De l’enseignement agricole en France, d’après un article de M. J. de Parieu

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De l’enseignement agricole en France, d’après un article de M. J. de Parieu
Revue pédagogique, second semestre 1884 (p. 71-73).

De l’enseignement agricole en France, par M. J. de Parieu (Le Correspondant, n° du 23 juin). — Dans ce même numéro du Correspondant qui contient l’article de M. de Gontaut-Biron, nous trouvons une étude fort intéressante de M. J. de Parieu sur l’enseignement agricole en France. M. de Parieu fait deux parts de cette étude, l’une qui concerne l’enseignement général de l’agriculture dans les établissements ressortissant au ministère de l’instruction publique, l’autre qui concerne l’enseignement agricole technique dans des écoles spéciales. C’est à la première partie que nous nous attacherons particulièrement. M. de Parieu y fait l’historique de l’enseignement général de l’agriculture, et il en trouve les premières traces en 1793. Il mentionne les décrets du 29 frimaire an II, du 20 vendémiaire et du 27 brumaire an II, où « l’on entrevoit le désir encore vague et mal précisé du législateur de faire dans l’enseignement des jeunes enfants une part pour des notions théoriques et pratiques d’agriculture. » La question subit ensuite un très long temps d’arrêt. La loi de 1833 oublie l’enseignement agricole. Diverses dispositions de 1838 et de 1839 ont pour objet l’introduction de cet enseignement dans les écoles normales. Le projet de loi du 30 juin 1848 plaçait l’agriculture parmi les matières obligatoires de l’enseignement primaire ; mais il ne fut pas discuté. La loi de 1850 se borne à comprendre au nombre des matières facultatives « des instructions élémentaires sur l’agriculture ». M. de Parieu cite ensuite, outre la loi sur l’enseignement secondaire spécial, qui contient tout un programme agricole, différentes dispositions administratives tendant a régulariser l’enseignement de l’agriculture dans les écoles normales ; puis il arrive à la grande enquête de 1867.

Lors de cette enquête, dit M. de Parieu, « un vœu unanime fut émis pour que l’agriculture fit partie du programme obligatoire de l’enseignement dans les écoles primaires. Les observations portèrent surtout sur l’instruction agricole à donner aux instituteurs dans Îles écoles normales, sur celle à donner aux enfants dans les écoles communales et aux adultes dans les cours spéciaux appropriés aux besoins et aux travaux de l’agriculture.

« Une commission spéciale, chargée d’étudier cette question, résuma ses travaux en huit vœux :

» 1° Modifier le règlement des écoles, de telle sorte que l’on puisse, par la fixation des heures de classe et de l’époque des vacances, concilier les exercices classiques avec les travaux des champs. — C’est le but qu’un arrêté du 29 décembre 4887 a cherché à atteindre.

» 2° Fixer un programme général d’enseignement agricole, approprié dans chaque département aux conditions de la culture locale. — Un arrêté du 3 décembre de la même année a posé les bases de ce programme.

» 3° Compléter l’organisation de cours spéciaux d’agriculture et d’horticulture dans les écoles normales.

» 4° Créer des professeurs départementaux d’agriculture (M. de Parieu s’étend avec détail sur cette institution dans la seconde partie de son travail, en analysant les dispositions de la loi du 45 juin 1879).

» 5° Faciliter l’institution de promenades agricoles et l’annexion de jardins aux écoles normales et communales, afin de fortifier ainsi la théorie par la pratique.

» 6° Recommander aux instituteurs de donner autant que possible une direction agricole à leur enseignement quotidien et aux cours suivis par les adultes.

» 7° Prier les préfets de tenir compte, dans la nomination des instituteurs, des connaissances spéciales d’agriculture que certains d’entre eux possèdent.

» 8° Encourager des concours annuels, sur ce point particulier de l’enseignement, entre les élèves des différentes communes, et récompenser les instituteurs proportionnellement au nombre de leurs élèves ayant pris part à ces concours et aux succès obtenus par eux.

» L’introduction d’un certain élément agricole dans les délégations cantonales était aussi vivement désirée. »

Les vœux émis en 1867, dit M. de Parieu, ont été plusieurs fois renouvelés. D’autre part, le décret du 31 décembre 1872 a compris l’agriculture dans le programme des connaissances exigées des jeunes gens qui désirent contracter un engagement conditionnel d’un an. Enfin est venue la loi du 15 juin 1879.

Cette loi, « après avoir organisé l’enseignement départemental de l’agriculture, a tiré elle-même les conséquences de cette première mesure, en sanctionnant pour l’avenir une réforme depuis longtemps demandée. En vertu de son article 10, les notions élémentaires d’agriculture, qui jusque-là appartenaient à la sphère facultative de l’enseignement primaire, doivent, trois ans après l’application de ses dispositions à tous les départements, être comprises dans les matières obligatoires de cet enseignement. Ce délai (au point de départ duquel nous touchons, puisque prochainement tous les départements vont être dotés de chaires d’agriculture) a pour but de permettre que les connaissances agricoles se répandent dans la masse des instituteurs, avant que ces derniers soient appelés à en enseigner eux-mêmes les éléments à leurs élèves. À ce prix seulement, cet enseignement, rendu obligatoire, pourra se produire utilement et avec maturité, et rencontrer dans les campagnes le crédit dont il est essentiel qu’il soit entouré. Les Conseils départementaux peuvent même avant ce délai décider l’obligation de cet enseignement dans toutes les écoles primaires d’un département, si depuis plus de trois ans l’enseignement agricole est organisé dans l’école normale. »

Nous approchons donc du terme, dit M. de Parieu en terminant cette première partie de son article ; et il entrevoit ce terme d’autant plus volontiers qu’il espère « que le développement, par l’obligation, de l’enseignement agricole dans les écoles rurales exercera une heureuse influence sur l’avenir si compromis de l’agriculture, et sera un moyen puissant d’entraver cette désertion des campagnes, cet abandon de la profession de cultivateur, cette émigration constante vers les grands centres, qui sont peut-être la cause principale du renchérissement de la main-d’œuvre, » et entrent pour une grande part dans les souffrances actuelles des populations agricoles.