Cours d’agriculture (Rozier)/TOUX

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, Maillard de Chamarante
Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 442-457).
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TOUX. Médecine rurale. C’est un mouvement déréglé, plus ou moins violent, plus ou moins lourd ou sonore, qui a lieu dans les organes de la respiration, toutes les fois qu’il existe dans les poumons quelque embarras qui gêne les mouvemens d’inspiration & d’expiration ; il semble alors que la nature déploye toutes ses forces, & fait tous les efforts pour se débarrasser de ce qui l’incommode.

La toux pour l’ordinaire ne se manifeste qu’après quelque fluxion, ou après quelque rhume mal traité, ou entièrement négligé ; quand elle est invétérée, elle devient opiniâtre, & c’est alors quelle peut faire craindre des suites fâcheuses, parce qu’elle est presque toujours l’annonce de la foiblesse ou de l’atonie du poumon, & souvent l’avant-coureur d’une phthysie pulmonaire.

Elle n’est pas toujours une maladie essentielle, aussi dépend-elle fort souvent de la congestion putride des premières voies, & elle prend alors le nom de toux d’estomac ou stomacale ; on la distingue de la toux de poitrine, en ce qu’elle est plus claire & plus courte ; qu’elle est ordinairement accompagnée de sensation plus ou moins douloureuse dans le dos, & dans l’estomac principalement : en ce qu’elle provoque le vomissement des matières corrompues, ramassées dans ce viscère.

Elle a encore d’autre signes qui la font distinguer quand elle est l’effet de la foiblesse de ce même viscère ; elle est alors sèche, & les matières que l’on expectore sont peu abondantes, & n’ont presque point de consistance.

Cette maladie est souvent occasionnée chez les enfans par la pousse des dents, & par la présence des vers dans les premières voies. Elle est encore quelquefois un symptôme presque sûr de la qrossesse, & un avant-coureur de la goutte, & ce seroit en vain qu’on tenteroit tous les moyens de guérison, si l’on perdoit de vue la maladie dont elle est l’effet.

Il est encore deux espèces de toux convulsive. Celle qui est symptomatique des affections des viscères du bas-ventre, & l’idiopathique avec seule lésion de l’organe du poumon.

La première de ces deux espèces est la plus commune de celles qui sont convulsives. Skultz rapporte qu’un jeune homme qui avoit une fièvre quarte avec toux hypocondriaque convulsive, qui duroit depuis plus d’un an, fut guéri par l’application de l’emplâtre pour la rate. Les enfans y sont très-exposés ; les adultes n’en sont point à l’abri, & c’est alors qu’elle demande un traitement bien différent ; pour l’ordinaire, c’est l’affection convulsive qui domine sur toutes les autres : c’est elle qui doit fixer l’attention du médecin, & qui présente la première indication à remplir ; dès son début, elle est souvent très-effrayante, & quoiqu’elle donne lieu à des maladies funestes, on est sûr de la combattre efficacement, si on employe des remèdes propres à résoudre les humeurs glaireuses qui embourbent l’estomac, & qui forment un catarre subordonné à la convulsion ; ainsi que des évacuans assez énergiques pour produire une révulsion de l’irritation primitive.

L’eau de chaux, la décoction du raifort sauvage, le sel cathartique de Fuller, sont les remèdes résolutifs, & méritent la préférence sur les huileux & les mucilagineux, qui, bien loin d’opérer de bons effets, ne feroient que rendre la maladie plus longue, plus rebelle & plus difficile à guérir.

Comme les hémorragies & le vomissement sont les crises les plus utiles dans cette maladie, on doit imiter la nature dans ses procédés : sous ce point de vue, il faut saigner s’il y a pléthore, si les forces le permettent, & sur-tout S’il y a crachement de sang. On ne doit pas même, dans cette circonstance, avoir égard à l’âge du malade qui semble contre-indiquer la saignée ; hors ce cas, la saignée pourroit occasionner le plus grand mal, rendre la toux plus opiniâtre, & la faire même dégénérer en atonie d’estomac.

Les émétiques les plus appropriés sont, l’ipécacuana & le kermès minéral ; il faut en répéter l’usage, & les ; donner au moins tous les cinq jours. Le docteur Petit a obtenu le meilleur succès du kermès minéral. Ce remède agissant par les selles, rétablit les digestions, & prévient les retours de la toux. Bourdelin recommande beaucoup ce dernier remède, & le soufre doré dans les intervalles.

Il est encore très-avantageux de tenir le ventre du malade libre par l’usage des doux laxatifs, & je crois que les plus appropriés sont de petites doses de rhubarbe, de mercure doux. Il faut en même temps entretenir les forces, remonter le tan de l’estomac par l’usage du quina & autres toniques. Piquer veut qu’on combine les toniques, avec les purgatifs. Les diurétiques peuvent être encore de quelque utilité, vu la sympathie qu’il y a entre les voyes urinaires & la poitrine, lorsque celle-ci s’engorge. Le docteur Chaisne recommande les cloportes avec le vin blanc. Un médecin anglais propose les cantharides corrigées par le camphre. Meibonius a vu plusieurs enfans attaqués de cette maladie, guéris par l’usage des légers diaphorétiques. Mais Buchan regarde le changement d’air comme le remède spécifique dans cette maladie ; son opinion est fondée sur l’observation journalière : j’ai vu beaucoup d’enfans attaqués de cette maladie, qu’on n’avoit pu surmonter, par quelque remède que ce fût, être guéris huit ou dix jours après qu’ils avoient respiré un air différent qui lui étoit naturel ; & la guérison de mes deux enfans atteints depuis près de deux mois de cette maladie, en est une preuve incontestable.

Il n’est pas rare de voir survenir à l’extérieur, sur la fin de la toux convulsive, des abcès spontanés qui soulagent les malades & font disparaître la toux ; d’après ces crises qui sont toujours un bienfait de la nature, on doit employer des remèdes qui puissent l’exciter, ou bien compléter ce qu’elle nous refuse, employant des remèdes qui portent une impression directe sur le principe vital, tels que le castoreum, le quina, les bains-froids, & les vésicatoires.

Il est une toux férine qui attaque les enfans, & qu’il ne faut pas confondre avec la coqueluche. La cause de cette toux est une humeur catarrale qui se jette sur l’estomac, & quoique la nature dans cette affection affecte une marche lente, elle opère, pour l’ordinaire, une coction salutaire qu’il ne faut point troubler. Les remèdes violens, & sur-tout l’émétique, pourroient y être funestes. Piquer qui a observé plusieurs épidémies de cette toux férine catarrale, veut qu’on n’emploie d’autre remède, que le lait, le petit-lait & l’expectoration.

La toux idiopathique peut se manifester à la suite d’un ulcère du poumon, & d’une hémophtisie. Si les bords de l’ulcère sont calleux, si l’irritation constante dépend de cette dureté, & excite la toux, il faut alors regarder la maladie incurable, surtout si l’on ne peut ou l’on ne tâche de diminuer cette callosité par des boissons délayantes.

Il est encore une autre espèce de cette toux, produite par quelques vices organiques de la trachée-artère, qui tantôt sont légers, & tantôt graves ; on y observe un resserrement, une constriction des vaisseaux aériens. Elle succède le plus souvent à l’abus des spiritueux, des eaux glacées ; on ne peut espérer de la guérir, que par l’usage des mucilagineux, & le bouillon de poulet.

Il peut encore arriver, comme l’a fort bien remarqué Sanctorius, que diverses parties de la trachée artère & des poumons, souffrent des inégalités & manquent du lisse & du poli naturel ; qu’elles s’affaissent par une sorte de morfondement, & qu’elles donnent lieu à une toux. Bien loin de donner des expectorans, il faut au contraire insister sur les remèdes toniques qui redonnent au poumon son ton naturel, très-propre à détruire ces inégalités. Ce sont les alimens faciles à digérer, qui sont les meilleurs fortifians & les échauffans les mieux appropriés. Sthal, Junguer, & autres médecins célèbres, sont parvenus à dissiper des toux opiniâtres convulsives, & même hectiques, en faisant respirer les vapeurs de soufre fondu, & non allumé. M. de Sauvages a recommandé comme spécifique le pouillot. Le sucre de saturne pourroit être très-utile, si on le donnoit à petite dose. Le quina est de tous les anti-spasmodiques, le plus avantageux si on l’administroit de bonne heure, & avant que l’obstruction ait commencé. Il réussiroit sans doute tout aussi bien qu’il le fait dans l’enrouement qui succède à la rougeole. Mais ce n’est pas sans beaucoup de précaution qu’on doit le donner.

M. Ami.

TOUX. Médecine vétérinaire. Expiration violente, subite, fréquente, inégale & avec bruit, qui se fait par la bouche, pour se délivrer par l’expectoration de ce qui irrite la trachée-artère. Dans la toux les muscles du larinx, la trachée-artère, les muscles de la poitrine, destinés à l’expectoration & ceux de l’abdomen, entrent dans des mouvemens spasmodiques. Dans les animaux comme dans l’homme, les parties internes de la trachée artère & des bronches, sont parsemées de glandes qui filtrent sans cesse une humeur lymphatique, destinée à humecter ces canaux, ainsi que les vésicules pulmonaires. Mais pour que l’air entre dans les poumons avec facilité, qu’il en parcoure tous les détours, & qu’il distende chaque vésicule, il faut que cette humeur ne soit ni trop épaisse, ni trop fluide, ni trop âcre. Si elle est trop épaisse, l’expectoration se fait difficilement, l’air ne peut l’entraîner dans l’expiration, tant elle est tenace & adhérente aux parois de la trachée-artère des bronches & des vésicules auxquelles elle reste collée. Elle obstrue par conséquent les vaisseaux excrétoires, les glandes qui la filtrent s’engorgent, se tuméfient ; l’entrée de l’air dans les bronches & dans les vésicules devient de plus en plus difficile ; la circulation du sang est gênée dans ce viscère, & la respiration extrêmement embarrassée. De-là la toux, la pousse, les obstructions & les pulmonies.

Lorsque les glandes filtrent une lymphe trop fluide & trop âcre, elle irrite continuellement les parties intérieures de la trachée-artère, des bronches & des vésicules : l’irritation se communique aux muscles de la respiration & au diaphragme ; elle excite des toux violentes & opiniâtres ; comme cette humeur est fort aqueuse, elle n’a pas assez de corps ni de consistance pour donner prise à l’air ; elle ne peut être entraînée par l’expectoration ; elle s’accumule de plus en plus ; les vésicules pulmonaires se trouvent inondées ; L’entrée & la sortie de l’air sont gênées ; l’animal éprouve une difficulté de respirer ; il est oppressé ; il est prêt à suffoquer. De-là l’excès de viscosité, de fluidité, ou d’acrimonie de la lymphe bronchique, sont les causes immédiates de la toux de poitrine. La toux a aussi quelquefois son siège dans l’estomac ; d’autres fois elle est symptomatique. Ainsi nous diviserons les diverses espèces de toux, en toux de poitrine, en toux d’estomac, & en toux symptomatique.

ARTICLE PREMIER.

De la toux de poitrine.

La toux est pour l’ordinaire l’effet d’une humeur qui se jette sur les poumons, ou d’un rhume, &c. qu’on appelle vulgairement & fautivement rhume de cerveau ; car le siège de cette maladie n’est point dans le cerveau, mais dans l’intérieur des narines & des sinus frontaux & maxillaires. C’est un engorgement souvent légèrement inflammatoire des membranes qui tapissent ces cavités, lesquelles correspondent toutes entre elles. Cet engorgement, occasionné par la suppression de la transpiration, est appelé par le peuple, comme nous venons de le dire, rhume de cerveau, soit qu’il en soit atteint ou son bétail ; il ne lui donne le nom seul de rhume, que lorsqu’il y a de la toux ; mais la toux est une autre maladie, qui, le plus souvent, n’est due qu’à un rhume qui a été, ou mal traité, ou entièrement négligé. Quand elle devient opiniâtre, il y a toujours lieu d’en craindre des suites fâcheuses, parce qu’elle annonce la foiblesse des poumons, & qu’elle est souvent l’avant-coureur de la pulmonie.

Symptômes de la toux de poitrine.

La toux de poitrine, pour peu qu’elle soit forte, ne va guère sans fièvre, qui, quelquefois, dure plusieurs jours. Cette toux est d’abord sèche ; & tandis qu’elle est dans cet état, l’animal est souvent oppressé : mais peu-à-peu il vient un écoulement glaireux, plus ou moins cuit, qui diminue la toux & l’oppression ; c’est alors que l’on dit que la coction du rhume commence à se faire.

Mais cet écoulement n’est point ici aussi sensible que dans l’homme, attendu qu’il se manifeste en lui par des crachats copieux, fréquens, & moins que dans l’animal l’humeur expectorée, c’est-à-dire, vraiment expulsée hors de la poitrine, ne flue par les naseaux, ou ne sorte étant mêlée avec la salive en bave par la bouche, comme il arrive quelquefois ; car le plus communément la toux, dans le cheval ou dans le bœuf, n’est pas suivie d’une expectoration appercevable ; & en ce cas, on doit croire que la matière qui a été chassée & entraînée par l’air, est conduite de l’arrière-bouche ou de la bouche, où elle étoit parvenue, dans l’estomac par la voie des organes de la déglutition. On a remarqué très-souvent que cette humeur, parvenue vers l’orifice des narines du bœuf, il introduit, à moins qu’il ne souffre beaucoup, sa langue dans une narine, ensuite dans l’autre, enlève ainsi la matière expectorée, & l’avale.

La toux de poitrine est une maladie plus longue que le rhume, qui ne passe guère deux ou trois jours quand il est traité convenablement, tandis que la toux de poitrine dure au moins cinq ou six jours.

Si elle dure plus long-temps, elle peut avoir les suites les plus fâcheuses, parce que la toux porte sans cesse le sang à la tête ; parce qu’elle prive l’animal du sommeil, lui ôte L’appétit, & trouble ses digestions par les secousses continuelles que reçoit le poumon, affoiblissent ce viscère, qui, devenant la partie la plus foible, sert, pour ainsi dire, de réservoir à toutes les humeurs : de-là la respiration devient courte & gênée, l’oppression de poitrine se déclare, & la fièvre lente se manifeste ; le corps de l’animal ne se nourrit plus ; il tombe dans la foiblesse, le dépassement, l’insomnie, &c. & périt souvent assez promptement.

On voit combien il est important de ne pis traiter de bagatelle, comme on fait tous les jours, la toux de poitrine, puisqu’elle peut avoir les suites les plus funestes. Car un rhume négligé donne naissance à la toux, & la toux, qui n’est pas soignée, conduit inévitablement les animaux qui en sont atteints à la pulmonie. Aussi c’est le peu de vigilance que les propriétaires ont de soigner leurs animaux atteints de la toux, & de ne choisir, pour la propagation de leur espèce, que ceux qui jouissent d’une saine constitution, qui rend cette maladie héréditaire & enzootique dans-la Franche-Comté, dans le Bugey, dans la Bresse & dans le Beaujolois. On peut même, sans craindre de trop dire, qu’elle est plus ou moins répandue dans les différentes provinces de la France & dans toute l’Europe.

Régime auquel on doit astreindre l’animal qui est attaqué de la toux de poitrine.

1°. Dès que l’on s’appercevra que le cheval ou le bœuf, &c. seront atteints de la toux de poitrine, on les mettra à la diète, ou au moins l’on diminuera considérablement la quantité de fourrage qu’on leur donne journellement. 2°. On divisera la portion d’aliment, à laquelle on réduira l’animal attaqué de la toux de poitrine, en trois parties égales, l’une formera le déjeuné, l’autre le dîné, & la troisième le goûté. 3°. Chaque fois qu’on la lui donnera, on fixera dans sa mangeoire un seau dans lequel on mettra de l’eau d’orge édulcorée avec du miel, en assez grande quantité pour lui servir de boisson. 4°. Une heure ou une heure & demie avant chacun de ses repas, on lui fera avaler une infusion de menthe acidulée avec la décoction des feuilles & des fruits d’épine-vinette. 5°. Pour son souper, on lui fera cuire un picotin d’orge, dans quatre pintes d’eau réduites à deux ; on donnera l’orge avec la décoction.

L’animal, atteint de cette maladie, doit être tenu chaudement, bouchonné & étrillé deux fois par jour ; il aura une couverture sur le dos, une bonne litière ; la mangeoire & le râtelier seront tenus proprement ; ses excrémens ne séjourneront point dans son écurie ; en un mot, il respirera dans sa demeure un air pur.

Un autre moyen très-salutaire & très-prompt pour délivrer l’animal de la toux de poitrine, est de lui faire respirer plusieurs fois par jour la vapeur d’eau chaude animée avec le vinaigre, ou de quelques infusions de plantes émollientes ou aromatiques, telles que celles des fleurs de sureau ou de camomille, de feuilles d’hysope, de lierre terrestre, &c. on en remplit un vase au-dessus duquel on tient la tête de l’animal couverte d’un linge plié en double, de manière que toute la vapeur soit forcée de ne se porter que sur la circonférence de l’extrémité inférieure de la tête, & qui met l’animal dans le cas de l’inspirer & de l’expirer avec facilité. Ou l’on peut, dans cette maladie, se servir avec succès de l’inspiratoire, dont nous avons donné la description, tome VII, page 576, art. péripneumonie.

Si, dès que les premiers symptômes de la toux de poitrine se manifestent, on vouloit sacrifier quelque temps à laisser reposer l’animal, à le tenir chaudement & à le mettre à la diète, il n’est pas douteux qu’on préviendroit une partie des effets qui résultent de la toux de poitrine.

Mais si on laisse le mal se fortifier par des délais, les tentatives que l’on fait ensuite pour le guérir deviennent souvent infructueuses. La péripneumonie ou unepulmonie mortelle, sont les effets ordinaires des toux de poitrine que l’on a absolument négligées ou mal-traitées.

Ce qu’il convient encore de faire, quand la maladie & la saison le permettent, c’est de joindre au régime un exercice modéré ; souvent la toux de poitrine la plus opiniâtre, qui a résisté à tous les remèdes, cède a un régime & à un exercice convenable, quand on les continue pendant le temps nécessaire.

Traitement de la toux de poitrine, accompagnée de fièvre.

Si la toux est violente, si l’animal malade est jeune & fort, si le pouls est dur & vite, si la tête est pesante, la saignée est nécessaire.

Maïs si l’animal est foible & d’une constitution relâchée, la saignée prolongeroit la maladie ; s’il expectore librement, elle est inutile & quelquefois même nuisible ; son effet tendant en général à diminuer cette évacuation : car si on vient à saigner dans la toux de poitrine, accompagnée de fièvre, lorsque l’expectoration est déja établie, & que l’humeur sort facilement, n’est-il pas certain qu’indépendamment des forces dont on prive nécessairement le malade, on s’expose à supprimer cette évacuation, qui est celle qui fait ordinairement la crise dans cette maladie, & que de cette suppression, il doit résulter, ou que la matière de l’humeur qui doit être expectorée, passera dans la masse des fluides, où elle occasionnera plus ou moins de désordres, ou qu’elle séjournera dans la poitrine, & alors elle produira un catarre, qui, s’il ne suffoque pas l’animal, le conduira à la pulmonie, dont la plupart sont dues à l’abus des saignées.

Enfin, si la saignée est bien indiquée d’après les symptômes décrits, on proportionnera la quantité de sang qu’on tirera, à l’âge & à la force du sujet ; & dans les cas contraires, on suivra simplement & scrupuleusement le régime qui vient d’être prescrit.

Traitement de la toux de poitrine, sans fièvre, mais accompagnée d’une expectoration épaisse et visqueuse.

Lorsque la toux n’est accompagnée d’aucune espèce de fièvre, & que la matière que l’animal expectore est épaisse & visqueuse, on ordonne des remèdes pectoraux incisifs pour faciliter l’expectoration, atténuer la lymphe, la diviser, la rendre plus fluide ; ce qui se fait en donnant plus d’action aux solides & plus de mouvement aux fluides.

Mais on ne sauroit trop prendre de précaution quand il s’agit de prescrire des remèdes pour débarrasser le poumon, dont les fonctions sont très-multipliées : car le sang qui revient de toutes les parties du corps, passe à travers ce viscère, il reçoit & chasse l’air ; son tissu est fort foible, & il est dans un mouvement continuel.

Ce sera donc avec la plus grande modération qu’on administrera à l’animal, atteint de la toux, les décoctions des plantes béchiques incisives ; elles porteront leur action sur les glandes engorgées. L’usage des bains de vapeurs, prescrit dans le régime auquel on doit astreindre les animaux attaqués de la toux de poitrine, dirigeront immédiatement leurs particules médicamenteuses dans l’intérieur de la trachée artère des bronches & des vésicules pulmonaires, l’impression qu’elles opéreront sur le tissu glanduleux, réveillera la contraction des fibres, exprimera la lymphe après lui avoir rendu sa fluidité, facilitera l’expectoration & délivrera les glandes parsemées dans les canaux aériens, des engorgemens dont elles étoient affectées. Ces plantes sont, l’iris de Florence, l’iris nostras, l’origan, le marube blanc, l’hysope, le meum, le pouillot, le botrix ou chenopodium ambrosoïdes, le camphorata Monspeliensis, l’aunée, la sauge, la mélisse, &c.

Mais les béchiques incisifs n’agissent pas tous avec la même force, il en est qui fondent & atténuent efficacement, tels que ceux qui viennent d’être indiqués ; d’autres sont moins puissans, & enfin il y en a qui sont encore moins actifs ; ces derniers n’agitent presque pas la masse du sang. Ceux-ci sont mis en usage pour prévenir les suppurations sourdes du poumon ; c’est ainsi que dans l’obstruction de ce viscère, on craint que la lymphe épaissie des glandes bronchiales, ne cause, par son séjour, une inflammation qui dégénère en suppuration, on a recours aux béchiques fondans moyens, ou au moins actifs. Si la toux a opéré quelques désordres dans le tissu pulmonaire, on les emploie pour nettoyer & déterger les ulcères qu’elle peut y avoir formées & pour faire expectorer le pus trop épaissi. Ces sortes de béchiques ne sont, à proprement parler, que des délayans ; ainsi on peut les donner toutes les fois que la toux de poitrine sera accompagnée de fièvre, dans la pleurésie & même dans la péripneumonie, pour procurer plus de fluidité à l’humeur bronchique, & aider l’expectoration. Ces bechiques sont le choux rouge, le navet, le rossolis, le tussilage, le pied de chat, l’éresimum, l’ortie grièche, les capillaires, & l’élicrisum, le lierre terrestre & les différentes espèces de véroniques.

On peut ajouter au traitement de la toux de poitrine sans fièvre, les préparations de scille & de gomme ammoniaque.

Prenez, de vinaigre scillitique ou d’oxymel scillitique, d’eau de canelle simple, de chaque quatre onces ; d’eau commune & de sirop balsamique, de chaque deux onces ; mêlez, donnez à l’animal cette préparation par trois onces, à trois ou quatre heures de distance l’une de l’autre.

Ou prenez, gomme arabique, six gros, triturez parfaitement dans un mortier ; versez peu à peu, en remuant toujours, environ quatre livres de décoction d’orge, jusqu’à ce que la gomme soit entièrement dissoute. On peut ajouter huit onces d’eau distillée simple de pouliot : si l’animal est d’une forte constitution, on lui en donnera tiède jusqu’à une demi-livre, trois ou quatre fois par jour, plus ou moins, selon l’âge & le tempérament du malade.

Traitement de la toux de poitrine, sans fièvre, mais accompagnée d’une expectoration claire et limpide.

Mais dès que la matière qui flue par les naseaux, est claire & limpide, nous osons espérer que pour peu qu’on fasse attention à ce caractère, qui la distingue de l’expectoration épaisse & visqueuse, on guérira facilement & promptement l’animal qui en sera atteint, en lui administrant les béchiques incrassans, parce qu’ils ont la propriété de donner à la lymphe, qui se filtre dans la cavité des bronches, le degré de consistance nécessaire pour être chassée hors de la poitrine, & d’émousser l’acrimonie de cette même lymphe.

Ces remèdes béchiques agissent en invisquant, en émoussant les substances âcres par leurs parties souples & mucilagineuses, & en donnant plus de consistance aux molécules fluides. Les particules âcres, ainsi enveloppées par le mucilage, présentent aux parois des vaisseaux des surfaces plus larges, & leurs pointes ainsi recouvertes ne sont plus en état de causer d’ébranlement, ni d’irritation sur les fibres pulmonaires.

Ces remèdes deviennent calmans, rafraîchissans, anodins & même assoupissans ; en relâchant ainsi le tissu des fibres & diminuant leur tension, ils appaisent les mouvements spasmodiques des fibriles nerveuses, & par conséquent la toux, puisqu’elle dépend de ces mouvemens convulsifs ; si on les administre en bains de vapeurs, ils donneront de la consistance à l’humeur bronchique, en détruiront l’acrimonie & calmeront la toux. Ces remèdes sont les décoctions de pulmonaire, de bourrache, de buglose, de guimauve, de consoude, de réglisse, de fleurs de mauve, de violette, de roses rouges, de nénuphar, de coquelicot, de lis blanc, de graine de lin, de coin, de ris, d’orge, de figues, de dattes, de pignons, de pavot blanc, d’herbe aux perles, de pistaches, d’amandes douces, de jujubes, de sebeste, de raisins secs, d’avoine & de gruau. Une ou deux de ces plantes suffiront pour avoir une décoction indiquée contre la toux de poitrine, accompagnée d’une expectoration claire & limpide.

Si, malgré l’usage journalier de ces remèdes, la toux continue avec la même activité, on donnera trois fois par jour deux cuillerées d’élixir parégorique, dans une livre de tisanne ; il appaisera la toux & les difficultés de respirer. Comme il est possible qu’on se trouve dans de certaines positions où l’on ne puisse pas s’en procurer, nous allons en donner la préparation.

Prenez de fleurs de benjoin, demi-once ; d’opium, deux gros ; d’esprit volatil aromatique, une livre : mettez les fleurs de benjoin & l’opium dans l’esprit volatil aromatique, laissez infuser pendant quatre ou cinq jours, ayant soin de remuer fréquemment la bouteille, passez & conservez pour l’usage.

L’infusion de suc de reglisse convient aussi beaucoup dans la toux, accompagnée d’une expectoration acrimonieuse, claire & limpide, de même que dans l’oppression qu’elle occasionne.

Prenez suc de réglisse, coupé menu, trois onces ; sel de tartre, six gros ; faites infuser, toute la nuit, dans deux pintes d’eau bouillante ; passez, ajoutez sirop de pavot, une once & demie : la dose est d’une demi-bouteille, trois ou quatre fois par jour.

Traitement de la toux de poitrine, sans fièvre, mais entretenue par des humeurs qui se jettent sur le poumon.

Dans la toux, causée par des humeurs qui se jettent sur le poumon & qui la rendent opiniâtre, il sera souvent nécessaire, outre les remèdes expectorans, que nous venons de conseiller contre les humeurs épaisses, visqueuses & fluides, dans les traitemens précédens, de faire un cautère ou d’exciter d’autres évacuations.

Le cautère produira un écoulement par le moyen d’un petit ulcère artificiel qu’on fait avec le bistouris ; mais la voie la plus courte seroit le fer chaud, il mérite la préférence, pour ses effets, sur-tout dans le cas actuel, où il faut une révulsion prompte.

Dans cette maladie, le poitrail, le fanon, les parties supérieures des extrémités antérieures & même des postérieures, doivent en être le siège.

Si l’usage des remèdes pectoraux est insuffisant, il faut avoir recours aux purgatifs répétés, aux diaphorétiques & aux diurétiques, ce sont des moyens srs de détourner l’humeur qui se porte sur le poumon.

Article II.

De la toux d’estomac.

La toux peut être occasionnée par d’autres causs que par le flux des humeurs sur les poumons ; dans ces derniers cas, les remèdes pectoraux ne conviennent plus ; ainsi, dans une toux qui a pour cause une foiblesse d’estomac ou des matières corrompues, amassées dans ce viscère, les anodyns, les calmans, les hypnotiques, sont contraires, ainsi que dans les cas de relâchement, d’atonie, d’épaississement, d’œdème, d’obstruction, &c. on en devine aisément la raison.

Symptômes de la toux d’estomac.

La toux d’estomac se distingue de celle qui vient du vice des poumons, en ce que la toux destomac est plus claire, plus aigre & plus brève que la toux de poitrine.

Quand la toux d’estomac est violente, on apperçoit une espèce de bave qui sort de la bouche du bœuf ou de la vache, ce qui arrive, sur-tout, lorsqu’elle est causée par des matières corrompues, amassées dans leurs estomacs ; si elle dépend de la foiblesse de ce viscère, elle est sèche, alors il ne s’échappe de la bouche du bœuf qu’une matière limpide & en petite quantité.

La toux d’estomac est beaucoup plus commune qu’on ne le croit ordinairement : c’est sur-tout chez les animaux d’une constitution délicate, qu’on la rencontre souvent : elle est en général la suite de mauvaises digestions ou de quelque maladie, dans laquelle on a employé beaucoup de délayans qui ont affoibli leurs estomacs.

Traitement de la toux d’estomac, causée par des matières amassées dans ce viscère.

Le traitement de cette toux consiste à nettoyer l’estomac de la saburre dont il est surchargé, & à le fortifier quand elle est expulsée.

Ce seroit ici le cas de commencer pardonner quelque doux vomitif : mais comme parmi les diverses espèces d’animaux, il en est qui ne vomissent pas & d’autres qui vomissent, nous allons commencer par ces derniers.

Avant que de donner le vomitif, il est de la prudence du médecin vétérinaire, 1°. de mettre à la diète, pendant plusieurs jours, l’animal qu’il se propose de faire vomir.

2°. D’employer ce temps a délayer les matières contenues dans l’estomac par une boisson incisive : une infusion de racine & de feuilles de chicorée sauvage, remplit très bien cet objet.

3°. De procurer de la souplesse & de la flexibilité aux intestins, par des lavemens.

4°. D’examiner l’âge, le sexe, le tempérament de l’animal, par la raison qu’on doit varier les doses des vomitifs, & les proportionner à chaque constitution.

5°. Lorsque le cas le permet, que la nécessité n’est pas urgente, il est prudent de prendre garde à la saison ; car il est mieux de ne pas faire vomir pendant les grands froids & les fortes chaleurs, à moins qu’il n’y ait nécessité absolue.

6°. Le vomitif doit se donner le matin, parce que l’estomac est plus libre & mieux disposé au vomissement.

Dans le moment où le vomitif se prend, il faut, 1°. toujours le donner en lavage, quelle que soit l’espèce de vomitif ; jamais en une seule, dose, à plus forte raison, jamais en bol. En donnant les vomitifs en lavage, on a la facilité de les doser & pour ainsi dire, de fracturer à volonté & de nuancer leur action parce que l’on s’arrête dès que l’animal commence à faire des efforts pour vomir, au lieu qu’en donnant la même dose du médicament en une seule fois, si elle se trouve être trop considérable, il pourroit ensuite être fort difficile de modérer le vomissement qu’elle auroit excité.

2°. Il est fort utile d’ajouter au vomitif une demi-once ou une once d’un sel neutre, purgatif quelconque ; par ce moyen on fait une eau minérale artificielle, qui, après l’effet du vomitif, évacue par l’anus les matières corrompues de l’estomac, qui ont été chassées par le pylore du côté des intestins.

3°. Lorsque l’animal a avalé une ou deux doses de son vomitif, il est bon de le promener, sans l’exposer au froid : le mouvement détermine plutôt l’effet du remède.

4°. Lorsqu’il a vomi une ou deux fois, on lui fournit de l’eau tiède en abondance, afin de tenir l’estomac dans une sorte de plénitude qui puisse favoriser le vomissement, qui seroit fort douloureux sans cette précaution, & même infructueux : car l’estomac, presque vuide, est obligé de se contracter vigoureusement & de revenir avec force sur lui-même, pour chasser le peu de liquide qu’il contient ; au lieu que se trouvant à moitié rempli, il trouve un point d’appui fixe, pour peu qu’il se contracte, & par cette raison il chasse avec efficacité les matières contenues dans sa cavité.

5°. S’il arrivoit que le vomissement fût opiniâtre & qu’il dégénérât en une convulsion soutenue de l’estomac, il faudroit l’arrêter ; la chose est quelquefois difficile, cependant on y parvient communément en donnant de légères infusions de menthe, de mélisse, de sauge, &c. auxquelles on ajoute quelques gros de thériaque.

6°. Après l’effet du vomitif, l’animal fatigué par le vomissement, a besoin de repos ; un sommeil de quelques heures est ce qui lui convient le mieux ; il faut le favoriser en lui faisant bonne litière & en le laissant tranquille : à son réveil, on lui donne un picotin d’avoine bien cuite, dans quelques pintes d’eau, avec la décoction ; il faut le priver pendant le reste de la journée, de foin, de paille & d’autres alimens solides, que l’estomac ne pourroit digérer, & s’en tenir à celui qu’on vient d’indiquer.

Les remèdes qui ont la propriété de faire vomir, sont : l’azarum, la gratiole, les pignons d’inde, la mélisse d’Espagne, le palma christi, le tithymale, le timélée, la digitale, l’ellébore blanc, les renoncules, les baies-de-lierre, celles du houx, la graine d’Aristoloche, d’épurge, de genest, le suc des feuilles & racines de bétoine, de violette, l’hypécacuana, l’écorce de sureau & l’euphorbe.

L’usage des vomitifs n’est point à rejeter dans le traitement des maladies des animaux qui ont la faculté de vomir. Les médecins vétérinaires qui, par défaut d’expérience, craignent d’administrer ces remèdes, se privent d’un des plus grands secours de leur art : car les plantes vomitives & l’émétique, en général, sont de la plus grande efficacité, non-seulement dans l’espèce de toux d’estomac que nous traitons, mais encore dans lesfièvres aiguës, les putrides, les malignes, les fièvres éruptives, les maladies inflammatoires ; nous en exceptons seulement les inflammations des premières voies. Il faut, il est vrai, avoir eu la précaution de désemplir les vaisseaux par des saignées suffisantes, & de relâcher les fibres par les délayans aqueux, &c. pour lors l’émétique se trouvant placé à propos & dans le temps convenable, évacue l’estomac & chasse, au-dehors, des saburres corrompues, des matières altérées, qui auroient immanquablement passé dans les secondes voies, & singulièrement augmenté le danger de la maladie existante.

Ce même médicament, donné à petite dose dans les apozèmes, les tisanes, les boissons appropriées, devient un laxatif sûr, qui entretient la liberté du ventre, si nécessaire dans ces sortes de cas, & cela, sans porter du feu ni de l’irritation ; souvent on le voit devenir un excellent diaphorétique qui pousse, au-dehors, les éruptions critiques, ou qui détermine des sueurs favorables ; enfin, en passant dans les voies de la circulation & dans les derniers replis du système vasculaire, il fond, atténue les liqueurs, les divise, détruit les engorgemens, corrige le vice des humeurs, & les dispose à se porter dans leurs couloirs naturels.

Quant au surplus du traitement de la toux d’estomac, on se conformera à celui qui va être prescrit, pour le cheval, le mulet & l’âne, qui ne vomissent pas, dont on attribue la cause à la structure ridée & plissée de la membrane interne de l’orifice antérieur de leurs estomacs.

Lorsqu’il s’agit de rétablir les finitions des premières voies dans les animaux qui ne vomissent pas, à raison des humeurs qui se sont amassées dans l’estomac, & dans le surplus du canal intestinal, qui restent languissans & infirmes par le manque d’énergie des sucs destinés à la dissolution des alimens, non-seulement il est expédient d’en détruire les effets, de s’opposer aux changemens considérables qui résultent du mélange de ces mêmes sucs viciés avec le sang, de solliciter des révulsions utiles, de dégager le cerveau ; mais aussi de délivrer de tout embarras les viscères de l’abdomen, de rendre au sang sa fluidité, de faciliter la circulation dans les ruisseaux capillaires, de ramener, dans le torrent circulaire, les liqueurs qui s’en écartent, & de débarrasser la masse du volume des humeurs qui la surchargent.

Les purgatifs que nous pouvons adopter pour obtenir ces effets dans les animaux qui ne vomissent pas, sont le polypode de chêne, les tamarins, le sel d’Epsom, celui de Sedlitz, le sel végétal, le sel de Glauber, le nitre, la crème de tartre, la magnésie, le tartre vitriolé, la manne grasse, le catholicon fin, la rhubarbe, le séné, l’aquila-alba, l’aloès succotrin, l’agaric, le jalap, le méchoacan, le turbith végétal, le diagrède, ou scammonée, la gomme gutte, l’ellébore noir, la gratiole, la pomme de coloquinte, l’élaterium, les trochisques alhandal, les extraits de coloquinte, du tithymale, &c.

Les premières de ces substances sont plus tempérées que les autres, & doivent obtenir la préférence dans la circonstance où il seroit d’un danger évident de raréfier la masse, & d’y porter le feu, d’agacer les fibres disposées à l’éréthisme ou déja tendues, d’ajouter par l’irritation à une acrimonie existante, de priver les humeurs du reste de cette sérosité dont elles pourroient n’être déjà que trop dépourvues, d’augmenter des inflammations, &c.

Les autres purgatifs ont beaucoup plus d’activité ; leurs effets sont aussi plus vifs & plus marqués, mais ils ne conviennent qu’autant qu’on n’a pas à redouter l’agitation trop grande du sang, qu’il s’agit de diviser, d’en accroître le mouvement, de faire sur les canaux obstrués des efforts qui surmontent la résistance qu’ils opposent à la liberté de la circulation, de provoquer la sortie des sérosités superflues, d’entraîner au-dehors une pourriture dont le transport dans la masse la pervertit toujours de plus en plus, &c.

Enfin, les derniers de ces médicaments, tels que le turbith végétal, le diagrède, la gomme gutte, l’ellébore, la gratiole, &c. infiniment plus irritans encore que ceux-ci, évacuent plus copieusement ; ils agissent, ils atténuent plus puissamment le sang ; on n’y a recours que dans les cas ou les purgatifs moins actifs seroient insuffisans ; où les fibres étant dans une sorte d’insensibilité & d’inertie, on ne doit point être arrêté par l’appréhension d’une irritation trop vive, & de l’ébranlement violent du genre nerveux ; où l’on seroit dans l’obligation de vuider considérablement, d’expulser les matières épaisses & gluantes, amassées dans l’estomac, qui corrompent le chyle, & qui donnent lieu au relâchement des fibres du ventricule & du canal intestinal, &c. Mais s’il ne sont pas administrés à propos & avec prudence & ménagement, ce ne sont plus que des substances corrosives, incendiaires, capables de déchirer les membranes des intestins, de dépouiller les humeurs de leurs parties les plus fluides, de dissiper la matière des esprits animaux & des sécrétions, de précipiter les vaisseaux dans l’inanition, & la mort la plus douloureuse en est la suite.

Enfin ce sera après avoir suffisamment évacué les animaux atteints de la toux d’estomac, qu’on les mettra pendant un temps assez considérable, à l’usage des infusions de camomille romaine, ou de véronique, ou de chicorée sauvage, ou de germandrée, ou de cerfeuil, &c. ou on leur fera avaler pendant le même espace de temps, soir & matin, deux onces du remède appelé, teinture sacrée. On peut faire soi-même cette teinture de la manière suivante.

Prenez d’aloës succotrin réduit en poudre, deux onces ; racine de serpentaire de virginie & de gingembre, de chaque deux gros. Mettez infuser pendant huit jours, dans une pinte de vin blanc ; remuez souvent la bouteille ; passez & conservez pour l’usage.

Traitement de la toux d’estomac causée par la foiblesse de ce viscère.

Dans la toux causée par des foiblesses d’estomac, nous avouerons que la distinction des causes est assez difficile & qu’elles peuvent aisément nous échapper ; il est néanmoins des moyens de les reconnoître, & d’ailleurs, nous attribuerons plutôt dans un vieux animal les vices de digestions à la foiblesse de l’organe, que dans un animal jeune & jouissant de toute sa vigueur. Si cependant l’on doute, on emploiera d’abord les substances tempérées, telles que l’eau blanchie avec le son de froment, les décoctions de laitue, d’endive, de bourrache, de pourpier, de buglose ; celles de feuilles de brachursine, d’arroche, de mercuriale ; la crème de tartre, le sel de prunelle & le nitre. On passera ensuite aux substances qui ont la propriété de réveiller le ressort des fibres de l’estomac, de solliciter l’expression, l’activité & la fluidité des sucs préposés à la dissolution des substances alimenteuses, ainsi qu’à la préparation & à la perfection du chyle, & qui enfin, ont la vertu d’exciter ou de soutenir la chaleur douce & modérée, qu’exige la digestion. Ces substances sont l’absynthe, la menthe, la camomille romaine, les quatre grandes semences chaudes ; celles d’anet & de coriandre, la petite centaurée, la germandrée, les racines d’angélique, de gentiane, d’aunée, de carline, de calamus-aromaticus, les baies de laurier & de genièvre, l’ail, la canelle, les cloux de gérofle, la muscade, le macis, le safran, l’esprit-carminatif de Silvius ; les confections, l’extrait de genièvre, la thériaque & le sel essentiel de quinquina.

La toux d’estomac dont il est question, peut être regardée comme tenant aux deux causes ci-dessus mentionnées, c’est-à-dire, à des humeurs amassées dans l’estomac & à la foiblesse de ce viscère ; ainsi, si l’on n’a pas travaillé à détruire la première cause dans les commencemens de la maladie, on fait naître la seconde, en noyant le malade de boisson foible & aqueuse.

Article III.

De la toux symptomatique.

Quand la toux n’est que symptôme d’une autre maladie, c’est en vain qu’on tenteroit de la guérir, sans avoir guéri auparavant la maladie dont elle est l’effet.

De la toux, symptôme des vers.

De même, quand elle est produite par les vers, les seuls remèdes qui puissent alors la guérir, sont les vermifuges. Voyez traitement des maladies vermineuses. M. B. R. A.

TOUX des chiens. Cet article a été omis dans le cours de cet ouvrage, & la conservation des chiens de basse-cour & de bergers, est trop précieuse aux habitans de la campagne, pour la passer sous silence.

Ce n’est pas dans la toux que consiste la maladie, elle est purement symptomatique ; son siège est dans la tête, & elle a beaucoup de ressemblance avec la morve des chevaux ; elle gangrène les nazeaux, corrode tous leurs parois, & elle devient contagieuse ; les chiens, dès qu’ils sont sevrés, jusqu’à l’âge de deux ans, y sont plus sujets que les chiens plus âgés.

Lorsque la maladie commence, & avant qu’elle se déclare, l’animal ne joue plus, il a l’œil chargé & le poil terne ; pour celui qui a l’habitude de suivre ces animaux, l’indication tirée des yeux est certaine, même avant que l’enchifrennement ou tousserie commence ; alors la maladie est moins longue, & on la traite avec plus de succès.

Dès que l’animal commence à jeter par les naseaux, & à tousser, on lui passe un séton derrière chaque oreille, & on pratique une incision à la peau du sternum que l’on traverse par un morceau d’ellébore noir, ce qui établit un écoulement qui dégage le cerveau, & on l’entretient jusqu’à parfaite guérison ; la saignée est mortelle dans cette maladie.

Remplissez une bouteille de fort vinaigre, ajoutez trois fortes pincées de poivre, & une ou deux gousses d’ail bien écrasées ; injectez trois fois par jour, un peu de ce vinaigre dans les deux naseaux de l’animal, si tout les deux sont attaqués ;… laissez ensuite le chien se promener pendant demi-heure, faire ses efforts afin d’expulser la matière qui intercepte sa respiration ; donnez ensuite un lavement de décoction d’orge ; promenez-le de nouveau. On lui fait prendre ensuite quatre grains de soufre doré d’antimoine de la seconde lotion, qu’on délaye dans un demi-verre d’eau ;… à midi du vinaigre dans le nez, un quart-d’heure de promenade, & en rentrant une soupe très-claire ;… le soir nouvelle injection dans le nez. Le second jour, le matin, du vinaigre, un lavement, promenade de demi-heure ; ensuite on lui fait prendre quatre grains de turbith minéral délayé dans un demi-verre d’eau. Le reste de la journée comme dans la première.

Pour boisson pendant toute la maladie, du petit-lait ou de l’eau coupée avec du lait, dans laquelle on mettra une ou deux cuillerées de miel, suivant la quantité de liquide.

Le troisième jour au matin, le vinaigre, lavement, promenade, une médecine de suie de cheminée. Quand la médecine a opéré, on donne un lavement, le vinaigre, demi-heure de promenade, & une seconde médecine de suie en rentrant.

Le quatrième jour, on laisse reposer le chien, mais on continue le vinaigre & les lavemens ; si l’animal dédaignoit la boisson d’eau blanche miellée, on lui en feroit boire malgré lui deux verrées à une demi-heure de ses lavemens.

Au cinquième jour, on recommence comme au premier, & on continue pendant les suivans. Quand il y aura un mieux sensible, on supprimera le soufre doré d’antimoine & le turbith minéral, & on ne donnera plus qu’un lavement par jour. Le lendemain, une once de manne : mais l’on continuera l’usage du vinaigre jusqu’à parfaite guérison… Cet article nous a été fourni par M. de Maillard de Chamarante, près Chaumont en Bassigny.