Criton (trad. Cousin)/Argument philosophique

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Œuvres de Platon,
traduites par Victor Cousin
Tome premier



CRITON,


OU


LE DEVOIR DU CITOYEN.




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ARGUMENT


PHILOSOPHIQUE.


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Criton propose à Socrate d’échapper à la mort en fuyant de sa prison. D’abord c’eût été un contre-sens dans la destinée de Socrate ; ensuite une faiblesse assez inutile à soixante-onze ans ; enfin une violation coupable de la loi athénienne qui ordonnait que tout jugement rendu fût exécuté.

Le Criton est le développement de cette dernière considération généralisée, c’est-à-dire de l’obligation morale imposée à tout citoyen d’obéir en toute circonstance aux lois du pays, l’obligation morale étant au-dessus de toute circonstance et n’admettant aucune exception. L’austérité de ce principe prouve à quel point Socrate était jaloux du titre de bon citoyen, et quel prix attachaient ses disciples à dissimuler et à couvrir, en quelque sorte, la désobéissance réelle de leur maître à la partie religieuse de la constitution athénienne, sous l’appareil de ses vertus civiques et de son absolu dévoûment aux lois. À proprement parler, le Criton est un complément de l’Apologie. En effet, quoique Socrate évitât les affaires publiques, la patrie ne l’appela jamais sans le trouver docile et fidèle. Guerrier intrépide, juge impartial, également inébranlable aux menaces des Trente, et aux clameurs de la multitude, il se conduisit toujours en bon et loyal serviteur de la république. Aujourd’hui même que les lois de cette république qu’il a toujours aimée et servie, le condamnent injustement à mourir, plutôt que de leur manquer, il meurt ; il s’abandonne tout entier à la loi ; il ne réserve que sa conscience.

Quant au principe de l’obéissance absolue à la loi, il se rattache à l’esprit général de la politique de Platon ; et c’est dans la République et les Lois, qu’il en faut chercher la base et le développement.


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