Croquis honnêtes/13

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Gangloff (p. 48-50).

Des Fleurs des Fleurs !

Je voudrais être assez riche pour acheter à cette marchande tout son achalandage de roses, de violettes, de lis.

« Ce que j’en ferais ? » me direz-vous. Écoutez.

J’irais tout d’abord en un de ces hôpitaux de Paris où la misère se débat (lutte effroyable) contre la maladie qui l’étreint. J’irais, et sur l’oreiller de chaque malade, je mettrais doucement une de ces belles roses qui sentent si bon. Pauvres gens ! ils auraient au moins cette minute de joie.

Puis, j’essaierais de pénétrer dans ces palais somptueux où s’agitent nos sénateurs et nos députés. Et de même que, naguères, les catholiques de Berlin déposaient chaque jour de splendides bouquets sur le pupitre du député Windhorst, je déposerais ces violettes et ces lis devant chacun de ces vaillants soldats de l’Église, devant Albert de Mun, devant Chesnelong.

On me verrait ensuite dans toutes ces écoles où le crucifix est encore au mur, où brille encore l’image de la Vierge. Et, devant chacun de ces petits autels, je placerais une touffe de ces jolis myosotis dont le bleu pâle fait penser au ciel.

Je crois bien que j’irais ensuite me poster à la porte d’une de nos églises, le jour de la première communion, et que j’offrirais un bouton de rose blanche à chacun de ces enfants qui viennent de recevoir Dieu. Mon offrande, d’ailleurs, ne serait pas désintéressée. Autant de fleurs, autant de prières.

Il va sans dire que je n’oublierais ni ma femme, ni mes enfants, ni ces vaillants qui ont le courage de me lire.

Je souhaiterais, à cause d’eux, que ces humbles pages ne fussent pas sans offrir quelque ressemblance avec mes chères fleurs je voudrais donner à ce petit livre le parfum du Bien et le charme du Vrai.

Mais, à tout le moins, j’en bannirai les, fleurs de rhétorique.

Ce sont les seules que je n’aime pas.