on la voit suinter de la playe & se répandre sur la tige ; on y apperçoit une tache livide d’une couleur blafarde qui dure long-temps, même après la plaie formée. »

» Feue Mademoiselle Comtesse de Charollois à Atis près de Paris, vendit sur pied un certain nombre d’ormes d’environ trois pieds de diamètre, & environ neuf à dix de tour : jadis ces arbres avoient été coupés du haut pour être rabaissés, les pluies, les neiges, les frimats, avoient pénétré dans l’intérieur, & ces arbres, quand ils furent abattus, étoient creux comme le tour d’une mardelle de puits. »

» Que conclure de ceci, sinon que tout jardinier doit être extrêmement réservé quand il est question de plaies graves sur un arbre. Tous les jours ces mêmes jardiniers font des greffes, soit sur des branches, soit sur des arbres gros de cinq à huit pouces. Ces greffes souvent prennent, elles subsistent quelque temps & périssent bientôt après. »