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David Copperfield (Traduction Pichot)/Première partie/Chapitre 7

La bibliothèque libre.
Traduction par Amédée Pichot.
Bureaux de la Revue britannique (1p. 155-186).

CHAPITRE VII.

Mon premier semestre à Salem-House.


Les classes commencèrent tout de bon le lendemain. Je me rappelle quelle impression fut produite sur moi par le tumulte de voix qui remplissait la salle d’études, et par le silence soudain, le silence de mort qui lui succéda, lorsque, après le déjeuner, nous vîmes apparaître M. Creakle… il s’arrêta sur le seuil et promena son regard comme le géant du conte lorsqu’il inspecte ses captifs.

Tungay se tenait à côté de M. Creakle. Il me sembla qu’il aurait bien pu se dispenser de crier avec un accent si féroce : « Silence ! » car nous étions tous immobiles et muets.

Nous vîmes parler M. Creakle et nous entendîmes Tungay prononcer à peu près ce discours :

« — Or, çà, élèves, voici un nouveau semestre. Attention, s’il vous plaît, à ce que vous allez faire pendant ce nouveau semestre. Je vous engage à être bien appliqués à vos leçons, car je serai appliqué au châtiment. Je ne faiblirai pas ; vous aurez beau vous gratter, vous ne gratterez pas les marques que j’imprimerai sur votre peau. À l’ouvrage donc, chaque élève. »

Après ce formidable exorde, M. Creakle s’approcha de mon banc et me dit que si j’étais fameux pour mordre, il n’était pas moins fameux pour mordre aussi à sa manière. Et me montrant sa canne : « — Que pensez-vous de cette dent, eh !… est-ce une dent bien aiguisée ? Est-ce une double dent ? Croyez-vous qu’elle morde bien, eh ? » À chacune de ces questions, je recevais un coup qui me faisait tressaillir sur mon banc. Je fus bientôt, comme dit Steerforth, un des chevaliers de Salem-House, grâce à cette accolade.

Je partageai cette marque de distinction spéciale avec beaucoup d’autres. M. Creakle, en faisant le tour de la salle, s’arrêtait à chaque élève, et la plupart, les plus petits surtout, avaient aussi l’honneur de sentir la canne sur les épaules : je craindrais de paraître exagérer si je disais que la grande majorité attesta aux autres, par ses cris et ses pleurs, que M. Creakle revenait des bains de mer plus tyran que jamais.

Je ne pense pas qu’aucun maître de pension ait joui de sa profession avec un bonheur égal à celui de M. Creakle. Frapper les enfants était pour lui un besoin, un appétit qu’il ne pouvait s’empêcher de satisfaire. Il ne résistait pas au plaisir de souffleter un enfant joufflu ; des joues vermeilles exerçaient sur lui une véritable fascination : il les regardait le matin avec une envie inquiète, et la journée ne se passait pas sans qu’il eût trouvé l’occasion d’y appeler une teinte plus foncée encore avec le revers de sa main. J’étais un petit joufflu moi-même et j’en parle en connaissance de cause. Je ne saurais penser à M. Creakle aujourd’hui sans éprouver l’indignation désintéressée qui me révolterait si j’avais pu le connaître sans avoir été en son pouvoir ; mais je m’indigne, parce que je sais quelle incapacité s’alliait à cette brutalité, chez cet homme aussi peu propre à conduire des enfants qu’à être grand-amiral ou général en chef, — deux fonctions dans lesquelles il eût moins fait de mal, à coup sûr, que dans celle de maître de pension.

Et nous, infortunées victimes d’une idole implacable, avec quelle abjection nous cherchions à l’apaiser. Quelle honte, il me semble aujourd’hui, quelle honte et quelle dégradation, même pour des enfants, d’être si servilement soumis à un homme aussi médiocre !

Je me vois assis à mon pupitre, épiant humblement son regard, tandis qu’il règle le cahier d’une victime qui essuie ses larmes. Un double rang d’élèves épient, comme moi ce regard funeste avec la même anxiété, ne sachant lequel de nous va avoir son tour. Je crois, en vérité, que, malgré sa feinte indifférence, il nous guette de son côté et jouit malignement de cette cruelle fascination qu’il exerce sur ses jeunes victimes : on le devine à son oblique clignotement, et, bientôt, ayant choisi un second coupable : « Approchez ici ! » lui dit-il. L’infortuné obéit, balbutie une excuse, promet de mieux faire le lendemain : M. Creakle lui lance un quolibet avant de le battre, et nous d’en rire… oui, lâches que nous sommes, nous rions, pâles et tremblants !

Assis à mon pupitre encore, dans l’après-midi d’un jour étouffant de l’été, je sens que je m’assoupis en entendant autour de moi comme le bourdonnement de grosses mouches, et je donnerais tout au monde pour qu’il me fût permis de dormir ; mais M. Creakle vient d’entrer, et mon œil le suit, mon œil à demi-ouvert, comme celui d’un jeune hibou luttant contre la lumière. Je succombe enfin, et incline sur mon livre ma tête accablée, croyant l’observer toujours dans mon sommeil ; lui, cependant, est venu sournoisement par derrière, et un coup de canne me réveille en sursaut.

Me voici dans la cour de récréation, ne pouvant l’apercevoir, mais poursuivi par la conviction qu’il ne me perd pas de vue. À une courte distance est la fenêtre de la salle où je sais qu’il est à dîner, et c’est cette fenêtre qui me fascine. Montre-t-il son visage à travers les carreaux, le mien prend une expression de soumission suppliante. Si la fenêtre s’ouvre, le plus hardi des élèves (excepté Steerforth) interrompt le jeu le plus animé. Un jour, Traddles (le plus chanceux enfant du monde) brisa, avec sa balle, une vitre de cette fenêtre. Je frémis au souvenir terrible de cet accident, comme si la balle bondissait de nouveau sur le front sacré de M. Creakle.

Pauvre Traddles ! à la foi le plus gai et le plus misérable de tout le pensionnat, il était comme prédestiné aux coups de canne. Je crois qu’il n’y eut pas un jour de ce semestre qu’il n’en reçut, excepté un lundi où il fut quitte pour avoir des coups de règle sur les doigts. Traddles avait un oncle ; il parlait toujours d’écrire à son oncle pour se plaindre, et il n’écrivait jamais ; mais, après avoir caché sa tête un moment sur son pupitre, il la relevait, reprenait son air joyeux, et, avant que ses dernières larmes fussent essuyées, il se remettait à dessiner des squelettes sur son ardoise. Je ne pouvais, au commencement, m’expliquer quel plaisir trouvait Traddles à dessiner des squelettes, et, pendant quelque temps, je le considérais comme une espèce d’ermite qui, par ces emblèmes de notre vie mortelle, cherchait à se rappeler que les coups de canne ne pouvaient durer toujours ; mais je crois qu’il dessinait plutôt ces figures que d’autres, parce qu’elles étaient plus faciles, n’exigeant aucune variété de physionomie.

C’était, d’ailleurs, un enfant plein d’honneur que Traddles, estimant que le devoir inviolable des élèves était de ne jamais se trahir les uns les autres. En maintes occasions, ce sentiment-là lui coûta cher, une fois particulièrement : Steerforth avait ri à la chapelle, et le bedeau, pensant que c’était Traddles, l’expulsa de son banc. Je le vois sortir, sous la garde du bedeau, au milieu des fidèles scandalisés. Il ne voulut jamais dire quel était le vrai coupable, quoiqu’il fût puni le lendemain et passât plusieurs heures au cachot, d’où il sortit avec tout un cimetière de squelettes dessinés sur son dictionnaire latin. Mais il eut sa récompense : Steerforth déclara qu’il n’y avait rien du capon dans Traddles, et nous sentîmes tous que c’était là un grand éloge. Quant à moi, j’aurais consenti à bien des choses (quoique moins brave que Traddles et plus jeune) pour mériter une récompense semblable.

C’était pour moi un beau spectacle que de voir Steerforth nous précéder à la chapelle en donnant le bras à Miss Creakle. Je ne croyais pas Miss Creakle aussi jolie que la petite Émilie, et je ne l’aimais pas (je n’eusse pas osé) ; mais elle me semblait une jeune personne extraordinairement attrayante et d’une distinction supérieure. Quand Steerforth, en pantalon blanc, lui portait son ombrelle, j’étais fier de connaître Steerforth, et je comprenais qu’il était impossible qu’elle ne l’aimât pas. M. Sharp et M. Mell étaient, à mes yeux, deux personnages notables ; mais Steerforth était à M. Sharp et à M. Mell ce que le soleil est à deux astres secondaires.

Steerforth continua de me protéger, et son amitié me fut très utile, personne n’osant tourmenter quelqu’un qu’il honorait de son appui. Il ne me protégeait pas contre les sévérités de M. Creakle, — l’aurait-il pu ? mais, chaque fois que j’étais traité plus cruellement que d’ordinaire, il me répétait que je manquais de son énergie, et qu’à ma place il ne se laisserait pas tyranniser ainsi. C’était un encouragement dont je lui savais gré : la barbarie même de M. Creakle eut cela de bon pour moi, qu’elle me débarrassa de mon écriteau. Il s’aperçut qu’il me servait en partie de bouclier contre ses coups de canne, et il ne tarda pas à me le faire ôter pour cette raison.

Une circonstance particulière cimenta mon intimité avec Steerforth : ce fut pour moi un sujet d’orgueil, quoique non sans inconvénients. Je ne sais plus à quel propos je comparais, un jour, quelqu’un à l’un des héros de Peregrine Pickle : « — Vous avez donc lu ce roman ? « me demanda Steerforth, le soir, quand nous montâmes au dortoir.

« — Ce roman et plusieurs autres, » lui répondis-je en lui expliquant comment.

» — Et vous en souvenez-vous ?

» — Oui, certainement, » répliquai-je ; car j’avais, en effet, une excellente mémoire.

« — Eh bien ! savez-vous ? mon petit Copperfield, me dit Steerforth, vous me les raconterez. J’ai quelque peine à m’endormir, et je me réveille toujours de bonne heure chaque matin ; nous les repasserons tous, les uns après les autres : nous en ferons une sorte de Mille et une Nuits. »

Je me sentis très flatté de ce projet et nous commençâmes à l’exécuter le même soir. Ah ! comme je dus arranger mes auteurs favoris en me rendant leur interprète ! Mais j’avais la foi du lecteur ingénu, et peut-être une certaine manière de raconter avec une simplicité sérieuse qui devait plaire à mes auditeurs.

Malheureusement, j’avais souvent envie de dormir, ou j’étais peu en train de continuer une histoire, et c’était alors une tâche pénible qu’il fallait toutefois accomplir à tout prix… Comment désappointer Steerforth ? comment songer à lui déplaire ! Puis, le matin, si je me sentais fatigué et disposé à goûter une heure de repos de plus, c’était peu amusant d’être réveillé comme la sultane Scheherazade et forcé de débiter de longues aventures avant que la cloche sonnât. Mais Steerforth était un auditeur résolu, et comme, en retour, il m’expliquait mes leçons d’arithmétique, mes versions ou tout ce qu’il y avait de difficile dans mes devoirs de classe, je gagnais quelque chose à notre transaction : je veux cependant me rendre cette justice que je n’étais excité par aucun motif d’intérêt ou de crainte. J’admirais et j’aimais Steerforth : son approbation me dédommageait amplement.

Steerforth avait d’ailleurs des attentions pour son conteur, et il me le prouva dans une circonstance où Traddles et les autres durent subir le supplice de Tantale. Dans le second mois du semestre arriva la lettre promise de Peggoty, — aimable lettre accompagnée d’un gâteau au milieu de deux douzaines d’oranges et de deux bouteilles de vin de primevère. Comme de raison, je déposai ce trésor aux pieds de Steerforth pour qu’il en disposât.

« — Non, mon petit Copperfield, me dit-il, le vin servira à vous humecter le gosier quand vous me conterez des histoires. »

Je rougis à cette idée et le priai modestement d’y renoncer. Mais il prétendit avoir observé que je m’enrouais quelquefois et il voulait que personne ne me fît tort d’une goutte. Il s’empara donc des bouteilles qu’il enferma dans sa malle, près de son lit, et le contenu m’en fut administré par lui-même, toutes les fois qu’il jugeait que j’avais besoin d’être rafraîchi, au moyen d’un tuyau de plume adapté au bouchon. Parfois, pour rendre le spécifique souverain, il y ajoutait un quartier d’orange ou une pastille de menthe, et quoique tout cela ne composât pas précisément un stomachique selon l’ordonnance de la Faculté, j’avalais avec reconnaissance.

Peregrine Pickle dut bien durer plus d’un mois, et plus d’un mois aussi chacune de mes autres histoires. Ce qu’il y a de certain, c’est que la pension avait encore sa provision de contes lorsque le conteur eut épuisé ses rafraîchissements. Pauvre Traddles… je ne pense jamais à cet élève sans avoir à la fois envie de rire et de pleurer… Il remplissait à côté de moi les fonctions du chœur dans les pièces antiques, affectant des convulsions de rire aux endroits plaisants, et tremblant comme la feuille quand survenait une péripétie alarmante. J’en étais quelquefois embarrassé. Une de ses plaisanteries habituelles était de prétendre ne pouvoir s’empêcher de claquer des dents dès qu’il était question de certain alguazil des Aventures de Gil Blas, et lorsque Gil Blas rencontra à Madrid le capitaine des voleurs, mon infortuné bouffon feignit un tel accès d’épouvante, qu’il finit par être entendu par M. Creakle, qui rôdait dans le corridor comme un chat en quête d’une proie : Traddles fut fustigé d’importance, atteint et convaincu d’avoir troublé l’ordre dans le dortoir.

Tout ce qu’il y avait en moi de romanesque et de rêveur, fui entretenu et surexcité par ces continuels récits d’histoires et de contes faits dans l’obscurité : sous ce rapport, c’était un exercice dangereux. Mais j’étais stimulé par la gloriole de me voir aimé et recherché comme un élève précieux pour amuser les autres ; car mon petit talent fit du bruit parmi nos camarades. Dans une pension dirigée par un système de cruauté, que ce soit un sot ou un homme capable qui y préside, on risque de ne pas apprendre grand’chose. Je crois que les élèves de M. Creakle étaient aussi ignorants qu’aucun écolier au monde ; ils étaient trop souvent maltraités et battus pour apprendre : qu’apprendrait dans la vie ordinaire un homme tourmenté par une incessante persécution ? Mais ma petite vanité et le secours de Steerforth développèrent ma jeune intelligence, et, quoique je ne fusse guère moins puni que les autres, je faisais exception en ramassant réellement quelques bribes d’instruction.

Je dus aussi beaucoup aux soins de M. Mell, qui avait conçu pour moi une affection dont je me souviens avec gratitude. Cela m’affligeait d’observer que Steerforth le traitait avec un dénigrement systématique et saisissait volontiers l’occasion de blesser son amour-propre. J’en étais d’autant plus chagrin que, n’ayant aucun secret pour Steerforth, je lui avais confié notre visité aux deux pauvresses, et j’avais toujours peur que Steerforth n’en parlât pour humilier l’infortuné sous-maître.

Nous ne nous doutions guères, ni lui ni moi, des conséquences qu’aurait l’introduction de mon insignifiante personne dans cette maison de charité où je m’endormis au son de la flûte, sous l’ombre des deux plumes de paon.

Un jour que M. Creakle avait gardé la chambre par indisposition, ce qui naturellement répandait une vive joie parmi nous, la classe du matin avait été très bruyante. En vain le redoutable Tungay se présenta jusqu’à trois fois pour rétablir l’ordre et prendre les noms des plus turbulents. La jambe de bois n’en imposa guère. On était sûr d’être puni le lendemain, on voulait au moins jouir d’un jour de liberté.

C’était un samedi, et l’usage en faisait presque un demi-congé ; mais le temps n’étant pas favorable pour une promenade, nous reçûmes l’ordre de rentrer en classe dans l’après-midi. Nous aurions pu troubler le repos de M. Creakle en jouant sous ses fenêtres, et l’on se contenta de nous imposer quelques devoirs faciles, préparés pour la circonstance. C’était le jour de la semaine où M. Sharp sortait pour faire friser sa perruque ; de sorte que M. Mell, à qui incombait toujours la corvée, présidait seul à l’étude.

Si je pouvais associer l’image d’un ours ou d’un taureau avec un homme aussi doux que M. Mell, je le comparerais à un de ces animaux assailli par une meute de chiens. Je me le rappelle, au plus fort de la tempête, appuyant sa tête brûlante sur sa main osseuse et cherchant misérablement à poursuivre son travail au milieu d’un tumulte qui aurait donné le vestige à l’orateur de la chambre des Communes. Il y avait des élèves qui quittaient leurs places pour aller dans un coin jouer au chat ; il y en avait qui riaient, il y en avait qui chantaient, d’autres qui parlaient haut, d’autres qui dansaient ; il y en avait qui hurlaient, il y en avait qui piétinaient, qui pirouettaient sur leurs talons autour de la classe, faisant la grimace à M. Mell, le singeant derrière son dos ou même en face, le tournant en déraison, ridiculisant sa pauvreté, ses bottes, son habit râpé, sa mère, tout ce qui aurait dû être respecté par eux.

« — Silence ! » s’écria M. Mell se levant tout-à-coup et frappant avec un livre sur son pupitre. « Qu’est-ce que cela signifie ? Impossible de le supporter. C’est à en devenir fou. Comment pouvez-vous, Messieurs, vous conduire ainsi envers moi ? »

C’était avec mon livre qu’il avait frappé sur son pupitre. Et comme j’étais en ce moment à côté de lui, je suivis son regard d’indignation promené autour de la salle où les élèves s’arrêtèrent tout-à-coup, quelques-uns surpris, quelques-uns un peu intimidés, d’autres éprouvant un regret peut-être.

La place de Steerforth était à l’extrémité de la salle : il se trouvait là adossé négligemment à la muraille, les mains dans les goussets et regardant M. Mell avec les lèvres à demi closes de quelqu’un qui siffle.

« — Silence, M. Steerforth ! lui dit M. Mell.

» — Silence vous-même, répliqua Steerforth devenant rouge ; à qui parlez-vous donc ?

» — Asseyez-vous ! dit M. Mell.

» — Asseyez-vous vous-même, répondit Steerforth, et occupez-vous de vos affaires. »

Il se fit un chuchotement d’approbation ; mais M. Mell était si pâle que le silence se rétablit immédiatement : un élève, qui s’était avancé en imitant sa mère, la main tendue à l’aumône, renonça à cette parodie et prétendit n’avoir voulu que le prier de tailler sa plume.

« — Pensez-vous, Steerforth, dit M. Mell, que j’ignore quelle influence vous pouvez exercer sur tous ici ? — (et en parlant il posa machinalement, je suppose, sa main sur ma tête.) Ne vous ai-je pas vu, il y a quelques minutes, excitant les autres à m’outrager de toutes les manières ?

» — Je ne me donne pas la peine de penser à vous, dit froidement Steerforth, c’est là toute ma réponse.

» — Pouvez-vous bien, Monsieur, poursuivit M. Mell les lèvres frémissantes, pouvez-vous bien abuser de votre favoritisme pour insulter un gentleman ?

» — Un quoi ? où est-il ce gentleman ? » demanda Steerforth avec ironie.

Ici quelqu’un s’écria : « Fi ! J. Steerforth, c’est indigne ! » Ce quelqu’un était Traddles : M. Mell l’arrêta aussitôt en lui intimant de se taire, et il reprit :

« — Oui, pour insulter quelqu’un qui n’est pas dans une situation heureuse, Monsieur, et qui ne vous a jamais offensé en rien. À votre âge, Monsieur, vous pouvez comprendre fort bien les mille raisons qu’il y aurait de ne pas agir ainsi ; c’est donc un acte vil et bas que vous commettez. Vous pouvez maintenant vous asseoir ou rester debout, comme il vous plaira, Monsieur… Copperfield, continuez votre leçon.

» — Copperfield, un moment ? » dit Steerforth qui s’avança au milieu de la salle. « Je veux vous apprendre une chose, M. Mell, une fois pour toutes. Quand vous prenez la liberté de me traiter de vil ou de bas, savez-vous ce que vous êtes : un impudent mendiant ! Vous êtes toujours un mendiant, vous le savez ; mais quand vous me manquerez, vous serez un impudent mendiant. »

Je ne sais trop ce qui allait se passer entre eux : M. Mell aurait-il frappé Steerforth ou Steerforth aurait-il frappé M. Mell ? Peut-être n’en avaient-ils l’intention ni l’un ni l’autre ; mais soudain tous les élèves furent comme pétrifiés : M. Creakle se montrait au milieu d’eux avec Tungay à sa droite, Mrs et Miss Creakle, effrayées, s’étant arrêtées sur le seuil de la porte. M. Mell, les coudes sur son pupitre et le visage dans ses mains, observa lui-même le silence.

« — M. Mell, » lui dit M. Creakle en le secouant par le bras, et, malgré sa voix éteinte, on l’entendit si clairement que l’homme à la jambe de bois jugea inutile de répéter ses paroles, « M. Mell, vous ne vous êtes pas oublié, j’espère ?

» — Non, Monsieur, non, » répondit le sous-maître en se découvrant le visage et se frottant les mains avec tous les signes d’une vive agitation… « Non, Monsieur, non. Je ne me suis pas oublié, Monsieur, et je voudrais… que vous vous fussiez un peu plus tôt souvenu de moi, Monsieur Creakle. C’eût été de votre part, Monsieur, un témoignage de bienveillance et de justice, ajouterai-je ; cela m’eût épargné quelque chose, Monsieur. »

M. Creakle, fixant sur M. Mell son regard le plus dur et s’appuyant sur l’épaule de Tungay, se tourna vers Steerforth et dit :

« — Voyons, Monsieur, puisque M. Mell ne daigne pas me l’apprendre, de quoi donc s’agit-il ? »

Steerforth éluda d’abord de répondre, se contentant de jeter sur son adversaire un regard de colère méprisante : j’avoue qu’en comparant alors l’air fier de Steerforth et l’air humilié de M. Mell, c’était l’élève qui avait sur le maître tous les avantages d’une noble distinction. Enfin Steerforth se décida à parler :

« — Demandez-lui, Monsieur, dit-il à M. Creakle, ce qu’il entend par favoritisme ?

» — Favoritisme ! répéta M. Creakle dont les veines frontales se gonflèrent insensiblement, favoritisme ! qui a parlé de favoritisme ?

» — C’est M. Mell, dit Steerforth.

» — Je vous prie, Monsieur, » reprit M. Creakle se tournant avec colère du côté de son sous-maître, « je vous prie, qu’entendez-vous par là ?

» — J’entendais, Monsieur, répondit M. Mell d’un ton modeste, qu’aucun élève n’a le droit de se prévaloir des privilèges du favoritisme pour me dégrader.

» — Pour vous dégrader ! vous ! dit M. Creakle se croisant les bras et fronçant les sourcils. Eh ! mon Dieu, permettez-moi de vous demander… Monsieur comment vous appelez-vous… si, en parlant de favoritisme, vous avez eu pour moi le respect que vous me devez ? pour moi, Monsieur, qui suis le principal de cet établissement et celui de qui vous tenez votre place.

» — Monsieur, répondit M. Mell, je conviens que je ne l’eusse pas fait si j’avais été de sang-froid. »

Ici Steerforth intervint de nouveau en ces termes :

« — Il a dit encore que j’étais vil, que j’étais bas, et moi je l’ai appelé un mendiant. Si j’avais été de sang-froid, moi aussi, je ne l’eusse pas appelé mendiant ; mais je l’ai fait et je suis prêt à en subir les conséquences. »

Ce discours nous parut à tous un discours courageux, et il nous enthousiasma pour Steerforth, sans qu’aucun de nous se donnât la peine de considérer quelles pouvaient être ces conséquences que Steerforth avait le courage de braver.

« — Votre franchise vous honore, Steerforth, dit M. Creakle, oui, elle vous honore certainement, quoique je sois surpris, je dois le déclarer, que vous appliquiez un pareil terme à quelqu’un qui est employé et payé dans ce pensionnat. »

Steerforth fit entendre un petit ricanement.

« — Ce n’est pas répondre, Monsieur, à ma remarque, dit M. Creakle. J’attends quelque chose de plus explicite, Steerforth. »

Si M. Mell avait paru vulgaire à mes yeux d’enfant à côté du beau et fier élève, je ne saurais dire combien plus vulgaire, en ce moment, m’apparut M. Creakle.

« — Qu’il ose le nier, dit Steerforth.

» — Nier qu’il est un mendiant, Steerforth ? s’écria M. Creakle. Où donc va-t-il mendier ?

» — S’il n’est pas un mendiant lui-même, sa plus proche parente en est une, dit Steerforth, n’est-ce pas la même chose ? »

Steerforth me regarda et M. Mell appuya doucement sa main sur mon épaule : s’il eût détaché ses yeux de ceux de Steerforth pour examiner les miens, il aurait pu y lire l’expression de mon remords.

« — Puisque vous voulez que je me justifie, continua Steerforth, et que je m’explique, — ce que j’entends, c’est que sa mère vit d’aumônes dans une maison de charité. »

La main de M. Mell ne quitta pas mon épaule, et je crus entendre qu’il se disait tout bas à lui-même : « Je m’y attendais. »

M. Creakle se tourna vers son sous-maître avec un front sévère et une politesse affectée :

« — Vous avez entendu, M. Mell, dit-il, ayez l’obligeance de démentir ceci devant toute la pension,

» — Monsieur, » répondit M. Mell au milieu d’un profond silence, « je n’ai rien à démentir ; ce qu’il a dit est vrai.

» — Alors soyez assez bon, » poursuivit M. Creakle en promenant son regard dans la salle, « soyez assez bon pour déclarer publiquement si je savais jusqu’à ce matin ce que je viens d’apprendre.

» — Je ne crois pas que vous l’ayez su directement, répliqua M. Mell.

» — Vous ne croyez pas, vraiment, mon cher M. Mell ?

» — Je ne crois pas, veux-je dire, que vous ayez jamais supposé que je fusse dans une situation brillante, répondit le sous-maître. Vous savez quelles fonctions je remplis ici.

» — Puisque vous en venez là, » dit M. Creakle dont les veines se gonflèrent de plus en plus, « je crains que vous ayez pris mon établissement pour une école de charité. M. Mell, nous nous quitterons, s’il vous plaît. Le plus tôt sera le mieux.

» — Le plus tôt… c’est à l’instant, Monsieur, dit M. Mell.

» — Comme il vous plaira, repartit M. Creakle.

» — Je prends congé de vous, M. Creakle, et de vous tous, messieurs, » dit M. Mell promenant son regard autour de lui et me frappant de nouveau doucement sur l’épaule. — « James Steerforth, le meilleur souhait que je puisse vous laisser en partant, c’est que vous ayez honte un jour de ce que vous avez fait aujourd’hui. Quant à présent je ne voudrais pas de vous pour être mon ami ni l’ami de qui m’intéresse. »

Une dernière fois il posa la main sur mon épaule ; puis, prenant sa flûte et quelques volumes dans son pupitre, il quitta la pension avec tout son bagage sous le bras. M. Creakle fit alors un discours par l’organe de Tungay, remerciant Steerforth d’avoir défendu (quoique trop chaudement peut-être) l’indépendance et la considération de Salem-House : il conclut par donner une poignée de main à Steerforth, et nous poussâmes trois acclamations… Ces trois acclamations étaient pour Steerforth aussi, je suppose, ou du moins, si j’y mêlai ma voix, ce fut pour lui, malgré le sentiment pénible dont je ne pouvais me défendre. Enfin M. Creakle donna quelques coups de canne à Traddles pour le punir de pleurer au lieu d’applaudir comme les autres à cause du départ de M. Mell. Après cette exécution, il retourna à son lit ou à son sofa.

Ainsi laissés à nous-mêmes, nous échangeâmes entre nous des regards très peu triomphants. Quant à moi, j’éprouvais un tel remords de ce qui était arrivé, que j’aurais pleuré, je crois, comme Traddles, si je n’avais craint de paraître déserter la cause de mon ami Steerforth… ou plutôt de mon protecteur, quand je pense à la distance qui séparait mon âge du sien. Il en voulait beaucoup à Traddles et il lui dit qu’il était bien aise d’avoir appris à le connaître.

Le pauvre Traddles, qui cherchait déjà à se distraire des derniers coups de canne qui venaient de lui être administrés en créant une nouvelle famille de squelettes, selon sa coutume, répondit qu’il se moquait du déplaisir de Steerforth et qu’il croyait que M. Mell avait été indignement traité.

« — Et qui l’a traité indignement, femmelette que vous êtes ? lui dit Steerforth.

» — Vous-même, répondit Traddles.

» — Et qu’ai-je fait à M. Mell ?

» — Ce que vous lui avez fait ? répliqua Traddles, vous avez blessé son amour-propre et l’avez privé de sa place.

» — Son amour-propre ! répéta Steerforth dédaigneusement, son amour-propre reprendra le dessus, j’en suis certain ; son amour-propre n’est pas le vôtre, mademoiselle Traddles ; quant à sa place… fameuse place, n’est-ce pas ? Pensez-vous que je ne vais pas écrire à ma mère pour qu’on lui compte une indemnité. »

Nous trouvâmes que Steerforth exprimait là de nobles intentions : il avait pour mère une veuve riche qui, disait-on, ne refusait rien à son fils. Nous finîmes par être tous enchantés de voir Traddles si bien relevé et nous exaltâmes Steerforth presqu’au troisième ciel, — surtout lorsqu’il nous eut déclaré, comme il daigna nous le répéter, qu’il n’avait rien fait que dans notre intérêt.

Il eut beau dire, ce soir-là, tandis que je racontais une histoire dans l’obscurité du dortoir, plus d’une fois je crus entendre la vieille flûte de M. Mell résonner mélancoliquement à mon oreille, et lorsque Steerforth s’endormit, je me trouvai très malheureux en fermant les yeux pour m’endormir moi-même, parce que je pensais que probablement l’infortuné sous-maître cherchait quelque part à se consoler avec son instrument bien-aimé.

Je l’oubliai, néanmoins, en admirant toujours Steerforth qui, jusqu’à l’arrivée de son successeur, entreprit de le remplacer avec l’air aisé d’un amateur, sans le secours d’un livre, comme s’il savait tout par cœur. Le nouveau sous-maître n’entra pas en fonctions sans avoir dîné à la table de M. Creakle avec Steerforth, à qui il fut ainsi présenté pour que celui-ci en pût dire son opinion. Steerforth le trouva à son gré et nous le vanta comme très supérieur à M. Mell. Peut-être l’était-il réellement, mais il ne prit pas pour m’instruire la même peine que M. Mell avait prise.

Plusieurs raisons me feront enregistrer ici un autre événement qui, en dehors des incidents journaliers de l’école, fit époque pour moi parmi ceux du semestre.

Une après-midi, la grosse voix de Tungay vint crier dans la salle : « Une visite pour Copperfield ! »

Quelques mots ayant été échangés entre M. Creakle et Tungay pour décider entre eux où la visite serait reçue, on m’ordonna d’aller la recevoir dans le réfectoire. J’y courus tout troublé, me demandant qui ce pouvait être, pensant d’abord à M. ou à Miss Murdstone, puis à ma mère, et à cette dernière idée, ma main, déjà sur le loquet de la porte, ne le leva pas ; je m’arrêtai pour soulager mon cœur par un sanglot.

En entrant, je ne vis d’abord personne ; quand mon émotion se fut calmée, je reconnus MM. Peggoty et Cham qui, serrés contre le mur, me saluaient à grands coups de chapeaux. Je ne pus m’empêcher de rire, mais ce fut surtout de plaisir : les larmes vinrent après le rire dans l’échange de nos cordiales poignées de main… larmes de plaisir encore. M. Peggoty s’écria que j’étais bien grandi : Cham fit la même exclamation. Je leur demandai comment étaient ma mère, la bonne Peggoty, Mrs Gummidge et la petite Émilie, — série de questions sur lesquelles ils me satisfirent de leur mieux ; puis, après un intervalle de silence, M. Peggoty tira de sa poche deux énormes homards, une large écrevisse de mer et un grand sac plein de crevettes :

« — Nous n’avons pas oublié que vous les aimiez, dit-il ; c’est la vieille mère, la veuve de l’ancien, qui les a fait bouillir. »

Je remerciai.

M. Peggoty m’apprit ensuite comment sa sœur ayant su qu’il devait conduire un jour sa barque de Yarmouth jusqu’à Gravesend, elle lui avait envoyé mon adresse en lui recommandant de ne pas manquer de venir me voir à Salem-House : — « Or, le vent et la marée aidant, ajouta-t-il, nous sommes venus comme vous voyez ! »

J’étais de plus en plus ravi, et les questions se multipliaient : — « Vous me trouvez bien grandi et bien développé, dis-je à M. Peggoty ; mais la petite Émilie doit être, comme moi, bien changée ?

» — Oh ! répondit-il, c’est une petite femme à présent ! » et, avec l’enthousiasme d’une affection vraiment paternelle, M. Peggoty me racontait tous les progrès, toutes les perfections de cette charmante petite femme, lorsque Steerforth survint, et, me voyant dans un coin avec deux étrangers, interrompit une chanson qu’il fredonnait pour me dire : « — Je ne savais pas que vous étiez ici, mon cher Copperfield. »

En effet, M. Creakle n’avait pas jugé à propos de me faire recevoir deux pêcheurs, même endimanchés, dans le salon réservé aux visites.

« — Ne vous en allez pas, Steerforth, lui répondis-je ; » car, dans mon petit orgueil, je n’étais pas fâché de présenter à mes deux visiteurs un ami tel que Steerforth ni de faire connaître à celui-ci qui étaient M. Peggoty et Cham : « — Ne vous en allez pas, Steerforth, je vous prie. Voici deux mariniers de Yarmouth, — braves et excellentes gens, — des parents de ma bonne, et venus de Gravesend pour me voir.

» — Oui, oui, » dit Steerforth revenant sur ses pas, « je serais charmé de faire leur connaissance. Je vous salue, Messieurs. »

Quelle aisance dans ses manières ! quelle grâce naturelle et quelle distinction ! Sa voix avait un timbre si séduisant. Ah ! il avait réellement un attrait auquel peu de personnes pouvaient résister ! Je ne fus pas surpris qu’il produisît son effet ordinaire sur l’oncle et le neveu.

« — Quand vous verrez ma chère Peggoty, leur dis-je, ou quand Émilie lui écrira, je veux qu’on sache à la maison que M. Steerforth est bien bon pour moi, et que sans lui je ne sais ce que je deviendrais ici.

» — Allons donc, n’allez rien dire de cela ! s’écria Steerforth en riant.

» — Et si M. Steerforth vient jamais dans le comté de Suffolk, soyez certain, M. Peggoty, poursuivis-je, que je l’emmènerai à Yarmouth pour voir votre maison. Jamais vous n’avez vu une maison pareille, Steerforth, elle est faite d’un navire.

» — Vraiment ? dit Steerforth, faite d’un navire ! C’est bien alors la maison qu’il fallait à un marin bâti comme celui-là !

» — Vous avez raison, mon jeune Monsieur, » s’écria Cham tout fier du compliment adressé à son oncle, « c’est un marin bien bâti ! »

M. Peggoty ne fut pas moins charmé que son neveu, quoique sa modestie l’empêchât de le crier aussi haut que Cham.

« — Merci, Monsieur, merci, dit-il, je fais de mon mieux mon métier, voyez-vous !

» — C’est tout ce que les plus grands génies peuvent faire, répliqua Steerforth ; » — et les bonnes paroles échangées entre nous ne s’arrêtèrent pas là, tant nous étions contents les uns des autres.

Quand M. Peggoty et Cham eurent enfin pris congé de nous, ce fut secrètement que nous transportâmes les homards et les crevettes dans le dortoir, où nous fîmes un grand festin. Hélas ! le pauvre Traddles joua seul de malheur, comme d’habitude. Il fut réveillé au milieu de la nuit par d’horribles coliques ; c’était une indigestion, pour laquelle il lui fallut avaler je ne sais combien d’amères pilules et de médecines noires. Puis, après avoir été drogué, comme il refusa d’avouer ce qui l’avait rendu malade, il reçut en punition des coups de canne avec six chapitres du Nouveau-Testament à traduire du grec.

Mes souvenirs du reste de ce semestre sont un chaos de nos leçons de chaque jour, de mauvais dîners où le mouton et le bœuf rôtis et bouillis alternaient avec le bœuf et le mouton bouillis et rôtis, de poudings à la graisse et de tartines de beurre, de rudiments avec des oreilles à chaque page, d’ardoises écornées ou fendues, et de cahiers tachés de larmes, de coups de canne et de coups de règle, de cheveux tondus, de dimanches pluvieux, et de nos récréations d’hiver dans la grande salle d’étude, vaste réfrigérant où nous grelottions du matin au soir, etc.

À la fin, au milieu de cette atmosphère de poussière et d’encre, l’idée lointaine des vacances, après être restée long-temps comme un point imperceptible et stationnaire à l’horizon, s’avança vers nous comme une réalité de plus en plus prochaine ; après avoir compté par mois, nous comptâmes par semaines et puis par jours. Alors aussi je me demandai avec inquiétude si l’on me ferait venir auprès de ma mère ; quelle joie lorsque Steerforth m’apprit tenir de M. Creakle que l’on avait écrit à ce personnage de m’envoyer à Blunderstone, et que ma place était même retenue dans la diligence de Yarmouth !

Lecteur, me voilà en chemin dans l’intérieur de cette diligence ; le sommeil m’a gagné, je rêve, je crois être encore à Salem-House : quel est le bruit qui m’a réveillé, loué soit le ciel, c’est le cocher qui a fait claquer son fouet, ce n’est pas M. Creakle brisant sa canne sur les épaules de Traddles.

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