Le Parnasse contemporain/1869/D’après Shakspeare

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Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]II. 1869-1871 (p. 157).




ALFRED DES ESSARTS

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SONNETS

I

D’APRÈS SHAKSPEARE


Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

Ayant avec la vie un bail si peu durable,
Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
De riches ornements à quoi bon surcharger
Ta fragile demeure assise sur le sable ?

Crois-tu qu’avec le corps il te faille finir ?
Sa ruine est ta vie & sa douleur ta gloire ;
Au prix du temps impur gagne un saint avenir.

Fais-toi de vrais trésors : le reste est illusoire.
Nourris-toi de la mort ; que ce soit ta victoire :
Car, la mort étant morte, on ne doit plus mourir