Cours d’agriculture (Rozier)/GERÇURE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 276-277).


GERÇURE DES MAMELLES. On appelle gerçures les fentes, les écorchures qui surviennent aux bouts des mamelles des femmes qui ont nourri. Elles sont quelquefois très-douloureuses, & dégénèrent très-souvent en petits ulcères.

Plusieurs causes y donnent lieu. Les efforts faits par l’enfant pour teter, sur-tout si le lait aborde difficilement aux mamelles, & s’il trouve des obstacles dans les trous des mamelons ; souvent aussi ces gerçures proviennent de ce que les enfans sont si altérés & si affamés, qu’ils mordent & mâchaient si fort les bouts, qu’ils les écorchent, & quelquefois même les emportent tout-à-fait.

Le virus vénérien, communiqué par les enfans à leurs nourrices, peut aussi les déterminer. Cette maladie alors est très-difficile à guérir.

Les moyens à mettre en usage pour combattre avec quelque succès ces gerçures, ont pour objet de remédier le plutôt possible aux douleurs qu’elles causent.

Sous ce point de vue, la femme attaquée de gerçures doit s’abstenir de donner à teter à son enfant, jusqu’à ce qu’elles soient entièrement guéries.

Le sucement continuel est capable de les faire croître en les irritant.

Il faut alors employer des remèdes qui puissent détourner le lait, tels que les purgatifs, les lavemens, les diaphorétiques, à moins qu’il ne reste une mamelle dont le bout ne soit point affecté ; pour lors il est nécessaire que la nourrice se fasse teter de ce côté, & c’est même le plus sûr moyen de prévenir une inflammation au sein.

On appliquera sur les gerçures une mixture d’huile & de cire vierge. On retire les plus grands avantages de les lubrifier avec de l’eau de guimauve, ou avec une dissolution de gomme arabique.

Quand on a adouci & calmé l’irritation, on vient ensuite à l’usage des dessiccatifs légers, avec lesquels on lave les gerçures, tels qu’une eau alumineuse très-légère, celles de plantain & de roses de Provins ; l’emplâtre de céruse & celui de blanc de rasis, sont aussi très-appropriés.

Quand les gerçures reconnoissent une cause vénérienne, il faut les combattre avec les antivénériens les plus usités. Sans le secours de ces remèdes, on ne parviendra jamais à les guérir radicalement. M. AME.

Gerçure des mains ou des lèvres. Le froid, & mieux encore le courant d’air rapide, lorsqu’on y est exposé, font en hiver gercer les lèvres & les mains, & y causent souvent des douleurs assez vives. Prenez en automne, lorsque le raisin est bien mûr, celui que l’on reconnoît être le plus coloré en noir ; exprimez-le, passez la liqueur au tamis de crin : ajoutez à cette liqueur autant d’huile d’olive non rance ni forte, ou huile d’amande douce tirée de la veille, & faites bouillir. Ajoutez alors quelque peu de cire vierge, & en suffisante quantité pour donner au tout la consistance d’une pommade molle, & ne cessez de remuer avec une spatule, tant que la préparation est sur le feu. De temps à autre, retirez la spatule, exposez-la au courant d’air, afin que ce qui l’environne refroidisse plus promptement ; & en appliquant ensuite le doigt dessus, vous connoîtrez si la pommade a la consistance requise. Si elle ne l’a pas, ajoutez de nouveau un peu de cire : cette pommade n’a ni mauvais goût, ni mauvaise odeur. Chaque soir, avant de se coucher, on en frotte légèrement les lèvres. On peut, pour les gerçures des mains, les couvrir avec un linge chargé de cette pommade : j’en ai vu de très bons effets, & je la préférerois pour les mamelles à toutes les applications où les dissolutions de plomb sont admises, telles que celles de céruse, &c.