Cours d’agriculture (Rozier)/SOUCHET TUBERCULEUX

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 492-493).


SOUCHET TUBERCULEUX, cyperus esculentus, L. Cette plante connue en Espagne sous le nom de chufa, est cultivée en grand dans le royaume de Valence. Elle croit aussi spontanément dans les terreins humides et sabloneux de ce même royaume. Ses tubercules ont quelque rapport, par le goût et par la forme, avec l’amande de la noisette, et se mangent cruds, ainsi que ce dernier fruit.

On les sème immédiatement après la récolte du blé, ou de toute autre plante dont la récolte se fait dans le mois de messidor. On creuse à la distance de trois ou quatre décimètres des trous dans lesquels on jette un peu de fumier et une dixaine de tubercules qu’on recouvre légèrement de terre. Aussitôt que le champ est ensemencé, on arrose par irrigation. Il est nécessaire de réitérer cet arrosement à-peu-près tous les huit ou dix jours, dans un climat où les chaleurs sont très-fortes. On butte la plante lorsqu’elle a atteint un décimètre et demi de hauteur.

Lorsqu’on laisse monter les tiges elles fleurissent dans les premiers jours de vendémiaire ; mais on a soin de les couper avant cette époque, afin que les tubercules puissent devenir plus gros. On en fait la récolte à la fin de vendémiaire. On se sert d’une fourche pour soulever la terre ; il faut les enlever en tirant la tige, et les détacher des racines en les secouant dans un crible qu’on agite pour en séparer la terre. Ou les lave et on les fait sécher.

Le souchet n’est pas cultivé aux environs de Madrid. On consomme cependant une assez grande quantité de ses tubercules pour faire de l’orgeat. Je m’en suis procuré dans cette capitale : et la culture que j’en ai faite aux environs de Paris a bien réussi.

J’ai suivi les mêmes procédés qu’en Espagne, excepté que je n’ai pas arrosé aussi souvent ; il suffit de maintenir la serre dans un certain degré d’humidité. D’après les semis que j’ai faits dans divers mois de l’année, j’ai trouvé que les mois de prairial et de messidor étoient ceux qui convenoient le mieux au climat de Paris, mais surtout le mois de prairial.

Cette plante demande une terre friable et sabloneuse ; outre qu’elle tient mieux dans ces sortes de terreins, la récolte en devient plus facile. En ayant semé dans un terrein gras et tenace, je n’ai pu venir à bout de les séparer de la terre qui entour soit les bulbes, qu’en lavant le tout ensemble dans des paniers ; opération longue et pénible.

Cette plante me paroît mériter, jusqu’à un certain point, l’attention des cultivateurs, sur-tout dans les provinces septentrionales de la république, où les amandiers ne croissent pas. On fait avec ces tubercules un orgeat qui ne le cède en rien à la liqueur composée avec des amandes : les Espagnols le préfèrent à celle-ci, du moins ils le trouvent plus rafraîchissant.

J’ai cru que l’usage d’une boisson saine, agréable, et qu’on peut se procurer par-tout, mériteroit d’être introduit en France, si toutefois la modicité de son prix n’est pas un titre d’exclusion auprès de certaines personnes.

Lasteyrie.