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Décharges par les rayons de Röntgen. Influence de la pression et de la température

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PHYSIQUE. — Décharges par les rayons de Röntgen. Influence de la pression et de la température
J. Perrin, Notes aux comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1896


J'ai montré (Comptes rendus, t. CXXIII, p. 351) que des rayons de Röntgen traversant un gaz en repos créent en chaque point des quantités égales d'électricités positive et négative, quantités capables de se mouvoir sous l'action d'un champ électrique et, par conséquent, de détruire les charges terminales des tubes de force où elles sont contenues. J'ai montré que la quantité d'électricité neutre ainsi dissociée par les rayons est mesurable, qu'elle varie comme l'inverse du carré de la distance à la source et peut donc être considérée comme proportionnelle en chaque point à l'intensité du rayonnement. Je vais résumer aujourd'hui quelques expériences faites en vue de trouver comment les variations de pression et de température influent sur cette dissociation. J'ai employé le dispositif que j'ai déjà décrit, faisant passer entre les armatures d'un condensateur plan, et sans les toucher, un pinceau de rayons. Le condensateur est contenu dans une enceinte où l'on peut faire varier la pression. Une des armatures est liée à l'aiguille d'un électromètre, en sorte qu'on peut mesurer la quantité d'électricité qu'elle perd sous l'influence des rayons. J'ai naturellement, et pour toute pression, établi entre les armatures une différence de potentiel assez grande pour qu'un accroissement dans cette différence reste sans influence sur le débit : on se trouve alors dans les conditions où ce débit mesure la quantité d'électricité neutre dissociée entre les armatures. J'ai constaté, la température restant fixe et dans un intervalle où les pressions extrêmes sont mesurées par des hauteurs de 7 cm et de 116 cm de mercure, que la quantité d'électricité débitée dans le condensateur est proportionnelle à la pression [1]. Or, en chaque point, la masse spécifique du gaz est proportionnelle à la pression. Il en résulte que, à température constante et pour un même gaz, la quantité d' électricité dissociée par unité de masse est indépendante de la pression. Je me suis servi du même appareil pour étudier l'influence des variations de température, à pression constante. Il suffit pour cela de placer dans une étuve la caisse métallique contenant le condensateur. Je constatai d'abord, grossièrement, que les variations de température n'influaient pas sur le débit. Ceci me permit d'utiliser une méthode de zéro que j'ai déjà décrite, et qui élimine l'influence des variations d'intensité de la source. Cette méthode consiste à placer au delà du premier condensateur, et dans une enceinte à température fixe, un deuxième condensateur plan que les rayons traversent après leur sortie du premier. Les deux condensateurs s'opposent sur un même électromètre, la plaque liée à l'aiguille débitant de l'électricité positive pour l'un des condensateurs et de l'électricité négative pour l'autre. On peut ainsi établir l'équilibre pour une certaine température, puis, faisant varier la température du premier condensateur, voir si l'équilibre subsiste. Cette température a varié dans mes expériences entre - 12° et +145°, c'est-à-dire, comptant en températures absolues, entre 261° et 418°, sans que j'aie constaté de variation appréciable. Or, en chaque point du condensateur à température variable, la masse spécifique est inversement proportionnelle à la température absolue. Donc, puisque le débit reste fixe, la quantité d'électricité dissociée par unité de masse est nécessairement proportionnelle à la température absolue. En résumé, pour un même gaz, pour un même rayonnement et en un même point, la quantité d'électricité dissociée par unité de masse est indépendante de la pression et proportionnelle à la température absolue. Il peut n'être pas sans intérêt de se rappeler que, suivant la théorie cinétique des gaz, l'énergie possédée par une molécule est, elle aussi, in-dépendante de la pression et proportionnelle à la température absolue. On énoncerait donc dans cette théorie les lois expérimentales qui précèdent en disant que, pour chaque gaz, le nombre de molécules dissociées est proportionnel au nombre des molécules rencontrées, quel que soit leur écartement, et proportionnel à leur énergie moyenne.


  1. Dans une Note, parue aux Comptes rendus, t. CXXII, p. 926, MM. Benoît et Hurmuzescu ont dit que la vitesse de décharge est proportionnelle à la racine carrée de la pression. En réalité, ils n'ont pas étudié le même phénomène. Outre l'action que les rayons exercent sur le gaz, ils ont eu affaire à l'action que les rayons exercent sur une surface métallique chargée, et rencontrée par les rayons. Action indiscutable, puisque, ainsi que ces physiciens l'ont démontré, la rapidité de la décharge varie avec la nature du métal rencontré. J'ai eu soin de ne faire intervenir cette action dans aucune des expériences que j'ai décrites