Cours d’agriculture (Rozier)/LÉGUMES, conservation des

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M.
Marchant (Tome douzièmep. 200-202).


LÉGUMES, (conservation des économie domestique. Tandis que le père de famille fait croître en abondance les fruits et les légumes qui couvrent sa table dans la belle saison, la prévoyante ménagère calcule les privations que lui imposeront les rigueurs de l’hiver, et s’efforce d’en diminuer le nombre, en conservant, par des moyens économiques et simples, aux végétaux comestibles leur forme, leur chair et leur saveur. Elle sait faire enterrer à propos les racines dans le sable, conserver les fruits ou les légumes dans le vinaigre et la saumure, comme on l’a vue en dessécher les pulpes par l’action du soleil ou du feu. Suivons-la dans la manière dont elle a nuancé ses procédés pour conserver à chaque végétal les qualités qui le distinguent ; ces détails sont minutieux, sans doute, mais ils seront précieux pour l’homme des champs dont ils prolongent les jouissances, et qui préférera toujours des vérités d’une application et d’une utilité journalière, à des théories brillantes dont il n’éprouve pas continuellement les avantages.

Conservation des racines dans le sable frais. Les racines, telles que les carottes, les navets, les salsifis, se conservent frais dans des caves ou dans des celliers. On les cueille par un temps tempéré, ni chaud, ni froid, ni sec, ni humide. On coupe les feuilles à un pouce de la racine, puis on les range à côté les unes des autres, un peu obliquement, dans une espèce de rigole ou tranchée que l’on fait dans le sable. On multiplie ces rigoles ; il suffit que chaque rang ou lit de racines soit séparé de l’autre par un lit de sable d’un pouce ou deux d’épaisseur. L’endroit où on les conserve doit être à l’abri de la gelée et de l’humidité ; l’une et l’autre les feroient pourrir.

Les choux pommés, et ceux dits de Milan, se conservent dans le sable, en rigole, comme les racines. Si l’on n’a pas assez d’espace pour les enterrer de cette manière, on peut se borner à les suspendre au plancher, la racine en haut, dans un lieu sec où il ne gèle point, ou les y déposer sur des planches.

Quant aux choux-fleurs, il faut, dès les derniers jours d’octobre, choisir les plus gros, les dépiauter, les dépouiller de presque toutes leurs feuilles et les replanter dans du sable, dans un lieu où ils ne puissent pas geler. Il ne faut pas les arroser en les replantant, ni après les avoir replantés. Ils profiteront et se conserveront bien. S’il y en a quelques uns trop frais pour être replantés, on ne les enterrera point. On se contentera de les mettre sécher au cellier ou dans une serre.

Il est un moyen simple d’avoir des choux fleurs en abondance, pendant toute l’année ; c’est de les semer dans des caisses ou baquets au milieu d’août. Quand ils seront levés et un peu forts, on descendra les baquets à la cave, où on les laissera tout l’hiver. On les plantera ensuite en bonne terre dans les premiers jours d’avril ; on en aura de bons avant les chaleurs ; on pourra même, avant que la pomme soit tout à fait formée, les enterrer dans la cave, sur le côté, en rigoles. Là, ils achèveront de se pommer et se garderont fort long-temps. Si on les laissoit en pleine terre, ils monteroient.

Conservation par la saumure. Artichauts. Après avoir choisi les plus beaux, on les prépare comme si on vouloit les faire cuire ; on les trempe dans l’eau bouillante assez longtemps pour pouvoir en extraire facilement le foin ; on saupoudre de sel bien fin tout l’intérieur de la partie charnue de l’artichaut, puis on les place dans des pots de grès, que l’on remplit d’eau, en y ajoutant une bonne poignée de sel. Le lendemain, on change cette première eau que l’on remplace par de nouvelle, où l’on met trois ou quatre poignées de sel, avec un demi-setier de vinaigre ; enfin, on les couvre d’une couche de beurre fondu pour empêcher l’accès de l’air. La seule précaution avant de les manger, pour leur enlever le goût de saumure, est de les tremper dans l’eau tiède et de les faire cuire à grande eau.

Haricots verts. On choisit ceux provenant de semence de haricots gris, comme plus tendres ; lorsqu’ils sont parvenus à une grosseur moyenne, on les épluche sans les casser en deux, mais en enlevant seulement les deux extrémités ; puis on les fait blanchir, en ayant soin de ne pas les laisser trop bouillir, afin qu’ils ne perdent ni leur fermeté, ni leur verdeur ; on les fait égoutter ; on les place dans des pots de grès contenant environ trois pintes, sans être trop pressés, pour qu’ils puissent baigner dans l’eau. On met dans cette première eau une poignée de sel ; le lendemain, on jette cette eau et on la remplace par une saumure composée de deux tiers d’eau et d’un tiers de vinaigre ; on l’assaisonne ensuite avec trois ou quatre fortes poignées de sel. Les pots sont préservés de l’action de l’air par une couche de beurre fondu. Les haricots conservent, de cette façon, tout leur goût et leur fraîcheur jusqu’au printemps, et ils reviennent seulement à dix sous la livre au plus à la ménagère qui a suivi cette méthode où les haricots verts ne contractent point un goût de foin, ordinaire dans ceux que l’on conserve en les enfilant par chapelets et les exposant à l’air.

Concombres. Les concombres pelés, dépouillés de leurs graines, et réduits en quartiers un peu plus gros que pour les manger de suite, sont blanchis dans l’eau bouillante ; on en sépare ceux qui n’ont pas conservé leur fermeté, on les place enfin dans la saumure acidulée, où on les traite comme les haricots et les artichauts.

La seule précaution à prendre est de les laver trois ou quatre fois dans l’eau tiède, avant de les faire cuire, pour leur enlever tout le goût de saumure dont s’imprègne fortement leur chair.

Les cardes-poirées doivent être traitées de même pour être conservées ; il faut avoir soin, en les épluchant, d’enlever toutes les filandres qui rendroient ce légume désagréable à manger.

Chicorée. Ce légume demande quelque précaution particulière pour sa conservation. Après avoir été épluchée et lavée avec soin, on jette la chicorée dans l’eau bouillante où on la retourne jusqu’à ce qu’elle soit amortie et non cuite ; on la jette ensuite dans l’eau fraîche et on la fait bien égoutter pour lui faire perdre toute humidité surabondante. On la place ensuite dans des pots de grès où on la laisse infuser d’abord pendant vingt-quatre heures dans une saumure légère. Au bout de ce temps, on change cette eau, et on en substitue de nouvelle plus fortement salée ; les pots sont ensuite couverts de beurre fondu, et non d’huile qui communique quelquefois un mauvais goût aux légumes.

Oseille. L’acidité de ce légume ne permettant pas de le manger seul, on en tempère l’aigreur en l’unissant avec de la petite laitue, de la chicorée, du cerfeuil, du persil et de la ciboule ; mais on en éloigne soigneusement la belle-dame qui lui communiqueroit un goût désagréable. On épluche tous ces légumes en leur enlevant les côtes trop dures, on les hache menu, séparément de l’oseille ; on les met d’abord dans le chaudron, parce qu’ils sont plus longs et plus durs à cuire que l’oseille, qui demande d’être mise presque entière dans le chaudron pour conserver son jus. Il faut remuer presque continuellement l’oseille, pour qu’elle ne s’attache pas aux parois du chaudron, comme elle le feroit facilement. Le feu doit être modéré, et l’oseille renouvelée à mesure qu’elle se fondra. Quand elle commencera à s’épaissir, on la salera et la goûtera. Lorsqu’elle paroîtra suffisamment cuite, on la mettra dans des pots de grès, et on la laissera refroidir avant de la couvrir de beurre. Si l’on s’aperçoit, quand l’oseille est refroidie, qu’il surnage de l’eau sur le pot, c’est un signe certain qu’elle n’est pas assez cuite, il est nécessaire de la remettre sur le feu, sans cela elle se gâteroit indubitablement.

Fèves de marais. La meilleure manière de les conserver est de les enfiler et de les dessécher à l’air, encore ne sont-elles bonnes qu’à faire d’excellente purée : elles seroient coriaces, si on les rangeoit entières.

Conservation par le vinaigre. Cet acide est un des plus puissans moyens de conserver le& végétaux auxquels une saveur acidulé est agréable. On y plonge non seulement les Câpres et les Cornichons, (Voyez ces mots) mais encore les graines de capucines, un peu vertes, les bigarreaux, les petits ognons et le petit piment ; il suffit de jeter ces fruits dans des vases pleins de vinaigre, de les saler et d’y faire infuser de l’estragon et de la perce-pierre. Ces fruits, ainsi confits, aiguisent l’appétit et sont des mets agréables et salubres (M.)