Dédicaces/À Ph…

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Œuvres complètes - Tome IIIVaniervolume III (p. 199-200).

XCVI

À PH**


Le petit chien est mort. Quel dommage ! il était
Si gentil ! Blanc pur que du jaune tachetait,
D’un jaune on eût dit d’or brunissant. Sa gueugueule
Et son nénez, roses tous deux, semblaient la seule
Chose vivante en lui ; car son corps trop dodu
Ne rendait pas le mouvement qui semblait dû
À cet être qu’un charme spécial décore ;
Quant à sa queue, elle était bien trop jeune encore
Pour rire ou pour pleurer, pour frétiller, enfin,
De joie ou de chagrin, ou de soif ou de faim.
Il piaulait, jadis miaulait, même
Piaillait, tant son cri formait la voix suprême
De l’animal dans son innocence, oiseau, chat ;
Mais du chien proprement, rien qui s’en rapprochât
Qu’un grêle, si l’on veut aboiement plus semblable
Au chant du colibri dans la forêt d’érable.
Il nous léchait, le pauvre aveugle encore un peu,
De sa langue imperceptible, quand, d’instinct, comme

D’une flèche soudaine, il roula, le chétif être,
Ses yeux tournés vers sa maîtresse et vers son maître.
Et mourut, nous presque pleurant, tout blancs, tout sots,
Ses pattes frêles en l’air, comme les oiseaux.