De l’usage des principes téléologiques en philosophie

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Traduction par Joseph Tissot.
Librairie philosophique de Ladrange Voir et modifier les données sur Wikidata (p. np-419).




IX


DE L'USAGE


DES


PRINCIPES TÉLÉOLOGIQUES


EN PHILOSOPHIE


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1788.


Si par nature on entend l'ensemble de tout ce qui est soumis à des lois, et que l'on envisage le monde (comme nature proprement dite) dans ses rapports avec une cause suprême, l'étude de la nature (qu'on appelle physique au premier de ces points de vue, et métaphysique au second) peut prendre deux directions : elle peut être ou théorique on téléologique. Mais, à ce dernier point de vue, la physique ne tient compte que des fins qui nous sont révélées par l'expérience ; la métaphysique, au contraire, comme il est dans sa destinée de le faire, ne peut s'occuper que d'une seule fin, celle qui est établie par la raison pure. J'ai fait voir ailleurs que la raison, dans la métaphysique de la physique spéculative (par rapport à la connaissance de Dieu), ne peut atteindre complètement son but, et qu'il lui reste encore la méthode téléologique à suivre, de telle sorte cependant qu'une fin déterminément donnée a priori (dans l'idée du souverain bien) par une raison pratique pure, et non point les fins naturelles qui ne portent que sur des preuves expérimentales, doit suppléer au défaut d'une théorie insuffisante. J'ai cherché, dans un petit essai sur le* races humaines, à démontrer le droit de partir aussi d'un principe téléologique. Mais ce sont là deux casf d'une exigence à laquelle la raison ne se soumet pas volontiers, et qui peut prêter à plus d'un male»-tendu.

Dans toute étude de la nature, la raison aspire jus­tement avant tout à la théorie, et plus tard seulement à la détermination finale. Ge qui manque à la théorie ne peut encore être réparé par aucune finalité pra­tique. Nous restons toujours dans l'incertitude par rapport aux causes efficientes, si évideute que nous puissions rendre la <x>nvenance de notre supposition des causes finales, de la part de la nature ou de te volonté humaine. Mais ce défaut n'est jamais plue réel que (comme dans ce cas métaphysique) quand des lois pratiques doivent nécessairement précéder pour donner tout d'abord la un, en faveur de laquelle je pense à déterminer la notion d'une cause, notion qui parait ainsi n'atteindre en rien la nature de l'objet, et n'avoir d'autre fin que nos vues et nos besoins.

Il est toujours difficile d'être ferme sur des princi­pes dans les cas où la raison a deux sortes d'intérêts opposées l'une à l'autre. Mais il n'est si difficile de s'entendre aussi sur des principes de cette nature, que parce qu'ils tiennent à la méthode de penser avant la détermination de l'objet, et que des prétentions respec­tivement opposées de la raison rendent douteux le point de vue de l'esprit d'où Ton doit considérer son objet. Dans la Bévue mensuelle de Berlin, deux premiers essais sur deux sortes d'objets fort différents, et d'un intérêt très-inégal, ont été soumis à un examen approfondi. Dans l'un, je n'ai pas été compris, quoique je m'attendisse à l'être ; dans l'autre, ma pen­sée a été saisie au delà de mon attente. Ces deux articles sont d'hommes d'un talent supérieur, pleins d'une force juvénile, et déjà en possession de la renommée. Dans l'un je suis censé avoir voulu résou­dre une question de physique par des dogmes reli­gieux ; dans l'autre, je suis déclaré non suspect d'avoir voulu porter la moindre atteinte à la religion par la preuve de l'insuffisance d'une physique méta­physique. Dan» tous les deux, la difficulté d'être com­pris tieut au droit encore obscur de recourir au prin­cipe téiéologique partout où des sources de connais­sances théoriques font défaut, mais avec une telle réserve que le droit de priorité soit assuré à la recherche théorico-spéculative, afin de s'assurer avant tout de la plénitude de ses forces en pareille matière (en quoi l'on exige à bon droit de la raison pure dans les questions métaphysiques, qu'elle prouve d'abord ce poiut, et en général sa prétention de prononcer sur quoi que ce soit, mais qu'elle y mette en pleine évidence les moyens propres à motiver une telle con­fiance), et que cette liberté lui reste toujours entière dans la suite. Une grande partie du différend tient ici à la crainte où l'on est que le libre usage de la raison en reçoive une atteinte ; en dissipant cette appréhen­sion, j'aurai fait évanouir les obstacles qui s'opposent à une manière de voir uniforme.

M. le conseiller intime, Georges Forster, dans le Mercure allemand d'octobre et de novembre 4786, élève contre une explication de mon opinion depuis longtemps publiée dans la Revue mensuelle de Berlin de novembre 1785, des objections qui, à mon sens, n'ont leur raison que dans la manière vicieuse d'en­tendre le principe d'où je pars. L'illustre critique trouve tout d'abord périlleux de débuter par rétablis­sement d'un principe d'après lequel le naturaliste devrait se régler jusque dans la recherche et l'obser­vation, un principe tel même qu'il conduirait à une histoire naturelle qui différerait de la simple descrip-tion de la nature : distinction qui n'est pas plus admissible que le principe même. Mais on peut aisé­ment faire disparaître cette dissidence.

Pour ce qui est du premier scrupule, il n'est pas possible de douter qu'on puisse jamais rien trouver de régulier par un tâtonnement tout empirique, c'est-à-dire sans un principe qui dirige dans l'investigation ; car observer n'est pas autre chose que constituer méthodiquement l'expérience. Je fais peu de cas du voyageur purement empirique et de son récit, lors surtout qu'il s'agit d'une connaissance synthétique d'où la raison doit tirer quelque chose pour une théorie. Il répond d'ordinaire quand on le lui de* mande : « J'aurais bien pu remarquer cela si j'avais su qu'on me le demanderait. » M. Forster lui-même suit le principe de Linné, de la constance du carac­tère des organes reproducteurs dans les plantes, principe sans lequel la description systématique du règne végétal n'aurait pas atteint la remarquable per­fection et le développement connus. Il n'est malheu­reusement que trop vrai que des savants ont la té­mérité de faire passer leurs idées dans l'observation même (et, comme le sait fort bien le grand natura­liste, de regarder la ressemblance de ces caractères, à la suite de certains exemples, comme un indice de la similitude des propriétés-des plantes), de même que la leçon faite aux raisonneurs intempérants (ce qui, nous aimons à le penser, ne nous regarde pas) est très-fondée ; mais cet abus ne peut cependant pas prévaloir contre la justesse de la règle.

Quant à ce qui concerne la différence douteuse, absolument inadmise même, entre la description de la nature et l'histoire naturelle, elle serait, si l'on voulait entendre par histoire naturelle un récit des événements naturels, récit auquel nulle raison humaine ne suffit, par exemple, la première formation des plantée, «t des animaux, -elle1 serait sans ddtitë,' comme ledit M. Forster, une science à faire (hr'flfefi Dieux qui auraient été contemporaine du fMti!Ori même les auteurs, et non une sdencè à attendra (fës hommes. Mais si G histoire naturelle consiste à dériver des forces de la nature, telles qu'elles s'offrent à nod maintenant, renchatnement de certaines propriétés actuelles de la nature des choses avec leurs causes" dans un temps antérieur, et cela aussi- loin seulement que l'analogie permet de remonter, une pareille his­toire naturelle est non-seulement possible, mais elle à été assez fréquemment essayée par des naturalistes' profonds, quels qu'aient été leurs succès, par exëràplè dans les théories de la terre (où celte de l'illustre Linnée trouve aussi sa place). La conjecture de M. Forster lui-même, sur la première origine du nègre, n'appartient certainement pas non plus à la description de la nature, mais seulement à l'histoire naturelle. Cette différence tient à la nature des choses, et je ne demande par là rien de nouveau ; je veux seulement qu'on sépare avec soin une chose d'une autre chose, parce qu'elles sont entièrement hétéro­gènes, et que si Tune (la description de la nature) fait l'effet d'une science dans tout le luxe d'un grand sys­tème, l'autre (l'histoire naturelle) ne peut montrer que des fragments ou des hypothèses incertaines. Grâce à cette distinction et à l'exposition de l'histoire naturelle, comme science propre, quoique mainte­nant (pegt-être aussi à jamais) plus exécutable pour l'apparence que pour la réalité (dans laquelle pour­rait bien se trouver indiqué pour réponse à la plupart des questions un vacat), j'espère faire en sorte que par une prétendue connaissance on n'attribue pas à l'une ce qui n'appartient qu'à l'autre, et qu'on ap­prenne à distinguer plus nettement la circonscription des connaissances réelles en histoire naturelle (car on en possède quelques-unes), en même temps que les limites qui lui sont assignées par la raison, et les principes qui pourraient servir à la faire cultiver avec le plus de succès. On doit me pardonner cet em­barras, puisque j'ai constaté et fait ressortir dans d'au­tres cas, quoique pas précisément au gré de chacun, un grand nombre d'inconvénients résultant du peu de soin qu'on a pris de délimiter les sciences, et qu'en outre je suis très-persuadé que la simple séparation de l'hétérogène qu'on avait auparavant pris pêle-mêle, doit souvent apporter aux sciences une lumière toute nouvelle, en même temps sans doute qu'elle décèlera bien des pauvretés qui pouvaient auparavant se dé­guiser sous des connaissances étrangères. Mais aussi elle mettra en évidence un çrand nombre de véritables sources de la connaissance dont on n'au­rait pas soupçonné la place. La plus grande difficulté dans cette innovation prétendue, «test* Jade* nomination. Le eiot ??ioire sigoifi a*t la mtaeotott que le moi grec wtopis (récit, description), «*t 4np usité et depuis trop longtempe, pourq^otf dçto facilement se permettre d'y donner, une autre «IgM- ûcatiou qui indiquerait l'investigation naturelle dé l'origine. Ajoutons qu'il ne serait pas toile de troetti une autre expression technique,qui .convint parfaitement[1]. Cependant la difficulté4e ladistiaetioft dans les termes ne peut faire disparaître la dift* rence dans les choses, €e malentendu, résultai dé |a manière inévitablement différente d'entendre *dée GKipreiMOïiAclassiques, se retrouve aussi danslftmotiou de race, et s'étend à la chose même. On retrouve tet un exemple de ce que dit Sterne à G occasion 4'uae dis* cuseion physiognomique qui, suivant le récit plaisant qu'il en fait, aurait, mis en rumeur toute l'Université de Strasbourg : les logiciens auraient vidé le différend, si seulement ils ne s'étaient pas heurtés à une dé* finition. Qu'est-ce qu'une race? Le mot ne se trouve pas, certes, dans un système descriptif de la nature, parce que la chose même n'est vraisemblablement nulle part non plus dans la nature. Mais la notion que cette expression désigne est cependant fondée dans la raison de tout observateur de la nature, qui conçoit à une proprîélé héréditaire de différents animaux qui se re­produisent par le croisement, propriété qui ne fait point partie de la notion de leur genre, une commu­nauté de la cause, et même d'une cause qui se trouve originellement dans la souche du genre lui-même. Que ce mot ne se rencontre que dans la description de la nature (mais qu'on y trouve au lieu de celui-là le mot variété), je n'en conclurai pas qu'on n'ait pas le droit de le trouver nécessaire au point de vue de l'his­toire naturelle. Seulement, il convient d'en détermi­ner nettement l'usage, et c'est ce que j'entreprends ici.

Le nom d'une race comme propriété radicale, qui désigneunesouchecommune, et permet en même temps plusieurs caractères qui passent d'une génération à l'autre, non-seulement dans le même genre animal, mais aussi dans la même souche^'est pas d'une inven­tion maladroite. Je le traduirais par différence [Abar-tungy progenies classifica) pour distinguer une race de la dégénération {Ausartung, degeneraiio, s. pro~ génies specifica)[2], que l'on ne peut accorder, parce qu'elle est opposée à la nature (dont la conservation de ses espèces est invariable dans la forme). Le mot. progenies fait voir qu'il n'y a pas autant de caractères originels distribués en autant de souches qu'il y a d'espèces du même genre, mais que ces caractères ne se développent qu'avec les productions successives, que ce ne sont par conséquent pas des espèces di­verses, ma\&&Qsressemblances, tellement déterminées etconstantes cependant, qu'elles permettent une dis­tinction caractéristique.

D'après ces idées préliminaires, le genre humain (entendu suivant son caractère universel dans la des­cription de la nature) pourrait être divisé, dans un système d'histoire naturelle, en souche (ou souches), en race ou genre {progenies elassifica), et en va* riété humaine (varietas nativd). Cette dernière ne contiendrait pas des caractères transmissibles héré­ditairement, et qui pussent par conséquent servir de base à une division par classes. Mais tout ceci n'est encore qu'une simple idée clc la manière dont la plus grande diversité dans la reproduction peut se concilier avec la plus grande unité de la dérivation rationnelle. Les observations qui servent à faire connaître l'unité de la dérivation doivent servir à décider s'il y a réel- clément une telle parenté dans le genre humain. Ce , ffiu'il y a de clair ici, c'est qu'on doit être conduit par ^iun principe déterminé à Xobservation pure et simple, c'est-à-dire à donner son attention à ce qui peut in-^ diquer la dérivation, et non simplement la ressem-r blance caractéristique. Alors, en effet, il s'agit d'un problème d'histoire naturelle, et non d'une descrip­tion naturelle et d'uue simple nomenclature métho­dique. Si Ton n'a pas dirigé ses recherches suivant ce principe, il faut chercher de nouveau; car ce qu'il convient de faire pour décider s'il y a entre les créa­tures une semblable parenté réelle, ou si celte parenté n'est que nominale, ne se présentera pas de soi-même à l'investigateur.

Il ne peut y avoir aucun critérium certain de la différence d'une souche primitive que l'impossibilité d'avoir une descendance féconde par le mélange de deux races humaines héréditairement différentes. Mais si la chose a lieu, la différence de la forme est encore si grande, que rien n'empêche d'y trouver, au moins possible, une dérivation commune ; car pou­vant, malgré cette différence, s'unir pour donner naissance à un produit qui porte les deux caractères, elles ont pu sortir d'une souche unique, qui renfer­mait le développement virtuel d'autant de races pos­sibles qui devaient se distinguer par la génération; et la raison ne partira pas de deux principes quand un seul peut suffire. Mais le critère· certain des qua­lités héréditaires comme signe d'autant de races, a <l$è été indiqué. ? reste encore à remarquer quelque chose des variétés héréditaires qui fournissent une occasion de dénommer telle variété humaine ou telle autre (de famille ou de peuple).

Une variété est la propriété héréditaire qui ne sert pas à classer, parce qu'elle ne se produit pas iné­vitablement; car il faut cette constance du caractère héréditaire pour justifier, même au point de vue de la description de la nature, la division par classes. Une forme qui, dans la reproduction^ n'offre qu'acci­dentellement le caractère des parents lès plus proches, et même le plus souvent que d'un côté (paternel ou maternel), n'est pas un signe où l'on puifese recon­naître la provenance des deux parents, par exemple, la différence des blonds et des bruns. La race ou la variété est donc une propriété qui passe inévitable-ment d'une génération à une autre, qui peut sans doute servir à une division par classes, mais qui n'est cependant pas spécifique, parce que la ressemblance inévitablement moyenne (par conséquent la fusion des caractères de la distinction) permet au moins la possibilité de regarder les différences héréditaires comme ayant aussi leur origine dans la souche, où elles se trouvaient réunies comme en germe, et qui ne se sont séparées et développées que peu à peu à la faveur des générations successives. Il est impossible, en effet, de faire du sexe animal une espèce parti­culière, s’il n’est point à un autre pour former un seul et même système naturel de génération. En histoire naturelle, genre et espèce seraient donc une même chose, et signifieraient la propriété héréditaire séparée d’une souche commune. Mais la qualité qui peut sub­sister, cette souche est héréditaire nécessairement ou non. Dans le premier cas, il y a caractère de race, dans le second caractère de variété.

Quant à ce qui peut être appelé variété dans le genre humain, je remarque qu’il faut considérer aussi la nature, non comme agissant ici avec pleine liberté, mais que, tout comme dans la formation des caractères de races, elle est pour ainsi dire prédestinée par une disposition native à les développer seulement. On y trouve en effet une finalité d’une mesure en parfait accord avec elle, qui ne peut être l’œuvre du hasard. Ce que lord Shaftesbury avait déjà remarqué, à savoir qu’on trouve dans toute figure humaine une certaine originalité (comme un dessin réel), qui assigne pour ainsi dire à l’individu des fins particulières, pro­pres, quoique nous ne puissions pas déchiffrer ces lignes, tout peintre de portraits qui réfléchit à son art peut le confirmer. On aperçoit la vérité d’une figure peinte sur le vif et bien rendue, c’est-à-dire que ce n’est pas une œuvre d’imagination. Mais en quoi consiste cette vérité? Incontestablement dans une proportion déterminée de Tune des nombreuses parties du visage avec toutes les antres, pour exprimer un ca­ractère individuel, qni renferme une fin obscurément représentée. Aucune partie de la figure, nous semblât-elle disproportionnée, ne peut être changée dans la peinture en conservant tout le reste, sans que le con­naisseur, encore bien qu'il n'eût pas ?? l'original,1 par la comparaison avec le portrait fait d'après nature, ne remarque aussitôt laquelle des deux images repré­sente la nature, laquelle est une fiction. La variété entre hommes de la même race est très-vraisembla­blement contenue aussi régulièrement dans la souche primitive pour établir et développer en conséquence une trés-graude diversité «n vue de fins infiniment différentes, de même que la différence de races a pour but l'appropriation à des fins moins nombreuses mais essentielles. Il y a cependant cette différence, que les dernières dispositions, une fois développées (ce qui doit avoir eu lieu déjà dans les temps les plus reculés), ne peuvent donner naissance à aucunes formes nou­velles de cette espèce, ni laisser périr les anciennes, quand au contraire les premières, à noire connaissance du moins, semblent témoigner d'une nature inépui­sable en nouveaux caractères (externes ou internes).

La nature semble craindre tes fusions de variétés, parce qu'elles sont contraires à la fin, la diversité des caractères. Quant à la différence des races au contraire, elle en souffre du moins la fusion si elle ne la favorise pas ; c’est pour elle un moyen d’approprier la créature à des climats différents, quoiqu’il n’y en ait pas qui lui convienne autant que celui où elle a d’abord pris naissance. Car, pour ce qui est de l’opinion commune suivant laquelle des enfants (de notre race blanche) doivent hériter de leurs parents pour moitié des signes caractéristiques qui appartiennent à la variété (tels que la stature, les traits du visage, la couleur de la peau), et même de plusieurs vices (internes ou externes), et, comme on dit, tenir telle chose du père, telle autre de la mère, l’étude attentive que j’ai faite des familles diverses, ne me permet pas de la partager. Ils reproduisent sans mélange, quoique pas d’après le père ou la mère, la famille de l’un ou de l’autre ; et quoique l’éloignement pour les alliances entre proches parents se fonde sur des raisons morales particulièrement, et que la stérilité n’en soit pas suffisamment établie, par le fait qu’on le trouve répandu jusque chez les peuples barbares, on doit présumer qu’il a sa raison profonde dans la nature même, qui ne veut pas que les anciennes formes se reproduisent toujours, mais qui entend au contraire que la plus grande diversité, qu’elle a déposée dans les germes primitifs de la race humaine, soit réalisée. Un certain degré d’uniformité, qui s’offre dans les traits d’une famille et même d'un peuple, ne peut pas non plus être attribuée à la transmission pour moitié de leurs carac­tères (transmission partagée qui, selon moi, n'a pas lieu pour les variétés). En effet, la prépondérance de G un ou de l'autre des conjointe, lors parfois que presque tous les enfants ressemblent à la souche paternelle ou maternelle, peut, malgré la grande différence primor­diale des caractères, et par suite d'une action et d'une réaction qui fait que les ressemblances d'un côté deviennent de plus en plus rares, atténuer la diversité, et produire une certaine uniformité (qui n'est sensible qu'à des regards étrangers). Au surplus, j'abandonne cet avis au jugement du lecteur. Ce qui est plus impor­tant, c'est que chez d'autres animaux, presque tout ce qu'on pourrait appeler chez eux variété (la taille, les qualités de la peau, elc.) est transmis de moitié par les parents. C'est là un faîl qui, lorsqu'on vient à considérer l'homme, comme on peut le faire, par ana­logie avec les animaux (en ce qui regarde la reproduc­tion), semble renfermer une objection contre la distinc­tion que j'ai faite entre les races et les variétés. Pour pouvoir en juger, il faut se placer au point de vue plus élevé de l'explication de celte loi de la nature, suivant lequel les animaux irraisonnables, dont l'existence ne peut avoir de prix qu'à titre de moyen, doivent être diversement appropriés à différents usages, et cela dès le principe (comme les différentes races de chiens, qui, suivant Buffon, proviendraient d'une souche commune, celle du chien de berger). Au contraire, une plus grande uniformité de fin dans la race humaine ne demandait pas une si grande différence de formes naturelles de naissance ; celles de ces formes néces­sairement natives ne pouvaient donc tenir à un petit nombre de climats des plus divers que pour la con­servation de l'espèce. Cependant, comme j'ai voulu simplement motiver la notion des races, je ne crois pas nécessaire de faire la même chose pour le prin­cipe d'explication des variétés.

Après avoir dissipé cette équivoque, qui cette fois, comme la plupart du temps, est bien plus une cause de malentendu qu'une dissidence de principes, j'espère trouver moins d'opposition à mon mode d'explication. M. Forster est d'accord avec moi sur ce point, qu'il estime une qualité héréditaire parmi les différentes formes humaines, celle qui distingue les nègres du reste des hommes, assez grande pour qu'on ne doive pas la regarder comme un simple jeu de la nature, comme un effet d'influences contingentes; elle suppose au contraireune disposition originellement incorporée à la souche, et une loi spécifique de la nature. Cet accord entre nos idées est un fait important, et rend déjà possible un rapprochement, même par rapport aux principes d'explication des deux parts, au lieu que la commune et superficielle manière de voir suivant laquelle toutes les différences de notre ' espèce sont tracées de la même façon, c'est-à-diré également attribuées toutes au hasard,et rapportées/quant à leur origine, à îeur disparition, à des causes puretoent extérieures, tient pour superflues toutes les recherchés de cette nature et ne fait aucun cas de la constance même de l'espèce dans la forme régulière que cette espèce affecte. Restent deux différences entre'nos idées, mais qui ne sont pas si grandes qu'elles doivent nécessairement empêcher de noue entendre: la pre­mière c'est que ces propriétés héréditaires, celles qui distinguent les noirs de tous les autres hommes, sont les seules qui doivent être regardées comme données d'origine, lorsqu'au contraire je crois être autorisée faire entrer plusieurs autres propriétés (celles qui ca­ractérisent leslndienset les Américains, attribuées aux blancs) dans une complète division par classes. La seconde dissidence, mais qui touche moins l'obser­vation (la description de la nature) que la théorie à choisir (l'histoire naturelle), c'est que M. Forster croit qu'il est nécessaire d'admettre deux souches pri­mitives pour expliquer ces caractères lorsque, suivant moi (tout en regardant avec M. Forster ces caractères comme originels), il est possible et plus conforme aune véritable explication philosophique, de les regarder comme un développement de dispositions premières régulièrement déposées dans une souche. Ce qui n'est pas non plus une différence tel le que la raison ne puisse également tombe r d'accord sur ce peint, si l'on faitatten-tion que la première origine des êtres organisés reste pour tous deux impénétrable,et en général inaccessible à la raison humaine, tout aussi bien que la transmission partielle dans leur propagation. Comme le système de deux germes séparés tout d'abord et isolés en deux souches, mais par la suite mélangés et de nouveau réunis, ne donne pas à la raison plus de facilité d'in­telligence que le système de germes différents qui auraient été originairement implantés dans une seule et même souche, et qui se seraient développés dans la suite d'une manière régulière en donnant naissance à la première population générale, et comme la se­conde hypothèse a de plus l'avantage de ne pas rendre nécessaire plusieurs créations locales ; comme en outre il n'y a pas à s'occuper de l'économie des moyens d'explications téléologiques pour les remplacer par des moyens physiques, chez les êtres organisés, en ce qui regarde la conservation de l'espèce, et qu'ainsi le second système n'impose au naturaliste d'autre obli­gation que celle d'ailleurs indispensable de se confor­mer au principe de finalité) comme aussi M. Forster n'a été porté que par la découverte de son ami, le célèbre anatomiste philosophe Sœmmering, à trouver la différence entre le nègre et les autres hommes, trop considérable pour qu'elle put être facilement goûtée de ceux qui mêlent volontiers tous les caractères héré­ditaires, et qui pourraient les considérer comme de sim­ples nuances toutes fortuites, et que cet homme émi-nenl (qui se déclare pour la complète harmonie de la formation delà race nègre avec son sol natal[3], tandis que la construction osseuse de la tête n'offre pas une conformité plus visible avec le climat que l'organisa­tion de la peau, ce grand instrument de la dépuratios du sang), semble par conséquent comprendre cette loi au nombre de toutes les autres (dont la propriété de la peau est l'une des principales), et la propose aux ana-tomistes comme le caractère le plus frappant : j'espère que M. Forster, si on lui démontre qu'il y a encore, mais en petit nombre, d'autres propriétés constamment héréditaires, qui ne se résolvent point les unes dans les autres suivant les degrés du climat, mais restent réellement distinctes, quoiqu'elles n'aient pas un rang spécial en anatomie, ne sera pas éloigné d'y reconnaître un germe particulier, originel, normalement implanté à une souche. Quant à savoir si, par cette raison, il est nécessaire d'admettre plusieurs souches, ou s'il n'en faut reconnaître qu'une seule qui serait commune, j'espère que sur ce point encore nous serons à la fin facilement d'accord.

Les seules difficultés à lever, celles qui empêchent M. Forster de se rendre à mon opinion, regarderaient donc moins le principe que la difficulté de l'appliquer convenablement à tous les cas. Dans la première sec­tion de son traité, octobre 1786, p. 70, M. Forsler donne une échelle des couleurs de la peau, depuis les habitants du nord de l'Europe, en passant par les Espagnols, les Egyptiens, les Arabes, et les Abys­siniens, jusqu'à l'équateur, d'où, par une gradation renversée, et s'avançant dans la zone méridionale tempérée, il arrive au pays des Cafres et des Hotten-tots (d'après son opinion) avec une gradation du brun au noir tellement proportionnée au climat des pays, aussi bien en remontant qu'en descendant (en quoi il admet sans preuve que des Colonies sont parties de la Nigritie, qu'elles se sont dirigées vers la pointe de l'Afrique, qu'elles ont gagné insensiblement, et où elles sont devenues, par l'effet du climat, des Cafres et des Hottentots), qu'il s'étonne qu'on ne s'en soit pas aperçu plus tôt. Mais on doit bien plus s'étonner encore qu'il ait été possible de ne pas voir le critérium suffisamment déterminé, et qui, par des raisons décisives, pouvait être accepté pour reconnaître l'invariable propagation par moitié de la part des parents, quand tout ici vient cependant à l'appui du Tait, Car ni l'Européen le plus septentrional en se mêlant au sang espagnol, ni le Mauritanien ou l'Arabe (non plus sans doute que l'Abyssinien qui en approche}, qui prennent des femmes circassiennes, ne soat te moins du monde soumis à cette loi. Il n'y a pas de raison non plus, si l'on Tait abstraction de l'influence du soleil du pays sur chaque individu de ces derniers, pour juger leur couleur différente de la couleur brune parmi les blancs. Quant à ce qu'il y a de semblable aux uègres chez les Cafres, et à un degré moindre chez les Hottentots, dans la même partie du monde, deux variétés qui doivent, je pense, confirmer l'expérience de la procréation variée par moi lié, il est très-vrai-ductions bâtardes d'une population noire avec les Arabes qui ont fréquenté de tous temps ces parages. Pourquoi, en effet, ne trouve-t^on pas aussi cette pré­tendue échelle de couleurs sur les côtes occidentales de l'Afrique, où la nature ne fak au contraire qu'un saut de l'Arabe ou du Mauritanien basané an nègre le plus noir du Sénégal, sans passer parla teinte inter­médiaire des Gafres ? Par là tombe aussi la preuve expérimentale exposée à la page 74, preuve anticipée, qui devait établir la fausseté démon principe, à savoir que l'Abyssinien basané, uni à une Cafre, ne donne­rait pas un produit de couleur mixte, parce que les deux couleurs sont identiques, la couleur basanée. Si M. Forster admet en effet que la couleur basanée de l'Abyssinien est profondément innée, comme celle des Cafres, à tel point même qu'elle devrait donner une couleur moyenne, dans la procréation avec une blan­che, alors sans doute l'expérience réussirait au gré de M- Forster; mais elle ne prouverait rien contre moi, parce que la différence des races doit être jugée, non d'après ce qui leur est identique, mais d'après ce qu'il y a de différent entre elles. On pourrait dire seule­ment qu'il y a aussi des races fortement basanées qui se distinguent de la race noire ou de sa souche par d'autres caractères (par exemple, par la charpente osseuse); par rapport à celle-là seulement, la généra­tion donnerait un métis, et ma liste des couleurs s'en trouverait augmentée d'une seule. Mais si la couleur foncée que portent les Abyssiniens nés dans leur pays n'est pas héréditaire, si elle est à peu prèâ comme celle d'un Espagnol qui aurait habité ce pays dès son en­fance, alors sa couleur naturelle donnerait sans doute à un produit une teinte moyenne avec celle des Ca­fres. Mais comme l'influence accidentelle du soleil y ajoute, elle en serait dénaturée et semblerait un trait de variété homogène (quant à la couleur). Celte expérience imaginée ne prouve donc rien contre l'utilité de la couleur nécessairement hérédilaire de Ha peau comme moyen de dislinguer nne race ; elle ne prouve que la dificulté de pouvoir bien la déterminer, en tant qu'innée, dans les eux où le soleil la rend accidentellement plus foncée, ct confirme la justesse de ma demaude, à savoir qu'on donne à ect effet la préférence à des produits de mêmes parents dans d'autres pays.

Nous avons de ces produits un exemple décisif dans la couleur indienne de la pean d’un petit penple qui t propagé depms quelques siècles dans nos régions Septentrionalcs, je veux parler des Bohémiens[4]. La couleur de leur peau prouve qu'ils sont un pouple indien. Pour la conserver, la nalure s'est montrée si opiniâtre que, bien qu’on puisse faire remonter leur habitat en Europe jusqu'à donze géné- rations, cette couleur apparait encore avec une vérité si entière que si ces générations avaient eu lieu dans Pinde entre ceux qui en out été les aulours et les habi- tants de ce pays-là, if n°y aurait vraisemblablement aucune différence. Dire qu'il faudrait encore attendre douze fois douze générations, jusqu'à ce que l'air du Nord eût complétement blanchi leur conteur hérédi- taire, serait relarder l'investigateur par Les réponses dikuoires, et chercher des faux-fuvants. Donner leur couleur pour une simple variété, comme celle du brun espagnol par rapport aux Danois, serait douter de G empreinte de la nature; car ils produisent inévita-' blement avec nos anciens indigènes des métis; ce qui est une loi à laquelle la race des blancs n'est soumise par rapport à aucune de ses variétés caractéristiques en particulier.

Mais aux pages 155*456 se trouve le principal ar­gument qui prouverait, s'il était fondé, que, dans la cas même où Ton m accorderait mes dispositions originelles, l'harmonie des hommes avec leur patrie ne pourrait cependant pas subsister avec leur diffusion à la surface du globe. On soutiendra peut-être encore, dit M. Forster, que les mêmes hommes dont les dispositions conviennent à tel ou tel climat devaient naître ici ou là par suite d'une sage direction de la Providence. Mais, continue-t-il, comment donc cette providence est-elle devenue si peu prévoyante que de ne pas pensera une seconde irons* plantation où chaque germe, qui n'était fait que pour un climat, serait devenu tout à fait sans but.

Pour ce qui est du premier point, on se rappelle que j'avais admis ces premières dispositions non comme distribuées entre différents hommes, — ce qui aurait fait différentes souches, — mais comme réunies dans le premier couple humain; en sorte que leurs descendants, où est encore toute la disposition originelle pour toutes les différences futures, convenaient ei bien à tous les climats (in poieniia)que le germe, qui les approprierait à la région terrestre où ils tomber raient, eux ou leurs successeurs plus avancés, pour­rait s'y développer. Point donc n'était besoin à?une sage direction particulière pour les diriger dans des lieux favorables à leurs dispositions; partout au<cpnr traire où le hasard pouvait les conduire, et leur des­cendance se propager longtemps, se développait un germe approprié qui se trouvait dans leur organisa­tion, et qui les mettait en harmonie avec le climat* Le développement des dispositions se règle sur ies lieux, bien loin que des lieux, comme l'entend mal à propos M. Forster, doivent être cherchés d'après des dispo­sitions déjà développées. Mais ceci ne s'entend que de l'époque la plus reculée d'un temps qui peut avoir assez duré (dans l'intérêt de la population graduelle de la terre) pour qu'à la fin un peuple qui avait un établissement fixe, ait subi des influences de climat et de sol propres à développer ses dispositions har­moniques avec ces deux circonstances. Mais, d'où vient, dit-on, que le même entendement, qui combi­nait si bien ici et les pays et les germes (ils devaient, d'après ce qui précède, se rencontrer toujours, quoi­que l'on veuille, non pas qu'une intelligence, mais seulement cette même nature qui avait réglé intérieu­rement l'organisation des animaux d'une manière si universellement régulière, leur ait donnée aussi avec une égale prévoyance les moyens de se conserver) aiteu tout à coup si peu d'entendement qu'elle n'ait j)as aussi prévu le cas à*une seconde transplantation ? Grâce à cette imprévoyance, la propriété innée qui convient pour un climat, devient complètement sans but, etc.

Quant à ce second point de l'objection, j'accorde que celte intelligence, ou si Ton aime mieux, cette nature agissant d'elle-même régulièrement, n'a pas fait aucune attention à une transplantation pour des germes déjà développés, mais sans qu'on puisse, pour cette raison, l'accuser d'imprévoyance ou défaut de sagesse. Elle a plutôt empêché, en établissant l'har­monie avec le climat, la confusion des climats, sur­tout du chaud et du froid. Car, ce rapport vicieux d'une région terrestre nouvellement habitée à un na­turel déjà façonné par une autre région plus ancienne­ment habitée par les mêmes hommes, se garantit pré­cisément de lui-même. Où donc les Indiens ou les nègres ont-ils cherché à se répandre dans les con­trées du Nord? — Ceux qui y ont été transportés n'ont jamais donné dans leur descendance (comme les créoles, nègres ou Indiens, connus sous le nom de bohémiens), une variété propre aux travaux deâ champs ou de l'industrie[5].

Mais cela même que M. Forster regarde comme une difficulté issurmonlable contre mon principe, devient, dans une certaine application, une lumière très-favo­rable, et résout des difficultés insolubles dans toute autre théorie. J'admets bien qu'il a fallu de nom­breuses générations, depuis l'origine du genre humain, pour qu'il y ait eu évolution successive des disposi­tions innées en lui jusqu'à la complète harmonie avec un climat, et que la diffusion de ces générations sous ces climats divers, en grande partie forcée par dee révolutions violentes de la nature, n'a pu arriver sur Pétendue la plus considérable de la terre qu'avec un accroissement difficile de l'espèce. Encore bien donc que ces causes eussent fait passer un petit peu­ple de l'ancien monde des régions méridionales aux septentrionales, l'harmonie qui, pour s'accommoder à l'ancienne situation, n'était peut-être pas encore arrivée graduellement à un état fixe, — doit avoir fait place à un développement de dispositions con­traire à celles que demandent le climat du nord. En supposant donc que cette variété humaine se soit tou­jours portée de plus en plus loin au nord-est jusqu'en Amérique, — opinion très-vraisemblable, — ses dis­positions naturelles se seraient déjà développées autant que possible avant qu'elle eût pu se répandre encore au sud dans cette partie du monde, et ce développe­ment alors accompli , aurait nécessairement rendu impossible toute évolution ultérieure appropriée à un nouveau climat. Il se serait donc établi une race qui, dans sa marche progressive vers le sud, toujours le même sous tous tes climats, ne conviendrait biw4 aucun, parce que la disposition méridionale, arrêtée avant le départ au milieu de son développement, aurait étéconvertie en une disposition pour lecli mat du nord* et ainsi se sérail établi l'état fixe de celle trnuped'horoïna. En fait, Don Ulloa (un de ceux qui ont le mien* connu les Américains des deux hémisphères) assure qu'il a toujours trouvé fort semblable la forme caractéristique des habitants de oerte partie du monde. Un voyageât moderne dont le nom m'échappe, dit quêteur peaweftt d'une couleur de rouille mêlée d'huile. Si leur naturel n'est en par/ait accord avec aucun climat, il faut en conclure aussi qu'il est difficile de donner une autr raison de G infériorité très-marquée de celte race, — trop faible pour exécuter un travail pénible, trop in— culture (à quoi néanmoins le voisinage et Texemplelen- % couragent suffisamment), — par rapport au nègre lui-méme,quiestcependantauplusbasdegréderéchellede6 différentes races d'hommes que nous avons nommées.

Voyons maintenant toutes les autres hypothèses possibles de ce phénomène. Si Ton ne veut pas ajou­ter à la création particulière du nègre» déjà proposée par M. Forster, une seconde création encore» cellede l'Américain, il ne resté d'autre réponse à donner, sinon que l'Amérique est trop froide ou trop nouvelle pour produire jamais la dégénérescence cfu nègre ou de l'Indien, ou pour l'avoir produite déjà depuis le peu de temps qu'elle est peuplée. L&pre-mière de ces assertions, en co qui regarde le climat de celte partie du monde, est suffisamment réfutée main­tenant. Pour ce qui est de la seconde, à savoir, que si Ton voulait bien attendre seulement quelques mille ans encore, l'influence continuée du soleil y pro­duirait peut-être des nègres (du moins quant à la couleur héréditaire de la peau), il faudrait être sûr avant tout que le soleil et Pair peuvent opérer de pa­reilles greffes, pour pouvoir seulement répondre à des objections, en alléguant un effet purement présumé et placé si loin de nous qu'on peut toujours le reculer à plaisir. On peut encore bien moins opposer aux faits une conjecture toute arbitraire, puisqu'on effet G assertion est en elle-même très-douteuse.

Une confirmation importante de la dérivation des différences inévitablement héréditaires, par le déve­loppement des dispositions qui se trouvent originelle­ment et régulièrement dans une souche humaine pour la conservation de l'espèce, c'est qu'on trouve les races qui en sont sorties répandues, non sporadi­quement (dans toutes les parlies du monde, dans un climat identique, de la même manière), maie cjrcladiquement réunis en groupes qui se distribuent dans les limites d'un pays où chacune d'elles a pu se former. Aneei la ·de8eeB*^^yi^>ey^;#bate^ /oiine eat renfermée dtav tesHmitolde4?i«fai«rti eUMnlte, peuétoigoéedeiài1^ • m très-grande partie semblable, n'etrTOttfehae^otol', mais ces deux contrées ne contiennent pas ctaft^ttff; on n'en trouve. qn?en Afrique entreie Sénégal ïtte çap Négro{a ainsi de suite dans l'intérieur ? dette partie du monde), tandis que VAmérique entière te présente ni des uns ni des autres; ëi mémfe auéut-des caractères des races de l'ancien monde (le*Esquitoato exceptés, qbi semblent être, d'après difféanite éatfe-tères de leur forme et de leur talent, des étrangère tard venus de quelque partie d0 l'ancien inonde^. Chacune de «es races est' en quelque sorte teflée^det eomme elles se distinguent cependant le* Me* tes autres dans le même climat, et même par un carac­tère qui tient inséparablement à la faculté reproduc­trice de chacune d'elles, l'opinion qui fait dériver le caractère de l'influence du climat en devient très-peu vraisemblable; on y trouverait bien plutôt la con­firmation d'une parenté perpétuelle par l'unité de dépendance, mais en même temps la confirmation d'une cause intrinsèque, et non simplement dans le climat, de la distinction des races, distinction qui doit avoir exigé beaucoup de temps pour s'effectuer en conséquence du lieu devenu le théâtre de la propa­gation ; mais une fois cette distinction effectuée, plus de dégénérescences nouvelles par d'autres transposi­tions ne sont possibles. Elle ne peut donc être re­gardée que comme une disposition originelle, dépo­sée dans la souche, se développant régulièrement et peu à peu limitée à un certain nombre, d'après les différences capitales des influences atmosphériques. Cet argument semble contredit par la race des Papouas, qui est disséminée dans les îles de l'Asie méridionale et dans celles qui s'étendent à Test jus­qu'à l'océan Pacifique, race que j'identifie avec celle des Cafres, ainsi que le fait le capitaine Forster (sans doute parce qu'il peut avoir trouvé, soit dans la couleur de leur peau, soit dans leurs cheveux et leur barbe, qu'ils entretiennent fort longs, ce que ne font pas les nègres, des raisons de ne pas les appeler des nègres). Mais la dispersion étonnante d'autres races qui se rencontrent dans le voisinage, celle des Harajoras, et de certains hommes qui se rapprochent davantage de la souche indienne pure, répond suf­fisamment à la difficulté, parce qu'elle atténue égale­ment la preuve de l'influence du climat sur leur propriété héréditaire, puisqu'on la retrouve si indif­féremment dans une seule et même zone. On croit donc pouvoir regarder avec assez de fondement ces Papouas chassés de Madagascar, non comme des abo­rigènes , mais comme des étrangers obligés, on ne «ait par quelle raison (peut-être par suite d'une grande révolution terrestre, qui doit, a'éfre opérée <fe l'e* à, l'ouest), de quitter leurs établiaeeD^jts* Quoi quty enaoitcieaii^itoaUd^rUed^ Ffc^/??, dont, j'ai eue de mémoire (peuWêtre mfidfUement) ce qu'eu *.<tjt Cçrteret, il faudra chercher les ?????&f? déyetep-pement des différences d# «aces, an çiége pnkuinaWe, dp leur souche sur le continent, ?,??? doua les (les, cjvit suivant toute apparence, n'ont été peuplées f* très-longtemps après l'effet accompli de la nature.

Assez pour la justification de mou idée de la dé­rivation de la diversité héréditaire des crlalywe ôt* ganigêes d'une.seule et même espèce ixmrdlç (tpecies iutturalis), en tant qu'elles sont liées par tau faculté de se reproduire, et qu'elles sont FwueMlooç souche unique[6], à la différence de Vespè&hgi* que (species artifwialis),zn tant que les êtres qui s'y trouvent compris sont soumis à un signe commun de simple comparaison ; la première de ces espèces ap­partient à l'histoire naturelle, la seconde à la physio-graphie ou description de la nature. Un mot encore . sur le système propre de M. Forster touchant son origine. Nous sommes tous les deux d'accord en ce point, que tout, dans une science naturelle, doit être expliqué naturellement, parce qu'autrement l'expli­cation n'appartiendrait pas à cette science. Je me suis tellement conformé à ce principe, qu'un homme d'un esprit très-pénétrant (M. O.-C.-R. Busching, dans le compte qu'il a. rendu de mon ouvrage), à cause des expressions : dessein, sagesse, prévoyance, etc. de la nature, méprend pour un naturaliste, mais en ajou­tant tfune espèce particulière, parce que je ne trouve pas convenable, dans les traités qui n'ont pour objet que des connaissances naturelles, quelque étendues qu'elles soient (où il est tout à fait convenable de s'ex­primer téléologiquement), de parler un langage théologique, afin d'assigner à chaque espèce de connaissance ses justes limites.

Mais ce même principe, que tout, dans la science de la nature, doit être expliqué naturellement, indique en même temps les limites de cette science. Car on est parvenu à ses limites les plus reculées quand on fait usage du dernier principe d'explication qui puisse encore être confirmé par Y expérience. Où cesse l'expérience et où le recours même à des forces imaginées de la matière, d'après des lois inconnues et qui ne peuvent être prouvées d'aucune manière, commence à s'imposer, là déjà on dépasse lu science de la nature, on, en sort, tout en donnant encore des choses naturelles pour causes, mais en leur attribuant aussi des forces dont rien ne peut démontrer l'exis- teuce, et dont la possibilité même se concilie diflicile- ment avec la raison. La notion d'un être organisé emportant avec elle l'idée qu'il y a une matière dans laquelle tout se tient réciproquement conune fin et moyen, et ccla ne pouvant êlre conçu que comme un système de causes finales, el la possibilité de ce Systènie no permettant par conséquent, pour la raison humaine du moins, qu'une explication téiéologiquect non une explication mécanico-physique, on ne peut pas demander co physique d'où vient originellenrent toute organisation. La réponse à cetle question, si en général elle nous est possible, serait évidemment en dehors dela physique; elle appartiendrait à la méta- physique. Pour ma part je dérive toute organisation d'êtres organiques (par voies de génération), et les formes ultérieures (de cette espèce de choses natu- relles), suivant les lois du développement successif, des dispositions originelles (dont on {rauve un très- grand nombre dans les transplantations des végétaux) qni 8e trouvaient dans l'organisation de leur souche. De savoir d'où est venu cette souche, c'est une question qui dépasse complétement les bornes de toute physique possible à l'homme, et dans lesquelles j'ai cependant cru devoir me renformer.

Je n'avais donc rien à redouter pour le système de M. Forster, d'un tribunal de l'inquisilion (car aussi bien ce tribunal s'arrogerait en cela nne juridiction qui n'est pas lasieune), et j'en appelle, le cas échéant, des simples naturalistes à un jery philosophique (page 466), lout en eroyant difficilement que la sen- ténee lui soit favorable. « La terre, en état d’enfan- temeut (page 80), fit sortir les animaux el les végétaux, saos génération par leurs semblables, de son sein maternel amolli, fécondé par Je limon des mers; elle produisit en conséquence les créations locales des espèces organiques, l'Afrique ses hommes .les nè- gros), l'Asie, les siens (tous les autres) (page 158). De là cette parenté de tous les êtres organisés[7], formant une chaine naturelle à transitions insensible- ment graduées depuis l'homme jusqu’à la baleine, et de la baleine, en descendant ainsi (sans doute jus- qu'aux mousses el aux lichens, non-seulement dans un système de comparaison, mais dans un système d’éducalion en partant de la souche commune). » — Cette idée ne ferait pas reculer le naturaliste, comme si c'était une monstruosité (page 75) ; car c'est un. jeu qu'on s'est permis plus d'une fois* maie qu'il a délaissé, parce qu'il n'aboutit à rien; mais il en est détourné par la considération qu'en quiltaat ainsi le terrain solide et fertile de la physiquet il s'égare dans les déserts de la métaphysique· J'ajouterai aussi une crainte, cependant virile, d'avoir peur de tout ce qui détourne la raison de ses premiers principes, et lui permet de vaguer dans des imagi­nations sans fin. Peut-être M. Forster ne s*est-il par ta proposé que d'èlre agréable à un hypermétaph/-sîcien (car il y en a, témoins ceux qui ne connaissent pas les notions élémentaires, qu'ils affectent aussi de dédaigner, et qui néanmoins se mettent héroïquement à l'œuvre), et fournir à la fantaisie l'occasion de s'attirer un ridicule.

La véritable métaphysique connaît les bornes de la raison humaine, et entre autres vices héréditaires qu'elle ne peut jamais nier, c'est qu'elle ne peut ni ne doit absolument pas imaginer à priori des forces fondamentales (parce qu'elle ne produirait ainsi que des notions entièrement vaines); qu'elle ne peut faire autre chose que réduire au moindre nombre possible celles que "la nature lui montre (si elles ne diffèrent qu'en apparence, et qu'elles soient identi­ques au fond), et rechercher à cet effet une force fondamentale dans le monde, s'il s'agit de phy­sique, et hors du monde, s'il s'agit de métaphysique (c'est-à-dire d'assigner la force qui ne dépend plus d'aucune autre). Or, nous ne pouvons donner d'une force fondamentale (puisque nous ne la connaissons que par le rapport d'une cause à un effet) aucune autre notion que la notion qui se tire de l'effet, ni lui trouver d'autre nom que le nom qui exprime ce rapport[8]. Or encore la notion d'un être organisé est celle-ci : qu'il y a un être matériel qui n'est possi ble que par le rapport respectif de tout ce qui se trouve en lui comme fin et moyen (notion dont part en réaH^toutanatomiste comme phystôlegiMe). *U*i(fcN* foftdamentale, cause d'une organiaaÉionydoitaorn être conçue comme une cause .fui agit eutvanli^det J&w, de telle sorte que ces fin» doivent êtpe damée*, comme fondement à la possibilité de l'effeUO enfin., nous ne connaissons de force de cette natnra, agisastoft d'après ?>? principe déterminant rqtfeti nous* mêmes par l'expérience, ? savoir dans notre enten­dement et notre volonté, comme cause de la pose** -bilité de certaine effets opérée uniquement d'après de*-fins, c'est-à-dire des œuvres d'art. L'entendement et la volonté, sont en nous des forces, ou facultés fonda­mentales, dont la dernière, comme déterminée par la première., est une faculté de produire quelque cbose.fuwanl une idée qu'on appelle fin. Jfaie jmmis ne devons concevoir en dehors de tonte expérience aucune nouvelle force fondamentale, telle que serait cependant celle qui agirait en vue d'une fin dans nn être, sans néanmoins avoir le principe déterminant dans une idée. La notion de la faculté d'un être est donc d'agir de soi-même conformément à une fin; mais une. faculté d'agir sans but ni dessein qui serait en elle ou dans sa cause, comme une force fondamentale par­ticulière, c'est ce dont l'expérience ne donne pas d'exemple; c'est cependant ce qui peut très-bien être imaginé, mais d'une imagination vaine, c'est-à-dire sans la moindre assurance qu'un objet quelconque peut y correspondre. Que la cause des êtres organisés soit trouvée dans le monde ou hors du monde, il faut, ou renoncer à toute détermination de leur cause, ou concevoir à cet effet un être intelligent/ non pas comme si nous apercevions (ainsi que feu Mendelssohn et d'autres le croyaient) qu'un pareil effet est impos­sible par une autre cause, mais parce que, pour mettre en principe une autre cause avec des causes finales, il faudrait imaginer une force fondamentale; ce que la raison ne nous autorise pas du tout à faire, parce qu'alors elle expliquerait sans peine tout ce qu'elle voudrait et comme elle voudrait.


Résumons-nous. Des fins ont un rapport immédiat à une raison, que cette raison nous soit étrangère ou qu'elle soit la nôtre propre. Mais pour admettre des fins dans une raison étrangère, nous devons poser la votre en principe, ou du moins quelque chose d'ana­logue, parce que des fins ne peuvent se concevoir sans une raison. Or les fins sont celles de la nature ou de la liberté. Personne ne peut apercevoir a priori qu'il doive y avoir des fins dans la nature ; mais on peut très-bien voir a priori qu'il doit y avoir une liaison de causée et d'effets. L'usage du principe téléologique par rapport à la nature est donc toujours empirique. Il en serait de même des fins de la liberté, si les objets de la volonté devaient être donnés comme principes de détermination à la liberté par la nature (dans les besoins el les inclinations), afin que la raflr son décidât, en les comparant entre eux et avec totffV ensemble, ce que nous devons prendre pour fins. ?? I la critique de la raison pratique fait voir qu'il n'y al pas de principes pratiques purs qui déterminent 11 1 raison a priori^ et qui, par conséquent, lui dônnefll 1 sa fin a priori. Si donc l'usage du principe téïéolo- | gique pour les explications de la nature ne peut pas donner d'une manière suffisamment déterminée et pour toutes les fins le principe fondamental de la liai­son causale, parce qu'il est restreint aux condition empiriques, on doit au contraire attendre ce principe d'une théorie téléologique pure (qui ne petit être que celle de la liberté), dont le principe a prîon contient le rapport drune raison en général à l'ensemble de comme une téléologie pratique pure, c'est-à-dire une morale, est destinée à réaliser ses fins dans le monde) elle n'y devra pas négliger la possibilité de ces fins, en ce qui concerne soit les causes finales, soit la. convenance de la cause suprême du monde pour utt ensemble de toutes les fins, comme effet, par consé* quent tant la téléologie naturelle que la possibilité d'une nature en général, c'est-à-dire, en un mot, là philosophie transcendantale, afin d'assurer une réalité objective à la téléologie pratique pure, en vue de la possibilité de l'objet dans la pratique, c'est-à-dire afin Ahissurer la possibilité de la fin qu'elle se propose de jpbfeliser dans le monde.

A ce double point de vue Y auteur des Lettres sur Wfa philosophie de Kant[9] a fait preuve de l'incon-¦Hestable talent d'appliquer utilement sa pénétration et F ses vues remarquables, aux fins généralement néces-lK flaires; et quoiqu'il y aitquelqueprétention à m'adresser \ à l'éditeur distingué de la Revue mensuelle de Berlin ? qui semble trop modeste, je n'ai cependant pas cru pou-, voir me dispenser de lui demander la permission d'in­sérer dans son journal mes remercîments pour le service que m'a rendu l'auteur anonyme, qui m'était encore inconnu il y a peu de jours, en prenant pour sujet de ces lettres la commune affaire d'une raison, tant spéculative que pratique, conduite suivant des principes certains, et en disant la part que je me suis efforcé d'y prendre. Le talent avec lequel il expose clairement et agréablement des doctrines arides, abstraites, sans préjudice pour la solidité, est assez rare (au moins dans la vieillesse) et néanmoins assez utile, —je ne veux pas dire dans l'intérêt seulement de la popularité, mais même de la clarté des aperçus, de l'intelligence et de la persuasion qui y tient, — pour que je doive un témoignage public de ma reconnaissance à l'homme qui a mis ainsi la dernière main à des travaux auxquels je nc pouvais pas donner ce cachet de facilité.

Je saisirai cette occasion pour dire nn mot des prétendues contradictions qu'on aurait découvertes dans un mien ouvrage passablement étendu, avant de l'avoir bien compris. Ces contradictions disparaissent toutes d’elles-mêmes quand on les envisage dans leur union avec lou le reste. —Dans la Gazette littéraire de Leipzig, 1787, n° 94, on donne ce qui se lit dans Pintroduction de la Critique dle la raison pure, élit, de 1787, p. 3, 1. 7, conume étant en contradiction po- sitive avec ce qni se trouve bientôt après, p. 5, 1. 4 et 2; car dans le premier de ces passages, j'avais dit des connaissances @ priori, que celles où il n'entre rien d’empirique sont pures, et j'avais donné comme exemple du contraire la proposition : Tout ce qui change à une cause. Je donne au contraire, p. #, cette même proposition pour exemple d'une connais- sance pure & priori, c’est-à-dire d'une connaissance qui ne dépend de vien d'empirique. — De là deux significations du mot pur, mais dont j'ai pris la der- nière dans tout l'ouvrage. J'aurais pa sans doute pré- veuir 6 malentendu par cet exemple de la première espèce de propositions : Tout ce qui est contingent à une cause. Car il n'entre rien là d’empirique. Mais qui pense à toutes les occasions de malentendu ? — Même chose m’est arrivée dans une note à la préface des Principes métaphysiques de la physique, p. XIV-XVI, quand je donne la déduction des catégories pour importante assurément, mais non pour très-nécessaire, tandis que j’affirme expressément cette nécessité dans la Critique. Mais il est facile de voir que, dans le premier de ces ouvrages, les catégories ne sont mentionnées que dans un but négatif, pour prouver que par elles seules (ou sans intuition sensible) il n’y a pas de connaissance possible des choses ; ce que l’on voit déjà clairement tout en se bornant à l’exposition des catégories (comme simples fonctions logiques appliquées aux objets en général). Mais comme nous en faisons cependant un usage où elles appartiennent réellement à la connaissance des objets (de l’expérience), la possibilité d’une valeur objective de ces sortes de notions à priori a dû être particulièrement prouvée par rapport à la connaissance empirique, afin qu’on ne les jugeât pas sans signification aucune, ou d’origine empirique. C’était là le but positif par rapport auquel la déduction est sans aucun doute absolument nécessaire.


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  1. Je proposerais, au lieu de description de la nature, le mot photographie, et au Heu d'histoire naturelle, phytiogonie.
  2. Les dénominations de classes et d'ordres expriment d'une ma­nière parfaitement claire une séparation toute logique opérée par la raison entre les notions, à la faveur d'une simple comparaison, liais les dénominations de genres et d'espèces peuvent indiquer aussi la séparation physique établie par la nature même entre les créatures par rapport à leur reproduction. Le caractère des races peut donc suffire pour classer en conséquence des créatures, mais non pour en faire une espèce particulière, parce que cette espèee pourrait aussi indiquer une dérivation particulière, que nous n'entendons pas faire entrer sous la dénomination de race. U va sans dire que nous ne prenons pas ici le mot classe dans la signification large qui lui est donnée par le système de Linné; nous l'employons également comme membre de division dans un tout autre but.
  3. Soemmering, De la différence corporelle du nègre et de l'Européen, p. 79. « On trouve dans la structure du nègre des propriétés qui s'ap-piopnent a merveille a son climat, et qui peut-êlie en font une créa­ture plus accomplie que l'Européen. » Cet homme supérieur (iï>td. § 44) révoque en doute l'opinion de D. Schott, sur l'organisation de la peau des nègres, oiganisation qui la rend plus piopre a l'expulsion dts matières nuisibles Mais ki Ton y joint les renseignements de Liud (Des maladies des Européens, etc ) sur la malignité de l'air phlogis-tique par les foiêts marécageuses, sur les bords de la Gambie, qui de­vient si promptemeutmoitel aux matelots anglais, et ou néanmoins les nègres vivent comme dans leur clément, cette opinion devient ce­pendant très-vraisemblable.
  4. Des bohèmes, appelés Zingari eu Italie, et Gitanos en Espagne. (N. du trad.)
  5. La dernière remarque n'est pas ici donnée comme une preuve; elle n'est cependant pas indifférente. Dans le recueil de M. Sprongel, v° parle, p. 268-287, un homme compétent allégue contre le désir de Ramsiy que fous les esclaves nègres soient employés comme travail leurs libres ; que de plusieurs milliers de nègres affranchis qu'on trouve mérique et eu Angleterre, il n'en eounaîl pas un seul qui fasse un ouvrage qu'on puisse appeler proprement trarail ; qu'aussitôt qu'ils sont mis en Hiberlé abandouuent l'ouvrage manuel pen diflicile qu'ils étaient auparavant eontrainls de faire comme esclaves, pour sé faire revendeurs, gargoliers, valets de chambre, pêcheurs, cha en un mot rûdeurs. C’esl £e qni s'observe encore parni uans chez Bohèmes, Le méme auteur remarque à ce sujet quece n’estsins doute pas le elimat du nord qui les rend imprôpres au travail, puisqu'ils suppor- tent plusvolontiersle froid quand ils'agil poureux d'attendre derriereles voitures deleurs maîtres, Gu par les plus rudes nuits d'hiver aux couloirs glacés des théâtres {en Angleterre), qu'ala grange, an champ,on sur le port, ete. Ne doit-on pas en conclure qu'il y a, outre là faculté pour Je Lravail, une impulsion immédiatede Pactivité, indépendante de toutat- trail (surtout à l'activité permanentequ'on appellediligeuce),quiest mè- léetout partienhèrementà cer ispusitions naturelles etqu'Indiens et nègres n'emportent pas plus et ne transmettent pas plus de cette iru- pulsion dans d'autres elimatsquil ne leur en faul pour leur canservation duns leur mère patrie, pas plus qu'ils n'en out recu de Ja nature, ct que cette disposition intérieure s'éteint aussi peu qu'il le parait exté- rienrement. Or, les besoins bien moindres dans ces pays, ct la peine moins considérable qu'il faut pour les salisfaire, ne demandent pas une grande disposition à l'activité. Je citerai encore à ce sujet nn passage de la deseription approfondie de Sumatra par Marsdeu, dans les recueils de Sprengel, ve partie, p. 198-199 : « La couleur de leur peau (des Kcjangs) est ordinairement jeundire, sans ce mélanse de rouge qui produit la teinte euivrée. [Is sont presque tous d'une cou- leur un peu moins foncée que les métis dans les aubres contrées de l'Inde. La couleur blanehe des habitants de Sumatra, en comparaison avec d'autres peuples de la même one, est, à mon avis, une forte preuve que la couleur de la peau ne Cut à uuédiatement du climat. (It dit précisément la méme chose de la génération des eufants d'Eu- ropécas et de nègres qui ont pris naissance dans res pays-lh, el il pense que la couleur plus foncée des Européens qui y ont fnit un long s jour, est une conséquence des maladies de foie ausquelles tons sont esposés.) Je dois encore remarquer ici que les mains des naturels ct des métis, malgré la ehalcur du chmat, sont habituellement fraiches {éicennstance importante qui fail voir que lu quatité propre de la pean ne doit résulter d'aucune eause extérieure superficielle). »
  6. Le fait d'appartenir à une même souche D'est pas la même chose, qu'être procréé d'un seul couple primitif; être de même souche signifie seulementque les diversités qui se rencontrent maintenant dans une cer­taine espèce ne peuvent pas être regardées par cette raison comme au­tant de différences originelles. Quel que soit donc le nombre des personnes (des deux sexes) qui ont constitué la première souche hu­maine, pourvu qu'elles aient été toutes de la même espèce, je puis aussi bien faire descendre les hommes d'aujourd'hui d'un seul couple que de plusieurs. M. Forster me soupçonne d'avoir voulu affirmer ce dernier point comme un fait, et même en me fondant sur une auto· rite. Mais il n'y a là que l'idée qui découle tout naturellement de la théorie. Quant à cette difficulté, que le genre humain eût été fort mal assuré par un seul couple primitif, exposé qu'il était aux animaux fé­roces, ce n'est pas là pour lui une difficulté particulière ; car sa terre, abondante en toutes choses, a pu ne produire ces animaux qu'après les hommes.
  7. Un mémoire de M. le professeur Hwmenbach (Maunel d'histoire naturelle, 1779, préface, $ 7) sur cetle idée, très-goûtée de Bonnet, mérite d'étre lu. Cel homme éminent attribue aussi Fénstinet de for- mation par lequel il à jeté tant de lumière sur la théorie des géuéra- tions, non pas à la mabrre inorgauique, mas uniquement aux êtres organisés.
  8. Par exemple, Vimage (Einbildung)ù&n& l'homme est un effet que nous ne regardons pas comme identique avec les autres offets de l'âme. La faculté qui s'y rapporte ne peut donc être qu'imagination (comme faculté fondamentale). De même soug le titre de forces motrices sont comprises les forces fondamentales d'attraction et de répulsion. Plu­sieurs ont cru nécessaire d'admettre pour l'unité de la substance quel­que force fondamentale, et ont même cru la reconnaître, quand ils donnaient simplement le titre commun de différentes forces fonda­mentales, par exemple, que la seule faculté fondameulale de rame est la faculté cognitive, comme si je disais que la seule force primitive de la matière est la force motrice, parce que l'attraction et la répul­sion ;>ont comprises sous la notion commune de mouvement. Maison désire savoir si elles ne pourraient pas aussi en procéder; ce qui est impossible. Car les notions inférieure*, en ce qu'elles ont de différent, ne peuvent jamais être dérivées d'une idée supérieure; et pour ce qui est de l'unité de la substance, si elle semble renfermer déjà dans sa notion l'unité de la force fondamentale, c'est une illusion qui tient à une mauvaise définition delà force. Car la force n'est pas ce qui contient la raison de la réalité des accidents (c'est-à-dire la sub­stance), c'est simplement le rapport de la substance aux accidents» en tant que la substance contient la raison de la réalité. Mais divers rapports peuvent bien être attribués à la. substance (sans préjudice pour son unité).
  9. M. le professeur Reinhold. — La seconde édition de ces lettres parut sous le nom de l'auteur à Leipzig, chez Goeschen, en deux vo­lumes, 1790-92, in-8.