Un jour qu’i’ faisait pas beau,
Pas ben loin du bord de l’eau,
Près d’la Seine ;
Là où qu’i’ pouss’ des moissons
De culs d’bouteill’ et d’tessons,
Dans la plaine ;
Ma mèr’ m’a fait dans un coin,
À Saint-Ouen.
C’est à côté des fortifs,
On n’y voit pas d’gens comifs
Qui sent’ l’musque.
Ni des môm’ à qui qu’i’ faut
Des complets quand i’ fait chaud,
C’est un lusque
Dont les goss’s ont pas d’besoin,
À Saint-Ouen.
À Paris ya des quartiers
Où qu’les p’tiots qu’ont pas d’métiers
I’s s’font pègre ;
Nous, pour pas crever la faim,
À huit ans, chez un biffin.
On est nègre…
Pour vivre, on a du tintoin,
À Saint-Ouen.
C’est un métier d’purotin,
Faut trimarder dans Pantin
En savates,
Faut chiner pour attraper
Des loupaqu’ ou pour chopper
Des mill’ pattes ;
Dame, on nag’ pas dans l’benjoin,
À Saint-Ouen.
Faut trottiner tout’ la nuit
Et quand l’amour vous poursuit,
On s’arrête…
On embrasse… et sous les yeux
Du bon Dieu qu’est dans les cieux.
Comme un’ bête,
On r’produit dans un racoin,
À Saint-Ouen.
Enfin je n’sais pas comment
On peut y vivre honnêt’ment
C’est un rêve ;
Mais on est récompensé,
Car comme on est harassé,
Quand on crève…
El’ cim’tière est pas ben loin,
À Saint-Ouen.
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