Cours d’agriculture (Rozier)/SATYRIASIS

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 118-120).


SATYRIASIS, (Médecine rurale.) Érection continuelle de la verge, toujours accompagnée d’un désir insatiable pour les femmes. Arêtée regarde le satyriasis, comme une maladie aiguë, qui enlève dans moins de sept à huit jours ceux qu’elle attaque. Elle diffère du priapisme en ce que dans celle-ci l’érection qui est continuelle, est aussi sans aucun désir amoureux & sans aucun sentiment de plaisir.

Les hommes sont les seuls sujets au satyriasis. Mais aussi les femmes ne sont point à l’abri des maladies qui ont pour caractère distinctif un désir insatiable des plaisirs de l’amour. Les maladies de cette espèce font chez elles plus de progrès, & sont beaucoup plus violentes. Leur imagination plus échauffée s’altère par la contrainte où les lois de leur éducation les obligent de vivre. Le mal empire par la retenue : bientôt il est au point de déranger la raison. C’est alors que, n’écoutant plus que la voix de la nature, elles ne cherchent qu’à satisfaire leurs désirs. Elles agacent tous les hommes indifféremment, se jettent dans leurs bras, ou tâchent par des moyens que la nature indique, & que l’honnêteté proscrit, de suppléer à leur défaut. Le satyriasis est subordonné à une infinité de causes. La plus prochaine est un spasme violent dans toutes les parties de la génération, & sur-tout dans la verge.

Dans le nombre des causes éloignées, on doit comprendre le vice de la semence qui peut pécher par sa quantité & sa qualité, la force & la vivacité du tempérament, l’abus des six choses non naturelles, l’usage abusif des liqueurs spiritueuses, un régime de vie pris des alimens salés, épicés & de haut goût ; une sensibilité excessive dans les parties génitales, le fréquent usage du coït, les conversations licencieuses, la lecture des romans.

On peut encore ajouter à ces causes la débauche, la crapule, la manustupration, & les attouchemens malhonnêtes.

Le satyriasis est quelquefois produit par le virus vénérien ; mais il n’en est pas toujours un symptôme. J’ai vu cette maladie sur un jeune homme qui avoit bu beaucoup d’eau glacée pour étancher une soif vive & ardente, dont il étoit tourmenté depuis plusieurs jours. Je l’ai aussi observée sur un homme âgé de quarante ans, qui avoit voulu s’exciter aux plaisirs de l’amour, en avalant une forte dose de poudre de cantharides.

Le satyriasis n’attaque presque jamais les personnes qui ont atteint un certain âge. Ce sont toujours les jeunes gens qui y sont les plus exposés. Le tempérament particulier, la mobilité & la sensibilité des nerfs disposent beaucoup à contracter cette maladie. C’est aussi d’après ces principes qu’on voit très-peu de gens foibles, dont la fibre est lâche & ramollie, & dont le tempérament est plutôt phlegmatique que bilieux, attaqués du satyriasis.

La curation est relative aux causes qui le produisent.

Le satyriasis excité par une trop grande quantité de semence retenue, se dissipe par son excrétion naturelle, & n’a point de suites fâcheuses. Mais celui qui vient du trop d’activité de la semence, & d’une tension immodérée des parties de la génération, est plus lent & plus difficile à guérir.

S’il persiste trop long-temps, il donne naissance à des symptômes dangereux, tels que la mélancolie, difficulté de respirer, dysurie, constipation, feu intérieur, soif, dégoût, fièvre lente, & phtysie dorsale, qui préparent une mort affreuse.

S’il dépend de la force & de la vigueur de la constitution du malade, on le combattra par les saignées, les bains tièdes & autres remèdes rafraîchissans, tels que le nitre, le petit lait, la limonade, l’orgeat, par des émulsions préparées avec la graine de pavot, d’agnus-castus, par une diète sévère & l’usage des alimens légers & adoucissans ; par le sirop de Nymphéa, par l’interdiction du vin, par un jeûne & un exercice outré, & un travail forcé ; & si tous ces moyens n’opèrent aucun bon effet, le remède le plus sûr & le plus efficace est le mariage. Il est d’autant plus utile, qu’il est autorisé par la religion, les lois & les mœurs. Enfin on donnera, matin & soir, une forte dose de sel de nitre dans l’eau de Nymphéa. Timeus nous apprend que ce remède fut si efficace à un musicien, qu’en moins d’un mois tous ses feux furent amortis, de telle sorte qu’il pouvoit à peine satisfaite aux devoirs que le mariage lui imposoit vis-à-vis de son épouse.