Décharge par les rayons de Röntgen. Rôle des surfaces frappées
I. J'ai montré que les rayons X déchargent, sans le toucher, un corps placé dans un gaz en repos s'ils rencontrent, dans ce gaz, des lignes de force émanées du corps. Alors la nature des gaz intervient, mais non celle du corps chargé. Quand les rayons touchent ce corps, les lois données ne suffisent plus. On se rappelle, en effet, que MM. Benoît et Hurmuzescu ont montré que la nature des métaux rencontrés intervient dans la vitesse de décharge. Il y a là un effet nouveau qui, comme on le verra plus loin, s'ajoute, sans l'altérer, à l'effet dû au gaz. Pour abréger, et avant d'employer des noms plus corrects suggérés par les expériences mêmes, j'appellerai cet effet effet métal, réservant le nom d'effet gaz à celui que j'ai déjà étudié.
II. J'ai dû m'assurer, d'abord, que l'angle du champ électrique avec les rayons peut varier de 90° à 0° sans que l'effet gaz varie, vérifiant ainsi, sur un nouveau point, l'indépendance de l'effet gaz et du champ qui sert à le révéler. Je décrirai ailleurs le dispositif employé dans ce but. Dès lors, il est facile de comparer l'effet métal à l'effet gaz. La méthode de compensation que j'ai employée et qui sera décrite ailleurs me donne une précision égale à celle de mes précédentes expériences.
III. Considérons un condensateur formé par deux plaques métalliques. Une de ces plaques est percée d'une fenêtre qu'on recouvre d'une feuille d'aluminium battu. Les rayons, perpendiculaires aux armatures, entrent par cette fenêtre dans le condensateur, où ils produisent un effet gaz et un effet métal. L'effet métal est nul quand les deux surfaces des armatures qui regardent l'intérieur du condensateur sont couvertes par une mince couche de pétrole, d'alcool ou même d'eau. Il prend une valeur mesurable quand une seule de ces faces est couverte par une feuille d'or, et une valeur double quand l'autre face est aussi couverte par une feuille d'or. Ces expériences, et d'autres que je ne cite pas, montrent que les effets métal dus aux deux faces s'ajoutent sans s'altérer; dans tout ce qui suit, la face d'entrée des rayons, couverte vers l'intérieur du condensateur d'un papier humide très mince donne un effet métal nul, en sorte qu'on n'a plus à considérer que l'effet métal dei à la seconde face. On vérifie sans peine que l'effet métal est purement superficiel, les couches sous-jacentes n'influant pas. Enfin, le signe de la charge est indifférent ; de même, l'effet ne change pas quand on change la face liée à l'électromètre.
IV. Le caractère additif de l'effet métal s'accuse nettement quand on fait varier l'épaisseur du condensateur. J'ai fait varier cette épaisseur de 0,2 cm à 5 cm et vérifié que le débit électrique est de la forme a + b*e, a et b étant deux constantes, et e l'épaisseur du condensateur. Le terme b*e correspond à l'effet gaz, et la constante a donne l'effet métal. En particulier, pour une épaisseur de 1 cm, l'effet métal relatif à l'argent, à l'or, au platine, au zinc amalgamé, est un peu supérieur à la moitié de l'effet total produit dans le condensateur, sans toutefois atteindre le double de l'effet gaz. Toujours pour cette épaisseur de 1 cm, l'effet métal donné par le zinc vaut 41 p. 100 de l'effet total c'est-à-dire 70 p. 100 de l'effet gaz. Pour l'aluminium l'effet est très faible et m'a paru cependant exister.
V. L'effet métal m'a paru indépendant de la température : une lame de zinc à 15° et à 120° donne sensiblement le même effet. Quand la valeur du champ grandit, l'effet métal varie sensiblement comme l'effet gaz : la quantité débitée tend rapidement vers une valeur limite, puis reste indépendante du champ.
A une même distance de la source, l'effet métal par unité de surface est fixe et indépendant de l'inclinaison sur le rayon. Quand la distance à la source varie, l'effet métal par unité de surface varie comme l'inverse du carré de la distance.
VI. L'influence de la pression sur la vitesse de décharge a été reconnue et étudiée par MM. Benoît et Hurmuzescu, mais comme alors on ignorait l'existence et l'importance de l'effet gaz, la loi qu'ils ont tirée de mesures excellentes ne peut être conservée : par exemple, pour l'air, il faut retrancher de chaque ordonnée de leur courbe un terme proportionnel à la pression, terme qui pour la pression atmosphérique est supérieur à la moitié de cette ordonnée. cette correction faite, la proportionnalité à la racine de la densité ne se vérifie pas : la courbe obtenue semble présenter un maximum au voisinage de 1/2 atmosphère, puis s'abaisser lentement jusqu'à 3/2 atmosphère. J'ai de même étudié l'influence de la pression dans l'hydrogène, pour lequel l'effet gaz est faible et donne lieu à une correction presque insignifiante. J'ai, pour le zinc, obtenu une courbe constamment croissante, sauf peut-être un palier entre 60 cm et 77 cm. Bref, je n'ai pas vu de loi simple.
VII. Là même correction relative à l'effet gaz est à faire quand on compare, à une même pression et pour un même métal, les effets métal dans des gaz variés : si, par exemple, on fait pour l'hydrogène et l'air les corrections voulues, on trouve quo pour le zinc cet effets métal sont entre eux comme 1 et 1,15 et ne sont pas proportionnels aux racines des densités.
VIII. Essayons de rassembler tous ces faits : L'effet gaz s'explique bien si l'on admet qu'en chaque point de leur parcours dans le gaz les rayons X libèrent des quantités égales d'électricité positive et négative, mobiles le long des tubes de force qui les contiennent. Abandonnant le nom provisoire d'effet gaz, et pour rappeler qu'il y a là une séparation d'électricités liée à la nature de la matière, je propose d'appeler ionisation cubique l'altération ainsi produite; pour une même source, l'ionisation varie d'un gaz à l'autre, en sorte qu'il y a lieu de définir des coefficients d'ionisation cubique dont les rapports, facilement mesurables, sont des constantes physiques. De même, l'effet métal s'explique bien en supposant qu'au contact d'un conducteur et d'une façon variable avec la nature du conducteur et avec la pression, l'ionisation du gaz est très intense; je propose d'appeler ce phénomène ionisation superficielle du gaz au contact du conducteur. Le coefficient d'ionisation superficielle pour un gaz et un métal donnés est fixé quand on a choisi le gaz pour lequel le coefficient d'ionisation cubique est 1. Ces nouveaux coefficients seraient des constantes physiques au même titre que les tensions superficielles ou les forces électromotrices de contact.
IX. La loi générale des décharges par les rayons X peut être maintenant formulée : la quantité d'électricité positive perdue dans le temps dt par un conducteur situé dans un gaz eh repos, à la pression p, sous l'action d'une source ponctuelle d'intensité I, est égale à
I*dt*[K*p*sum(sum(sum(dv/(r^2)) + (K')*phi(p)*sum(sum(ds/(r^2))],
quelle que soit la température, en négligeant l'absorption et en supposant le champ électrique assez intense pour que le débit limite soit. atteint. Dans cette formule, K est le coefficient d'ionisation cubique du gaz, K' son coefficient d'ionisation superficielle au contact du conducteur; l'intégrale triple est étendue au volume commun aux rayons et aux lignes de force émanées du conducteur, l'intégrale double est étendue à la surface électrisée frappée par les rayons; r désigne la distance à la source de l'élément de surface ou de volume; enfin chaque élément de surface ou de volume est affecté du signe + si les lignes de force qui le traversent émanent du conducteur, du signe - si elles y aboutissent [1].
- ↑ Travail fait au laboratoire de Physique de l'École Normale