Cours d’agriculture (Rozier)/SUREAU

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 312-313).


SUREAU. Tournefort le place dans la quatrième section de la vingtième classe des arbres à fleur d’une seule pièce, dont le calice devient une baie. Il l’appelle sambucus fructu in ombella nigra. Von-Linné ke nomme sambucus nigra, & le classe dans la pentandrie trigynie.

Fleur. D’une seule pièce, en rosette concave, divisée en cinq parties recourbées en-dedans ; calice très-petit, d’une seule pièce, à quatre dentelures ; cinq étamines.

Fruit. Baie sphérique, à une loge, renfermant trois semences convexes d’un côté, anguleuses de l’autre.

Feuilles. Ailées, terminées par une impaire ; les folioles sans pétioles, ovales, alongées, pointues, dentées par les bords.

Racine. Ligneuse, longue, blanche.

Port. Petit arbre, dont les jeunes touffes sont souples, pliantes, remplies d’une moéle blanche. L’écorce extérieure des troncs, épaisse, rude, gercée ; l’intérieure fine & verte. Les fleurs, au sommet des tiges, disposées en manière d’ombelle, portées sur de longs pédicules. Les baies, rougeâtres avant la maturité, deviennent noires en mûrissant. Les feuilles opposées. Il y a une espèce de sureau, dont les feuilles sont découpées comme du persil. Elles ne constituent qu’une simple variété de l’espèce qu’on vient de décrire.

Propriétés. Les fleurs ont une odeur aromatique, forte ; une saveur douce. Les feuilles une odeur nauséabonde, légèrement virulente ; une saveur austère, un peu âcre. L’écorce moyenne est inodore, d’une saveur légèrement âcre, ainsi que les fruits.

Les feuilles récentes purgent peu ; elles causent de légères coliques. On les applique mal-à-propos, après les avoir pilées, sur les hémorroïdes, soit internes, soit externes. Les fleurs augmentent la transpiration, & même déterminent les sueurs chez les sujets qui y sont disposés. Extérieurement, leur odeur entête ; sous forme de fomentation, elles tempèrent la chaleur, la douleur & la rougeur de l’érésypèle par suppression de transpiration ou de sueur. Les bayes purgent peu. L’écorce moyenne des branches & de la racine, purge avec plus de force que les bayes & les racines. Elle fait évacuer par la même voie, beaucoup de sérosités. On remploie quelquefois avec succès dans l’hydropisie de poitrine simple, l’hydropisie de matrice, des paupières du globe de l’œil, l’enflure œdémateuse des jambes.

On donne les fleurs desséchées depuis demi-drachme jusqu’à demi-once dans six onces d’eau… L’écorce moyenne récente, depuis demi-once jusqu’à cinq onces, en macération au bain-marie dans cinq onces d’eau ou de vin… Le suc exprimé des bayes, depuis une once jusqu’à trois, édulcoré avec suffisante quantité de sucre.

Propriétés économiques. On plante le sureau avec d’autres arbustes dans les haies, & on a tort. Il faut que la haie soit entièrement composée de sureaux, ou qu’il n’y en ait point du tout, parce que la végétation de cet arbre étant plus rapide que celle de tous les autres arbres employés à cet usage, elle détruit peu à peu les voisins, & les racines dévorent substances. Le simple coup d’œil jeté sur les haies mélangés prouve mon assertion. Si au contraire on n’employe que le sureau seul, si on greffe par approche les jeunes branches par-tout où elles peuvent se croisuer, ainsi qu’il a été dit dans l’article haie, on parvient en peut de temps à avoir des haies impénétrables & de la plus grande durée.

On ne trouve de moelle que dans les jeunes branches. À mesure qu’elle vieillissent, elles deviennent ligneuses ; le bois des gros troncs est fort dur. On se sert des branches pour échallas de la vigne. Cet usage engage certains cultivateurs à faire des taillis avec cet arbre ; & la spéculation n’est pas mauvaise dans les pays de vignobles, où l’échallas est toujours cher. Les tourneurs font des boites avec le bois du tronc ; les tablettiers, des peignes communs ; ce sont les meilleurs après ceux de buis.

Le bétail n’aime pas l’odeur des feuilles de cet arbre, & ne touche pas aux haies qui en sont formées. C’est un grand avantage.