David Copperfield (Traduction Pichot)/Seconde partie/Chapitre 17
CHAPITRE XVII.
Une plus grande perte.
Il ne fut pas difficile à Peggoty d’obtenir de moi que je prolongerais mon séjour à Yarmouth jusqu’à ce que les restes du pauvre messager eussent fait le dernier voyage à Blunderstone. Elle avait acheté, sur ses propres épargnes, un terrain dans notre vieux cimetière, près du tombeau de « sa chère fille, » comme elle appelait toujours ma mère. C’était là qu’elle voulait que son mari attendît qu’elle vînt le rejoindre.
En tenant compagnie à Peggoty et en faisant pour elle tout ce que je pus (peu de chose, sans doute), je me rends avec plaisir cette justice de dire que j’étais heureux de payer en partie mes dettes de reconnaissance ; mais il faut bien convenir aussi que j’éprouvai encore une satisfaction, toute personnelle et professionnelle, à me charger du testament de M. Barkis et d’en expliquer les articles.
Je puis réclamer le mérite d’avoir le premier donné l’idée de chercher le susdit testament dans le fameux coffre, où il fut découvert tout au fond d’un de ces sacs avec lesquels les voituriers donnent l’avoine à leurs chevaux. Le coffre contenait aussi :
1o Une antique montre d’or avec sa chaîne et ses breloques, que M. Barkis avait portée le jour de ses noces, et qui était disparue depuis ;
2o Une tabatière en argent, de la forme d’une jambe ;
3o Une boîte faite comme un citron, pleine de tasses et de soucoupes, que M. Barkis avait probablement achetée pour m’en faire cadeau lorsque j’étais un petit garçon, et qu’il avait gardée sans pouvoir se décider à s’en séparer ;
4o 87 guinées et demie, en guinées et demi-guinées ; 250 £ en bank-notes parfaitement neuves ;
5o Plusieurs reçus de sommes placées à la Banque d’Angleterre ;
6o Un vieux fer à cheval, un shelling rogné, un morceau de camphre et une écaille d’huître. Ce dernier article étant très poli et brillant à l’intérieur de couleurs prismatiques, je conclus que M. Barkis avait dû avoir quelques idées générales au sujet des perles, idées qui restèrent indéfinies dans son esprit.
Pendant des années, M. Barkis avait fait voyager journellement son coffre avec lui dans sa voiture. Afin de mieux éluder l’observation des curieux, il avait inventé une fiction, prétendant qu’il appartenait à M. Blackboy et que le propriétaire l’avait laissé à sa consignation jusqu’à ce qu’il vînt le réclamer ; cette fable avait été soigneusement inscrite sur le couvercle en caractères devenus à peu près illisibles.
M. Barkis avait thésaurisé avec un résultat très satisfaisant. Son avoir en argent s’élevait à près de trois mille livres sterling (75,000 fr.). De cette somme il léguait l’intérêt du tiers à M. Daniel Peggoty sa vie durant, pour être à son décès partagée en principal, par égales portions, entre Peggoty, la petite Émilie et moi, ou entre les survivants de ces trois légataires. Tout le reste de sa fortune était laissé à sa veuve, légataire universelle, seule exécutrice de son testament et de ses dernières volontés.
Je me sentis un vrai proctor en titre, quand je lus ce document tout haut, avec le cérémonial d’usage, en répétant chaque clause de sa teneur à chacune des parties intéressées. Je compris enfin l’utilité d’une cour de justice d’où relevaient, entre autres, les héritiers et les légataires. J’étudiai le testament avec l’attention la plus profonde, le déclarai parfaitement en règle, fis quelques marques au crayon en marge et ne fus pas peu fier d’en savoir autant.
Cette étude sérieuse m’absorba pendant toute la semaine qui précéda les funérailles. Je fis à Peggoty le compte de tout ce qui constituait son héritage ; j’arrangeai toutes ses affaires régulièrement ; bref, elle eut en moi son conseiller et son oracle judiciaire. Je ne vis pas la petite Émilie dans cette semaine, mais je sus que la famille, d’accord avec M. Omer, avait décidé que son mariage se célébrerait sans bruit au bout de quinze jours.
Je n’assistai pas aux obsèques avec les insignes de mon rôle, si je puis m’exprimer ainsi : je veux dire que je n’étais pas costumé en noir avec un long crêpe flottant pour effrayer les oiseaux. Mais je me rendis le matin de bonne heure à Blunderstone, et quand le convoi arriva j’étais dans le cimetière, entre Peggoty et M. Daniel, son frère. Je vis à la fenêtre de ma chambre le fou qui regardait ; le bambin de M. Chillip balançait sa grosse tête et ouvrait de grands yeux par dessus l’épaule de sa nourrice. À l’arrière-plan du tableau, M. Omer respirait péniblement ; peu de témoins d’ailleurs d’une cérémonie qui se passa avec le plus grand calme. Après que tout fut fini, nous nous promenâmes pendant une heure encore dans le champ du repos et cueillîmes quelques jeunes feuilles printanières à l’arbre qui ombrageait la tombe de ma mère.
Je vois encore le sombre nuage qui s’étendit sur tout ce qui va suivre, le nuage qui s’abaissa lentement sur la ville où me ramenaient mes pas solitaires. Le même pressentiment m’attriste, la même terreur pèse sur moi à mesure que je m’en approche : ah ! si je pouvais, en suspendant mon récit, suspendre indéfiniment la fatale catastrophe de cette soirée dont je n’ai que trop conservé la mémoire… mais c’est en vain que ma main s’arrête et laisse tomber la plume… le passé est irrévocable : rien ne peut empêcher ce qui fut d’avoir été.
Ma vieille bonne partait pour Londres avec moi, le lendemain, pour l’affaire du testament. La petite Émilie passa la journée chez M. Omer. Il était convenu que nous nous réunirions tous les soirs à la maison-navire, où Cham reconduirait Émilie à l’heure ordinaire. Je revenais seul de Blunderstone, ayant été précédé de M. Daniel Peggoty et de sa sœur, qui devaient attendre toute la famille auprès du feu à la tombée de la nuit.
Je m’étais séparé d’eux à cette petite grille où, dans mon enfance, des Straps fantastiques avaient fait une halte avec le havresac de Roderick Random. Avant de les suivre sur la grand’route, j’avais fait un détour jusqu’à Lowestoft. De là, me dirigeant vers Yarmouth, je m’étais arrêté pour dîner à une petite auberge située à un mille ou deux du bac dont j’ai autrefois fait mention. Ce fut ainsi que le jour se passa, et il était tard quand je fus surpris par la pluie. Je doublai le pas, profitant de la lumière que la lune projetait encore sur le chemin, par derrière les nuages.
J’aperçus bientôt la maison de M. Daniel Peggoty et la lumière qui scintillait à travers la croisée. Je franchis une langue de sable, et, arrivé enfin, j’entrai.
Le bien-être régnait dans ce petit intérieur. M. Daniel Peggoty avait fumé sa pipe du soir, et je reconnus les préparatifs du souper. Le feu pétillait au foyer, le siége où se plaçait autrefois la petite Émilie était à l’ancienne place ; assise à son ancienne place aussi, je vis Peggoty qui, sans sa robe de deuil, m’aurait apparue comme si elle ne l’avait jamais quittée. Mrs Gummidge grommelait enfin un peu dans son coin, et, par conséquent, était toujours la même Mrs Gummidge.
« — Vous êtes le premier de nos jeunes gens au rendez-vous, M. Davy, » dit M. Daniel, » ne gardez pas cette redingote si elle est mouillée.
» — Merci, M. Daniel, » lui répondis-je en lui remettant ma redingote, « elle est presque sèche.
» — Asseyez-vous, M. Davy ; il est inutile de vous dire : soyez le bienvenu ! car vous savez que vous l’êtes et de tout cœur.
» — Merci, M. Daniel, j’en suis bien sûr. Bonsoir, Mrs Gummidge, bonsoir, ma bonne Peggoty, » ajoutai-je en l’embrassant, « comment êtes-vous ?
» — Ah ! » dit M. Daniel Peggoty prévenant sa réponse, « je ne sais pas de femme au monde qui puisse se consoler comme elle par la pensée d’avoir rempli son devoir envers celui qui n’est plus ; et celui-là le savait, car il a rempli son devoir envers elle comme elle l’avait rempli envers lui. »
Ici Mrs Gummidge fit entendre un gros soupir.
« — Et vous aussi, ma bonne mère, » reprit M. Peggoty (en nous faisant signe que les derniers événements devaient avoir réveillé le souvenir de l’Ancien), « et vous aussi, du courage : vous voyez que chacun a sa part de chagrins en ce monde.
« — Oui, oui, sans doute, » répondit Mrs Gummidge ; « mais il n’y a que moi qui reste au monde exprès pour être à charge aux autres.
« — Vous à charge, » répliqua M. Daniel Peggoty avec un air de sérieuse remontrance, « que me dites-vous là, au moment où je vais avoir plus besoin de vous que jamais ? »
Et ayant regardé l’heure à son horloge de Hollande, M. Peggoty se leva, moucha la chandelle et la replaça sur la croisée.
« — M. Davy, » me dit-il, « voulez-vous savoir pour qui est cette lumière ? Et pour qui serait-elle sinon pour notre petite Émilie ? le sentier, voyez-vous, n’est pas trop éclairé quand vient la nuit noire, et toutes les fois que je suis ici avant Émilie, je pense qu’elle se dit d’abord en apercevant de loin cette clarté : « Voilà la maison, » et puis encore : — « Mon oncle y est ? » — car elle sait que c’est moi qui m’occupe ainsi d’elle.
» — Vous êtes un grand enfant ! » lui dit sa sœur qui l’en aimait davantage si elle pensait ce qu’elle disait.
« — Eh bien ! oui, c’est vrai, » dit M. Peggoty, « et devriez-vous m’appeler plus grand enfant encore, savez-vous ce que je me suis promis de faire quand Émilie sera mariée et partie de cette maison ? Je poserai la chandelle à la même fenêtre, à peine rentré ici le soir (et comment vivrais-je ailleurs à l’âge où je suis !). Je ferai comme si j’attendais encore ma chère petite : pour oublier qu’elle habite sous un autre toit, je redirai en voyant la chandelle à la croisée : « Émilie l’aperçoit de loin, Émilie va venir… » Riez, ma sœur, du grand enfant, je vous le permets : grâce au ciel, je puis rire aussi de bon cœur moi-même, car la voici ! »
Non, ce n’était pas elle. C’était Cham tout seul. Il fallait que la pluie fût devenue plus forte depuis mon arrivée, car il avait rabattu sur son visage les larges bords de son chapeau.
« — Où est Émilie ? » demanda M. Daniel Peggoty.
Cham fit un signe de tête comme pour indiquer qu’elle était de l’autre côté de la porte. M. Daniel Peggoty prit la lumière sur la fenêtre, la moucha, la posa sur la table et puis se mit à remuer le feu, tandis que Cham, qui n’avait pas fait un pas depuis le seuil de la porte, me disait :
« — M. Davy, voulez-vous venir une minute pour voir ce qu’Émilie et moi nous voulons vous montrer ? »
Je le suivis, et, à ma grande terreur, je m’aperçus alors qu’il était pâle comme la mort. Il m’entraîna vivement et ferma la porte sur nous, rien que sur nous deux.
« — Cham ! qu’y a-t-il donc ?
» — M. Davy !… »
Les larmes et les sanglots lui coupèrent la parole. Je fus stupéfait par cette explosion de sa douleur : je ne sais plus quelle fut ma pensée : je ne pouvais que le regarder.
« — Cham ! mon cher Cham ! pour l’amour du ciel, apprenez-moi de quoi il s’agit !
» — Ma bien aimée, M. Davy, — l’orgueil et l’espoir de mon cœur, — celle pour qui je serais mort volontiers, celle pour qui je mourrais encore… elle est partie !
» — Partie ?
» — Émilie est partie… ah ! M. Davy, jugez de la manière dont elle est partie, quand je prie Dieu de la tuer, — elle qui m’est plus chère que tout au monde, plutôt que de permettre qu’elle soit à jamais perdue ! »
J’aurai toujours là devant les yeux le visage qu’il leva vers le ciel, le frémissement de ses mains jointes, expression de son angoisse et de son désespoir, au milieu de cette sombre nuit.
« — Vous avez étudié, vous, » me dit-il, « et vous savez comment on parle. Comment leur annoncer cela à eux là-dedans ; à lui surtout, M. Davy ? »
Je vis la porte tourner sur ses gonds, et instinctivement je voulus retenir le loquet pour gagner un moment… il était trop tard. M. Daniel Peggoty montra sa tête… Quel changement dans ses traits lorsqu’il n’aperçut que Cham et moi !
Je me rappelle un grand cri de douleur, les femmes entourant M. Daniel Peggoty, nous tous debout dans la chambre, moi tenant à la main un papier que Cham m’avait remis, M. Daniel Peggoty sa veste violemment déchirée, les cheveux en désordre, les lèvres et le front blêmes.
« — Lisez, M. Davy, » me dit-il d’une voix frémissante, « lisez lentement, je vous prie, ou j’aurai peine à comprendre. »
Au milieu d’un silence de mort, je lus la lettre suivante écrite sur un papier tout taché de larmes :« Ô vous qui m’aimez mille fois plus que je ne l’ai mérité alors même que ma pensée était innocente, lorsque vous lirez ces lignes, je serai bien loin… »
« — Je serai bien loin, » répéta lentement M. Peggoty. — « Arrêtez ! Émilie bien loin ! Continuez. »
« Je serai bien loin pour ne plus revenir à moins qu’il ne me ramène… sa femme. Ah ! si vous saviez combien mon cœur est déchiré. Je vous ai trop offensé pour que vous me pardonniez jamais, et, cependant, je le répète, si vous pouviez seulement savoir combien je souffre. Ah ! je suis trop coupable pour vous parler de moi… consolez-vous en pensant que je suis si coupable ; mais, par la miséricorde divine, daignez dire à mon oncle qu’il ne m’a jamais été plus cher qu’à présent ! et puis oubliez tous combien vous avez été bons et affectueux pour moi ! oubliez, vous, que vous deviez m’épouser : tâchez de penser que je suis morte petite fille et qu’on m’a ensevelie quelque part. Priez le ciel, dont j’ai perdu la grâce, qu’il ait pitié de mon oncle. Soyez sa consolation ; aimez quelque bonne fille qui soit pour lui ce que j’aurais dû être, qui vous soit fidèle, qui soit digne de vous, et qui vous fasse honneur comme je vous fais honte. Dieu vous bénisse tous : je serai souvent à genoux pour l’implorer en faveur de vous tous. S’il ne me ramène pas sa femme, une lady, je ne prierai plus pour moi, mais je prierai encore pour vous tous : mon dernier cri de tendresse à mon oncle… à lui mes dernières larmes, les dernières paroles de ma reconnaissance. »
C’était là toute la lettre.
J’avais cessé de lire, que M. Daniel Peggoty me regardait comme si je lisais encore. À la fin je lui pris la main et le conjurai de tâcher de se contenir.
« — Merci, Monsieur, merci, » répondit-il sans faire un mouvement. À son tour, Cham lui parla. M. Daniel Peggoty lui secoua la main, mais sans mot dire et toujours dans le même état. Personne n’osa plus lui adresser un seul mot.
Ce ne fut qu’au bout d’un quart d’heure qu’il détourna les yeux comme s’il sortait d’un rêve et les promena autour de lui ; puis d’une voix sourde :
« — Quel est l’homme ? je veux connaître son nom. »
Cham me regarda, et, tout-à-coup, je sentis comme un choc qui me fit reculer.
« — On soupçonne quelqu’un, » dit M. Peggoty, « qui est-ce ?
» — M. Davy, » dit Cham d’une voix suppliante, éloignez-vous un moment et laissez-moi le lui nommer… vous ne devez pas l’entendre, vous. »
Je sentis encore le même choc. Je m’affaissai dans une chaise et j’essayai de balbutier une réponse ; mais ma langue était paralysée et ma vue trouble.
« — Je veux connaître son nom ! » répéta M. Daniel Peggoty.
» — Depuis quelque temps, » répondit Cham en balbutiant, nous avons rencontré par ici un domestique… il y a eu aussi un gentleman… le domestique appartenait au gentleman. »
M. Peggoty fixa sur Cham le regard qu’il fixait tout à l’heure sur moi.
« — Le domestique, » poursuivit Cham, « fut rencontré hier au soir avec… notre pauvre fille. Voilà plus d’une semaine qu’il était caché dans les environs, lorsqu’on le croyait parti… Retirez-vous, M. Davy, retirez-vous un moment. »
Ma pauvre Peggoty me passa son bras autour du cou ; mais je n’aurais pu faire un pas, quand la maison aurait été sur le point de m’écraser sous ses ruines.
Cham continua : « — Ce matin, avant le point du jour, on a vu hors la ville, sur la route de Norwich, une voiture étrangère attelée de chevaux de poste. Le domestique allait à cette voiture et revenait ici : la dernière fois qu’il y est allé, Émilie était avec lui… l’autre était dans la voiture… c’est l’homme.
» — Pour l’amour du ciel ! » dit ici M. Peggoty en reculant et étendant la main comme pour repousser de lui ce qu’il redoutait… « ne me dites pas que le nom de cet homme est Steerforth !
» — M. Davy ! » s’écria Cham d’une voix brisée… « ce n’est pas votre faute… et je suis loin de vous le reprocher… mais son nom est Steerforth et c’est un abominable scélérat ! »
M. Daniel Peggoty ne poussa aucun cri, ne répandit aucune larme, ne fit aucun mouvement… jusqu’à ce que, comme réveillé d’un nouveau songe, il essaya de détacher son manteau suspendu à un coin de la chambre.
« — Que quelqu’un m’aide, » dit-il avec impatience, « je n’en ai plus la force… merci, et qu’on me donne aussi ce chapeau.
» — Où allez-vous, mon oncle ? » lui demanda Cham.
» — Où ? n’importe. Je vais aller chercher ma nièce, devrais-je faire le tour du monde. Je veux aller arracher ma pauvre nièce à sa honte et la ramener. Que personne ne m’arrête. Je vous répète que je vais chercher ma nièce.
» — Non, non ! » s’écria Mrs Gummidge se jetant entre l’oncle et le neveu avec une explosion de sanglots. « Non, non, Daniel, pas dans l’état où vous êtes. Dans quelque temps, allez la chercher, mon malheureux Daniel, et vous aurez raison, mais non dans l’état où vous êtes. Asseyez-vous et accordez-moi votre pardon pour vous avoir tourmenté de mes plaintes, Daniel… ah ! qu’étaient tous mes chagrins auprès de celui-ci !… Parlons, mon ami, du jour où elle devint orpheline, où Cham devint orphelin aussi, où je devins une triste veuve et où nous fûmes tous recueillis par vous ! Cela calmera un peu votre pauvre cœur, Daniel, et vous supporterez plus facilement votre affliction ; car vous savez que le Christ a dit, Daniel : « Ce que vous avez fait pour le dernier de ceux-là, vous l’avez fait pour moi ? » Et nous n’invoquerons pas en vain cette divine parole sous ce toit qui a été notre asile depuis un si grand nombre d’années. »
M. Peggoty écouta ces derniers mots avec plus de calme, puis je le vis pleurer… Mon premier mouvement avait été de me jeter à genoux, de demander pardon à cette famille de la désolation dont j’étais cause, et de maudire Steerforth. Un meilleur sentiment l’emporta. Moi aussi, en voyant pleurer M. Peggoty, je pleurai, et mon cœur accablé éprouva le même soulagement que le sien.