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Cours d’agriculture (Rozier)/POUSSE

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Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 299-301).


POUSSE. Médecine vétérinaire. Cette maladie, particulière au cheval & aux autres bêtes asines, est caractérisée par une difficulté de respirer, chronique, sans fièvre, avec contraction violente, involontaire & alternative des muscles inspirateurs & expirateurs ; les flancs sont ordinairement tendus, & battent avec plus ou moins de force & de fréquence ; tantôt l’animal tousse, tantôt il ne tousse point ; il sort quelquefois par les naseaux une matière tamponnée qu’il jette par pelotons ou par flocons, sur-tout lorsque cette humeur, qui vient des vésicules du poumon, s’amasse en grande quantité dans l’arrière-bouche ou dans la trachée-artère. Lorsque l’animal est obligé de monter ou courir, son expiration est sonore ; quelquefois il éprouve des accès de difficulté de respirer, plus considérables en certains jours qu’en d’autres.

La pousse est produite par l’épaississement du sang, par le relâchement des vésicules du poumon, & par les tubercules survenus dans ce viscère. Le sang devenu épais, circule lentement, s’arrête & s’appesantit sur les vaisseaux capillaires du poumon. Il fait alors sur ce viscère de fortes & vives impressions, qui se communiquant aux nerfs des muscles inspirateurs, les sollicitent à de fortes inspirations. Les glandes du poumon qui séparent continuellement une humeur mucilagineuse, destinée à humecter la substance de ce viscère, étant relâchées & s’engorgeant de cette liqueur, elles compriment les vaisseaux sanguins, & de là la difficulté de respirer ; enfin l’humeur des bronches étant amassée en grande quantité dans les vésicules du poumon, elle bouche, pour ainsi dire, le passage à l’air ; ce fluide, en faisant effort pour sortir, produit un gargouillement, un bruit plus ou moins fort pendant la respiration, connu sous le nom de sifflage ou cornage. (Voyez Sifflage & Cornage où nous entrerons dans des détails intéressans sur ce vice, pour l’instruction des gens de la campagne) On peut encore mettre au rang de ces causes les lésions différentes du poumon, les pierres pulmonaires & les adhérences de ce viscère à la plèvre ou au diaphragme.

Le cheval est beaucoup plus exposé à ce genre de maladie que les autres animaux de la même espèce. Obligé naturellement à faire des courses longues & rapides, & souvent mal nourri, mal entretenu, est-il étonnant de voir un si grand nombre de chevaux poussifs ?

Traitement, La pousse est très-difficile à guérir, pour ne pas dire incurable ; on peut cependant l’adoucir ou la pallier par les délayans & les béchiques tant doux qu’incisifs, tels que le petit lait, les décoctions de mauve, de guimauve, de bouillon blanc, la bourrache, les fleurs de pas-d’âne & de lierre terrestre ; les vulnéraires, tels que l’hysope, les baies de genièvre, la gomme adragant, la gomme ammoniac, le savon, la térébenthine, l’oximel scillitique. Outre ces remèdes, on peut user de lavemens émolliens, de sétons au poitrail, de larges vésicatoires placés sur les côtés de la poitrine, si l’animal jette par les naseaux.

La nourriture est un objet si essentiel, lorsqu’il s’agit de pallier cette maladie ou de la guérir dans son principe, que le propriétaire doit sans cesse y veiller. On doit retrancher l’avoine & le son ; la paille donnée à des heures réglées suffit, encore ne faut-il pas permettre au cheval de satisfaire son appétit.

On prétend qu’un cheval tenu continuellement au vert, excepté pendant le temps où on le fait travailler, peut rendre pendant plusieurs années de bons services ; mais que si on le tire des pâturages au milieu de l’été, pour le nourrir de foin sec, il devient plus oppressé. Nous sommes persuadés, d’après notre expérience, que les chevaux soumis au foin pour toute nourriture, deviennent bientôt poussifs ; que le vert ne nuit point à ceux-ci, si on les met dans des pâturages fertiles en plantes aromatiques, sur-tout si on les empêche de trop manger, & si l’on a soin de les placer dans une écurie propre, sèche, & bien aérée.

La plupart des maréchaux font attentifs à faire boire les chevaux poussifs le moins qu’il est possible, étant fondés sur une observation de Soleysel, qui constate qu’un cheval poussif, abandonné dans une grange à foin pendant six semaines sans boire, fut parfaitement guéri de la pousse. Sans ajouter foi à cette assertion, nous dirons seulement que la grande boisson peut bien augmenter la difficulté de respirer, mais que la boisson modérée doit rendre la respiration plus facile. Suivant l’indication, on peut ajouter à l’eau destinée pour la boisson, du miel, ou de l’infusion de racine de réglisse. L’exercice ne mérite pas moins d’attention que la nourriture ; on fait promener le cheval tous les jours, le matin & le soir pendant une heure ; on ne l’expose point à tirer des fardeaux considérables, & on évite à lui faire gravir des montagnes, quoiqu’il ne soit pas chargé,

Voilà à peu près à quoi se réduisent les remèdes palliatifs de la pousse ; ils sont préférables à ceux employés journellement par la plûpart des maréchaux ; ils consistent principalement en saignées, en purgatifs, en sudorifiques, &c. La saignée ne convient que dans le cas de pléthore ; il est prouvé que dans la pousse elle augmente toujours la difficulté de respirer, & qu’elle la rend plus opiniâtre à l’action des remèdes. Les purgatifs produisent aussi de grands inconvéniens, en ce qu’ils rendent la respiration plus laborieuse & qu’ils affoiblissent les forces musculaires ; il en est de même des spiritueux, des sudorifiques ; en un mot, l’expérience prouve que les remèdes dont la célébrité a aveuglé les maréchaux de la campagne, n’ont jamais soulagé, & encore moins guéri les chevaux poussifs.

La pousse est comprise dans les vices & cas rédhibitoires. Un fermier qui a acheté un cheval, peut obliger le maquignon ou le marchand à le reprendre ; mais il faut que ce soit avant le terme de neuf jours, selon les usages & coutumes de Paris. Il est des provinces où le terme est plus ou moins long, où l’on a même la quarantaine. Au jugement de M. le lieutenant général de police de Paris, tous cas sont rédhibitoires, principalement quand les chevaux ont été achetés au marché aux chevaux ; l’acheteur a l’avantage de déposer son argent dans les mains de l’inspecteur, qui le lui rend le marché suivant si le cheval est affecté de quelque vice. Ne seroit-il pas à souhaiter qu’il en fut de même de toutes les marchandises ? Ne seroit-ce pas le vrai moyen de mettre les habitans de la campagne à l’abri des friponneries qu’on leur fait journellement à la ville ? M. T.