Cours d’agriculture (Rozier)/VERMINE des plantes

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 53-54).


VERMINE des plantes. On donne ce nom à cette foule d’insectes ou petits quadrupèdes, qui font la guerre à tous les végétaux, à ceux sur-tout qu’on cultive dans les jardins, principalement aux arbres en espalier, et de préférence au pêcher et à l’oranger. On peut ranger ces animaux destructeurs en deux classes. La première naît ou vit hors de la terre. On distingue les individus qui la composent, ou à la vue simple, ou avec le secours de la loupe ; tels sont les pucerons, les chenilles, le kermès, faussement nommé punaise ; les mouches de toute espèce, les limaçons et les limaces grises, les tigres, le perce-oreille, le gribouri, la punaise, le campagnol, le mulot, le lérot, le hanneton.

La seconde classe est formée des animaux cachés dans l’intérieur de la terre, comme les taupes, les larves de hannetons, la courtilière, la scolopendre, et tous les vers peu connus qui rongent les racines.

On ne compte point ici la fourmi au nombre des insectes qui font la guerre aux plantes, parce qu’elle a suffisamment été justifiée de cette calomnie. Lisez l’article fourmi dans cet ouvrage. Quant aux autres insectes dévastateurs, consultez aussi le mot par lequel chacun d’eux est désigné. On y a recueilli les moyens les plus connus jusqu’à présent, soit de les détruire, soit de préserver les plantes de leur atteinte.

La nombreuse classe des vers de terre renferme une famille, connue en quelques endroits par les habitans de la campagne, sous le nom de vermeils, ou sous l’expression générique de ver millier. Elle étend ses ravages dans les champs en blé, très-peu de temps après les semailles, au moment précis où la radicule donne naissance à ce chevelu imperceptible à la vue simple, mais qui doit grossir et s’étendre pour assujettir la plante, et pomper partie des élémens destinés à la nourrir et à la faire croître. Si le temps est doux et humide pendant les mois de septembre et octobre, le ravage que font ces vers est incalculable ; la moitié, les deux tiers de la semence sont détruits par eux ; et la dévastation ne cesse que quand les gelées, auxquelles cet insecte est très-sensible, sont assez fortes pour le contraindre à pénétrer plus profondément dans l’intérieur de la terre.

Comment préviendra-t-on ce fléau ? Sera-ce en retardant l’époque des semailles jusqu’aux gelées ? Ce moyen auroit un grand inconvénient ; car il est de fait, qu’excepté dans les contrées méridionales, et dans les terrains sablonneux, on sème, en général, trop tard en France le blé d’hiver. Les champs où l’argille domine, et ceux dont la terre végétative repose sur un tuf voisin de la superficie, exigent des semailles hâtives. Il faut que les plantes aient acquis assez de force avant la saison des pluies, pour résister au séjour de l’eau sur ces mêmes terres, qui en fait pourrir la plus grande partie ; il faut que leurs racines aient eu le temps, non seulement de se développer, mais de s’enfoncer, de s’étendre, et d’adhérer fortement aux particules de terre qui doivent les abriter et contenir leur nourriture ; autrement, le dégel affaisse ou fait couler la terre ; il déchausse le collet de la plante, et laisse ses racines à nu, d’où résultent tant de pieds rachitiques et de grains qui n’ont que l’écorce.

Le seul moyen que nous connoissions de garantir les champs à blé de cette sorte d’insectes, c’est de faire précéder l’ensemencement en blé par une récolte de pois ou gris, ou verds, ou blancs, peu importe la variété. Nous ne chercherons point à développer la cause de cet effet, parce qu’elle nous est inconnue : peut-être ne faut-il que de plus longues observations pour la découvrir ; mais nous savons, par notre propre expérience, que l’effet existe ; c’est-à-dire, que les vers, nuisibles à la semence du blé, désertent le terrain qui a produit des pois. On ne doit pas craindre que la première de ces récoltes nuise à la seconde ; cet inconvénient n’auroit lieu que dans le cas où on auroit négligé de labourer avant l’hiver, de fumer abondamment et bien labourer en mars. L’herbe ne croît point à l’ombre des pois, et leurs racines ameublissent la terre. La proposition contraire ne peut être soutenue que par les obstinés partisans des jachères, dont, heureusement pour la prospérité de notre patrie, le nombre diminue chaque jour dans une proportion vraiment satisfaisante.