Cours d’agriculture (Rozier)/HÉPATIQUE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 447-449).


HÉPATIQUE, (flux) Médecine Rurale. Le flux hépatique est une maladie assez rare, qui s’annonce toujours par un cours de ventre séreux ; & sanguinolent, semblable à la lavure des chairs ; & accompagné de fièvre lente, de dégoût, & d’une amertume à la bouche.

Ceux qui en sont atteints, rendent beaucoup de vents, leurs urines sont jaunes, & déposent un sédiment bilieux ; ils ressentent dans l’hypocondre droit, une douleur & une forte rénitence : leur visage est d’un jaune assez foncé, ils sont tourmentés de la toux & d’une difficulté de respirer ; quelquefois le sang leur sort du nez & de la bouche.

D’après cette description, il est aisé de voir que le siège de cette maladie est dans la substance du foie.

Elle se manifeste à la suite de quelque longue maladie qui attaque ce viscère : les mélancoliques, les hypocondriaques, les tempéramens bilieux y sont très-sujets.

Elle diffère des hémorroïdes, & de la dyssenterie, en ce que le sang qui sort par le fondement, est mêlé aux excrémens ; qu’il est, au contraire, vermeil & pur dans les hémorroïdes ; & qu’il n’y a jamais ni douleur, ni tranchée, ni ténesme dans le flux hépatique, comme dans la dyssenterie.

Dans les causes du flux hépatique, on doit comprendre tout ce qui peut obstruer le foie ; l’inertie & la foiblesse de ce viscère, une trop grande quantité de bile dégénérée, l’inflammation de la vésicule du fiel, le relâchement des fibres de l’estomac & des autres viscères, un abcès dans le foie ou dans la rate, la suppression de quelque évacuation habituelle.

Le flux hépatique est une maladie très-dangereuse, sur-tout si, dans son déclin, on observe chez les malades un abattement de forces, une foiblesse dans le pouls, un froid aux extrémités, la voix rauque, les yeux caves, un penchant à la lypothìmite, mais le danger est encore plus grand, & la mort même certaine, si le sang, loin d’être séreux & sanguinolent, est noir, & ressemble à l’atrabile.

Le traitement de cette maladie, consiste à suivre les indications que peuvent fournir les symptômes qui ont précédé ; & qui en déterminent la nature.

Sous ce point de vue, si le flux hépatique dépend d’une abondance de sang, d’une inflammation dans la substance du foie, la saignée sera très-avantageuse, pourvu qu’il n’y ait d’ailleurs aucune contre-indication.

S’il est l’effet d’une suppression d’hémorroïdes, ou des règles, on appliquera des sangsues à l’anus, pour dégorger les vaisseaux hémorroïdaux ; s’il est critique, on ne doit point l’arrêter ; souvent il tient lieu d’évacuation habituelle, & peut être très-avantageux dans l’inflammation du foie.

Mais s’il est produit par des obstructions dans ce viscère, avant de l’arrêter, il faut détruire les embarras, & pour cet effet, je ne saurois assez recommander les sucs des plantes chicoracées & apéritives, combinés avec le sel de glauber, & la terre foliée de tartre.

La boisson ordinaire des malades, sera du petit lait bien clarifié, une infusion de feuilles de scolopendre, dans laquelle on trempera à plusieurs reprises un fer rouge : on ajoutera à ses bouillons de viande, une cuillerée de jus d’oseille.

Enfin, on n’aura recours aux astringens, que lorsqu’on aura détruit la cause de la maladie ; pour lors on permettra aux malades l’usage des alimens solides, & de bonne digestion.

HÉPATIQUE, Jardinage. Cette plante mérite d’être cultivée dans les parterres, à cause de la multiplicité de ses fleurs, de leur couleur & de leur forme. Pour peu qu’il fasse beau dans le mois de février, on les voit éclore. L’hépatique fait très-bien en bordures, en masse, & dans des vases. Tournefort la place dans la septième section de la sixième classe, qui comprend les herbes à fleurs de plusieurs pièces régulières, en rose, & dont les semences sont disposées en manière de tête. Il l’appelle ranunculus tridentatus vernus. Von-Linné la nomme anemone hepatica, & la classe dans la polyandrie polygamie. En franc, ois, quelques-uns lui donnent le nom de trèfle hépatique, & d’autres d’herbe de la Trinité ; la forme de ses feuilles a déterminé ces dénominations.

Fleur. Le calice divisé en trois folioles ovales, plus courtes que la corolle, & il en est éloigné ; les pétales disposés en rose sur deux à trois rangs, leur forme est ovale ; le centre de la fleur est occupé environ par 30 étamines & 20 pistils.

Fruit ; semences rassemblées en tête, ovales, pointues des deux côtés & légèrement velues.

Feuilles à trois lobes, très-entières, d’un verd foncé, marquées de quelques zones rougeâtres ; elles sont de couleur pourpre, obscur en dessous.

Racines fibreuses ; plusieurs yeux ou œilletons rassemblés à leur sommet.

Lieu. Les bois un peu humides ; la plante est vivace.

Port. Les fleurs paroissent ordinairement avant les feuilles ; les unes & les autres sont portées par des pédicules velus de trois à quatre pouces de hauteur, qui partent du collet des racines.

Culture. Les bois fournissent l’hépatique à fleur simple, & les jardins, celle à fleur double. La première se multiplie par graine, & la seconde par drageons.

Il y a des hépatiques à fleurs bleues, violettes & blanches. La couleur ne constitue pas des espèces différentes, mais de simples variétés. Aussitôt que les graines des fleurs simples sont mûres, on les sème dans des vases remplis de terre légère, & on les place dans des lieux où ils ne reçoivent que le soleil du matin. On a soin de tenir la terre humectée au besoin. Il est rare de voir cette graine germer avant le retour du printemps. Dès qu’elles commencent à pousser, on porte le vase à l’ombre, & on l’arrose souvent.

Les plants provenus du semis peuvent être levés de terre en août & septembre suivans, mis en plate bande, ou en masse, ou dans des vases. Ils donneront des fleurs en février ou en mars.

Ces plantes n’aiment pas à être souvent changées de place. D’ailleurs leur beauté tient à la touffe qu’elles forment, & qui multiplie le nombre de leurs fleurs & de leurs feuilles. Cependant lorsque ces touffes deviennent trop volumineuses, il convient alors d’éclater leurs racines, & de dégarnir la masse.

J’ai vainement essayé de cultiver l’hépatique dans le bas-Languedoc, elle y est languissante. Les arrosemens ne suppléent point à l’ombre des bois ni à leur humidité vaporeuse.