Cours d’agriculture (Rozier)/FLEURS BLANCHES

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 668-670).


FLEURS BLANCHES, Médecine rurale. Les femmes sont sujettes à une perte blanche, qu’on appelle ordinairement fleurs blanches. Cette maladie est rare chez les filles ; ce n’est pas que celles qui ont eu long-temps des pâles couleurs, en soient toujours exemptes ; j’en ai vu beaucoup qui en étoient attaquées, à la suite d’une jaunisse : j’en ai observé une, sur une fille de quatre ans, qui lui dura pendant deux années consécutives, mais qui disparut d’elle-même, sans le secours de l’art. Les femmes qui ont accouché plusieurs fois, qui ont beaucoup souffert dans le travail de l’accouchement, ou qui ont fait plusieurs fausses couches, sont plus exposées à avoir des fleurs blanches ; & si elles sont communes aux vieilles femmes, ce n’est qu’à celles qui jouissent d’une mauvaise santé, & qui se nourrissent très-mal.

Bien des gens confondent les fleurs blanches avec la gonorrhée. Les premières souffrent une interruption pendant le tems des règles, au lieu que la gonorrhée ne cesse point ; la matière est seulement plus abondante. D’ailleurs, la gonorrhée est toujours accompagnée d’ardeur d’urine, & elle a son siège dans les parties de l’urètre ; & les fleurs blanches viennent du vagin & de la matrice. La gonorrhée s’annonce peu de temps après un commerce impur, & se termine plus ou moins vite, selon le traitement méthodique qu’on emploie ; & les fleurs blanches sont presque toujours rebelles, durent des années, & résistent, le plus souvent, aux secours de l’art les mieux administrés.

La matière des fleurs blanches varie très-souvent par la couleur ; elle est quelquefois pâle, verdâtre, jaune, & même noirâtre ; quelquefois aussi elle est très-limpide & fort âcre, de manière à causer des excoriations sur les parties qu’elle touche.

Les femmes attaquées des fleurs blanches, sont, pour l’ordinaire, dégoûtées ; leur appétit est vicié : elles éprouvent des douleurs à l’estomac, aux lombes, & des lassitudes aux articulations.

Les causes qui produisent cette maladie, sont la suppression des mois, ou leur diminution ; l’usage du café au lait, dont on abuse dans les grandes villes, est une cause sûre & des plus efficaces sur les femmes qui habitent les pays froids & humides, & qui ne font presque jamais d’exercice ; l’âcreté des humeurs, le relâchement des organes digestifs & de toute la constitution, un vice écrouelleux, vérolique, scorbutique, un ulcère dans les parties qui avoisinent la matrice, ou dans sa propre substance, constituent une autre espèce de causes, qui exigent la plus grande attention, comme étant plus graves, & comportant avec elles un danger plus réel.

Les vues curatives que l’on doit se proposer, doivent se rapporter, 1°. à l’acrimonie & au vice des humeurs ; 2°. au relâchement de l’estomac & de toute la constitution ; 3°. à l’état ulcéreux de la matrice, ou des parties qui la touchent de près.

Sous ce point de vue, le lait seroit très-approprié à l’acrimonie des humeurs. Hippocrate l’employoit avec succès dans cette occasion.

Si on néglige trop les fleurs blanches produites par une acrimonie sensible des humeurs, le sang se corrompt, & produit une espèce de consomption, qu’on doit combattre, 1°. par des boissons mucilagineuses, telles que la décoction de racine de guimauve, de bardanne ; une infusion de graine de lin dans de l’eau bouillante, ou une décoction de fleurs de mauve, dans laquelle on fera dissoudre quelques grains de gomme arabique, & par des crèmes de riz ou d’avenat, légères & cuites à l’eau. Ces remèdes sont très-propres à envelopper l’âcre des humeurs.

2°. On fortifiera l’estomac & toute la constitution énervée, en pratiquant le long de l’épine du dos, ou des lombes, des frictions aromatiques, avec des linges imbibés de la fumée de thim, de lavande, du serpolet, de l’encens, de la myrrhe, & en faisant faire aux malades beaucoup d’exercice.

Les bains froids sont très-efficaces ; les eaux minérales ferrugineuses, & le quinquina sur-tout, qui est le tonique par excellence, produiront les effets les plus salutaires. Il seroit néanmoins dangereux d’ordonner les bains froids dans une saison trop froide ; ce n’est que dans un temps chaud qu’ils peuvent être d’un grand secours. Storck recommande l’usage du vin médicamenteux, préparé avec le kina, le fer & la canelle ; les bains chauds avec les plantes aromatiques, pourvu que les malades n’aient point de disposition à la phthysie, seroient très énergiques, & produiroient le plus grand bien.

On fera des lotions aux parties naturelles, avec le lait, l’eau rose, & l’onguent nutritum, si elles sont ulcérées.

3°. Quand il existe un ulcère dans la matrice, on fait prendre avec avantage les eaux sulphureuses de Cauterets ou de Barèges ; on fait encore recevoir la vapeur de ces mêmes eaux. Les décoctions des plantes adoucissantes & vulnéraires, telles que celles de lierre terrestre, de mille-feuille, de véronique, de verveine, sont très-utiles.

Pour l’ordinaire les baumes sont dangereux ; leur usage doit être proscrit ; il n’est pas rare de voir leur emploi faire dégénérer l’ulcère en cancer.

On ne connoît pas de remèdes vraiment curatifs dans les fleurs blanches malignes ; il faut se contenter de la cure palliative. Il n’y a rien de mieux pour cela que les lavemens de lait avec les gouttes anodines.

Si les fleurs blanches dépendent d’un vice écrouelleux, scorbutique, ou vénérien, il faut alors attaquer le vice par des remèdes appropriés, parce qu’elles ne sont que symptomatiques ; & l’effet de ces mêmes vices, en enlevant la cause, on enlèvera les effets : les antivénériens, comme les différentes préparations de mercure, les antiscorbutiques, doivent être nécessairement employés pour pouvoir parvenir à une guérison radicale. M. AME.