Cours d’agriculture (Rozier)/GUI

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 390-391).


GUI. (Voyez Planche XVI, page 374). Tournefort le place dans la septième section de la vingtième classe, qui comprend les arbrisseaux à fleur d’une seule pièce, & dont les fleurs & les fruits sont portés sur des pieds différens. Il l’appelle viscum baccis albis : von-Linné le classe dans la dioécie tétrandrie, & le nomme viscum album.

Fleurs mâles. A représente une branche d’un pied qui ne porte que des fleurs mâles ; & B une branche à fleur femelle ; en C, on voit un paquet de fleurs mâles, & en D, une fleur séparée du groupe ; cette fleur est formée par un calice (vu de profil en E) d’une seule pièce, à quatre découpures, coloré en jaune : les étamines, au nombre de quatre : la fleur est supportée par un petit pédicule.

Fleurs femelles, rassemblées en corymbe F, dans un godet d’une seule pièce G, soutenue par un pédicule court aux articulations des branches. Ces fleurs sont composées d’un pistil I, couronné de quatre stigmates qui tombent facilement ; alors il n’offre plus que la forme K, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à sa maturité. En L on voit la disposition des fruits.

Fruit, baies rondes, molles, remplies de suc, de couleur de perle, couronnées de quatre petites dents. Ces baies renferment chacune deux noyaux M, adhérens par leur base, & couronnés par un ombilic.

Feuilles, entières, épaisses, dures, en forme de spatule.

Racine ; elle s’insinue & se groupe dans la substance de l’écorce de la branche.

Lieu ; sur les chênes, plus communément sur les amandiers, les poiriers, quelquefois sur les saules, hêtres, &c. ; fleurit en février, & jusqu’en mai, suivant les climats.

Port. Une multitude de branches confuses offre une espèce de buisson implanté, ou contre un tronc ou sur une branche d’arbre ; feuilles opposées ; branches, pour ainsi dire, articulées ; les groupes à fleurs mâles & ceux à fleurs femelles naissent des aisselles des feuilles.

Cette plante, qu’on ne voit jamais végéter sur terre, mais toujours perchée sur des arbres, leur nuit beaucoup, quoiqu’on pourroit, à la rigueur, la regarder comme une plante grasse. On sait que ces plantes se nourrissent plus des principes qu’elles absorbent de l’atmosphère, que de ceux qu’elles pompent dans la terre. Cependant il est de fait que le gui épuise les branches qui le supportent, & que, s’il est multiplié sur un arbre, cet arbre passe promptement à l’état d’étique & de rabougri.

Le cultivateur soigneux le fait détruire dès qu’il commence à végéter ; s’il attend plus tard, il sera forcé de couper la branche qui le nourrit, ou de lui faire une entaille ou plaie considérable, qui ne se refermera plus, à cause de sa débilité. Les chasseurs n’aiment point ces destructions, parce qu’ils sont assurés de voir, pendant l’hiver, une multitude de grives & de merles accourir de toutes parts pour manger les baies. La substance qu’elles renferment est gluante ; l’oiseau frotte son bec contre les branches, & les noyaux y restent collés ; de sorte que les oiseaux sont les vrais planteurs du gui.

Le gui du chêne est rare dans les provinces du nord, & commun dans celles du midi. N’est-ce pas à cause de cette rareté que nos ancêtres, les druides, établirent la fête du gui ou de l’an neuf, faisant envisager au peuple cet arbuste comme un présent du ciel & une marque de sa protection. Ce respect ridicule pour le gui de chêne s’est perpétué dans quelques-unes de nos provinces, & le paysan n’oseroit le détruire, tandis qu’il coupe sans peine celui des autres arbres. Cependant, qu’il végète sur un chêne ou sur un poirier, c’est exactement la même plante, qui ne diffère en rien, quant à sa forme & quant à sa propriété.

Propriétés. Si on en croit Pline, les écrivains de son âge & ceux qui leur ont succédé, presque jusqu’à nos jours, cet arbuste jouissoit des plus singulières propriétés ; l’expérience a démontré que, quoi qu’il soit cueilli au croissant de la lune d’août, ou à la fin ou au milieu de celle de tout autre mois, il ne produit aucun effet dans l’épilepsie, l’apoplexie, les convulsions, les vertiges, &c. ; il y a plus, l’emploi intérieur des baies n’est pas sans danger.