D’autant que l’arrogance est pire que l’humblesse
XLV
D’autant que l’arrogance est pire que l’humblesse,
Que les pompes et fards sont tousjours desplaisans,
Que les riches habits d’artifice pesans
Ne sont jamais si beaux que la pure simplesse :
D’autant que l’innocente et peu caute jeunesse
D’une vierge vaut mieux en la fleur de ses ans,
Qu’une Dame espousée abondante en enfans :
D’autant j’aime ma vierge humble et jeune maistresse.
J’aime un bouton vermeil entre-esclos au matin,
Non la Rose du soir, qui au Soleil se lâche :
J’aime un corps de jeunesse en son printemps fleury :
J’aime une jeune bouche, un baiser enfantin
Encore non souillé d’une rude moustache,
Et qui n’a point senty le poil blanc d’un mary.
XLVI
Ma peine me contente, et prens en patiance
La douleur que je sens, puis qu’il vous plaist ainsi,
Et que daignez avoir souci de mon souci,
Et prendre par mon mal du vostre experiance.
Je nourriray mon feu d’une douce esperance,
Puis que vostre desdain vers moy s’est adouci.
Pour resister au mal mon cœur s’est endurci,
Tant la force d’amour me donne d’asseurance.
Aussi quand je voudrais, je ne pourrais celer
Le feu, dont voz beaux yeux me forcent de brasler.
Je suis soulfre et salpestre, et vous n’estes que glace.
De parole et d’escrit je monstre ma langueur :
La passion du cœur m’apparaist sur la face.
La face ne ment point : c’est le mirouër du cœur.
XLVII
Vous triomphez de moy, et pource je vous donne
Ce lhierre, qui coule et se glisse à l’entour
Des arbres et des murs, lesquels tour dessus tour,
Plis dessus plis il serre, embrasse et environne.