Cours d’agriculture (Rozier)/REPIQUAGE
REPIQUAGE, (Jard. prat.) On donne le nom de repiquage a l’opération de planter le jeune plant venu de semences de végétaux herbacés.
Cette opération a pour objet de favoriser la croissance de jeunes semis, levés touffus, ou qui ont besoin de cette opération pour arriver à un degré de perfection qu’ils n’acquerroient pas naturellement.
Tous les semis de plantes annuelles ne sont pas également propres à être repiqués. Il en est qu’il est plus avantageux de laisser croître et fructifier à la place où ils Sont nés, tels que ceux des plantes à racines pivotantes et sans chevelu latéral, comme les carottes, les panais, les pieds d’alouettes, les pavots, etc ; d’autres qu’il faut repiquer très-jeunes, lorsqu’ils ont pris leur troisième ou quatrième feuille, tels que les laitues, les melons, les giroflées, etc. ; mais les jeunes semis qui sont de plantes domestiques ou de climats analogues à la nature de nôtre, s’y repiquent de la manière suivante.
Sur un terrain labouré depuis quelques jours, et dont la terre a été plombée par une pluie ou un arrosement copieux, on trace des lignes à l’aide d’un cordeau, et dans toute la largeur de la planche ou du carré qu’on se propose de planter. Ces lignes doivent être plus ou moins rapprochées, en raison du but qu’on se propose dans la plantation et les dimensions des plantes. Si l’on repique des plantes destinées à rester en place jusqu’à la fin de leur végétation, ou jusqu’à l’époque où elles doivent être employées dans les alimens, comme les diverses espèces de laitues, de chicorées, de romaines, etc., il convient d’éloigner les lignes d’environ six à sept pouces les unes des autres.
Si le jeune plant n’est destiné qu’à rester en pépinière jusqu’à l’époque où, devenu assez fort et marquant ses premières feuilles, il doit être levé en motte pour être mis en place, tels que les reines-marguerites, les œillets et roses d’Inde, les œillets de la Chine, etc., trois à quatre pouces de distance entre les lignes suffisent. S’il est question de planter des plants de grandes plantes, comme des choux-pommes, des choux-fleurs, des cardons d’Espagne et autres de cette dimension, il convient de tirer les lignes à deux pieds, et même à trois pieds et demi de distance les unes des autres. Le terrain ainsi disposé et tracé, on lève dans le semis le jeune plant destiné à être planté. Le plus sain et le plus vigoureux est le meilleur, et doit être choisi de préférence. On le lève avec toutes ses racines, et, pour cet effet, on choisit un temps favorable, où la terre ne soit ni trop sèche, ni trop humide, et où elle laisse aisément enlever les racines.
Ces racines, la plupart longues, grêles et sans consistance, ne peuvent rester de toute leur longueur ; elles se ramasseroient en paquets ou se courberoient sur elles-mêmes, lors du repiquage ; il convient donc de les rogner. Pour les plantes, rustiques, cette opération est peu dangereuse ; elle consiste à prendre le plant à poignée et à rogner sa racine à un, deux, trois et jusqu’à six pouces du collet de la lige, suivant la nature du végétal et l’étendue de ses racines.
Cette opération n’est pas aussi dangereuse qu’on le croit au premier coup d’œil, elle est même utile pour les plantes herbacées annuelles ; toutes ces racines coupées en poussent une grande quantité d’autres qui, se répandant à la surface de la terre, augmentent considérablement les bouches nourricières des végétaux, et leur portent un accroissement de sucs qui tourne au profit de leur volume, de la beauté de leurs fleurs ou de la qualité de leur produit.
Mais il convient de choisir le moment le plus favorable à cette opération, et d’administrer au jeune repiquage la culture la plus convenable à sa reprise. Autant qu’il est possible, il faut choisir un temps couvert, chaud et humide pour lever le jeune plant de son semis, n’en arracher que ce qu’on peut en planter dans un tiers de jour, le tenir à l’ombre et à l’abri du contact de l’air, jusqu’au moment de le planter ; et, lorsqu’on procède à sa plantation, il ne faut pas discontinuer jusqu’à ce qu’elle soit effectuée.
Cette plantation consiste à faire des trous avec un plantoir sur les lignes tracées précédemment et à des distances déterminées par le volume que doit occuper la plante dans son état parfait. On place à fur et à mesure qu’ils sont faits, dans chacun de ces trous, le jeune plant qu’on enterre aussitôt avec le même plantoir.
Immédiatement après la plantation, on arrose copieusement, et avec l’arrosoir à pomme, toute la surface de la plante nouvellement plantée ; celle opération se répète, matin et soir, dans les huit ou dix premiers jours du repiquage ; après quoi le jeune plant étant repris, on ne l’arrose que lorsqu’il en a besoin. Si, dans les premiers jours, après le repiquage, il survenoit des coups de soleil, susceptibles de brûler la jeune plantation, il conviendront alors de la couvrir d’un très-léger lit de paille, ou mieux encore de paillassons à claire-voie, soutenus par des fourchettes.
Le repiquage des plantes herbacées annuelles se fait pendant presque toute l’année, dans les jardins légumiers et fleuristes. Il n’y a que le temps des gelées, celui des pluies trop abondantes et la trop grande sécheresse qui rendent cette opération impraticable.
À la campagne, on ne la pratique qu’au printemps et à l’automne, soit pour la culture des gros légumes, des colzas, des tabacs, des chardons à bonnetiers et autres plantes économiques.
Les repiquages des jeunes plants de plantes annuelles des tropiques et de la zone torride, se font dans des pots que l’on place sur des couches et sous es châssis qu’on a soin d’ombrager des rayons du soleil jusqu’à leur parfaite reprise. La préparation des racines du jeune plant de ces plantes et leur plantation sont les mêmes ; toute la différence, ne provient que de ce que les uns sont plantés en pleine terre, et les autres dans des pots ou sur des couches.
Les repiquages des jeunes plants de plantes vivaces herbacées ne diffère que très-peu de celui des plantes annuelles. Les racines sont taillées de la même manière, lorsqu’elles ne sont que fibreuses : on les plante également par carrés ou par planches ; mais les distances auxquelles il convient de les planter, lorsque ces plants sont destinés à rester dans la place où on les met, doivent être en général plus considérables que celles qu’on donne aux plantes annuelles. Il en est, telles que les diverses espèces de rhubarbes, les sylphides, les hélianthes et autres grandes plantes, qui doivent être placées à trois à quatre pieds les unes des autres, tandis que les plus petites n’ont besoin d’être distanciées que de six à sept pouces, et les intermédiaires, d’environ un demi-mètre. C’est au cultivateur à connoître le volume de ses plantes dans leur état parfait, et à leur proportionner l’étendue du terrain qui leur est nécessaire.
Il convient aussi de donner à cette division de végétaux un terrain plus profond et plus substantiel qu’à celui des plantes annuelles.
Si dix à douze pouces de profondeur suffisent ordinairement pour des plantes annuelles, il en faut au moins le double pour les végétaux vivaces, tels que les mandragores, quelques espèces de rhubarbes, de berces, de férules et autres, dont les racines s’enfoncent à plus de trois pieds et demi de profondeur, et ont jusqu’à six et même huit pouces de diamètre.
De plus, leurs racines étant en général plus fortes et plus charnues, il est utile qu’elles soient plantées dans une terre plus forte et plus ferme que les plantes annuelles, qui ont pour l’ordinaire un chevelu tendre et délié. (Th.)