Cours d’agriculture (Rozier)/INCARNATIFS

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 626-627).


INCARNATIFS ; remèdes doux, onctueux & balsamiques, qu’on supposoit propres à faire revenir les chairs. Il est inutile de développer ici les systèmes sur la prétendue marche de la nature, sur la régénération des chairs, ou le remplacement de celles perdues ou pourries, par de nouvelles & saines. Le détail de ces systèmes nous mèneroit trop loin, & propageroit l’erreur. On est redevable au célèbre M. Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de Chirurgie de Paris, d’avoir arraché le voile, & mis un point de fait dans sa plus grande évidence. Il a démontré qu’un lambeau de chair enlevé par un instrument tranchant, ou détruit par la pourriture, ne se régénère point, c’est-à-dire, qu’aucune nouvelle chair ne le remplace ; mais comme la peau a la propriété singulière de s’étendre, de s’alonger &de croître, elle seule recouvre la plaie, & dans l’endroit où s’exécutent les points de réunion, la cicatrice paroît, & atteste qu’elle seule s’est reproduite.

Il en est ainsi dans les arbres. Faites un trou quelconque avec une tarière dans un pommier, par exemple, ou dans tel autre arbre ; la tarière détruira une partie de l’écorce, ensuite de l’aubier, ensuite du vrai bois ; à la fin de la première ou seconde année, l’orifice sera bouché par l’écorce, & quelquefois par elle, toute la cavité ; mais jamais l’aubier, ni le bois parfait ne se rempliront. Quelle analogie entre l’homme & le végétal ! On a cependant quelques exemples, rares à la vérité, que des parties d’os enlevés, ou par des couronnes de trépan, ou à la suite de fractures, se sont régénérés, & l’on peut comparer les os au vrai bois de l’arbre ; mais des exceptions ne détruisent pas l’analogie générale, qui démontre l’inutilité des onguens & autres drogues appelés incarnatifs, régénératifs, &c.