D’un Réseau complet de chemins de fer pour la France

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RÉSEAU COMPLET
DE CHEMINS DE FER
POUR
LA FRANCE.

Les chemins de fer, dont l’exécution est ajournée depuis plusieurs années, en France, paraissent y devoir prendre bientôt un développement considérable. Le gouvernement s’en préoccupe, et les personnes même qui doutent encore de leur utilité générale, reconnaissent que notre pays ne peut demeurer plus long-temps stationnaire au milieu du mouvement européen, sans perdre rapidement les avantages commerciaux que sa position géographique semblait lui avoir assurés pour toujours. Peu d’hommes partagent, au surplus, cette opinion timide qui considère l’exécution des chemins de fer comme une nécessité fâcheuse ; et la plupart des personnes éclairées comprennent tout ce que ces admirables voies portent de vie avec elles, et combien elles exerceront de favorables influences sur l’avenir des peuples.

Aussi l’opinion semble-t-elle unanime aujourd’hui pour demander avec instance l’application immédiate, sur notre sol, de ces lignes de fer, déjà si multipliées dans les contrées voisines.

On est d’accord aussi sur la nécessité de faire précéder tout vote important relatif aux chemins de fer, par l’adoption d’un plan général, afin que toutes les parties, bien coordonnées entre elles, puissent tendre vers un but d’ensemble soigneusement déterminé. Dès-lors chaque branche du réseau ne bornera plus ses avantages à féconder et à enrichir les lieux qu’elle devra traverser ; elle intéressera la France entière, en contribuant, pour sa part, à établir un système général de communication rapide entre les divers points du territoire.

Les chemins de fer ne pouvant s’établir sans le secours de l’état, il ne serait d’ailleurs ni juste ni convenable de procéder par lignes isolées, dont l’adoption successive soulèverait indubitablement des rivalités et des oppositions puissantes.

À l’instant où la discussion va s’ouvrir sur cette importante question, et alors qu’une foule de projets locaux sont venus jeter dans les esprits le doute et la confusion, il nous a semblé utile de rappeler l’attention sur un projet général, présenté aux chambres le 15 février 1838. — Ce projet s’appuyait sur les études des ingénieurs placés à la tête du corps des ponts et chaussées ; il avait été mûrement élaboré dans les commissions et au sein du conseil d’état, et il est certainement bien préférable à tous ceux que l’on a proposés depuis. Après y avoir apporté quelques légères modifications, rendues nécessaires par les voies nouvellement exécutées, ou par des données plus précises, nous venons exposer et appuyer les dispositions principales de ce projet.

Pour en faciliter l’intelligence, nous avons présenté le réseau complet par des lignes coloriées, tracées sur la carte de France jointe à cet article. Nous y avons ajouté des tableaux, qui donnent la désignation et la population des villes et des départemens traversés par chaque ligne, et en même temps les longueurs détaillées des divers chemins à exécuter.

Chacun, à la première inspection de la carte, pourra voir comment tous les grands centres de population et d’industrie seraient réunis par des voies très directes, comment toutes les provinces pourraient communiquer à la fois entre elles et avec Paris, et combien, de nos ports de l’Océan et de la Méditerranée, le transit s’opérerait facilement vers la Suisse et l’Allemagne.

Sous le rapport stratégique, des masses assises au centre de la France, et distribuées entre Paris, Chalons, Dijon, Lyon, Nevers, Tours et Orléans, seraient rapidement portées sur tous les points menacés de nos frontières continentales ou maritimes.

Toutes les villes principales ont été rattachées aux grandes lignes avec un soin particulier. Elles seraient desservies directement, parce qu’il est juste que les chemins de fer soient dirigés vers les lieux où se trouve la plus grande masse d’intérêts actuels à satisfaire ; mais, en même temps, ces grandes lignes ont été combinées de telle sorte, que toutes les parties de la France, s’y pouvant relier facilement, doivent profiter de la distribution générale. — Les divers embranchemens, dont nous avons craint de multiplier le nombre, seront rapidement construits ; nous n’en pouvons douter en voyant l’activité que développe partout l’ouverture d’une nouvelle voie de communication, et surtout en reconnaissant, sur la carte d’Angleterre, dont, à cet effet, nous joignons ici une esquisse[1], les lignes nombreuses qui sont déjà venues se rattacher aux directions principales. — Cette carte servira encore à montrer qu’en Angleterre, où il existe de grands centres de commerce indépendants de la capitale, presque toutes les lignes viennent cependant converger vers Londres, parce qu’il est nécessaire que les provinces soient mises en communication directe avec la capitale, et qu’il est utile aussi que les habitans des capitales puissent créer des intérêts sur les divers points du sol.

Les directions principales proposées, et indiquées sur la carte par de doubles lignes rouges, sont :


LONGUEUR
À EXÉCUTER
lieues. lieues. lieues.
1o Le chemin de Belgique à Paris, à Tours, à Bordeaux et à l’Océan 
180
430
2o Le chemin du Havre à Paris, à Dijon, à Lyon et à Marseille 
199
3o Le chemin de Dijon à Bâle et à Strasbourg 
51
4o Le chemin de Tours à Nantes 
50
160
5o Le chemin de Marseille à Bordeaux, ou de la Méditerranée à l’Océan 
110
Ensemble 
... 590 590
Les directions secondaires indiquées sur la carte par une simple ligne bleue, sont :
6o Le chemin de Bordeaux à Bayonne 
40
7o Le chemin de Lille à Calais, par Dunkerque 
28
8o Le chemin de Châlons à Lyon 
30
9o Le chemin direct de Paris à Strasbourg 
80
10o Le chemin d’Orléans à Lyon, par Bourges 
78
Ensemble 
256 Ci. . . 256
Total général 
846

Les lignes principales ont toutes un grand caractère d’utilité, et il serait à désirer qu’entreprises simultanément, elles pussent être terminées dans un bref délai. L’exécution des lignes secondaires, qui ont déjà fixé l’attention des pays intéressés, serait alors presque immédiate, et bientôt, comme nous l’avons déjà dit, les embranchemens eux-mêmes atteindraient le grand réseau. Et qu’on ne s’effraie pas des dépenses à faire et des masses d’efforts à développer. On sait aujourd’hui ce que la France peut dépenser en travaux, même improductifs, et il s’agit de créer, sur le sol, les ressources de la plus grande richesse, en multipliant, dans une immense proportion, les relations commerciales.

Mais enfin, si l’on craignait de s’engager dans une trop vaste entreprise, on pourrait d’abord n’exécuter que les trois premières lignes :

De Belgique à Paris, à Bordeaux et à l’Océan, — du Hâvre à Marseille, — de Paris à Strasbourg, par Dijon, — d’une longueur, ensemble, de 430 lieues.

Les rivières et les canaux existant aujourd’hui suppléeraient aux deux autres chemins ajournés ; mais ce devrait être d’une manière toute provisoire. — En effet, si la jonction des rivières et des canaux avec les chemins de fer produit un admirable système dans les pays à grands fleuves et à grandes distances, les voies navigables, en France, n’offrent habituellement qu’un moyen de circulation très lent, et sans aucune régularité. — Aussi M. Michel Chevalier reconnaît-il l’insuffisance de cette combinaison, qu’il appuyait à la fin de 1838, et demande-t-il lui-même, aujourd’hui, l’exécution continue des grandes lignes de fer[2]

Dans un projet plus récent, publié par la Phalange[3], M. Perreymond a repris l’idée de rattacher les rail-ways aux rivières et aux canaux.

Le réseau qu’il a produit est tout à fait incomplet, et, s’il venait à être exécuté, il aurait, pour l’avenir, les plus fâcheux résultats. — Ce réseau est tracé en bleu sur un transparent qui s’applique aisément sur notre carte de France ; il se compose d’une grande artère ouverte du nord au sud, par Lille, Paris, Limoges et Toulouse, de laquelle partiraient, à droite et à gauche, vers les principales villes, des embranchemens longs et isolés.

Ces embranchemens, se réunissant deux à deux à Paris, à Châteauroux et à Toulouse, forment trois lignes transversales dirigées de l’est à l’ouest.

Enfin, un chemin isolé s’étend de Caen à Nantes, par Rennes.

Il est possible qu’un grand nombre de départemens, de villes, et même de populations, soient groupés sur ces lignes ; mais, si l’on parcourt le réseau sur la carte, on se trouve arrêté, dans de profondes impasses, à La Rochelle, à Bordeaux, à Bayonne, et aussi à Marseille, à Lyon, à Besançon et à Nantes, lorsque la navigation sera irrégulière ou impossible. — Tous les embranchemens qui pourraient être construits dans l’avenir subiraient les embarras de cette mauvaise disposition.

On doit tendre surtout à placer les grandes lignes dans une situation telle que, pour les rejoindre, il ne reste à parcourir que de faibles distances, et c’est dans cette pensée qu’a été conçu le projet de 1838.

La grande artère du projet de la Phalange semble imaginée dans un but contraire, puisque tous les embranchemens deviennent longs et sont entre eux d’une communication fort difficile ; en outre, cette artère délaisse les contrées les plus riches, pour traverser un pays pauvre en population et coupé de montagnes, où la dépense de construction sera certainement considérable, et où, pour l’avenir, les frais de traction demeureront élevés.

Enfin les cinq lignes principales, indiquées par un double trait bleu, et dont la Phalange demande en premier lieu l’exécution, ont ensemble un développement de 449 lieues ; et, lorsque l’on aurait exécuté toutes les lignes proposées, dont le développement général est de 781 lieues, il faudrait encore emprunter les canaux et les rivières, — entre Paris, Dijon et Besançon ; — entre Dijon, Lyon et Marseille ; — entre Bordeaux et Toulouse (si l’on ne veut repasser par Périgueux) ; — entre Nantes, Tours et Blois.

Dans notre projet, il suffit d’exécuter les trois premiers chemins, sur une longueur ensemble de 430 lieues, pour établir un système de communication directe par rail-ways, — entre la Belgique, — Paris, — le Hâvre et la Manche, — Orléans, — Bordeaux, la Teste et l’Océan (ce qui conduira bientôt en Espagne par Bayonne), — Dijon, — Lyon, — Marseille et la Méditerranée, — Besançon, — Bâle, — et Strasbourg.

Si l’on y comprend les voies aujourd’hui navigables, et surtout si l’on préfère construire, dans un bref délai, les deux autres lignes principales, d’un développement ensemble de 160 lieues, il faut ajouter à la liste précédente Nantes et les provinces du midi.

Alors les voyages deviendraient faciles sur tous les points ; et si, comme on le doit espérer, les lignes secondaires, qui n’ont qu’une longueur totale de 256 lieues, venaient à être prochainement exécutées, l’ensemble du réseau étendu sur la France serait tel que toutes les contrées communiqueraient entre elles à peu près par la voie la plus courte. La Rochelle, Limoges, Tarbes, Perpignan, Grenoble, Clermont, Metz, Mézières et Sedan, seraient bientôt rattachés, au moyen d’embranchemens très courts, à Paris et à toutes les parties de la France ; les lignes de Normandie et du Maine, dont le centre est au Mans, s’étendraient rapidement, et viendraient mettre ces riches provinces en contact immédiat avec Paris, Lyon, Nantes et Bordeaux ; enfin, le chemin de fer de Rennes pourrait facilement être prolongé jusqu’à Brest.

Le projet que nous appuyons, sans exiger la construction d’une beaucoup plus grande longueur de chemins, relie donc entre elles les diverses parties de la France d’une manière infiniment plus complète que celui de la Phalange. Il suffit d’appliquer le transparent sur la carte pour voir cette grande différence des deux systèmes, et pour reconnaître encore que, parmi les contrées desservies par nos lignes, se trouvent toutes celles du réseau de M. Perreymond ; il faut en excepter seulement, sur la direction de Paris à Bordeaux, le pays compris entre Châteauroux et Cahors, où les travaux seraient difficiles et où les populations sont peu agglomérées.

Enfin, les chemins de fer que nous traçons dans les vallées pourraient souvent être établis sur des levées qui serviraient à contenir les eaux d’inondation. Cela paraît facile dans la vallée de la Loire, et notamment entre Tours et Candes, où le pays en recevrait un immense bienfait.

Nous avons cru devoir reproduire le beau projet de 1838, parce que, dans notre conviction profonde, tout plan d’ensemble de chemins de fer doit être tracé en vue de l’intérêt public et sans aucune préoccupation étrangère. Ainsi, dans les nombreuses subventions offertes par les villes et par les départements, l’état verra de précieux indices de la sympathie générale ; mais il ne saurait aucunement en profiter, car, d’une part, on ne peut modifier la direction reconnue la meilleure sans blesser de graves intérêts, et, de l’autre, il serait souverainement injuste de recevoir une allocation qui n’aurait pas exercé d’influence sur le choix des lignes suivies. — Si, comme nous le pensons, il est convenable que les localités traversées par un chemin de fer contribuent spécialement aux frais de sa construction, ce doit être seulement au moyen d’un impôt obligatoire réglé par la loi, de manière à laisser à l’état toute liberté dans sa détermination.

Quant au mode d’exécution, nous n’y voyons qu’une question de détail. Seulement il est bon de rappeler, à ce sujet, comment se sont évanouies les pompeuses promesses des compagnies, qui semblaient devoir seules produire tous les chemins de fer, sans que la moindre parcelle de la fortune publique y fût dépensée, comme si la fortune publique ne se composait pas de toutes les fortunes, et de la somme des efforts et du travail de chacun. La seule économie possible est évidemment le meilleur emploi de ces forces, et, en 1838, ce principe avait conduit à placer entre les mains de l’état l’exécution de tous les grands travaux. — L’opinion publique, long-temps contraire à ce mode, semblerait y revenir aujourd’hui, du moins quant aux grandes lignes ; et, pour cela, toutes les voix seraient unanimes, si l’on voyait, pour les chemins de fer, une direction spéciale, organisée de manière à prévenir toutes les lenteurs que l’on redoute. Ces lenteurs administratives sont certes bien indépendantes des ingénieurs, mais elles sont réelles, et, pour y remédier, il faudrait qu’une seule direction pût imprimer l’activité nécessaire à la longue filière des diverses administrations.

On a proposé récemment de faire exécuter par l’état les terrassemens et les ouvrages d’art, en laissant à la charge des compagnies la pose des rails et ce qui concerne l’exploitation. — Nous ne saurions espérer de bons résultats de cette combinaison, qui met en présence des intérêts trop différens pour qu’il n’en sorte pas, immédiatement ou dans l’avenir, quelques grandes difficultés. — Les réclamations que M. le comte Pillet-Will a soulevées, en 1837, pour les actions de jouissance des quatre canaux, doivent servir de salutaire avertissement.

De plus, l’exécution des terrassemens et des ouvrages d’art, variable selon les localités, coûterait moyennement, par kilomètre, 240,000 francs, dont on aurait à faire l’abandon pur et simple aux compagnies ; tandis qu’en y ajoutant une dépense hors de toute éventualité, et s’élevant, par kilomètre, à 125,000 francs[4] pour la double voie de fer, les stations, les hangars et les réservoirs d’eau, l’état resterait propriétaire des chemins construits, recevrait tous les péages, et serait toujours libre de régler l’exploitation pour la plus grande utilité générale. — Les diverses branches de revenu public devant, en effet, s’accroître en proportion de l’activité de circulation qui sera développée, l’état n’aura pas le même intérêt que les compagnies à réaliser un bénéfice direct ; il pourra baisser les tarifs jusqu’à leur dernière limite, et faire ainsi produire aux chemins de fer tous les avantages dont, ils sont susceptibles[5]

L’exploitation serait concédée par baux dont la durée ne devrait jamais dépasser dix années, et le matériel appartiendrait aux compagnies adjudicataires.

Si l’on voulait admettre l’exécution par les compagnies avec le concours de l’état, nous préférerions indubitablement, à tous les genres de subvention le don d’une somme fixe. C’est la combinaison la mieux déterminée, celle qui laisse aux compagnies le plus de liberté d’action, et probablement la plus économique, parce qu’elle est la plus simple. Cette subvention, pouvant être très forte, sans même atteindre le chiffre des dépenses nécessaires pour terrassemens et ouvrages d’art, sera suffisante pour assurer l’exécution de toutes les lignes ; et, comme il conviendrait d’opérer les versemens proportionnellement aux dépenses réellement faites, les sommes à fournir par le trésor seraient réparties sur plusieurs années, et l’on n’aurait pas à craindre l’abandon des travaux.

Mais le mode d’exécution, nous l’avons dit, est une question secondaire ; ce qu’il faut aujourd’hui, c’est l’établissement immédiat des grandes lignes de chemins de fer en France ; c’est, avant tout, la fixation d’un réseau général bien combiné, et le projet de 1838, tel qu’il vient d’être développé, nous paraît offrir la meilleure des solutions pour satisfaire aux besoins du pays.


G. Sagey,
INGÉNIEUR AU CORPS ROYAL DES MINES ;


R. Morandière,
INGÉNIEUR AU CORPS ROYAL DES PONTS-ET-CHAUSSSÉES.;


Tours, janvier 1842.

(Note no  1.)
PRIX D’UN KILOMÈTRE DE CHEMIN DE FER.

D’après les travaux exécutés jusqu’à ce jour, et d’après les nombreux documens réunis par M. Binaud dans l’ouvrage auquel nous avons emprunté la carte d’Angleterre, on peut évaluer de la manière suivante le prix moyen d’un kilomètre de chemin de fer à deux voies :


fr. c. fr. c. fr. c.
2 hectares 50 centiares de terrains à 8,000 fr. l’hectare 
20,000 »
40,000 »
240,000 »
Démolition de bâtimens et dommages 
20,000 »
Terrassemens, y compris les fouilles dans le roc, 60,000 mèt. cubes à 1 fr. 667 
» 100,000 »
Ponts, souterrains, viaducs, barrières, clôtures et frais divers 
» 100,000 »
Les deux voies de fer ensemble :
Pour un mètre courant :
4 mètres de rails en fer, pesant 120 kil., à 40 cent. le kil. 
48 »
4 chairs en fonte, pesant 28 kil., à 32 cent., le kil. 
448 96
8 chevillettes en fer, pesant 5 kil., à 70 cent., le kil. 
443 50
2 traverses en bois cubant 0,20, à 70 fr. 
14 »
4 mètres cubes de sable, à 5 fr. le mètre cube. 
20 »
Frais divers 
445 54
Total pour un mètre 
100 »
Total pour un kilomètre 
100,000 »
Stations, hangars, ateliers, réservoirs d’eau et maisons de cantonniers, non compris les terrains nécessaires, déjà évalués ci-dessus 
125,000 »
Total pour l’établissement du chemin 
365,000 »
Matériel d’exploitation 
135,000 »
Total général pour un kilomètre 
400,000 »

On a supposé que les chemins auraient, en couronne, une largeur de 8 mètres 50 centimètres dans les parties en remblais, et de 7 mètres 50 centimètres dans les tranchées et dans les souterrains, et alors chacune des voies pourra avoir une largeur de 1 mètre 80 centimètres, qui est nécessaire pour qu’on puisse augmenter d’une quantité suffisante le diamètre des roues des locomotives et des voitures. — On a supposé encore que souvent les routes seraient traversées à niveau par les chemins de fer, parce que l’usage a démontré aujourd’hui que cette disposition, adoptée pour les chemins de Corbeil et de Versailles (rive gauche), présente bien peu d’entraves à la circulation, même aux abords de Paris.


(Note no 2.)
TABLEAU COMPARATIF
DES PRIX ET DES VITESSES DE TRANSPORT SUR LES RIVIÈRES
ET CANAUX, LES ROUTES ET LES CHEMINS DE FER.
DÉSIGNATION. POUR CENT LIEUES
DE QUATRE KILOMÈTRES.
OBSERVATIONS.
PRIX. TEMPS EMPLOYÉ.
Voyageurs.  fr.  c. jours. heures.
Nota. Les prix pour les chemins de fer sont ceux fixés par les lois de juillet 1858.
Bateaux à vapeur 
1032 » 112 192/21
4 l. à l’heure en descendant.
2en remontant.
Diligences 
1032 » 112 162/21 2 1/2 lieues à l’heure.
Malles-postes 
1075 » 112 152/21 3 1/2 
Chemins de fer 
1025 » »12 12 1/2 8 1/2 
(vitesse effective)
Marchandises.
Voies navigables 
130 » 201/2 »22
5 lieues par jour moyennement.
Roulage ordinaire 
180 » 12 1/2 »22
8 lieues par jour.
Roulage accéléré 
150 » 522 »22 20 
Diligences 
400 » 122 1622M
2 1/2 à l’heure.
Chemins de fer 
156 » »221 20221M 5 

Ce tableau peut faire comprendre tous les avantages que doivent procurer les chemins de fer sous le rapport de la vitesse, de la régularité et de l’économie des transports. Il montre encore que l’on pourrait presque doubler les tarifs de 1838 sans dépasser les prix payes aujourd’hui sur les routes de terre. Mais, afin d’amener sur ces chemins comme sur ceux de Belgique, une immense circulation, il est bien nécessaire de maintenir très bas et peu au-dessus des frais de traction les prix des voyages, surtout dans les diligences de deuxième ou de troisième classe. Il en résultera encore une grande économie dans les frais de transport, qui, relativement, sont d’autant moindres, que les convois sont plus nombreux, plus réguliers et plus complets.


TABLEAU No 1,
DONNANT LA LONGUEUR DES CHEMINS DE FER, ET LES DIVISANT
EN LIGNES DE 1re, 2e ET 3e CLASSE.

Nota. Toutes les distances ont été mesurées avec beaucoup de soin, et suivant les contours obligés, sur la grande carte hydrographique de la France (en 12 feuilles), dressée en 1828 au dépôt des Ponts-et-Chaussées.
(La lieue est de 4 kilomètres.)

§ 1er. LIGNES DE 1re CLASSE.
DÉSIGNATION

des

CHEMINS.
LONGUEUR DES PARTIES.
OBSERVATIONS.
À EXÉCUTER.
EXÉCUTÉES OU EN
COURS D’EXÉCUTION.
Partielle. Totale. Partielle. Totale.
1o Chemin de Belgique à Paris, à Bordeaux et à l’Océan.
lieues. lieues. lieues. lieues.
De Lille à la frontière et de Valenciennes à la frontière 
1»
180
17
49 1/2
Partie en cours d’exécution.
De Lille à Douai 
18 1»
De Valenciennes à Douai 
18 1»
De Douai à Arras, à Amiens, à Beauvais et à Paris 
52 1» Partie en cours d’exécution.
De Paris à Orléans 
1» 29
D’Orléans à Tours 
29 1»
De Tours à Poitiers, à Angoulême et à Bordeaux 
83 1»
De Bordeaux à la Teste et à l’Océan 
1» 13 Partie livrée à la circulation.
2o Chemin du Hâvre à Paris, à Dijon, à Lyon et à Marseille
Du Hâvre à Rouen 
22
199
1»
38 1/2
De Rouen à Paris 
1» 31 Partie en cours d’exécution.
De Paris à Corbeil 
1»
7 1/2
Partie livrée à la circulation.
De Corbeil à Provins et à Anglure 
27 1»
D’Anglure à Troyes et à Dijon 
43 1»
De Dijon à Châlons-sur-Saône 
17 1»
La Saône provisoirement sur une longueur de 30 lieues.
De Châlons à Lyon 
1» 1»
De Lyon à Avignon et à Tarascon 
65 1»
De Tarascon à Arles et à Marseille 
25 1»

3o Chemin de Dijon à Bâle et à Strasbourg.
De Dijon à Besançon et à Mulhouse 
51
1511
1»
133 1/2
Partie livrée à la circulation.
De Mulhouse à Bâle 
1» 18 1/2 id.id.
De Mulhouse à Colmar et à Strasbourg 
1» 25 1/2
4o Chemin de Tours à Nantes.
De Tours à Angers et à Nantes 
50 50 1» 1»
4o Chemin de Marseille à Bordeaux, ou de la Méditerranée à l’Océan.
De Marseille à Beaucaire 
1»
1101
1»
125 1/2
Partie du chemin no 2.
De Beaucaire à Nîmes, à Montpellier et à Cette 
1» 25 1/2
De Cette à Carcassonne et à Toulouse 
52 1»
De Toulouse à Bordeaux 
58 1»
Totaux 
590
145 1/2
Chemins de fer exécutés et non compris dans les lignes précédentes
Deux chemins de Paris à Versailles sur les deux rives de la Seine 
19 1/2
159 1/2
Chemin de Saint-Étienne à Lyon 
14 1/2
Chemin de Saint-Étienne à Montbrison et à Roanne 
20 1/2
Chemin d’Alais à Nîmes 
12 1/2
Chemin de Thann à Mulhouse 
13 1/2
Longueur totale des chemins de fer exécutés ou en cours d’exécution
205 1/2

§ 2e. LIGNES DE 2e CLASSE.
DÉSIGNATION DES CHEMINS. LONGUEUR
OBSERVATIONS.
partielle. totale.
lieues. lieues.
6o Chemin de Bordeaux à Bayonne.
De Bordeaux à Bayonne 
40 40
7o Chemin de Lille à Calais par Dunkerque.
De Lille à Dunkerque 
18
128
De Dunkerque à Calais 
10
8o Chemin de Châlons à Lyon.
De Châlons-sur-Saône à Mâcon et à Lyon 
30 30
9o Chemin direct de Paris à Strasbourg.
Chemin de Paris à Anglure 
4»
180
Partie du chemin no 2 au § 1er.
D’Auglure à Bar-le-Duc, à Nancy et à Strasbourg 
80
10o Chemin d’Orléans à Lyon par Bourges.
D’Orléans à Vierzon et à Bourges 
28
178
De Bourges à Nevers, à Moulins et à Roanne 
50
De Roanne à Saint-Étienne et à Lyon 
1» Parties livrées à la circulation.
Total 
2561
§ 3e. LIGNES DE 3e CLASSE.
Embranchemens divers, seulement indiqués.

11o De la Rochelle à Niort et à Poitiers.

12o De Paris à Versailles, à Rambouillet, à Épernon, à Chartres, à Nogent-le-Rotrou, au Mans, à Laval et à Rennes.

13o De Caen à Falaise, à Argentan, à Alençon, au Mans, à Château-du-Loir et à Tours.
14o De Rouen à Dieppe.
15o De Valence à Grenoble et à Pont-Beauvoisin.
16o D’Anglure à Chalons-sur-Marne, à Vouziers, à Mézières et à Sedan.
17o De Metz à Nancy.
18o De Perpignan à Narbonne et à Béziers.
19o De Cahors à Montauban et au chemin de Toulouse à Bordeaux.
10o De Tarbes à Mirande, à Auch, à Lectoure et à Agen.
11o De Poitiers à Civray, à Limoges, à Clermont, à Montbrison et à Lyon.
12o De Privas au chemin du Rhône.


TABLEAU No 2,
DONNANT
LA DÉSIGNATION ET LA POPULATION DES VILLES ET DES DÉPARTEMENS TRAVERSÉS
PAR CHAQUE LIGNE.

Nota : Les chiffres de population ont été pris dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes (1839).
DÉSIGNATION
des
CHEMINS.
DÉSIGNATION
population
des
chefs-lieux
de
préfecture
et de
sous-
préfecture.
population

entière

des

départe-
mens.
OBSERVATIONS.
des départemens
traversés
par ces chemins.
des villes
traversées ou rattachées.
§ 1er. LIGNES DE PREMIÈRE CLASSE.
1o1Chemin de Belgique à Paris, à Bordeaux et à l’Océan.
11. Nord 
Lille 
72,005
1,026,417
Douai 
19,173
Valenciennes 
19,499
12.1Pas-de-Calais 
Arras 
23,485 664,634
13. Somme 
Amiens 
46,129 552,706
14. Oise 
Beauvais 
13,082 398,641
15.1Seine-et-Oise 
Pontoise 
5,408 449,582
16. Seine 
Saint-Denis 
9,332
1,106,891
Paris 
909,126
1»1Seine-et-Oise 
Versailles 
29,209
»
St-Germain 
»
Étampes 
7,896
17. Loiret 
Orléans 
40,272 316,189
18.1Loir-et-Cher 
Blois 
13,628 244,043
19.1Indre-et-Loire 
Tours 
26,669 304,271
10. Vienne 
Chatellerault 
9,695
288,002
Poitiers 
22,000
Civray 
2,100
11. Charente 
Ruffec 
2,859
365,126
Angoulême 
19,610
12. Dordogne 
» » 487,502
13. Gironde 
Libourne 
9,714
555,809
Pour cette seule ligne, la population des dépar-temens traversés est de 6,759,833
Bordeaux 
98,705
La Teste 
»

2o1Chemin du Hâvre à Paris, à Dijon, à Lyon, à Marseille.
14.1Seine-Inférieure 
Le Hâvre 
23,618
720,525
Rouen 
92,083
15. Eure 
» » 424,762
1»1Seine-et-Oise 
Mantes 
3,818 »
1»1Seine 
Paris 
» »
1»1Seine-et-Oise 
Corbeil 
3,690 »
16.1Seine-et-Marne 
Melun 
6,846
325,881
Provins 
6,007
17. Marne 
» » 345,245
18. Aube 
Troyes 
25,563
233,871
Bar-sur-Seine 
2,350
19.1Côte-d’Or 
Châtillon-S-S. 
4,430
385,624
Dijon 
24,817
Beaune 
10,678
20.1Saône-et-Loire 
Châlon-S-S. 
12,400 538,507
21. Rhône 
Lyon 
150,814 482,024
22. Loire 
S.-Étienne 
41,534
412,497
Montbrison 
6,266
Roanne 
9,910
23. Isère 
Vienne 
16,484 573,645
24. Aube 
Valence 
10,967
305,499
Privas sera seulement distant de 3 lieues de la ligne de fer.


Montélimart 
7,966
25. Vaucluse 
Orange 
8,874
246,071


Avignon 
31,786
26.1Bouch.-du-Rhône 
Arles 
20,048
362,325
Marseille 
146,239
3o1Chemin de Dijon à Bâle et à Strasbourg.
1»1Côte-d’Or 
Dijon 
» »
Ce chemin se réunit à Dijon avec celui du Hâvre à Marseille.
27. Jura 
Dôle 
10,137 315,355
28. Doubs 
Besançon 
29,718
276,274
Baume-les-D. 
2,519
Montbelliart 
5,117
»
Bâle 
» »
27. Haut-Rhin 
Colmar 
15,958
447,019
Belfort et Altkirck sont à peine distans cha-cun de 2 lieues de la ligne de fer.
Thann 
»
28. Bas-Rhin 
Schelestadt 
9,700
561,859
Strasbourg 
57,885

4o1Chemin de Tours à Nantes.
1»1Indre-et-Loire 
Tours 
» »
Ce chemin se réunit à Tours avec celui de Paris à Bordeaux.
31.1Maine-et-Loire 
Saumur 
11,925
477,270
Angers 
35,901
32.1Loire-Inférieure 
Ancenis 
3,667
470,768
Nantes 
75,895
5o1Chemin de Marseille à Bordeaux, ou de la Méditerranée à l’Océan.
1»1Bouch.-du-Rhône 
Tarascon 
» »
33. Gard 
Nismes 
43,036
366,259
Alais 
13,566
34. Hérault 
Montpellier 
33,506
357,486
Cette 
»
Béziers 
16,233
35. Aude 
Carcassonne 
18,907
10,186
Castelnaudary 
10,186
36.1Haute-Garonne 
Villefranche 
2,765
454,727
Castelnaudary 
10,186
37.1Tarn-et-Garonne 
Castelsarrasin 
7,408
242,184
Montauban est distant de moins de 3 lieues de la ligne de fer.
Moissac 
1,618
38.1Lot-et-Garonne 
Agen 
13,399
346,400
Marmande 
7,527
1»1 Lot-et-Garonne 
La Réole 
3,931
»
Langon 
»
Bordeaux 
»
§ 1. LIGNES DE SECONDE CLASSE.
6o1Chemin de Bordeaux à Bayonne.
1»1 Gironde 
Bordeaux 
» »
39. Landes 
Dax 
4,776 284,918
40.1Basses-Pyrénées 
Bayonne 
15,912 446,398
7o1Chemin de Lille à Calais par Dunkerque.
1»1Nord 
Lille 
»
»
Hazebrouk 
7,674
Dunkerque 
28,808
Gravelines 
»
1»1Pas-de-Calais 
Calais 
» »

8o1Chemin de Châlons à Lyon.
1»1Saône-et-Loire 
Châlons-S.-S. 
»
»
Mâcon 
11,944
1»1Rhône 
Villefranche 
7,553
»
Lyon 
»
9o1Chemin direct de Paris à Strasbourg.
1»1Marne 
Anglure 
»
»
Vitry-le-Fr. 
6,822
41. Meuse 
Bar-le-duc 
12,383 317,701
42. Meurthe 
Nancy 
31,445 424,366
1»1Bas-Rhin 
Strasbourg 
» »
10o1Chemin d’Orléans à Lyon par Bourges.
1»1Loiret 
Orléans 
» »
1»1Loir-et-Cher 
» » »
43. Cher 
Vierzon 
»
276,835
Bourges 
25,324
44. Nièvre 
Nevers 
16,967 297,550
45. Allier 
Moulins 
15,231
309,270
La Palisse 
2,286
46. Loire 
Saint-Étienne 
» »
1»1Rhône 
Lyon 
» »
Totaux p. les 10 lig. de 1re et de 2e classe.
46 départemens. 57 préfectures
44 sous-préf.
2,767,083 19,090,413

Extrait de l’ouvrage publié en janvier 1840, sur les
chemins de fer d’Angleterre,
PAR M. BINAUD, INGÉNIEUR AU CORPS ROYAL DES MINES.

La Grande-Bretagne possède 76 chemins de fer, desservis par des machines à vapeur, locomotives ou stationnaires ; savoir :

LONGUEURS
EN LIEUES DE 4 KILOMÈTRES
partielles. totales.
lieues. lieues.
32 chemins terminés et livrés à l’exploitation, ensemble 
255
375
14 chemins
dont plusieurs parties terminées et livrées à l’exploitation 
120
dont en cours d’exécution 
175
525
30 chemins en cours d’exécution 
350
Total 
900

Tous ces chemins devaient être terminés à la fin de 1841, et le capital engagé dans la construction de ces chemins de fer était à très peu près de un milliard et demi de francs.

La Grande-Bretagne compte 900 lieues de chemins de fer pour 14,500,000 habitans ;

L’Angleterre, proprement dite, 790 lieues de chemins de fer pour 14,000,000 habitans, ce qui donne pour un million d’habitans :

Dans la Grande-Bretagne, 37 lieues de chemin de fer ;

Dans l’Angleterre, 56 lieues de chemin de fer.

La France, qui compte 33,500,000 habitans, devrait avoir :

Comparativement à la Grande-Bretagne, 1,240 lieues de chemins de fer ;

Comparativement à l’Angleterre, 1,880 lieues de chemins de fer.

La Belgique possède en tout 137 lieues de chemins de fer : soit 39 lieues pour un million d’habitans.

Il y a encore en Angleterre un grand nombre d’autres lignes qui sont projetées, et dont plusieurs même sont autorisées. — Ce vaste réseau, lorsqu’il aura été complété par quelques lignes secondaires, devra suffire largement aux besoins de l’Angleterre proprement dite ; malheureusement il aura pour défaut principal d’avoir été exécuté sans aucune vue d’ensemble, et sans réserve des intérêts de l’avenir. Ce défaut d’ensemble et de prévision se fait vivement sentir maintenant, mais il n’est plus temps d’y porter remède.




  1. Cette esquisse a été prise sur la carte publiée en 1840 par M. Binaud, ingénieur au corps royal des mines, à la suite de son ouvrage sur les chemins de fer.
  2. Dans les lignes principales, nous avons emprunté la Saône entre Chalons et Lyon, parce que cette partie de rivière est dans une position à peu près unique en France pour la régularité de ses eaux et la facilité de sa navigation.
  3. No du 15 novembre 1841. — Ce projet a fixé l’attention au moment où il y a paru, parce qu’il a mis en grande évidence la nécessité d’arrêter à l’avance un plan général pour les chemins de fer. Nous appuyons fortement ce principe.
  4. Voir la note no 1 à la suite de cet article.
  5. Voir la note no 2 à la suite de cet article.