Décret du roi d’Espagne

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DÉCRET DU ROI D’ESPAGNE MODIFIANT L’ORDRE DE LA SUCCESSION AU TRÔNE.


« Ferdinand vii par la grâce de Dieu, etc., aux infans, prélats, ducs, marquis, comtes, ricos hombres, etc. ; sachez :

» Que durant les cortès qui se réunirent en mon palais de Buen-Retiro, en l’année de 1789, il fut question, sur la demande de mon auguste père, de la nécessité et convenance de faire observer l’ordre régulier établi par les lois du royaume et par l’ancienne coutume, en ce qui touche le droit de successibilité à la couronne, en préférant l’aîné aux cadets, et l’enfant du sexe masculin à celui du sexe féminin, en suivant leur ligne respective ; et lesdits cortès, reconnaissant en effet tout ce qui était résulté de bien pour la monarchie durant 700 ans, de cet ancien ordre de choses, et appréciant les circonstances éventuelles qui contribuèrent à sa réforme par acte du 10 mai 1713, déposèrent entre les mains royales de S. M. une pétition datée du 30 septembre de ladite année 1789, où elles faisaient valoir tous les résultats utiles recueillis par le royaume de l’observation de l’ancienne coutume, soit avant, soit plus particulièrement après la réunion des couronnes de Castille et d’Aragon, telle qu’elle est établie par la loi 2e, titre 15, partie 2o ; suppliant S. M. que, nonobstant le susdit acte, elle daignât ordonner que l’ancienne coutume de la monarchie fût de nouveau et toujours observée, faisant publier à cet effet la pragmatique sanction d’usage, comme loi rendue et rédigée en assemblée de cortès, à l’effet de constater cette résolution et l’abrogation de l’acte précité.

» Le roi mon auguste père daigna prendre sur cette pétition une résolution conforme à ce que demandait le royaume, faisant écrire sur la consultation dont la junte des assistans aux cortès, le gouverneur et les membres de mon conseil royal de Castille accompagnèrent la pétition des cortès : « Qu’elle avait pris une résolution conforme à ladite demande. » Mais, ordonnant que, pour lors, il en fût gardé le plus grand secret, ainsi qu’il convenait à son service, S. M. ajoutait à la résolution qui précède : « Qu’elle ordonnait à ceux de son conseil d’expédier la pragmatique sanction accoutumée en pareil cas. » À cet effet, il fut transmis secrètement copie, par le gouverneur du conseil, au président des cortès, le comte de Campomanes, de la supplique précitée, et des résolutions y annexées, et le tout fut publié dans le sein des cortès, avec la réserve recommandée par S. M.

» Les troubles qui agitèrent bientôt l’Europe, et ceux dont la Péninsule eut bientôt à souffrir, ne permirent pas l’exécution de ces importans desseins qui demandaient des jours plus tranquilles. Mais, grâce à la divine miséricorde, le bon ordre et la paix dont avait un si grand besoin mon peuple bien-aimé, ayant été rétablis, après avoir examiné cette importante affaire, et avoir entendu les ministres dévoués à mon service et au bien public, j’ai ordonné, par mon décret adressé à mon conseil le 26 de ce mois, que, conformément à la susdite pétition en original, présentée par les cortès, et à ce qui avait été résolu par le roi mon père bien-aimé, ainsi qu’à l’attestation des notaires majeurs des cortès, lesquels documens lui ont été en même temps transmis, il fasse immédiatement publier la loi et pragmatique d’usage. Cette publication ayant eu lieu en mon conseil, en présence de mes deux fiscaux, ce jour 27 du même mois, et son exécution ayant été ordonnée, comme loi rendue en cortès, j’ordonne qu’on observe et exécute désormais à perpétuité le contenu littéral de la loi 2e, tit. 15, partie 2e, selon la pétition des cortès réunies en mon palais du Buen-Retiro, en l’année 1789 et dont la teneur est comme suit : »

Le texte de cette loi, reproduit en vieux style espagnol, établit d’abord suivant des exemples tirés de la loi de Moïse et des saintes écritures, le droit de préférence des aînés sur leurs cadets, et elle stipule après ce qui suit :

« C’est ainsi qu’il en a toujours été sur toute la terre et principalement en Espagne. Il y fut établi que, pour obvier à tous les maux, la souveraineté du royaume appartiendrait à ceux qui viendraient en ligne droite, et qu’à défaut d’enfant mâle, la fille aînée après lui hériterait. Il fut même ordonné que si le fils aîné venait à mourir avant d’hériter, et qu’il laissât fils ou fille de sa femme légitime, celui ou celle-ci hériterait et non pas d’autre ; que si tous ceux-ci décédaient, l’héritier du trône serait le plus proche parent, pourvu qu’il fût capable à cet effet (home para ello) et qu’il n’eût rien fait qui dût le lui faire perdre. D’où il suit que le peuple est tenu de reconnaître le fils aîné du roi, car autrement le roi ne saurait être complétement reconnu ; et enfin quiconque ferait en contre de ce quelque chose commettrait trahison et aurait mérité la peine d’usage envers ceux qui méconnaissent la souveraineté du roi.

» Et en conséquence, j’ordonne, etc.

» En mon palais, le 29 mars 1830 ;

« Moi ! le Roi. »