Dans la rue (Bruant)/La Lionne

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Ernest Flammarion (Volume IIIp. 99-103).


LA LIONNE


« Ainsi l’avaient surnommée ses amis, les malfaiteurs de la bande de la Goutte-d’Or.

« Cuisinière de son état, elle préparait aux cambrioleurs de succulents repas, arrosés de champagne.

« Au dessert, les chevaliers du cambriolage pinçaient de la guitare, roucoulaient de tendres romances et « La Lionne » ouvrait ses bras à celui de ces Messieurs qui lui paraissait le plus en beauté. Chacun son tour. La jalousie était bannie de cette famille et « La Lionne », adorée de tous, coulait des jours pleins de félicité. »

(Écho de Paris.)


Rouge garce… À la Goutte-d’Or
Elle reflétait la lumière
Du chaud soleil de Thermidor
Qui flamboyait dans sa crinière.
Ses yeux, comme deux diamants,
Irradiaient en vives flammes
Et foutaient le feu dans les âmes…
La Lionne avait cinq amants.

Le Fêlé, la Barre de Fer,
Petit-Louis le grand chef de bande,
Et Dos-d’Azur… et Monte-en-l’Air
Se partageaient, comme prébende,
Les soupirs, les rugissements,
Les râles de la garce rouge
Et cohabitaient dans son bouge…
La Lionne avait cinq amants.


Et tous les cinq étaient heureux.
Mais, un matin, ceux de la rousse,
Arrêtèrent ses amoureux
Dans les bras de la garce rousse.
Ce sont petits désagréments
Assez fréquents dans leur commerce…
Or ils en étaient de la tierce !
La Lionne et ses cinq amants.