Découvertes d’un bibliophile/Lettre 2

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Frédéric Busch
Imprimerie G. Silbermann (p. 5-8).


II.


Strasbourg, le 20 mars 1843.


Monsieur l’Abbé,



Obligé de profiter de ce temps favorable pour faire exécuter quelques travaux à la campagne, je me vois, avec bien du regret, privé de l’honneur de la nouvelle visite que vous m’aviez fait espérer pour cette semaine. Mais aussi peut-être y aura-t-il quelque avantage à traiter notre discussion par écrit, au lieu de la traiter verbalement ; car avec la meilleure mémoire, il est impossible de retenir exactement tout ce qui a été dit, tandis que ce qui est écrit reste et qu’on peut y réfléchir à loisir. Pour ne point abuser, Monsieur l’abbé, de votre extrême bonté, nous ne reprendrons aujourd’hui qu’un seul point de notre dernier entretien, celui de la conscience invinciblement erronée. Nous étions tombés d’accord que la qualification d’invinciblement erronée ne pouvait s’appliquer à la conscience que pour des actes déjà consommés, et que l’admettre pour des actions futures, ce serait le fatalisme et par conséquent la destruction de toute morale. Vous avez ajouté, Monsieur l’abbé, qu’il était impossible que le Compendium theologiæ moralis, en usage depuis quatre années au grand séminaire, pût contenir un principe aussi subversif, et que je devais nécessairement m’être trompé sur la valeur des termes employés par l’auteur. Comme je n’avais pas alors l’ouvrage sous la main, je m’empresse, Monsieur l’abbé, de vous transcrire ici le passage qui se trouve t. Ier, p. 40 et 41 :

« Quæritur an, et quando conscientia erronea pœnitentis corrigenda sit ?

« Resp. Vel conscientia pœnitentis est vincibiliter vel invincibiliter erronea. Si primum, corrigenda est ; nam quoties cum tali conscientia operatur, peccat formaliter, sed confessarius tenetur ex officio impedire peccata formalia sui pœnitentis ; ergò, etc. ; si secundum (invincibiliter) subd. Si profectura prævidetur admonitio, per se loquendo, danda est ; nam et honor Dei et bonum pœnitentis exigit, ut confessarius peccata etiam materialia impediat ; si vero admonitio INUTILIS FUTURA PRÆVIDEATUR, tunc iterum subdistinguunt aliqui Doctores ; vel enim, dicunt, ex hoc errore sequitur nullitas sacramenti, vel malum publicum, vel grave scandalum, aut denique damnum proximi, vel nullum horum sequitur. Si primum, pœnitens admonendus est de suo errore ; nam etsi monitio respecta ipsius NON PROFECTURA SIT, imò ipse, EA NON OBSTANTE, in peccato sit PERSEVERATURUS, hoc tamen malum privatum meritò permittitur, ut salvetur reverentia sacramento debita, utilitas publicaet jus proximi, qui ex æquo postulat, ut alter moneatur de errore, qui ipsi injuriosus est. Si verò secundum, dedoceri non debet pœnitens, quia nemo tenetur ad actum prorsùs inutilem, multò minus ad nocivum, qualis tunc foret admonitio confessarii. SED HÆC SUBDISTINCTIO NOBIS NON PROBATUR ; quomodo enim salvanda sit reverentia sacramento debita, utilitas publica, etc., si admonitio NUNQUAM PROFECTURA SIT, non videmus ; igitur etiam IN TALI CASU ADMONITIONEM OMITTENDAM esse censemus. A fortiori bonæ fidei relinquendus est pœnitens, si jure metuatur, ne ex monitione scandala, aliave gravia mala proveniant ; licite enim permittitur malum minus, ad impediendum malum majus. Si admonitio, quæ hic et nunc dari non potest, ob rationes dilatas, prævidetur tempore subsequenti profectura, in illud tempus differri debet. »

Comme M. l’abbé ***** est habitué depuis quatre années à interpréter le Compendium à ses auditeurs, il consentira peut-être à me donner en peu de lignes la clef de ce passage, que j’ai beau relire sans pouvoir le comprendre autrement que dans le sens du fatalisme.

Veuillez agréer, etc.