Dahomey les hommes d’action

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Anonyme
(p. 1-3).
DAHOMEY
LES HOMMES D’ACTION
Publis sous le patronage du Comité DUPLEIX. — bonvalot, Directeur, 26, rue de Gramment, PARIS

10. — Le Dahomey en 1900

Le Dahomey est assurément une de nos plus belles et une de nos plus prospères colonies. Son organisation est aujourd’hui complète et nous avons lieu de nous féliciter de nous y être solidement établis, même au prix de quelques sacrifices. Il faut bien savoir que nous y exerçons une autorité très douce et pour ainsi dire tamisée par le pouvoir direct que nous avons laissé aux rois choisis par nous. Le Dahomey en effet comprend plusieurs royaumes et républiques confédérées. Ce sont, d’une façon générale : le royaume d’Abomey, le royaume de Porto-Novo, les républiques Minas, le pays des Mahis ; enfin le Haut-Dahomey qui se compose du Borgou, du Gourmad, du Kouandé, du Yanga, du Torddi et des régions habitées par les riverains du Niger jusqu’à Sansan-Aoussa.

Le climat du Bas-Dahomey est chaud et humide, la côte y est bordée de lagunes qui en rendent le séjour assez malsain. Plus on s’avance vers le nord, plus la chaleur devient sèche. La température dépasse rarement 35 degrés ; elle descend parfois jusqu’à 18. Les cyclones y sont assez fréquents. C’est en un mot le climat de la zone intertropicale, c’est-à-dire la permanence de la chaleur humide. L’Européen a donc à y redouter beaucoup le paludisme. Le nombre est grand cependant des colons, des fonctionnaires et des officiers qui y prolongent leur séjour, en observant simplement les règles élémentaires de l’hygiène et il ne faut pas s’exagérer l’insalubrité de cette colonic. On doit en effet remarquer que le climat dahoméen, s’il fatigue et s’il anémie, ne cause pas de lésions profondes. Le Dahomey n’est pas, toutefois, une colonie où l’Européen puisse travailler ; son but ne doit pas être de peiner lui-même, mais de diriger le travail des noirs. Il ne peut songer à y amener sa famille et à y faire souche d’enfants. C’est en un mot une colonie d’exploitation et non une colonie de peuplement. Les races qui habitent le Dahomey sont nombreuses et variées. Sur toute la côte, on rencontre une race de travailleurs célèbres par leur force et leur endurance, les hommes du pays de Krou ou Kroumen. Ce sont eux qu’on embauche la plupart du temps comme porteurs ou pour les grands travaux. Leur activité docile et inlassable nous fut précieuse lors de la construction du Warf de Cotonou, destiné à annuler les effets de la barre qui règne tout le long de la côte.

Les rois er chefs du Dahomey ont d’autre part toujours recruté leurs guerriers parmi les haoussas dahoméens, réputés pour leur bravoure, voire même pour leur adresse au tir. Beaucoup d’officiers africains leur préfèrent les tirailleurs sénégalais, mais il n’en reste pas moins vrai que les tirailleurs haoussas nous ont été d’un réel secours dans la constitution de nos colonnes contre Behanzin. C’est à eux que les missions formées après la campagne firent encore appel et c’est à eux aussi que fut confiée la garde des postes militaires disséminés dans tout l’hinterland du Dahomey. Lors de la récente campagne de Madagascar, alors que le 200 régiment de lignc, improvisé avec des volontaires français, était décimé par la fièvre sur la route de Majunga, les tirailleurs haoussas fournirent au général Voyron les meilleurs éléments de sa colonne volante. Ce sont à des succès et des preuves de véritable dévouement qu’on ne saurait oublier.

A part ces deux races on trouve encore des Peulhs, des Nagos, des Toucouleurs et tout à fait au Nord-Est, sur les rives du Niger, les dernières tribus touaregs.

La grande richesse du pays est l’admirable forêt de palmiers qui s’étend sur de vastes régions dans tout le bas-Dahomey. L’huile de palme est l’objet d’un trafic considérable. En raison même de cette richesse, le pays est extrêmement peuplé. On ne fait pas un kilomètre, disent les rapports officiels, sans rencontrer un village. Plus on s’avance vers le Nord plus les palmiers deviennent rares. Ils font enfin place à une brousse géante, puis à la zone de plaine dénudée et soudanienne. C’est donc la partie sud où règne la chaleur humide qui est susceptible de donner des produits riches tels que : noix de kola, cacao, ignames, manioc, caoutchouc. Les indigènes cultivent pour leur nourriture les légumes de nos pays, le mil et le maïs dont ils font une grande consommation. C’est également au Dahomey qu’on rencontre le karité, cet arbre curieux, connu sous le nom d’arbre à beurre et dont le fruit donne une amande très riche en graisse.

En résumé, il n’est déjà plus douteux pour personne que le Dahomey est d’une grande richesse agricole. Cette circonstance a permis au commerce de s’y développer concurremment et les besoins des noirs se sont accrus, à notre contact, dans de grandes proportions. On a souvent reproché aux commerçants européens de faire surtout porter leurs importations sur les boissons et alcools de tout genre. Cette imputation n’était pas absolument exacte ; elle a, en tout cas, attiré l’attention du gouverneur qui s’est’ efforcé de limiter l’entrée des alcools.

Depuis 1890 jusqu’à 1899, le mouvement commercial n’a cessé d’augmenter au Dahomey. Deux considérations s’imposent à cet égard.

La première, c’est qu’en raison des difficultés actuelles de transport, le commerce n’étend réellement son action que sur une bande de terrain de so kilomètres de largeur sur 100 kilomètres environ de profondeur, soit sur 5.000 kilomètres carrés, et que le mouvement commercial annuel sur cette zone est cependant de 25 millions en moyenne.

La seconde, c’est que l’ouverture d’une voie ferrée permettra certainement aux trafiquants d’étendre leur action sur un territoire de 18.000 kilomètres carrés, aussi riche et aussi peuplé que le littoral.

L’avenir du Dahomey apparaît donc des plus brillants. Dès à présent, non seulement cette jeune colonie ne demande aucune subvention à la métropole, mais déjà son budget se solde annuellement avec d’importantes recettes donnant un excédent d’environ 800.000 francs. Aussi la voie ferrée dont il vient d’être question est-elle à l’étude et le relevé topographique d’un tracé a déjà été fait par une mission spéciale sous les ordres du commandant de génie Guyon. D’après ses instructions, cette mission avait étudié le tracé en ligne droite jusqu’à Atcheribé, c’est-à-dire sur une étendue de 180 kilomètres. La colonie a décidé d’exécuter elle-même le premier tronçon de 180 kilomètres sur ses propres ressources. L’objectif de la ligne nouvelle qui partira de Cotonou serait d’atteindre plus tard le bief moyen du Niger au-dessus de Ilo.

En attendant la création de cette voie ferrée qui ne modifiera pas seulement la situation du Dahomey, mais celle de toute l’Afrique occidentale, les administrateurs et commandants de cercle se sont préoccupés de faire tracer un peu dans toutes les directions des chemins d’environ, cinq mètres de largeur, dont le réseau puisse assurer de faciles communications.

Les rivières du Dahomey, l’Ouémé, le So, le Kouffo, le Mono sont également utilisées par le commerce. C’est à elles d’ailleurs que Porto-Novo, Cotonou, Grand Popo doivent leur importance.

Les travaux du chemin de fer ont dû commencer en mai 1900.