De la Conduite de l'esprit dans la Recherche de la Vérité

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De la Conduite de l’esprit dans la Recherche de la Vérité
1690
Traduction française de Jean Le Clerc, 1710



DE LA

CONDUITE

DE

L’ESPRIT

DANS LA

RECHERCHE

DE LA

VERITÉ.


Introduction.

§ 1.
L’Entendement de l’Homme est le dernier Juge, auquel il a recours, pour se determiner ; car quoi que l’on distingue les Facultez de l’Esprit, & que l’on donne l’Empire suprême à la Volonté, comme à un Agent, il est pourtant vrai que l’Homme, qui est l’Agent, se determine lui-même à faire ceci ou cela, sur quelque connoissance, vraie ou fausse, qui est dejà dans l’Entendement. Il n’y a point d’Homme qui entreprenne aucune chose, sans avoir un but qui lui sert de motif à faire ce qu’il fait : & quelques Facultez qu’il emploie, l’Entendement avec la Lumiere qu’il a, bien ou mal informé, lui sert toûjours de Guide, & c’eft par cette Lumiere, vraie ou fausse, que toutes ses Puissances actives sont dirigées. La Volonté elle-même, quelque absoluë & indépendante qu’on la croie, ne manque jamais d’obeïr aux Décisions de l’Entendement. Les Temples ont leurs Images consacrées, & nous voions quelle influence elles ont toujours eu sur une grande partie du Genre Humain. Mais il faut avouer que les Idées & les Images peintes dans l’Esprit des Hommes sont les Puissances invisibles qui les gouvernent, & que c’est à elles qu’ils rendent tous en general une soumission aveugle. Il est donc de nôtre interêt le plus essentiel, d’avoir un soin extrême de l’Entendement, pour le bien conduire dans la recherche de la Verité, & dans les Jugemens qu’il porte.

La Logique, qui est aujourd’hui en usage, a été depuis si long tems en possession de toutes les Chaires des Ecoles, où on l’enseigne comme l’unique moien de diriger l’Esprit dans l’étude des Arts & des Sciences, qu’on court risque de passer pour un Homme qui affecte de la singularité, si l’on soupçonne, que ces Regles, qu’on a suivies depuis deux ou trois mille ans, & que les Savans ont adoptées sans se plaindre de leurs défauts, ne suffisent pas pour guider l’Entendement. Je craindrois même que cette Entreprise ne fût taxée de Vanité ou de Presomption, si l’autorité du fameux Chancelier Bacon ne la justifioit. Fort éloigné de croire d’une maniere servile, qu’on ne pouvoit porter les Sciences au delà du point, où elles étoient montées alors, parce qu’on n’y avoit fait aucun progrés depuis plusieurs Siecles ; ce vaste Genie ne s’arrêta pas à une lâche aprobation de ce qui étoit déjà connu, mais il étendit ses vuës jusques à ce qui se pouvoit encore découvrir. Voici en quels termes il parle de la Logique dans sa Preface à son Novum Organum.[1] Ceux, dit-il, qui avoient une si haute opinion de la Logique, & qui croioient qu’on en pouvoit tirer de grands secours pour les Sciences, se sont très-bien aperçus qu’il n’étoit pas sûr de se fier à l’Entendement humain, sans le munir de quelques Regles. Mais le remede qu’on y a emploié, au lieu de guerir le mal, en a fait lui-même une partie. Car la Logique, qui est en usage, quoi qu’elle puisse bien servir dans les affaires civiles & dans les Arts, où il ne s’agit que du Discours & des Opinions, n’aproche pas cependant de la subtilité des Ouvrages de la Nature, & ne faisant que courir après ce qu’elle ne peut atteindre, elle sert plutôt à établir & à confirmer l’Erreur, qu’a montrer le chemin qui

conduit à la Verité. Il ajoute un peu après,[2] qu’il est absolument necessaire d’en venir à une methode plus sûre & plus exacte pour guider l’Esprit & l’Entendement humain.

Des Talens naturels.

§ 2. Tout le monde reconnoit qu’il y a une vaste difference entre les Esprits des Hommes, & que les uns sont naturellement si fort au-dessus des autres, qu’il n’y a point d’art, ni aucune industrie qui puisse rendre ceux-ci capables de ce que les premiers font sans peine. On voit une grande inégalité de talens entre des Hommes qui ont eu la même Education. Les forêts de l’Amérique, aussi bien que les Ecoles d’Athenes, ou nos Academies d’aujourd’hui, produisent des Hommes de differentes capacitez dans le même genre, ou à l’égard des mêmes choses. Quoi que cela soit vrai, il me semble pourtant que la plupart des Hommes ne vont pas aussi loin qu’ils pourroient aller, parce qu’ils negligent de cultiver leur Esprit. On s’imagine qu’un petit nombre de Regles de Logique suffisent pour ceux-là mêmes qui aspirent au plus haut degré de perfection ; mais je trouve qu’il y a plusieurs Defauts naturels dans l’Entendement, qu’on pourroit corriger, & auxquels on ne prend pas garde. Il est aisé de s’apercevoir que les Hommes sont coupables de bien des fautes dans l’exercice & la culture de cette Faculté de l’Esprit, ce qui les empêche de faire des progrés, & les retient toute leur vie dans l’Ignorance & dans l’Erreur. Je remarquerai quelques-uns de ces defauts, & j’indiquerai dans la suite de ce Discours les remedes qui me paroissent les plus propres pour s’en delivrer.

Du Raisonnement.

§ 3. Outre le manque d’Idées fixes & determinées, d’Exercice & de Sagacité pour en trouver de moiennes, & les mettre en ordre, il y a trois Defauts où les Hommes tombent à l’égard de leur Raison ; ce qui l’empêche de leur rendre le service qu’ils en pourroient tirer, & auquel Dieu l’avoit destinée. On n’a qu’à reflêchir un peu sur les actions & sur les discours des Hommes, pour s’apercevoir que leurs bevuës à cet égard sont frequentes & fort sensibles. Je les distinguerai donc en trois Classes.

1. La premiere est de ceux qui ne raisonnent presque jamais, qui ne pensent & qui n’agissent que sur l’Exemple des autres, soit de leurs Parens, de leurs Amis, de leurs Voisins, de leurs Ministres, ou de toute autre Personne qu’il leur plait de choisir pour leur Guide, dans la vue de s’épargner le soin & l’embarras de penser & d’examiner pour eux-mêmes.

2. La seconde Classe renferme ceux qui ne suivent que leur Passion, sans vouloir écouter leur Raison ni celle des autres, resolus de ne rien admettre que ce qui flate leur Caprice, qui s’accommode avec leur Interêt, ou qui favorise leur Parti. Les gens de ce caractère se paient presque toujours de mots qui n’ont aucune idée distincte, quoi qu’à l’égard de certaines choses, sur lesquelles ils ne sont pas prevenus, & où leur Inclinations secrete n’est point interessée, ils ne manquent ni d’habileté pour raisonner juste, ni de patience pour entendre raison.

3. La troisiéme Classe est de ceux qui sont prêts à écouter de bonne foi la Raison, mais qui faute de l’étenduë d’Esprit necessaire, d’un Jugement exquis & solide, n’embrassent pas tout ce qui se raporte à la Question, & qui peut être de consequence pour la decider. Nous avons tous la vuë courte, & nous ne voions souvent qu’un seul côté d’une chose, sans pouvoir decouvrir tout ce qui se trouve y avoir quelque liaison. Il n’y a personne, à ce que je croi, qui soit exemt de ce Defaut. Nous ne voions qu’en partie, nous ne connoissons qu’en partie ; de sorte qu’on ne doit pas s’étonner si de nos vuës imparfaites nous tirons des consequences peu justes. Ceci pourroit aprendre à l’Homme le plus entêté de son merite, qu’il est fort utile de consulter les autres, même ceux qui n’aprochent pas de son savoir, ni de sa penetration. Puis qu’un seul ne voit pas tout, & que nous avons differentes idées de la même chose, selon le different point de vuë, d’où nous la regardons, il n’est pas indigne d’aucun Homme d’essaier, si un autre a quelques Notions particulieres qui lui ont échapé, & dont il auroit fait usage lui-même, si elles lui etoient venuës dans l’esprit. La Raison ne trompe presque jamais ceux qui se fient à ses lumieres, les Consequences qu’elle tire de ce qu’elle admet pour Principes, sont évidentes & certaines ; mais ce qui nous fait égarer le plus souvent, ou plûtôt l’unique source de nos Erreurs, c’est que les Principes sur lesquels nous batissons nos Raisonnemens, se trouvent defectueux, qu’on oublie d’y joindre quelque chose qui devroit être mise en ligne de compte pour les rendre justes & exacts. À cet égard, les Anges & les Esprits separez de la matiere peuvent avoir sur nous un avantage prefqu’infini. À mesure qu’ils sont élevez au-dessus de nous, ils peuvent avoir des Facultez plus nobles & qui s’étendent plus loin. Peut-être y en a-t-il quelques-uns qui ont une vuë exacte & parfaite de tous les Êtres finis qu’ils contemplent, & qui peuvent, pour ainsi dire, d’un coup d’œuil, rassembler toutes leurs Relations dispersées & presque sans nombre. Un Esprit de cette capacité, n’a-t-il pas raison de s’appuier sur la certitude des consequences qu’il tire ?

On voit par là quelle est la cause que des Gens de lettres, accoutumez à réfléchir, qui raisonnent juste en bien des choses & qui aiment la Verité, font si peu de progrès dans leurs Decouvertes. L’Erreur & la Verité sont si entremêlées dans leur Esprit, que leurs Decisions ne peuvent qu’être chancelantes & defectueuses. Cela vient de ce qu’ils ne conversent qu’avec une sorte d’Hommes, qu’ils ne lisent qu’une sorte de Livres, & qu’ils ne veulent admettre qu’une sorte d’Idées. Ils se choisissent, pour ainsi dire, une petite Goscen dans le Monde Intellectuel, & ils se flatent d’y jouïr tout-seuls de la lumiere du Soleil, pendant que tout le reste de cette vaste Etenduë est couvert de tenebres, dont ils n’osent pas aprocher. On peut les comparer aussi à des Negocians qui font un trafic avantageux avec les Habitans de quelque petite Anse, où ils bornent tout leur Commerce : ils ont assez d’industrie pour tirer bon parti des Denrées de ce petit Coin ; mais ils ne veulent pas se hasarder dans le vaste Ocean de la Nature, pour decouvrir les Richesses qu’elle a repanduës en d’autres Lieux, & qui ne sont ni moins bonnes, ni moins solide, ni moins utiles, que ce qui leur est tombé en partage dans leur petit Territoire, dont ils admirent l’abondance, & qu’ils croient renfermer tout ce qu’il y a de bon dans l’Univers. Ceux qui demeurent ainsi enclavez dans l’enceinte de leur Païs ; qui ne veulent pas jetter les yeux au delà des bornes que le Hasard, la Fantaisie, ou la Paresse a mises à leurs Recherches, & qui ne daignent pas s’informer des Notions, des Discours & des Progrés du reste du Genre Humain, peuvent être comparez à juste titre aux Habitans des Iles Marianes ; qui separez du Continent par une vaste étenduë de Mer, se croioient le seul Peuple qu’il y eut au Monde. Ces Insulaires étoient si nouveaux à l’égard des Commoditez de la Vie, qu’ils ignoroient l’usage du Feu, jusqu’à ce que les Espagnols le leur aprirent, il n’y a pas bien des années, dans leurs Voiages d’Acapuleo à Manilha. Mais ce qui paroit plus étonnant, c’est qu’au milieu de tous leurs besoins & de l’ignorance presque de toutes choses, lors-même qu’ils furent de la bouche des Espagnols, qu’il y avoit plusieurs autres Nations, où les Arts & les Sciences fleurissoient, & où l’on trouvoit toutes les Commoditez de la Vie, ils se regardoient comme le Peuple le plus heureux & le plus sage de l’Univers. Avec tout cela, je ne croi pas que personne s’imagine qu’ils sont de grands Philosophes ou de profonds Metaphysiciens ; ni que les plus habiles d’entr’eux portent fort loin les Preceptes de la Morale, ou de la Politique, ni qu’aucun des plus éclairez étende ses connoissances au delà du petit nombre de choses que son Ile & celles du voisinage lui fournissent tous les jours. Au contraire, on avouëra sans doute qu’ils n’aprochent pas de cette étenduë d’Esprit, qui fait l’ornement d’un Homme devoué à la Verité, secouru par l’étude des belles Lettres, & accoutumé à un Examen libre des differentes Opinions de tous les Partis. Que ceux-là donc qui aspirent à découvrir la verité dans toute son étenduë, ne bornent pas leurs regards à ce qui les environne de si près, & qu’ils ne s’imaginent point qu’elle ne se trouve que dans les Sciences qu’ils étudient, & dans les Livres qu’ils lisent. Condamner les Notions des autres, avant que de les avoir examinées, ce n’est pas montrer qu’elles sont obscures, mais c’est se crever les yeux, pour n’y pas voir.[3] Eprouvez toutes choses, retenez ce qui est bon, est un Precepte qui vient du Pere de la Lumiere & de la Verité. Il n’y a pas d’autre moien, si l’on veut jouir de ce tresor, & de ce riche Metail, que de fouiller dans les entrailles de la Terre, & de remuer bien de l’ordure. Le Sable & les Caillous accompagnent presque toujoûrs cette Mine, mais l’or n’en est pas moins or pour cela, & tout Homme qui se donne la peine de le chercher, ne peut que devenir riche. Il n’est pas même à craindre que le melange nous trompe ; puis que nous avons tous une Pierre de touche, si nous voulons nous en servir, pour distinguer le veritable or du clinquant, & la Verité de ce qui n’en a que les apparences. Si nous perdons l’usage de cette Pierre de touche, je veux dire de la Raison, & qu’elle se gâte, cela ne vient que des prejugez dont on se coëffe, de l’orgueil qui nous aveugle, & des bornes étroites où nous renfermons nôtre Esprit. Faute de l’exercer dans toute l’étenduë des choses intelligibles, sa lumiere s’affoiblit peu-à-peu, & s’éteint presque tout-à-fait. Vous n’avez qu’à parcourir les differents états des Hommes, & vous verrez que je n’avance rien que de juste. L’Ouvrier à la journée d’un Village n’a d’ordinaire qu’une petite provision de Connoissances, parce qu’il a retenu ses idées dans les bornes étroites d’une Conversation maigre & d’un Emploi bas & abjet. L’Artisan d’une Ville de Province va un peu plus loin ; les Crocheteurs & les Savetiers des grandes Villes les surpassent l’un & l’autre. Un Gentilhomme de la Campagne, après avoir laissé tout son Latin & toute sorte d’Erudition à l’Université, se retire dans son Domaine, & s’associe avec ses Voisins de la même trempe, qui n’ont du goût que pour la Chasse & pour le vin. Il emploie tout son tems avec ses Amis, il ne converse qu’avec eux, & il ne peut souffrir aucune compagnie, où l’on parle d’autre chose que de bon Vin & de Debauche. Un tel Patriotte que celui-ci, formé dans une si bonne Ecole, ne peut, comme l’on voit, que prononcer des Sentences bien graves, lors qu’il se trouve assis entre les Juges ; & donner des preuves éclatantes de son habileté en Politique, lors que le poids de ses Guinées & la force de son Parti l’ont élevé à un Poste plus remarquable. Il est certain qu’un Nouvelliste qui fréquente les Maisons à Caffé de la Ville, est un grand Homme d’État, comparé avec ce Gentilhomme, & qu’il l’emporte autant au dessus de lui, qu’un Courtisan sait mieux les Intrigues de la Cour qu’un simple Boutiquier. Portons nôtre vuë plus loin, & nous trouverons que l’un, brulant de zêle pour sa Secte, & prevenu de l’Infaillibilité qu’il lui attribuë, ne veut pas toucher un Livre du Parti opposé, ni entrer en dispute avec une Personne qui revoque en doute aucune de ces choses, qu’il regarde comme sacrées ; pendant que l’autre examine les Controverses de Religion avec un esprit équitable & desinteressé, & trouve qu’il n’y a point de Secte qui n’ait quelque defaut. Il remarque d’ailleurs, que ces Divisions & tous les Systêmes viennent de la part des Hommes, qui sont sujets à se tromper ; & à mesure qu’il approfondit les choses, il voit qu’il y a plus à dire en faveur de quelques Sentimens de ses Adversaires, qu’il ne se l’étoit d’abord imaginé. Lequel de ces deux Hommes, je vous prie, paroit le mieux disposé, pour juger sainement des Disputes de Religion, & faire plus de progrés dans la recherche de la Verité, qui est le but que nous avons tous en vuë, s’il faut nous en croire ? Au reste, je suppose que tous ceux, dont je viens de parler, & qui sont si inegaux à l’égard de leurs connoissances, ont à-peu-près les mêmes talens naturels, & que toute la difference, qu’il y a entr’eux, ne vient que de la difference de leur Education, & des moiens qu’ils ont eu de se remplir la tête d’Idées & d’Observations, pour exercer leur Esprit & se former l’Entendement.

Si l’on me demande, qui peut suffire à toutes ces choses ? Je reponds qu’il y en a beaucoup plus qu’on ne s’imagine. Chacun sait quel est son devoir, & ce que le Monde attend de lui ; selon le caractere qu’il se donne ; il trouvera même assez de tems & d’occasions, pour se munir de tout ce qu’il lui faut pour repondre à cette Idée, si, par une petitesse d’Esprit, il ne renonce lui-même aux secours qu’il a en main. Je ne dis pas que pour être bon Geographe, il faille qu’un Homme parcoure toutes les Montagnes, les Rivieres, les Promontoires, les Bayes & les Ports qui sont sur la face de nôtre Globe ; ni qu’il visite les Batimens & qu’il arpente les Terres, comme s’il en vouloit faire une aquisition. Mais l’on m’avouëra qu’un Homme, qui voiage souvent dans un Païs, & qui le traverse de tous les côtez, le connoîtra mieux qu’un autre, qui semblable à un Cheval attaché à une Rouë, suit toujours le même sentier, & se renferme dans les bornes étroites d’un ou de deux Champs qui lui plaisent. Tout Homme qui s’informera des meilleurs Livres qu’on trouve sur chaque Science, & des principaux Auteurs de la plupart des Sectes, soit en Philosophie, ou sur la Religion, trouvera que ce n’est pas un Ouvrage infini de s’instruire des sentimens du Genre Humain sur les matieres les plus importantes. Qu’il exerce sa Raison en toute liberté aussi loin que ces Objets peuvent la conduire, & son Esprit aquerra de nouvelles forces, sa Conception en deviendra plus aisée, & toutes ses Facultez en recevront de l’avantage. Le jour, que les parties éloignées de la Verité le communiquent les unes aux autres, l’aidera si bien à juger solidement des choses, qu’il ne se trompera gueres, ou que du moins il donnera des marques d’un Esprit net, & d’une Connoissance universelle. Je ne sache pas qu’il y ait d’autre voie, pour éclairer l’Entendement, & l’élargir dans toute l’etenduë de sa capacité ; non plus que pour distinguer les deux Caracteres les plus opposez, que je connoisse au Monde, je veux dire un Logicien Ergoteur d’un Philosophe qui raisonne juste. Mais tout Homme, qui donne ainsi l’essor à son Esprit, & qui cherche la Verité de toutes parts, doit prendre garde à se faire des Idées distinctes de tout ce qu’il embrasse, & ne manquer jamais de juger sans prevention de ce tout qu’il reçoit des autres, soit qu’il le tire de leurs Ecrits ou de leurs Discours. Il ne faut pas que le Respect ou le Prejugé rendent les Opinions des autres belles ou difformes.


De l’Exercice de l’Esprit & des Habitudes.

§ 4. Nous sommes nez avec des Facultez capables de nous mener beaucoup plus loin qu’on ne pense ; mais il n’y a que leur exercice qui nous rende habiles en quoi que ce soit, & qui nous aproche de la perfection.

Il seroit difficile qu’un Laboureur âgé de trente ou quarante ans put recevoir l’Education & les manieres polies d’un Gentilhomme, quoi qu’il ait le corps aussi bien proportionné & les jointures aussi souples, & qu’il ne lui cede en rien pour les talens naturels de l’Esprit. Les Jambes d’un Maître de Dance, & les Doigts d’un Joueur d’Instrumens forment, sans qu’ils y pensent & qu’ils se donnent presque aucune peine, des mouvemens réguliers & admirables. Commandez leur de changer de rôles, ils essaieront en vain d’en venir à bout ; il faut du tems & une longue pratique pour arriver à quelques degrés de leur habileté. À quelle souplesse étonnante & incroiable les Danceurs de Corde & les Sauteurs n’accoutument-ils pas leurs corps, quoi que dans la plupart des Arts mechaniques, il y ait des Ouvrages de la main aussi merveilleux que ces tours-là ; mais je nomme ceux que le Monde admire, & qui pour cela coutent de l’argent, lors qu’on souhaite de les voir. Tous ces mouvemens extraordinaires, qui surpassent presque l’imagination des Spectateurs qui n’y entendent rien, ne sont autre chose que l’effet de l’Habitude & de l’Industrie de certains Hommes, dont les Corps n’ont rien de particulier qui les distingue de ceux de la Populace, qui en est enchantée.

Il en est de l’Esprit à cet égard comme du Corps, & si l’on examine les choses de près, l’on trouvera que la plupart de ces grandes & belles Qualitez, qui passent pour des Dons de la Nature, ne sont que le fruit de l’Exercice, & qu’elles n’arrivent à quelque degré de perfection que par des Actes réïterez. Il y a des Hommes, par exemple, qui savent railler agreablement, & d’autres qui s’entendent à faire de petits Contes fort à-propos & d’une maniere plaisante. On croit d’ordinaire que c’est un pur effet de la Nature, d’autant plus qu’on n’aquiert point ces Talens par des Regles, & que ceux qui excellent dans l’un ou l’autre, ne s’apliquent jamais à les aprendre comme un Art. Mais si l’on aprofondit la chose, on verra qu’un bon mot, ou un petit Conte qui a eu le bonheur de reüssir & de gagner l’aprobation de quelcun, a excité le Diseur à y revenir de nouveau, & a tourné ses pensées & ses efforts de ce côté-là, jusqu’à ce qu’enfin il s’y est aquis peu-à-peu une si grande facilité ; qu’on attribuë au sens naturel, ce qui vient plutôt de l’Usage & de la Pratique. Je ne nie pas que la Disposition naturelle n’en puisse être souvent la premiere cause ; mais elle ne conduit jamais un Homme fort loin sans l’Exercice, & il n’y a que la Pratique seule, qui amene les Facultez de l’Esprit aussi bien que les Qualitez du Corps à leur perfection. Plus d’une Veine Poëtique demeure ensevelie sous un vil Metier, & ne produit jamais rien, faute de culture. Nous voions que la maniere de discourir & de raisonner est très-differente à la Cour & à l’Université, quoi qu’à l’égard du même sujet. Si l’on passe de la Salle de Westminster à la Bourse, on y trouve un tout autre Langage, & un Genie tout different, quoi que ceux, dont le sort les attache à la ville, ne soient pas nez avec des qualitez differentes de ceux qui ont eu leur Education à l’Université, ou dans les Colleges en Droit.

Tout ce que j’ai dit jusques-ici sert à montrer que les differentes Capacitez, qu’on voit entre les Hommes à l’égard de l’Esprit, ne viennent pas tant de leurs Facultez naturelles que des Habitudes qu’ils ont aquises. On se moqueroit d’un Homme qui prendroit un Chartier de la Campagne âgé de cinquante ans, pour en faire un habile Danseur. Mais celui qui tacheroit d’apprendre à un Homme de cet âge, sans étude & sans éducation, à raisonner juste ou à s’exprimer noblement, n’en viendroit pas plutôt à bout, quand même il lui donneroit un Recueil de tous les Preceptes de la Logique ou de l’Art de parler. On ne devient pas habile pour avoir entendu prononcer quelques Regles, ou les avoir mises dans sa Memoire ; c’est l’Usage qui forme l’Habitude, sans reflêchir sur la Regle, & vous ferez aussi-tôt un bon Peintre ou un habile Musicien par une Leçon que vous donnerez de ces Arts, qu’un Raisonneur juste par certaines Regles, où vous lui montrerez en quoi consiste le bon Raisonnement.

Puis donc que les Defauts & la Foiblesse de l’Entendement Humain, aussi bien que des autres Facultez, viennent de ce que les Hommes ne font pas un bon usage de leur Esprit, je panche beaucoup à croire qu’on a tort d’en mettre la faute sur la Nature, & de se plaindre de ses Talens naturels, lors que tout le mal vient de ce qu’on ne s’aplique pas à les faire valoir. On voit souvent des Hommes qui sont fort adroits & fort habiles à conclurre un Marché, & qui sur le chapitre de la Religion, si l’on veut en raisonner avec eux, paroissent tout-à-fait stupides.

D’un autre côté, quoi que les Facultez de l’Esprit aquierent de l’étenduë par l’Exercice, on ne doit pas les pousser au delà de leurs justes bornes. Il faut que chacun essaie[4] jusqu’où peuvent aller ses forces, & qu’il prenne ses mesures là-dessus, s’il veut du moins entretenir la vigueur de son Esprit, & ne le rebuter point par des occupations trop difficiles. L’Esprit engagé dans une tâche au dessus de sa portée, de même que le Corps, épuisé pour avoir levé un Fardeau trop lourd, perd souvent sa force, & se met ainsi hors d’état de faire à l’avenir aucune action vigoureuse. Un Nerf foulé ne se retablit qu’avec peine, ou du moins il lui reste une grande foiblesse pour longtems, & le souvenir en est si vif, qu’on ne se hasarde gueres à le mettre d’abord à un rude exercice. Il en est de même de l’Esprit, s’il est une fois accablé sous le poids d’une Contention trop forte, il n’y est plus propre à l’avenir, ou du moins il ne s’attache qu’avec peine à un sujet qui demande une profonde & serieuse méditation. Il faut conduire l’Esprit insensiblement & par degrez à ce qu’il y a de plus abstrus & de relevé dans les Sciences, & de cette maniere il n’y trouve presque rien, dont il ne puisse venir à bout. On m’objectera peut-être qu’avec cette lenteur il est impossible d’aprofondir certaines Sciences qu’il y a. Mais l’Exercice est capable de mener plus loin qu’on ne s’imagine ; outre qu’il vaut mieux marcher à pas comptez dans un chemin scabreux & difficile, que de se rompre une jambe & de s’estropier pour le reste de ses jours. Celui qui s’accoutume de bonne heure à porter un Veau, peut à la fin porter un Bœuf ; mais s’il veut essaier du premier coup à porter un Bœuf, il court risque de se mettre hors d’état de porter un Veau dans la suite. Lors que l’Esprit s’est habitué peu-à-peu à reflêchir & à se rendre attentif, il n’y a presque point de difficultez qu’il ne surmonte, sans qu’il lui en revienne aucun prejudice, & il peut continuer toûjours sur le même pié. Ce ne sera pas toute sorte de Problêmes abstrus, & de Questions embrouillées qui lui feront perdre courage, ou qui épuiseront ses forces. Mais si l’on doit éviter une trop grande contention d’Esprit, de peur de l’accabler & il ne faut pas aussi qu’il s’amuse à des bagatelles, qui ne demandent aucune aplication. C’est ce qui l’énerve, & le rend paresseux, incapable de la moindre fatigue. Accoutumé à voltiger autour de la superficie des choses, sans penetrer jusques à l’interieur, il se met hors d’état de les aprofondir, pour developer les beautez que la Nature y cache.

On ne doit pas s’étonner que la Methode, que les Etudians ont suivie dès leur plus tendre jeunesse, influë sur leur Esprit le reste de leurs jours, sur tout si elle se trouve établie par un usage universel. Puis que les Ecoliers sont d’abord obligez de croire tout ce qu’on leur dit, & que les Regles de leurs Maîtres passent chez eux pour des Axiomes, faut-il être surpris qu’ils s’égarent, & qu’ils n’osent pas se détourner du chemin battu ?

Des Idées.

§ 5. Je ne repeterai pas ici, que pour bien conduire son Esprit dans la recherche de la verité & y faire des progrés, il faut se munir d’Idées claires & déterminées ; refléchir sur ces Idées mêmes, plutôt que sur les Sons, qu’on met à leur place ; & fixer la signification des termes, soit par raport à nous ou à l’égard des autres. J’ai dejà beaucoup insisté là-dessus dans mon Essai sur l’Entendement Humain ; de sorte qu’il seroit inutile de m’y étendre d’avantage.

Des Principes.

§ 6. Il y a une autre Faute qui empêche les Hommes de s’avancer dans leurs Connoissances, ou qui même les detourne du droit Chemin. J’en ai dit aussi quelque chose dans le Livre que je viens de citer ; mais il est à-propos de l’examiner ici à fonds, & de penetrer jusques à la source du mal ; je veux dire de la Coutume qu’on a de recevoir pour Principes ce qui n’est point d’une entiere évidence, ou qui souvent même se trouve faux. Il est assez ordinaire de voir des Hommes bâtir leurs Opinions sur des Fondemens, qui n’ont pas plus de certitude ou de solidité que les Propositions qu’ils élevent dessus, & qu’ils embrassent à cause des Principes. Par exemple, voici de quelle maniere ils raisonnent : Les Fondateurs ou les Chefs de mon Parti sont d’honnêtes gens, donc leurs Dogmes sont veritables : c’est l’Opinion d’une Secte Erronée, donc elle est fausse. Ceci a été reçu long tems dans le Monde, donc il est vrai : ou bien, cela est nouveau, donc il est faux.

Ce sont de tels Principes, fort éloignez d’être la mesure de la Verité & de la Fausseté, que la plupart des Hommes prennent pour les Modêles de leurs Jugemens. Accoutumez à des mesures si fausses, on ne doit pas s’étonner s’ils embrassent l’Erreur pour la Verité, & s’ils prononcent d’un ton si positif sur bien des choses qu’ils n’entendent pas.

Mais aussi-tôt qu’on vient à l’Examen de ces fausses Maximes, il n’y a personne, qui sache tant soit peu raisonner, qui ne tombe d’accord qu’elles sont incertaines, & qui ne les desaprouve dans ceux qui different de lui, cependant, après avoir été convaincu de leur incertitude, il ne laisse pas de s’en servir, & dès la premiere occasion qui s’offre, il bâtit sur les mêmes Principes. À voir une si pitoiable conduite, ne seroit-on pas tenté de croire que les Hommes cherchent à se tromper eux-mêmes, & à s’aveugler ? Mais ils ne sont pas aussi criminels à cet égard qu’ils le paroissent d’abord ; il n’y a nul doute que plusieurs d’entre eux ne raisonnent de cette maniere fort serieusement, & qu’ils n’ont point du tout en vuë de s’en imposer à eux-mêmes, ni aux autres. Ils sont persuadez de ce qu’ils disent, & ils s’imaginent qu’il y a de la solidité, quoi qu’en pareil cas ils aient vu le contraire ; mais les Hommes se rendroient insuportables à eux-mêmes, & ils s’attireroient le mepris des autres, s’ils embrassoient des Opinions sans aucun fondement, & sans en pouvoir donner quelque raison, bonne ou mauvaise. Il faut toûjours que l’Esprit s’appuie sur quelque Fondement, vrai ou trompeur, solide ou ruineux. Il n’a pas plutôt admis une Proposition, qu’il se hâte, comme je l’ai remarqué dans un autre Endroit, de la fonder sur quelque Hypothese, & il n’est point fixe ni tranquille, jusqu’à ce qu’il en soit venu à bout. Tant il est vrai que la Nature même nous dispose à faire un bon usage de nos Facultez, si nous voulions suivre ses mouvemens.

Les Hommes ne sauroient floter dans l’incertitude à l’égard de quelques matieres importantes, sur tout en ce qui touche la Religion. Il faut qu’ils se determinent là-dessus & qu’ils embrassent quelque Parti. Ce seroit une espece de honte, ou plutôt une Contradiction trop grossiere, pour la pouvoir soutenir toûjours, si un Homme pretendoit être convaincu de la verité d’un Dogme, & qu’il ne fut pas en état d’en rendre compte, ni d’alleguer aucune raison, pourquoi il le prefere à un autre. C’est ce qui oblige la plupart des Hommes à recevoir, sans Examen, quelques Principes generaux, & à les defendre du mieux qu’ils peuvent. Il ne suffit pas de dire qu’ils n’en sont pas bien persuadez ; c’est aller contre l’Experience, & les disculper de l’Egarement que nous leur reprochons.

Si cela est ainsi, l’on me demandera peut-être, d’où vient que les Hommes ne font pas usage de Principes sûrs & indubitables, plutôt que de bâtir sur des Fondemens ruineux, & qui peuvent servir à defendre l’Erreur de même que la Verité ?

Je reponds à ceci, qu’ils n’emploient pas de meilleurs Principes, parce qu’ils ne sauroient : mais cette incapacité ne vient pas du defaut des Talens naturels, (car on doit excuser le petit nombre de ceux qui se trouvent dans le cas) mais plutôt manque de les exercer & de les mettre en œuvre. Il y a peu d’Hommes qui soient accoutumez dès leur jeunesse à raisonner juste ; à remonter par une longue suite de consequences jusques aux premiers Principes d’où depend une Verité, & à observer la liaison qu’ils ont avec elle. Si l’on ne s’est aquis de bonne heure cette habitude par des actes reïterez, l’on n’en vient guere à bout dans un âge plus avancé : on n’aprend pas tout-d’un-coup à graver ou à designer, à danser sur la corde, ou a bien ecrire : il faut de l’exercice en toutes choses.

Cependant la plupart des Hommes cultivent si peu leur Esprit, qu’ils ne croient pas même d’en avoir besoin : ils expedient par routine ce qui regarde leur Profession, & s’il leur arrive quelquefois de s’y tromper, ils l’attribuent à toute autre chose qu’à leur manque de reflexion & d’habileté. Ils s’imaginent d’être parfaits à cet égard, & qu’ils ne sauroient aller plus loin ; mais si leur interêt ou quelque fantaisie attache leurs pensees à un Objet particulier, ils en raisonnent à leur mode ; bien ou mal, n’importe ; ils en sont contens, & cela suffit. Ils ont beau commettre quelque grosse bevuë, ils en rejettent toute la faute sur autrui, ou ils l’imputent à quelque accident qui est venu à la traverse, plutôt qu’à leur manque de Jugement. C’est un defaut que tout le monde cache, & dont personne ne se blâme. Satisfaits du maigre usage qu’ils font de leur Esprit, ils ne se mettent pas en peine de chercher de nouveaux moiens, pour lui donner plus d’étenduë ; & ils passent toute leur vie sans avoir aucune idée de ce qu’on apelle un Raisonnement juste, fondé sur des Principes solides, d’où on le tire par une longue enchainure de Propositions, qui dependent les unes des autres. Cette Methode est absolument necessaire pour demontrer certaines Veritez de speculation, que la plupart des Hommes admettent, & où ils sont le plus interessez : outre qu’en divers Cas ce n’est pas une seule chaîne, pour ainsi dire, de consequences qui suffit, mais il faut examiner & rassembler differentes deductions, souvent même opposées les unes aux autres, avant que l’on puisse porter un Jugement solide sur le Point qui est en question. Que peut-on donc attendre de la plupart des Hommes, qui ne sentent pas qu’on a besoin d’une pareille Methode, pour raisonner juste, ou s’ils le voient, qui ne savent pas de quelle maniere s’y prendre pour en venir à bout ? Vous pourriez aussi-tôt emploier un Païsan, qui connoît à peine les figures des Nombres, & qui n’a jamais en sa vie additionné trois differentes Sommes ; vous pourriez, dis-je, l’emploier aussi-tôt à regler les Livres d’un Marchand, & à en faire un Bilan exact.

Quel remede y a-t-il donc à ceci ? Je reponds, le même que j’ai dejà insinué plus d’une fois, c’est-à-dire l’Exercice & la Pratique. Il en est des Facultez de nos Ames, comme des Actions & des Mouvemens de nos Corps. Il n’y a personne qui prétende qu’un Homme sache bien écrire ou peindre, dancer ou faire des armes, ou exceller en toute autre Operation manuelle, quelque vigueur, quelque activité, quelque adresse ou disposition naturelle qu’il y ait, à moins qu’il n’ait emploié du tems & de la peine pour y reüssir. On peut dire la même chose de l’Esprit, voulez-vous qu’un Homme raisonne juste, vous devez l’y accoutumer de bonne heure, & l’exercer à remarquer la liaison des Idées & à les suivre par ordre. Il n’y a rien qui aide plus à ceci que les Mathematiques ; c’est pourquoi je serois d’avis qu’on les enseignât à tous ceux qui ont le loisir & la commodité de faire cette étude, non pas tant pour les rendre Mathematiciens, que pour les rendre des Créatures raisonnables ; car quoi que nous prenions tous ce titre, parce que la Nature nous le donne si nous voulons en profiter : avec tout cela on peut dire qu’elle ne nous en fournit que les semences, & qu’il n’y a que le seul usage & l’exercice, l’industrie & l’application qui nous rendent tels. Aussi lors qu’il s’agit de Raisonnemens ausquels on n’est pas accoutumé, il est facile de voir que les Consequences qu’on admet, ne sont point du tout raisonnables.

On a pris d’autant moins garde à ce foible, que chacun dans ses propres affaires emploie quelque sorte de Raison, bonne ou mauvaise ; ce qui suffit pour être nommé raisonnable. Mais le malheur est, que celui qu’on trouve raifonnable en Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/298 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/299 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/300 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/301 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/302 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/303 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/304 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/305 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/306 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/307 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/308 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/309 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/310 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/311 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/312 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/313 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/314 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/315 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/316 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/317 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/318 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/319 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/320 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/321 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/322 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/323 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/324 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/325 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/326 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/327 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/328 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/329 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/330 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/331 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/332 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/333 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/334 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/335 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/336 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/337 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/338 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/339 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/340 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/341 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/342 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/343 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/344 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/345 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/346 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/347 Page:Locke - Oeuvres diverses, 1710.djvu/348

  1. Qui summas Dialectiæ partes tribuerunt, atque inde fidissima Scientiis præsidia comparari putarunt, verissimè & optimè viderunt Intellectum humanum sibi permissum meritò suspectum esse debere. Verùm infirmior omnino est malo medicina ; nec ipsa mali expers. Siquidem Dialectica, quæ recepta est, licet ad civilia & artes, quæ in sermone & opinione positæ sunt, rectissimè adhibeatur ; naturæ tamen subtilitatem longo intervallo non attingit, & prensando quod non capit, ad errores potius stabiliendos & quasi figendos, quàm ad viam veritati aperiendam valuit.
  2. Necessariò requiritur ut melior & perfectior mentis & intellectùs humani usus & adoperatio introducatur.
  3. i Thess. v : 21.
  4. Quid valeant humeri, quid ferre recusent.