Découverte du tombeau de Champlain/Chapitre V

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V


Mais de quel côté de l’habitation se trouvait-elle ?

Inutile de dire que ce n’était pas du côté du rivage ; car il n’y restait qu’une « place de quatre toises, » ou de vingt-quatre pieds, (la rue Saint-Pierre actuelle)[1].

Elle ne pouvait être non plus du côté du nord-est ; car, d’abord, le petit espace de terrain qui pouvait rester découvert à la haute marée, venait finir au pied de la Côte de la basse ville[2]. Il est bon de remarquer aussi que, sur cette pointe, la chapelle eut été continuellement exposée à toutes les fureurs des vents de nord-est, dont Champlain connaissait mieux que personne les effets désastreux, qui le forcèrent de reconstruire son habitation au bout de quelques années (en 1624).[3]

En second lieu, ce terrain, à une époque où la chapelle existait encore, était déjà concédé à des particuliers, comme le prouvent les différents actes qui se conservent au greffe de Québec et dans les archives du conseil supérieur. C’est ainsi qu’on voit, dès 1639, les Ursulines établies temporairement dans le « corps de logis appartenant à Noël Juchereau Sieur des Châtelets et ses associés, scis… au-dessous du magasin »[4], et que ces religieuses firent entourer d’une palissade pour leur tenir lieu de cloître[5]. Si la chapelle eût été de ce côté, elles n’auraient pas manqué de s’en servir, au lieu de faire faire, pour chapelle et sacristie, « une galerie en forme d’appentis[6] ; puisque, dans ce cas, la chapelle de Champlain n’aurait pu être tout au plus qu’à quelques pas de leur logis.

L’espace étroit qui restait encore entre le pied de la Côte et l’habitation, était déjà occupé depuis longtemps, comme on le voit dans Champlain, par la forge du serrurier et la boulangerie, qui étaient proches de l’habitation, et qui ne pouvaient être en l’enclos des logements. « Et pour l’habitation elle étoit en tres mauvais état, pour avoir diverty les Ouvriers à un logement que l’on avoit fait aux Peres Recollets à demi lieue de l’habitation, sur le bord de la rivière Sainct-Charles, & deux autres logemens, un pour le dit Hebert à son labourage, un autre proche de l’habitation pour le Serrurier & Boulanger, qui ne pouvoient être en l’enclos des logements. » (Voyages de Champlain, éd. 1632, 2e partie, p. 3.)

Il n’y a donc plus qu’une seule conclusion à tirer : c’est que la chapelle était du côté du jardin de Champlain, c’est-à-dire, dans l’anse du Cul-de-Sac. Or un seul coup d’œil jeté sur les plans anciens de Québec, suffit pour démontrer qu’elle devait être vers la hauteur de la rue Champlain. Pourquoi, en effet, cette petite rue étroite porte-t-elle depuis si longtemps le nom du fondateur de Québec ? Pourquoi l’Escalier, qui fait suite à cette rue, porte-t-il encore aujourd’hui le nom de Petite-Rue-Champlain ? Sans aucun doute, à cause de la chapelle et du tombeau de Champlain, de même que plusieurs autres rues de notre ville ont reçu leur nom de circonstances analogues. Pourquoi cet ancien cimetière[7] au sommet de la Petite-Rue-Champlain ? C’est que ce terrain, propice à cet objet, n’était qu’à deux pas de la chapelle. Si la chapelle avait été à la haute ville, on se demanderait pourquoi on aurait ainsi placé un cimetière sur le penchant de la Côte. Cette position seule de la chapelle n’explique-t-elle pas encore ce que dit le P. Lejeune en arrivant à Québec en 1632 : « Nous vîmes, au bas du fort, la pauvre habitation de Québec toute brûlée… en laquelle on ne voit plus que des murailles de pierres toutes bouleversées. » Pourquoi le P. Lejeune ne parle-t-il point ici de la chapelle de Québec, puisqu’elle était à la basse ville, et qu’elle a existé au moins jusqu’en 1642 ? C’est que sa position retirée au fond de l’anse du Cul-de-Sac et derrière le cap, la rendait très-peu apparente. Les ruines de l’habitation étaient seules en vue, tant qu’on n’avait pas doublé la pointe de Québec.

  1. Voyages de Champlain, édit. 1613, p. 184 et 187.
  2. Voir le plan.
  3. Voyages de Champlain, édit. 1632, p. 61, 62, 63.
  4. Acte de réception, 1633, cité par les Ursulines de Québec, p. 22.
  5. « Nous commençâmes par la clôture que nous fîmes faire de gros pieux de cèdres au lieu de murailles. » (La Vie de la Mère Marie de l’Incarnation, p. 408.)
  6. Ibid.
  7. Voir le plan.