David Copperfield (Traduction Pichot)/Seconde partie/Chapitre 4

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Traduction par Amédée Pichot.
Bureaux de la Revue britannique (2p. 73-88).

CHAPITRE IV.

Tableau rétrospectif.


Ma vie d’écolier ! comment remonter le cours de cette période heureuse ? Je retrouve encore le lit où coulait l’onde, mais la source est tarie, et les feuilles d’automne, tombées des arbres, l’encombrent peu à peu jusqu’aux bords.

C’est aujourd’hui dimanche : nous nous sommes réunis au pensionnat pour nous rendre tous ensemble à la cathédrale, et j’occupe ma place accoutumée. Dans cette auguste enceinte, nous voici sevrés de toutes les sensations du monde ; l’orgue remplit de son harmonie grave le chœur, la nef et les galeries : cette musique me plonge dans une rêverie qui n’appartient ni à la veille ni au sommeil ; sous sa magique influence, le passé semble renaître comme un songe.

Je ne suis plus l’écolier le moins avancé de ma classe. En quelques mois j’ai fait de rapides progrès ; mais je ne suis pas encore le premier : entre le premier et moi est un immense intervalle ; le premier me semble bien loin au-dessus de moi à une hauteur que je désespère d’atteindre. Vainement Agnès dit que je l’atteindrai, je lui réponds : « Non, Agnès ; vous ignorez quelle masse de savoir a acquis ce privilégié de l’étude, cet être supérieur. » Il n’est pas mon intime ami et mon protecteur déclaré, comme l’était Steerforth, mais je le vénère. Je me demande quel rang il occupera dans le monde quand il quittera le pensionnat du Dr Strong, et comment le siècle fera pour honorer ce mérite surnaturel.

Mais quelle est cette jeune demoiselle ? C’est Miss Shepherd, dont je suis devenu amoureux.

Miss Shepherd est une pensionnaire de l’établissement tenu par les demoiselles Nottingalls. J’adore Miss Shepherd. C’est une petite personne en spencer, une fraîche figure ronde, avec des cheveux blonds qui bouclent naturellement. Les pensionnaires des demoiselles Nottingalls viennent, comme nous, à la cathédrale. Je ne puis plus tenir les yeux fixés sur mon livre, car ils cherchent constamment Miss Shepherd. Quand les choristes chantent, c’est la voix de Miss Shepherd que j’entends. Dans les prières de l’office, j’intercale mentalement le nom de Miss Shepherd. Je la place parmi les membres de la famille royale… De retour chez M. Wickfield, seul dans ma chambre, je m’écrie dans un transport soudain : « Ô Miss Shepherd ! »

Pendant quelque temps j’ai douté des sentiments de Miss Shepherd ; mais enfin les destins me sont propices, et nous nous rencontrons chez un maître de danse.

Miss Shepherd est ma danseuse. Je touche le gant de Miss Shepherd, et je sens courir dans la manche de ma veste un frémissement qui va se perdre dans mes cheveux. Je ne dis rien de tendre à Miss Shepherd, mais nous nous comprenons l’un l’autre ; Miss Shepherd et moi nous ne vivons que pour être unis un jour.

Que de bonbons j’offre à Miss Shepherd ! que d’oranges ! Et quelle extase, lorsque, dans le vestiaire, j’ose aborder Miss Shepherd et lui donner un baiser ! Quelle indignation est la mienne, le lendemain, lorsque j’apprends que les demoiselles Nottingalls ont imposé une pénitence à Miss Shepherd pour je ne sais plus quelle faute.

Miss Shepherd étant la lumière et le souffle de ma vie, comment ai-je pu rompre avec elle ? Je ne puis le concevoir, et cependant la froideur règne entre Miss Shepherd et moi. On m’assure que Miss Shepherd a dit qu’elle voudrait bien que je cessasse de la regarder et qu’elle a avoué sa préférence en faveur de M. Jones !… Jones ! Quel est donc le mérite de ce Jones ? Aucun ! Le gouffre s’agrandit entre nous. Enfin, un jour, je rencontre la pension des demoiselles Nottingalls à la promenade, et Miss Shepherd me fait la grimace avec un air moqueur. Tout est fini ; j’ai perdu toute une vie de dévouement. Je ne sais de combien de mois se composait ce qui me semblait toute une vie : Miss Shepherd est exclue de l’office des dimanches et ne fait plus partie de la famille royale.

Je suis un des premiers dans ma classe et ambitieux de science ; aucune Miss ne trouble mon repos. Je ne suis plus si poli envers les pensionnaires des demoiselles Nottingalls : seraient-elles deux fois plus nombreuses et deux fois plus jolies, elles ne me rendraient plus amoureux. Je trouve l’école de danse insipide et me demande pourquoi il faut des cavaliers aux demoiselles qui la fréquentent. Je suis fort en vers latins et néglige les lacets de mes brodequins. Le Dr Strong m’a cité tout haut comme un écolier qui donne de grandes espérances. M. Dick est ivre de joie, et ma tante m’a envoyé une guinée pour me témoigner la sienne.

L’ombre d’un jeune boucher se dresse tout-à-coup, comme l’apparition de la tête armée dans Macbeth. Quel est ce jeune boucher ? Il est la terreur des garçons de Cantorbéry. Le bruit court que la graisse de bœuf dont il oint ses cheveux lui a donné la force de Samson, et qu’il pourrait défier un homme.

C’est un jeune boucher à large face, aux joues rubicondes, au cou de taureau, à l’esprit mal fait, à la langue outrageante. Cette langue lui sert surtout à mépriser les élèves du Dr Strong. Il dit publiquement que s’ils ont besoin d’une leçon, il est en état de la leur donner. Il désigne quelques-uns d’entre eux nominalement (moi compris), qu’il se fait fort de retourner avec une seule main, en s’attachant l’autre derrière le dos. S’il surprend quelques-uns des moins grands, il leur administre des taloches et m’envoie par eux d’insolents défis. C’en est assez pour me décider à accepter le combat.

C’est un soir d’été : le duel a lieu au pied d’une vieille muraille, hors la ville, dans le creux d’un ancien fossé que le gazon tapisse, et où le rendez-vous a été donné. J’y suis arrivé, accompagné de mes témoins, qui sont quatre de mes condisciples : le boucher a choisi, pour les siens, deux autres bouchers, un petit publicain et un ramoneur. Les préliminaires étant réglés, nous voilà face à face, et nous mettons habits bas. En un instant, le boucher m’assène sur le sourcil gauche un coup de poing qui me fait voir dix mille étoiles. L’instant d’après, je ne sais plus où est la muraille, ni où je suis, ni où sont mes témoins ; je rends cependant de mon mieux les coups que je reçois, et déjà nous trébuchons tous les deux, mais je commence à entrevoir que je ne frappe plus qu’au hasard. Enfin, je tombe étourdi, tout tourbillonne autour de moi et, quand j’entr’ouvre la paupière, je reconnais le boucher qui, félicité par ses quatre témoins, s’éloigne en remettant sa veste, d’où je conclus trop justement, hélas ! que c’est lui qui est le vainqueur.

On me transporte à la maison dans un piteux état ; on m’applique sur les yeux des beefsteaks crus, on me frotte avec du vinaigre et de l’eau-de-vie : j’ai, sur la lèvre supérieure, une grosse tumeur qui se gonfle de plus en plus. Pendant trois ou quatre jours, je ne quitte pas mon fauteuil et je garde une visière verte. Je serais bien triste si Agnès ne se montrait pour moi une sœur tendre, me consolant, me faisant la lecture, m’allégeant les heures. Agnès est toujours dans ma confidence : je lui raconte tout ce qui s’est passé avec le boucher, je lui énumère tous ses outrages, et elle avoue que je ne pouvais guère me dispenser de me battre avec lui, quoiqu’elle frémisse en écoutant le récit du combat.

Le temps a bien des fois retourné son sablier, car Adams n’est plus le premier élève du pensionnat… Que dis-je, il n’est plus élève, et lorsqu’il vient rendre visite au Dr Strong, je suis presque le seul qui l’ait connu. Adams a fait ses études pour entrer au barreau, il est au moment d’être avocat ; sous peu de jours il portera la perruque et plaidera. Je suis surpris de le trouver moins grand qu’il me paraissait être à la tête de la classe, moins grand et moins imposant ; il n’a pas encore étonné le monde, il ne l’a pas ébranlé sur son axe ; bien des gens ne se doutent pas qu’il existe.

Une lacune dans mes souvenirs : — C’est moi qui suis le premier élève maintenant et qui daigne jeter un coup d’œil de condescendance sur les commençants dont l’âge me rappelle ce que je devais être à mes débuts. Grâce à eux, je me souviens qu’en effet il y eut autrefois un petit garçon de mon nom… Était-ce réellement moi ? Je l’ai laissé si loin sur le chemin de la vie ! Et la petite fille que je vis le premier jour de mon entrée chez M. Wickfield, où est-elle ? bien loin aussi. À sa place, dans la maison va et vient la parfaite ressemblance du portrait… Agnès n’est plus une petite fille… elle est toujours ma sœur chérie, comme je l’appelle dans mes rêveries solitaires, ma conseillère, mon amie, le bon ange de tous ceux qui vivent dans la sphère de sa calme et bienveillante influence, — ne s’occupant que d’eux, jamais d’elle.

Quels sont les autres changements extérieurs qui complètent ma métamorphose, outre ceux de ma taille et le développement de mon intelligence par l’étude ? Je porte une montre d’or, avec une chaîne du même métal ; une bague brille à mon doigt annulaire ; au lieu d’une veste j’ai un frac : je fais une consommation prodigieuse de pommade à la graisse d’ours. La pommade et la bague me dénoncent : suis-je encore amoureux ! Oui. J’adore Miss Larkins l’aînée.

Miss Larkins l’aînée est une grande et belle brune, aux yeux noirs ; Miss Larkins l’aînée a une sœur qui n’est plus elle-même une petite fille, et qui a trois ou quatre ans de moins qu’elle. Peut-être Miss Larkins l’aînée a-t-elle déjà la trentaine : ma passion pour elle n’a pas de bornes.

Miss Larkins l’aînée connaît des officiers ; c’est une terrible chose à imaginer : je les vois qui l’arrêtent et lui parlent dans la rue ; ils l’ont reconnue de loin à son chapeau, car elle a toujours des chapeaux d’un goût parfait. Miss Larkins l’aînée se laisse arrêter par Messieurs les militaires ; elle les écoute, elle sourit à leurs compliments. Je la guette moi-même au passage et consacre toutes mes heures de loisir à cette attente ; si je puis une fois par jour rencontrer Miss Larkins et la saluer, je suis heureux : il m’est permis de la saluer, étant reçu chez son père ; je mérite de temps en temps que mon salut me soit rendu. S’il y avait une justice dans ce monde, qu’un philosophe a appelé le monde des compensations, je devrais être dédommagé des angoisses que j’endure le soir d’un bal public où je sais que Miss Larkins dansera avec les officiers.

Ma passion m’ôte l’appétit : ma passion me force de porter tous les jours ma cravate neuve et mon frac le plus habillé ; elle me fait continuellement cirer mes bottes. Je me figure ainsi être plus digne de Miss Larkins l’aînée ; tout ce qui lui appartient, tout ce qui la touche m’est précieux. M. Larkins est pour moi le plus intéressant des pères (M. Larkins est un gros monsieur bien empesé, avec un double menton et un de ses yeux menacé de la cataracte). Si je ne puis rencontrer sa fille, je vais là où j’espère le rencontrer, lui. Il m’intimide tellement, que je ne puis sans rougir lui demander : « Comment vous portez-vous, M. Larkins ? comment se portent Mesdemoiselles Larkins et toute la famille ? » Je suis très préoccupé de mon âge et je raisonne ainsi sur mes dix-sept ans : je n’ai que dix-sept ans, sans doute, et c’est être bien jeune pour Miss Larkins l’aînée ; mais qu’est-ce que cela fait ! n’aurai-je pas bientôt vingt et un ans ? Régulièrement, je me promène tous les soirs devant la maison de M. Larkins, quoique cela me fende le cœur de voir les officiers y entrer ou de les entendre là haut dans le salon, pendant que Miss Larkins pince de la harpe. Quelquefois minuit me trouve encore arpentant la rue et levant la tête vers les fenêtres. Je me demande quelle est celle de la chambre de Miss Larkins (c’est peut-être, hélas ! à celle du père que montent mes soupirs pour la fille). Je fais des vœux pour qu’un incendie éclate : la foule accourrait, mais s’arrêterait effrayée devant le danger. Ce serait moi, moi seul, qui planterais l’échelle contre la fenêtre de Miss Larkins, qui me précipiterais dans sa chambre, qui la sauverais dans mes bras, qui retournerais pour chercher quelque chose qu’elle aurait oublié, et qui périrais dans les flammes ; car je suis généralement un amoureux désintéressé, et je pense qu’il me suffirait d’avoir brillé en héros aux yeux de Miss Larkins avant d’expirer à ses pieds… Généralement, ai-je dit : Oui, mais pas toujours. Quelquefois de plus séduisantes visions m’éblouissent. Quand je fais ma toilette (qui m’occupe deux heures) pour un grand bal que donne M. Larkins et que j’attends depuis trois semaines, je me livre à d’agréables espérances. Je me figure ayant le courage de faire une déclaration à Miss Larkins ; je me figure Miss Larkins laissant pencher sa tête sur mon épaule, en me disant : « Ô M. Copperfield, puis-je en croire mon oreille ? » Je me figure M. Larkins qui vient me trouver le lendemain matin et me dit : « Mon cher Copperfield, ma fille m’a tout avoué ; votre âge n’est pas une objection : voici vingt mille livres sterling pour sa dot ; soyez heureux. » Je me figure ma tante réconciliée à ce mariage et nous bénissant ; je me figure M. Dick et le Dr Strong assistant à la cérémonie. J’étais cependant, je le crois, un garçon de sens et modeste… Eh bien ! ces visions me berçaient tout éveillé.

Mais le soir du bal est arrivé : je me rends à la maison enchantée, où, au milieu des lumières, de la musique, des fleurs et des causeries animées, brille dans tout son éclat Miss Larkins l’aînée… hélas ! les militaires ont aussi reçu des lettres d’invitation et ils sont là. Miss Larkins a une robe bleue avec des fleurs bleues dans les cheveux, — des myosotis ou ne m’oubliez pas… A-t-elle donc peur qu’on l’oublie ? C’est la première fois que je vais dans un bal paré, et je ne sais pas comment déguiser mon embarras, car il me semble que personne ne me connaît et que personne n’a rien à me dire, excepté M. Larkins qui me demande des nouvelles de mes camarades de classe… question insultante qui me dénonce comme n’étant encore qu’un écolier. Après être resté long-temps immobile et sur la porte, admirant la dame de mes pensées… elle-même s’approche de moi, elle-même, Miss Larkins l’aînée… « Dansez-vous ? » me dit-elle d’un air gracieux.

Je salue et réponds en balbutiant : « Avec vous, Miss Larkins.

» — Avec personne autre ? » dit-elle encore, et je réponds :

« — Je n’aurais aucun plaisir à danser avec une autre. »

Miss Larkins rit et rougit (c’est-à-dire je me figure qu’elle rougit), et elle me dit : « Après cette contredanse je serai charmée de danser avec vous. »

Après la contredanse je me présente : « Mais c’est une valse, » remarque Miss Larkins d’un air de doute. — Valsez-vous ?… si vous ne valsez pas, le capitaine Barley… »

Mais je valse (assez bien même, par bonheur), et je m’empare de Miss Larkins malgré le capitaine Barley, qui était là, à côté d’elle, prêt à me remplacer. Le capitaine est vexé, certainement, et très malheureux : mais qu’est-ce que cela me fait ? J’ai été malheureux, moi aussi. Je valse avec Miss Larkins l’aînée, je ne sais plus où nous sommes ; tout ce que je sais, c’est que je tourbillonne dans l’espace avec un ange bleu, dans une ravissante extase ! Après la valse, j’ai suivi Miss Larkins dans un petit boudoir où je m’assieds tête à tête avec elle sur un sopha. Elle admire une fleur que je porte à ma boutonnière (un camelia japonica qui m’a coûté une demi-couronne) ; je la lui donne en disant :

« — Je réclame en échange quelque chose d’un prix inestimable, Miss Larkins.

» — En vérité ? et quoi donc ? » réplique Miss Larkins.

« — Une de vos fleurs, que je garderai comme un avare son trésor.

» — Vous êtes hardi ! » dit Miss Larkins, « la voilà. »

Elle me donne cette fleur sans avoir l’air fâché : je la porte à mes lèvres et puis la serre dans mon sein. Miss Larkins sourit, passe une main dans mon bras et me dit : « Maintenant, ramenez-moi près du capitaine Barley. »

Je suis encore plongé dans l’extase la plus délicieuse en me rappelant la valse, lorsque Miss Larkins revient vers moi au bras d’un Monsieur d’une quarantaine d’années qui a joué au whist toute la nuit, et elle lui dit :

« — Ah ! voici mon hardi valseur… M. Copperfield, M. Chestle désire vous connaître. »

Je devine que M. Chestle est un ami de la famille et je suis très content qu’on s’occupe ainsi de moi

« — J’admire votre goût, Monsieur, « dit M. Chestle ; « il vous fait honneur. Je suppose que vous ne prenez pas grand intérêt aux houblons ; mais j’en possède quelques champs assez beaux dans le voisinage d’Ashford… Si vous passez jamais dans ces parages, nous serons très heureux de vous recevoir. »

Je remercie cordialement M. Chestle et j’échange avec lui une poignée de main. Je crois vraiment faire un heureux rêve : je valse encore une fois avec Miss Larkins l’aînée : elle dit que je valse si bien ! Quand je suis rentré à la maison et couché, je valse en imagination tout le reste de la nuit avec mon bras autour de la taille de ma chère divinité. Pendant les jours qui suivent, je me perds dans les plus ravissantes rêveries. Mais je ne rencontre plus Miss Larkins dans la rue, et quand je vais chez M. Larkins faire une visite, elle est absente. Je ne suis qu’à demi consolé par le trophée que je porte sur mon cœur depuis la nuit du bal, la fleur fanée.

« — Trotwood, » me dit un soir Agnès, après dîner, « devinez qui doit se marier demain ? quelqu’un que vous admirez.

» — Ce n’est pas vous, Agnès, je suppose.

» — Moi, » répliqua-t-elle en relevant la tête et souriant ; « l’entendez-vous, mon père ? Non, c’est Miss Larkins l’aînée. »

Je n’ai que la force de demander : « Et qui… qui épouse-t-elle ? le capitaine Barley ?

» — Non, non ! ce n’est pas un capitaine : c’est M. Chestle, le riche cultivateur de houblons. »

J’éprouve un terrible abattement pendant une semaine ou deux. Je dépouille mon doigt de ma bague, je porte mes plus vieux habits, je ne mets plus de pommade à la graisse d’ours et je regarde quelquefois d’un air lamentable la fleur fanée de Miss Larkins. Puis, fatigué de cette vie stupide et ayant reçu une nouvelle provocation du boucher, je jette la fleur elle-même, je vais me battre avec le boucher, et cette fois je suis son glorieux vainqueur.

Mais j’aurai bientôt dix-sept ans : entr’autres preuves, j’ai repris ma bague et je mets encore de la pommade à la graisse d’ours.

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